Que faut-il faire des DASRI ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 2766 du 14/02/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2766 du 14/02/2009
 

Le grand débat

Ils piquent, ils coupent, ils sont sales et ils font peur. Et pourtant, il faut bien en faire quelque chose de ces déchets de soins. Oui, mais quoi ? La question est loin d'être tranchée.

Journal officiel. 28 décembre 2008. Une phrase : « En l'absence de dispositif de collecte de proximité spécifique, les officines de pharmacies, les pharmacies à usage intérieur et les laboratoires de biologie médicale sont tenus de collecter gratuitement les déchets d'activités de soins à risque infectieux produits par les patients en autotraitement, apportés par les particuliers qui les détiennent. » Les représentants de la profession, les industriels et les associations de patients auront eu beau protester, arguant qu'une telle décision était un camouflet - des discussions étaient en effet en cours sous l'égide du ministère de l'Ecologie -, l'obligation de collecte gratuite des DASRI entrera en vigueur le 1er janvier 2010. L'article indique qu'un décret précisera « les conditions de la précollecte, de la collecte et de la destruction des déchets [...], notamment les conditions du financement de celles-ci par les exploitants et les fabricants ». Et pour celles et ceux qui rechigneraient, des sanctions seront fixées par décret en Conseil d'Etat.

Qu'entend-on au juste par DASRI ? Le terme désigne, entre autres, les déchets piquants, coupants perforants (aiguilles, lancettes, lames, cathéters, rasoirs, petites ampoules coupantes, bistouris...), mais aussi les déchets mous (compresses, pansements, sondes, tubulures, seringues sans aiguille, protections périodiques...) ou encore les déchets semi-liquides et liquides (poches de liquides, dispositifs de drainage, produits sanguins et liquides biologiques et leurs contenants...).

Alors, que faut-il voir dans ces modifications des règles du jeu ? Un désengagement caractérisé des collectivités ? Ou un renforcement du rôle du pharmacien dans l'accompagnement des patients ? Le débat est lancé.

Jean Parrot Président du Conseil national de l'ordre des pharmaciens« Les patients comprennent très bien que les pharmaciens ne récupèrent pas les produits sales »

« Chercher à tirer profit du réseau de proximité que constituent les pharmacies, c'est logique, mais il faut séparer la délivrance des produits de la récupération des déchets. On ne mélange pas le propre avec le sale ! Les contraintes sont très particulières. Il faut des sas, des désinfections régulières, des circuits spéciaux pour les déchets qui entrent et ceux qui sortent, sans parler de la mise en place du système de récupération. Si un des collaborateurs de l'officine se blesse, les pharmaciens n'imaginent même pas la responsabilité qui est la leur. Les patients comprennent très bien que l'on ne récupère pas des produits sales. D'ailleurs, en l'absence de div applicable, les pharmaciens peuvent refuser de collecter les DASRI. L'idéal, c'est l'implantation par les collectivités de points de collecte sécurisés à l'extérieur des officines, avec maintenance et ramassage réguliers. Il s'agit pour les patients d'un service de collecte de proximité, anonyme et accessible en permanence. Nous sommes prêts à participer à la construction d'un bon dispositif de récupération. On accepterait même une identification ou un ciblage de la borne sur la vitrine, comme on affiche les panneaux de garde. Mais là, cette proposition législative est un tour de passe-passe, une malhonnêteté intellectuelle. Plus qu'une mesure de protection sanitaire et environnementale, on a l'impression surtout que les collectivités cherchent à se désengager du secteur coûteux des déchets. Gouverner, c'est parfois mentir. C'est trop simple le y'a-qu'à-faut-qu'on, et les pharmaciens vont le faire. »

Jean-Marie Lefèvre Administrateur des Entreprises du médicament en charge de la démarche environnementale « Eduquer et sensibiliser les patients »

« Un travail d'éducation et de sensibilisation des patients est nécessaire. Il faut les responsabiliser en informant sur les notices des produits, sur les sites Internet des producteurs et par les médecins et les pharmaciens. Il est nécessaire également d'informer le public sur les points de recyclage. Certaines mairies et collectivités territoriales sont en avance, d'autres moins... Pour l'instant, il y a une polémique sur ce sujet. L'Etat dit : "responsabilité élargie des producteurs". C'est un peu stupide. N'oublions pas que nous sommes sur des prix administrés. La Sécurité sociale n'acceptera pas que le prix de remboursement augmente de 5 % pour financer le recyclage. Conclusion : greffons-nous sur l'existant. Ce n'est pas la peine de tout réinventer pour 3 000 tonnes de déchets ! Réalisons un maillage intelligent de la France pour que tout patient puisse, dans un rayon raisonnable autour de son domicile, aller remettre ses déchets d'activités de soins à risque infectieux. Bref, nous défendons plus la notion de responsabilité partagée des acteurs. L'industrie financera et mettra à disposition des collecteurs standard et normalisés via les grossistes-répartiteurs. Les pharmaciens pourront les commander grâce à un code CIP et les distribueront à leurs clients. Le médecin rappellera la nécessité absolue de veiller à respecter les conditions de sécurité environnementale et sanitaire. Et il écrira sur l'ordonnance "Retirer un collecteur à la pharmacie". Lorsque la boîte sera pleine, la personne la rapportera au point de collecte. La prise en charge des collecteurs va représenter plusieurs millions d'euros par an. On ne discute pas, on le finance intégralement. Mais on ne veut pas réinventer 22 000 bornes. Dans une ville où il y a 10 pharmacies, c'est aberrant d'installer 10 collecteurs. Si les collectivités font un diktat, on ne financera pas. Je pense qu'elles ont un souci de simplicité, doublé d'une obsession environnementale, mais la loi est inapplicable en l'état. Il faut nous laisser du temps. Nous pouvons proposer un plan concret et concerté dans les six mois. »

Gilles Bonnefond Président délégué de l'USPO« Nous ne voulons pas garder des déchets avec des résidus »

« Il faut poursuivre les négociations qui étaient en cours avant le dépôt du div et mettre en place une réflexion sur la mutualisation de tous les professionnels de santé concernés, des patients et des collectivités locales pour réduire les coûts. D'autant qu'il y a de grosses différences entre les déchets piquants et tranchants et les autres DASRI, et que la situation n'est pas comparable entre une officine se trouvant en région parisienne et une autre se trouvant en Ardèche. Ce qui est certain, c'est que nous ne voulons pas garder des déchets avec des résidus ou des excrétats. Enfin, vous imaginez un instant ce que cela peut donner en plein été, si le ramassage a lieu une fois par mois... Non, ce n'est pas sérieux. On peut faire passer tous les décrets que l'on veut, mais quand une loi est mal faite, opportuniste et non appropriée, elle reste inapplicable sur le terrain. Alors, c'est vrai que monter une filière de récupération reste compliqué. Les collectivités auraient dû le faire depuis longtemps. Au lieu de cela, on se décharge sur les pharmaciens. Nous sommes certes indispensables, mais là où il y a une grosse erreur de casting, c'est que nous sommes aussi les seuls à ne pas avoir besoin d'une filière d'élimination des déchets. Car nous ne sommes pas producteurs de déchets, contrairement aux autres professionnels de santé... »

L'Aude a trouvé la parade

Depuis l'automne 2007, l'Aude a mis en place un système de récupération des DASRI sur le Lauraguet et la moyenne vallée de l'Aude. A l'origine : la mobilisation d'une association de malades du diabète et des pharmaciens auprès du conseil général et des deux intercommunalités. « Dans les endroits où la solution est en place, elle donne entièrement satisfaction », résume Philippe Besset, président du Syndicat des pharmaciens de ce département rural. Les communautés de communes fournissent aux officines les boîtes de collecte jaunes, les conteneurs (de grands cartons), où elles sont déposées, et le matériel d'information. Les pharmaciens, eux, fournissent les boîtes à leur patient à l'occasion d'une délivrance.

La collecte des boîtes a lieu quatre fois par an, en fin de trimestre, sur trois jours, dans l'espace de vente de l'officine où se trouve le conteneur. « Cela ne coûte rien au pharmacien, si ce n'est le temps de donner la boîte au patient, l'autocollant précisant les dates de collecte et une explication sur l'intérêt d'adopter ce réflexe », détaille Philippe Besset. La communauté qui vient récupérer les cartons se charge d'incinérer les déchets en filière sélective. « Ici, 90 % des patients concernés sont des diabétiques. Les DASRI disparaissaient parfois dans la nature. Or le système fonctionne très bien pour le patient. Pour nous, cette gestion de produits non propres est tolérable car elle ne dure que trois jours par trimestre. » Cette courte durée permet de rester dans la légalité tout en évitant l'obligation de mise en conformité des locaux (pièce réservée, conditions de lavage et d'évacuation...). En moyenne, cinquante boîtes sont distribuées chaque trimestre dans les officines.

« Des trous dans le maillage »

« La réussite du dispositif nécessite un accord important entre communautés de communes et pharmaciens, or nous n'avons pas obtenu l'adhésion de toutes les intercommunalités. Il y a des trous dans le maillage et nous ne pouvons rien faire sans les autres, note Philippe Besset. Il faudrait peut-être rendre obligatoire cette récupération... » La moitié de l'Aude est couverte, mais seules une cinquantaine d'officines sur 146 adhèrent au dispositif.

Myriem Lahidely

Philippe Gaertner Président de la FSPF

« L'équipe officinale ne doit pas manipuler les DASRI »

« Les choses sont très claires pour nous. On ne veut pas de DASRI en permanence dans nos officines et nous ne voulons pas non plus que ces déchets soient manipulés par le personnel. La mission des pharmaciens ne réside en aucun cas dans l'entreposage ou dans le stockage des déchets, quels qu'ils soient. Il n'est pas concevable de réunir sur un seul et même lieu des circuits de distribution et d'élimination dont les activités doivent absolument être exercées séparément. Autant nous voulons bien être responsables et soucieux de l'intérêt de santé publique, autant cela ne doit pas faire courir le moindre risque à l'intérieur des pharmacies. Et là, avec cette obligation de recueil et de prise en charge, on est bien dans le cadre d'un nouveau transfert de charge. Les pharmaciens vont collecter gratuitement, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de coût, ne serait-ce que pour le temps passé à fournir des explications. Ce temps doit être valorisé, surtout dans le condiv économique actuel. A partir de là, comment procéder ?

Il me semble qu'un système de collecte organisé où les patients viennent déposer à date fixe leurs déchets dans l'officine est relativement satisfaisant. Le collecteur est ensuite enlevé dans la foulée. Quant à imaginer un système de collecte à proximité immédiate de l'officine, cela reviendrait très cher. »

Claude Japhet Président de l'UNPF« C'est un véritable coup de poignard dans le dos »

« Ce à quoi on assiste actuellement est un véritable coup de poignard dans le dos : un désengagement complet des collectivités locales et des mairies et la mise en danger d'un certain nombre d'acteurs de santé à qui on va demander de récupérer des produits souillés. Ce qui met le Code de la santé publique en porte à faux car le circuit des produits souillés doit être séparé de celui des produits non souillés.

On va vite se retrouver dans un système coûteux. Qui va prendre en charge ce nouveau circuit de destruction ? Moi, je vois plutôt un système où les conteneurs vides sont fournis aux pharmaciens par l'industrie, où ces mêmes pharmaciens les fournissent aux patients, où ces patients font le tri de leur matériel usagé et où le service de ramassage (tri sélectif) se charge d'acheminer et détruire. Mais à quoi cela sert-il que les boîtes reviennent à la pharmacie une fois pleines ? Est-ce qu'il faut un circuit de destruction particulier pour ces plastiques ? A partir du moment où les conteneurs sont fermés et incinérés à 2 000 °C, il me semble que cela va. Pour se débarrasser du problème, on dit aux patients de déposer les déchets chez les pharmaciens. Nous n'avons aucune assurance sur ce qui est susceptible de revenir dans les boîtes. C'est trop facile ! On n'est pas des éboueurs.

Il me semble qu'entre le patient et le lieu de destruction, on peut sûrement améliorer l'existant pour être certain que le produit finisse au bon endroit ! Ce n'est pas la peine de créer de toutes pièces une filière particulière pour cela. »

Gérard Raymond Président de l'Association française des diabétiques

« Pas question de payer en tant que malades »

« A l'AFD, nous sollicitons les pouvoirs publics depuis 10 ans pour trouver une solution à ce problème, un microproblème en termes de coût et de volume. Nous souhaitons une responsabilité élargie de tous les acteurs, et pas que le principe "pollueurs = payeurs" soit remis au goût du jour. Les industriels qui fournissent le matériel paieraient, s'occuperaient de toute la filière de récupération et les pharmaciens assureraient la collecte des déchets. Nous y sommes opposés sur la forme et sur le fond, mais vraisemblablement pas pour les mêmes raisons que les pharmaciens. Si on laisse la gestion de cette filière aux seuls industriels, le prix de vente du matériel risque d'augmenter et la question qui se pose est de savoir s'il y aura une différence à régler pour les patients diabétiques. Nous voulons bien payer en tant que citoyens, mais pas en tant que malades. Mettons plutôt en place des commissions locales dans chaque département, réunissons les différents acteurs de santé et les patients pour pouvoir réfléchir aux endroits les plus efficaces, pour voir comment les pharmaciens peuvent s'organiser. Je comprends d'ailleurs leur opposition à voir le sale et le propre se côtoyer dans les officines, et ce n'est certainement pas pertinent que toutes les pharmacies soient obligées de récupérer ces déchets-là. Evaluons les dispositifs déjà en place. On ne va pas balayer dix ans de bonne volonté de la part des uns et des autres pour le passage en force d'un div de loi à terme dangereux. »

Et vous ?

Le sujet des DASRI a suscité beaucoup de réactions spontanées de la part des pharmaciens ayant répondu à notre sondage Direct Medica. Certains d'entre vous s'indignent d'avoir à assumer cette responsabilité et soutiennent qu'il n'est pas de leur ressort d'assumer la collecte des DASRI. D'autres regrettent de ne pouvoir mieux gérer ce problème, faute d'une logistique adaptée ou d'un manque de soutien financier. En général, les pharmaciens expriment la volonté d'être formés. En attendant, ils font souvent preuve de débrouillardise et prennent des risques (pour eux et leur personnel), lesquels ne sont pas toujours couverts par leurs assurances professionnelles en cas d'accident.

Sondage directmedica

Sondage réalisé par téléphone les 27 et 28 janvier 2009 sur un échantillon représentatif de 100 pharmacies en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d'affaires. Les fréquences relatives aux questions à choix multiples sont calculées en fonction du nombre de répondants (et non du nombre global de réponses données)

Les patients n'y pensent pas toujours

A l'officine, les patients vous rapportent-ils des déchets d'activité de soins à risque infectieux ?

Beaucoup de refus

Acceptez-vous de reprendre ces déchets ?

Manque de place

Si vous n'acceptez pas de les reprendre, pourquoi ?

Des clients plutôt consciencieux

Si vous acceptez de reprendre les DASRI, où vos clients les mettent-ils quand ils en rapportent à l'officine ?

Si vous acceptez de reprendre les DASRI, proposez-vous à vos clients des boîtes de recueil ?

Des boîtes à disposition

Une pièce à part pour le stockage

Où stockez-vous les DASRI dans votre officine ?

La patate chaude

Qu'en faites-vous ensuite ?

Peu d'incidents

Certains membres de votre équipe (ou vous-même) se sont-ils déjà blessés en manipulant ces déchets ?

Logique pour un pharmacien sur cinq

Si vous acceptez de reprendre les DASRI, pensez-vous qu'en temps que professionnel de santé de proximité il soit logique que les pouvoirs publics vous le demandent ?

La norme ne fait pas tout

Seriez-vous plus à l'aise pour collecter les DASRI s'il existait une norme nationale pour dire comment faire ?

Peu de communes équipées

Votre commune possède-t-elle un conteneur collecteur de DASRI ?

Chiffres clÉs

165 000 tonnes de DASRI produites chaque année dont

- 150 000 par les établissements de santé

- 9 000 à 13 000 par les professionnels en exercice libéral et les laboratoires d'analyses médicales

- 2000 à 3000 par les patients en autotraitement

Prévoyez-vous de fermer votre officine le 30 mai prochain en signe de protestation ?


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