Antiépileptiques 15 cas pratiques - Le Moniteur des Pharmacies n° 2764 du 31/01/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2764 du 31/01/2009
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

1-effets indésirables

Philippe S. a de la fièvre

Philippe S., 42 ans, est un client habituel de la pharmacie, traité depuis plusieurs années pour des épisodes d'épilepsie partielle. Son traitement comprend de la carbamazépine (Tégrétol) à raison de un comprimé LP à 400 mg matin et soir. Il se présente aujourd'hui, visiblement très fatigué, et explique au pharmacien qu'il se sent fiévreux depuis la veille et que ce matin il a 38,8 °C de température. Monsieur S. se plaint également d'une gêne dans la gorge. Il demande de l'Actifed et un collutoire.

Cet épisode pyrétique doit-il inquiéter le pharmacien ?

Oui, certains antiépileptiques peuvent générer des troubles hématologiques. La lecture du Vidal confirme au pharmacien que la carbamazépine peut notamment induire des leucopénies.

Analyse du cas

Sous carbamazépine, les leucopénies sont très fréquentes (> 10 %) et les thrombocytopénies et hyperéosinophilies fréquentes (1 à 10 %). De très rares agranulocytoses (< 0,01 %) peuvent également survenir. Elles sont dose-dépendantes et apparaissent dans le cadre de traitements prolongés. La réintroduction de la molécule après une période d'arrêt ne provoque pas de toxicité si les doses administrées sont plus faibles que lors du précédent traitement.

L'apparition de troubles hématologiques avec d'autres antiépileptiques n'est pas exceptionnelle.

- Sous phénobarbital, primidone et phénytoïne, des anémies mégaloblastiques (rares : 0,01 à 0,1 %) par carence en acide folique peuvent survenir. Elles peuvent être prévenues par une supplémentation en vitamine B9.

- L'éthosuximide et - rarement - la phénytoïne peuvent notamment être à l'origine d'agranulocytoses et de pancytopénies. Les agranulocytoses sévères avec un taux de leucocytes < 1 000/mm3 sont très rares mais imposent l'arrêt du traitement et l'éventuelle réalisation d'un myélogramme.

- Le valproate entraîne parfois des thrombocytopénies dose-dépendantes avec augmentation du temps de coagulation due à une inhibition de l'agrégation plaquettaire : il est recommandé de diminuer la posologie de valproate si le taux de plaquettes est inférieur à 100 000/mm3.

- Le felbamate (Taloxa, réservé à l'hôpital) est souvent à l'origine d'aplasies médullaires sévères. Du fait de leur fréquence, son indication est limité au syndrome de Lennox-Gastaut (encéphalopathie épileptique rare de l'enfant). Une surveillance hématologique mensuelle est obligatoire dans le cadre de ce traitement.

Attitude à adopter

L'état fébrile du patient doit conduire à la réalisation en urgence d'un hémogramme pour éliminer l'hypothèse d'une agranulocytose ou d'une aplasie médullaire. Le pharmacien propose à monsieur S. d'appeler immédiatement son médecin. De fait, celui-ci lui demande de se rendre d'urgence au laboratoire de l'hôpital où il consulte afin de faire réaliser un hémogramme. Finalement, l'examen ne révélera qu'une discrète leucopénie. La situation est donc rassurante : l'épisode fébrile de monsieur S. est probablement dû, dans le cas présent, à une simple infection virale.

2-effets indésirables

Un mal de dos suspect

Paul, 39 ans, est traité pour une épilepsie partielle, un diabète et une hypertension artérielle. Du fait de la polymédication du patient, le neurologue a opté, il y a plusieurs années, pour une monothérapie anticomitiale par topiramate (Epitomax 100 mg/j). Paul se présente ce soir à la pharmacie en se plaignant de vives douleurs dorsales. Il ne voit pas quel effort a pu induire ce lumbago et demande un antalgique.

Le pharmacien doit-il être alerté par ces symptômes ?

Oui. Un traitement par topiramate est susceptible d'induire des lithiases rénales, aussi l'hypothèse iatrogène doit-elle être prise en compte.

Analyse du cas

Le topiramate constitue un traitement compatible avec le profil du patient du fait des rares interactions qu'il génère. Il exerce néanmoins, comme le zonisamide (Zonegran), une action inhibitrice sur l'anhydrase carbonique rénale et expose donc à un risque de formation de lithiase urinaire et de néphrocalcinose. Ces effets sont liés à la modification du pH dans les tubules rénaux avec précipitation de sels oxalocalciques.

Attitude à adopter

Le pharmacien fait part à Paul de la possible implication de l'Epitomax dans l'apparition de ses douleurs et l'invite à consulter rapidement son médecin. En attendant, il lui délivre du paracétamol pour le soulager.

Paul revient quelques jours plus tard et explique que ses examens médicaux ont effectivement permis de mettre en évidence plusieurs petits calculs expliquant la survenue brutale des douleurs. Ils ne justifient cependant, du moins à court terme, que de simples mesures qui devraient permettre leur dissolution : augmenter la diurèse quotidienne jusqu'à 1,5 l au moins ; choisir une eau de boisson peu minéralisée ; limiter les aliments riches en oxalates (cacao, café, thé, épinards, rhubarbe, fenouil, cresson, asperges... ) ; diminuer la consommation de viandes et d'alcool ; limiter les excès alimentaires ; respecter de faibles apports en calcium.

3-effets indésirables

Démangeaisons sous Lamictal

Léa, 15 ans, 45 kg, est traitée depuis plusieurs mois pour une épilepsie partielle. Son traitement par phénobarbital (Gardénal 50 mg x 2/j) n'ayant pas permis la stabilisation, le neurologue a décidé il y a 3 semaines d'y ajouter de la lamotrigine (Lamictal 50 mg le matin pendant 15 jours puis 50 mg matin et soir pendant les 15 jours suivants). Il doit revoir Léa à l'issue de ce traitement. Ce soir, la mère de Léa appelle la pharmacie, inquiète : sa fille a 38,5° C de température et se plaint depuis quelques heures de démangeaisons sur le buste, et elle n'arrive pas à joindre son médecin...

« Ces symptômes sont-ils liés au Lamictal ? »

La lamotrigine peut en effet être à l'origine de manifestations allergiques ou de réactions cutanées graves.

Analyse du cas

Le Lamictal est instauré à doses progressives selon un schéma bien établi, mentionné dans le RCP.

- Le risque de survenue de réactions cutanées graves sous lamotrigine est maximal dans les 8 premières semaines de traitement et plus important chez les enfants.

- Il est majoré par une posologie initiale trop élevée, une augmentation trop rapide des doses et l'association au valproate, au divalproate ou au valpromide qui ont pour effet de doubler la demi-vie de la lamotrigine.

- Ces éruptions sont souvent bénignes mais peuvent, dans de rares cas, être graves et potentiellement fatales : syndromes de Stevens-Johnson ou de Lyell. Ces derniers débutent souvent par de la fièvre, des symptômes muqueux et/ou l'apparition de vésicules au niveau cutané qui peuvent rapidement s'étendre et provoquer un décollement cutanéomuqueux étendu et gravissime.

Attitude à adopter

Même si la posologie de Lamictal est ici conforme aux recommandations, le pharmacien explique à la maman de Léa que ces symptômes sont peut-être liés au traitement. Dans le doute, il est préférable qu'elle ne le prenne pas ce soir et qu'elle se rende immédiatement aux urgences.

4-effets indésirables

Drôle de vision pour Marc

Marc, 29 ans, souffre d'une épilepsie partielle résistante. Diagnostiquée il y a plusieurs années, elle n'est équilibrée que depuis quelques mois. Le traitement de Marc associe désormais de la vigabatrine (Sabril 3 g/j) et de l'oxcarbazépine (Trileptal 600 mg 2x/j). Aujourd'hui, la soeur du patient évoque au comptoir des troubles de la vision apparus depuis peu chez son frère.

Les troubles visuels de Marc peuvent-ils être liés à son traitement ?

La vigabatrine expose souvent à des effets iatrogènes ophtalmologiques. La fréquence, la possible sévérité et le caractère irréversible de ces affections expliquent la mention spéciale apparaissant dans le RCP du Sabril.

Analyse du cas

Marc est sous Sabril depuis 2 ans. Ce médicament est responsable d'un rétrécissement concentrique bilatéral du champ visuel chez environ 1/3 des patients. Cette lésion conduisant à une vision tunnellaire est irréversible et apparaît après plusieurs mois ou années de traitement. Elle justifie une surveillance ophtalmologique biannuelle destinée à déceler la survenue parfois brutale de signes oculaires de différentes natures : anomalie du champ visuel (très fréquente) ; vision trouble, diplopie, nystagmus, modification de la vision des couleurs (fréquents) ; atrophie rétinienne périphérique, névrite optique, atrophie du nerf optique (rares à très rares). Par ailleurs, de nombreux autres antiépileptiques (voir schéma p. 8) sont à l'origine de troubles visuels sans pour autant imposer un suivi aussi strict.

Attitude à adopter

Le pharmacien doit encourager Marc à consulter en urgence son ophtalmologue. Interrogé, le patient explique qu'il effectue habituellement son examen de contrôle tous les 6 mois, mais un voyage à l'étranger et une certaine lassitude l'ont poussé à annuler son dernier rendez-vous. L'ophtalmologiste, en liaison avec le neurologue, devra réviser la pertinence du traitement par vigabatrine au regard des bénéfices attendus.

5-effets indésirables

Gaëlle a pris 4 kilos !

Gaëlle, 17 ans, est traitée par valproate de sodium (Dépakine Chrono matin et soir) en monothérapie depuis 5 mois. Elle dit ressentir depuis quelque temps de brutales fringales et reconnaît avoir tendance à manger plus. Elle semble très embêtée d'avoir récemment pris 4 kg.

Cette prise de poids peut-elle être liée au traitement ?

Oui, divers antiépileptiques sont connus pour induire une prise de poids parfois importante.

Analyse du cas

Les prises de poids sous antiépileptiques ont notamment pour origine une perturbation des métabolismes lipidique et glucidique (résistance à l'insuline avec apparition d'un syndrome métabolique). De plus :

- Le valproate de sodium (Dépakine), la gabapentine (Neurontin), la prégabaline (Lyrica) et la vigabatrine (Sabril) ont une action orexigène.

- La carbamazépine (Tégrétol) inhibe l'excrétion aqueuse, provoquant une hyponatrémie et la formation d'oedèmes (possible syndrome de sécrétion inappropriée de l'hormone antidiurétique).

-Le risque de prise de poids est accru en cas d'association d'un anticonvulsivant à visée normothymique et d'un antipsychotique, fréquente dans le traitement de la maladie bipolaire.

- Le topiramate (Epitomax), le felbamate (Taloxa) et le zonisamide (Zonegran) peuvent, par contre, entraîner une perte de poids.

- Phénytoïne (Di-Hydan) et lamotrigine (Lamictal) ne modifient pas la masse pondérale.

Attitude à adopter

La prise de poids liée aux traitements antiépileptiques (ou antipsychotiques) pose un problème sanitaire mais entrave également l'observance du traitement. Le pharmacien doit convaincre Gaëlle de poursuivre son traitement. Il lui précise qu'elle ne doit pas hésiter à en parler à son neurologue. Celui-ci pourra peut-être lui proposer un traitement influant moins sur le poids. De plus, le pharmacien rappelle à la jeune fille les mesures d'hygiène alimentaire et physique pouvant l'aider à limiter le gain pondéral.

6-effets indésirables

Une épilepsie alcoolique

Yves, 63 ans, a été victime d'une crise comitiale généralisée, probablement liée à son alcoolisme. Hospitalisé, il se voit prescrire du diazépam (Valium) par voie parentérale pendant 24 h, puis per os (10 mg/6 h, puis réduction d'une prise quotidienne par paliers de 3 j). Yves sort de l'hôpital au troisième jour et vient acheter son traitement.

Pourquoi la prescription alerte-t-elle le pharmacien ?

Le pharmacien sait que de nombreux antiépileptiques sont hépatotoxiques. Or, la fonction hépatique d'Yves est susceptible d'être altérée du fait de son alcoolisme. La lecture du Vidal lui confirme que le Valium est d'ailleurs contre-indiqué en cas d'insuffisance hépatique sévère.

Analyse du cas

La crise d'épilepsie du patient est dite « alcoolique ». Cet épisode peut faire suite à une intoxication alcoolique aiguë, compliquer une intoxication chronique (c'est le cas d'Yves) ou survenir lors d'une période de manque. Le traitement anticomitial des sujets alcoolodépendants est délicat compte tenu de la toxicité hépatique de nombreuses molécules. Le diazépam est souvent choisi du fait de sa capacité à prévenir également les manifestations de sevrage alcoolique. Le traitement est de courte durée, mais il doit être relayé par une prise en charge spécialisée, susceptible de durer plusieurs années. La prescription de médicaments d'aide au maintien de l'abstinence sera probablement proposée au patient.

Attitude à adopter

Le pharmacien appelle le prescripteur pour discuter des risques hépatiques encourus par le patient, d'autant que les comprimés ne sont pas indiqués dans l'épilepsie. Le médecin explique que le Valium est souvent prescrit dans ce condiv malgré le risque hépatique et que la démarche est validée par la conférence de consensus sur le sevrage alcoolique (ANAES ). La prescription a été établie en attendant la mise en route d'une procédure de sevrage par un spécialiste. En effet, l'unique solution thérapeutique pour le patient est l'abstinence.

1-interactions médicamenteuses

Des gencives douloureuses

Monsieur R., 64 ans, est sous phénytoïne (Di-Hydan) et valproate de sodium (Dépakine Chrono) depuis plusieurs années. Son penchant naturel pour l'alcool s'étant aggravé depuis le décès de sa femme, le médecin lui a récemment prescrit du disulfirame (Espéral). Ce matin, au comptoir, il se plaint de souffrir des gencives.

L'Espéral peut-il être à l'origine de cet état gingival ?

Le pharmacien fait le rapprochement avec l'hyperplasie gingivale souvent induite par la phénytoïne, mais vérifie dans le Vidal si le disulfirame peut être impliqué dans ce phénomène. La monographie d'Espéral indique en effet que ce médicament augmente rapidement les taux sériques de phénytoïne et majore le risque iatrogène de l'antiépileptique.

Analyse du cas

Monsieur R. reconnaît avoir des problèmes dentaires depuis de nombreuses années et avoue ne jamais s'être fait soigner. Il souligne la fréquence des saignements et le gonflement des gencives depuis plusieurs mois. Ces signes ont toutefois été brutalement exacerbés depuis qu'il est sous Espéral. La phénytoïne semble agir sur les fibroblastes et les kératinocytes avec hyperproduction locale de collagène. De ce fait, une hyperplasie gingivale dose-dépendante apparaîtrait chez 15 à 50 % des patients sous phénytoïne et avec une fréquence supérieure chez l'enfant. Cet effet indésirable est réversible dans les mois suivant l'arrêt du traitement.

Attitude à adopter

Le pharmacien conseille tout d'abord à monsieur R. de contacter son médecin pour lui signaler la récente aggravation de son état gingival. Celui-ci pourra éventuellement décider d'arrêter le traitement par Espéral. Il est en outre primordial de rappeler au patient la nécessité de suivre aussi scrupuleusement que possible les règles d'hygiène buccale. En effet, la plaque dentaire et l'existence de poches parodontales favoriseraient la rétention locale de phénytoïne, augmentant la sévérité des symptômes gingivaux.

2-interactions médicamenteuses

De la carbamazépine sous antivitamine K

Paul T., 68 ans, est un client habituel de la pharmacie. Suite à des troubles du rythme auriculaire, il est traité depuis 2 ans par un anticoagulant oral (Préviscan 1/2 cp un jour, 3/4 cp le lendemain) associé à un tonicardiaque (Hémigoxine 1 cp/j). La brève crise d'épilepsie d'origine vasculaire dont il a été victime la veille explique la prescription de carbamazépine (Tégrétol) par l'interne des urgences. C'est la femme de Paul qui vient chercher le nouveau médicament à l'officine.

La préparatrice peut-elle délivrer le Tégrétol ?

Non. Elle connaît bien Paul, sait qu'il est traité par Préviscan. La carbamazépine fait partie des médicaments susceptibles d'interférer avec les antivitamines K. Au moment de la délivrance, une alerte mentionnant une précaution d'emploi apparaît sur l'ordinateur.

Analyse du cas

Le traitement anticoagulant de Paul est actuellement bien équilibré (INR à 2,6 pour un INR cible entre 2 et 3). Certains antiépileptiques peuvent perturber l'équilibre des traitements anticoagulants :

- Des antiépileptiques inducteurs enzymatiques augmentent la vitesse d'élimination des anticoagulants : la carbamazépine (Tégrétol), à une moindre échelle l'oxcarbazépine (Trileptal ; cette interaction n'est pas mentionnée dans le RCP), la phénytoïne (Di-Hydan), la fosphénytoïne (Dilantin, réservé à l'hôpital), le phénobarbital (Alepsal, Gardénal) et la primidone (Mysoline) induisant un risque de thrombose.

- L'acide valproïque (Dépakine, Micropakine) favorise les saignements par diminution du taux de fibrinogène, allongement du temps de saignement, thrombopénie dose-dépendante et inhibition de l'agrégation plaquettaire. Cet effet s'ajoute à l'action des antivitamines K.

- Le felbamate (Taloxa, réservé à l'hôpital) est susceptible d'induire un surdosage en antivitamine K.

- Il est conseillé de mesurer l'INR 3 à 4 jours après toute modification d'un traitement antiépileptique, qu'elle soit qualitative ou quantitative. Toutefois, l'interaction avec les inducteurs enzymatiques peut mettre 2 à 3 semaines à se développer ou à régresser. Tout signe d'appel, même minime (ecchymose ou épistaxis), doit imposer un contrôle immédiat de l'INR.

Attitude à adopter

Le pharmacien décide de contacter l'hôpital. Apparemment, Paul, comme sa femme, éprouvés par la survenue de la crise comitiale, ont oublié d'évoquer le traitement par antivitamine K, et le traitement antiépileptique a été mis en place dans la précipitation. Le médecin suggère de remplacer la carbamazépine par de la lamotrigine (Lamictal), molécule peu sédative, qui constitue une solution adaptée à la situation de Paul puisqu'elle n'agit pas sur la coagulation. Toutefois, l'introduction de ce traitement impose un équilibrage posologique très progressif afin de limiter la survenue d'effets indésirables, notamment cutanés. Le médecin faxe la nouvelle ordonnance en attendant que madame T. ne revienne la chercher à l'hôpital. Le pharmacien en profite pour insister de nouveau sur la délicate surveillance du traitement anticoagulant et rappelle à la cliente qu'il est primordial de mentionner systématiquement à tout médecin que son mari est traité par Préviscan.

pharmacologie

Stratégie de traitement d'une épilepsie

Le traitement vise à réduire au maximum la fréquence des crises et à minimiser les effets indésirables altérant la qualité de vie du patient. Il est initié à dose progressive par une monothérapie choisie selon l'activité de la molécule et le type de crises, mais également selon sa tolérance :

- Le traitement de première intention des épilepsies généralisées est le valproate (Dépakine, Micropakine). La lamotrigine (Lamictal) constitue une alternative.

- Dans les formes partielles, la première ligne est constituée par la carbamazépine (Tégrétol), l'oxcarbazépine (Trileptal), la gabapentine (Neurontin), la lamotrigine (Lamictal) ou le valproate.

L'échec d'une monothérapie de première ligne peut résulter d'une inadaptation posologique : erreur de prescription ou mauvaise observance du traitement. Tant que l'efficacité optimale n'est pas obtenue, la dose est augmentée progressivement jusqu'à ce que le patient ressente les tout premiers effets indésirables dose-dépendants. Si le traitement demeure insuffisamment efficace à cette dose, le choix de la molécule est modifié. Après 2 ou 3 échecs, le passage à une bithérapie est recommandé en tenant compte des éventuelles interactions entre antiépileptiques. Une prescription adaptée et bien suivie permet une rémission totale dans 75 % des cas.

- La persistance des crises après 2 ans de traitement (au moins 2 monothérapies différentes par des antiépileptiques majeurs puis au moins une bithérapie) signe une pharmacorésistance (environ 25 % des patients). Le recours à une trithérapie a alors peu de chance de se révéler efficace. L'exérèse chirurgicale des zones corticales affectées par les décharges électriques représente dans ce cas l'unique traitement potentiel.

Comment agissent les principaux antiépileptiques ?

Molécules à l'origine d'une augmentation de l'action du GABA

- Vigabatrine et stiripentol inhibent la GABA-transaminase responsable de la dégradation du GABA.

- Tiagabine et stiripentol augmentent le taux de GABA dans la fente synaptique en inhibant sa recapture présynaptique.

- Benzodiazépines, phénobarbital, stiripentol, topiramate et zonisamide augmentent l'effet du GABA sur les récepteurs GABA-A.

- Le valproate augmente les taux de GABA.

Molécules inhibant l'action excitatrice du glutamate

- La lamotrigine inhibe la libération synaptique du glutamate.

- Valproate et felbamate antagonisent les récepteurs NMDA.

Molécules inhibant la propagation de l'excitation électrique

- Ethosuximide, gabapentine, zonisamide et lamotrigine inhibent le canal calcique responsable d'influx excitateurs.

- Carbamazépine, oxcarbazépine, valproate, phénytoïne, topiramate, zonisamide et lamotrigine inhibent le canal sodique.

Des effets iatrogènes variés et parfois sévères

Localisation des principaux effets indésirables des antiépileptiques

Les traitements antiépileptiques ont de nombreux effets indésirables, souvent transitoires mais parfois handicapants. De ce fait, la plupart des médicaments imposent une surveillance régulière. Il est donc primordial pour le pharmacien de connaître le suivi usuel et les effets iatrogènes des différents antiépileptiques pour amorcer le dialogue avec les patients et leurs proches, les rassurer, les inciter à l'observance et au respect des examens de suivi, particulièrement contraignants.

Troubles neuropsychiatriques

Les troubles neurologiques et psychiatriques sont observés avec tous les antiépileptiques mais à des degrés divers selon les molécules et les doses prescrites. Ils sont souvent transitoires et cèdent à la poursuite du traitement. Ils se traduisent la plupart du temps par de la fatigue, une somnolence diurne, des céphalées, une confusion mentale (notamment chez le sujet âgé), une « viscosité intellectuelle », rapportée notamment avec le phénobarbital ou la primidone, des troubles cérébelleux et oculomoteurs accompagnés de sensations vertigineuses, une ataxie.

Dans de rares cas, le valproate peut induire un syndrome parkinsonien réversible.

Troubles de l'appareil digestif

- Troubles gastro-intestinaux : nausées, parfois vomissements, troubles de la motricité intestinale sont plus ou moins fréquents, mais souvent transitoires.

- Troubles hépatiques : les plus sévères s'observent avec le valproate. Des atteintes graves sont également décrites avec le felbamate (réservé à l'hôpital).

- Troubles pancréatiques : ils sont rares mais décrits avec le valproate.

Anomalies de la formule sanguine

Elles sont essentiellement décrites avec la carbamazépine, le phénobarbital, l'éthosuximide, la phénytoïne (rares mais parfois fatales) et la tiagabine (troubles de la coagulation). Le felbamate (réservé à l'hôpital) est à l'origine d'aplasies médullaires limitant son administration.

Troubles métaboliques

Hyponatrémie : carbamazépine, oxcarbazépine

Réactions cutanées

Si des réactions cutanées peuvent apparaître avec la plupart des antiépileptiques, les manifestations les plus sévères s'observent avec la carbamazépine, le phénobarbital, le zonisamide et, surtout, la lamotrigine. Une instauration très progressive de ces traitements est nécessaire pour limiter ces effets.

Troubles oculaires

- Nystagmus et diplopie surviennent fréquemment mais de façon transitoire

- De rares atteintes du champ visuel sont décrites avec la prégabaline et la tiagabine

- La vigabatrine peut induire des anomalies sévères et irréversibles du champ visuel, imposant une surveillance étroite tous les six mois.

Divers

- Néphrolithiases fréquentes sous topiramate et assez rares sous zonisamide.

- Troubles gingivaux : phénytoïne (hyperplasie) et gabapentine (gingivite).

- Prise de poids : carbamazépine, lévétiracétam, prégabaline, stiripentol, gabapentine, valproate.

- Hyperpigmentation des zones découvertes : phénytoïne

- Hirsutisme, acné : phénytoïne.

- Troubles de l'activité sexuelle : benzodiazépines (modification de la libido), prégabaline (troubles érectiles).

- Arthralgies : phénobarbital (rhumatisme « gardénalien »), gabapentine.

- Syndrome de dépendance : phénobarbital, primidone, benzodiazépines.

3-interactions médicamenteuses

Lamictal et pilule : attention aux crises !

Noémie, 16 ans, souffre d'une épilepsie partielle équilibrée depuis deux ans par une monothérapie de lamotrigine (Lamictal 100 mg matin et soir). Cette prescription est régulièrement renouvelée par le neurologue qui la suit depuis presque huit ans. La semaine dernière, Noémie s'est rendue au planning familial afin de bénéficier d'une contraception orale. Aujourd'hui, elle se présente à la pharmacie avec une ordonnance de Trinordiol.

Le pharmacien peut-il délivrer le contraceptif sans hésitation ?

Non ! Certains antiépileptiques interagissent avec les contraceptifs oraux, aussi le pharmacien préfère-t-il vérifier dans la monographie du Vidal ce qu'il en est pour le Lamictal. Elle confirme que cette association expose à un risque majeur d'interaction avec survenue de crises comitiales brutales.

Analyse du cas

La contraception des femmes traitées par anticonvulsivants est un point délicat. Trinordiol est un contraceptif estroprogestatif combiné minidosé triphasique. Il associe de l'éthinylestradiol (30 à 40 mg) à du lévonorgestrel. Cette association réduit en moyenne d'un facteur deux les concentrations sériques de lamotrigine par augmentation de son métabolisme, ce qui expose à un risque accru de crise d'épilepsie. L'instauration d'une contraception orale chez une patiente sous Lamictal impose une surveillance clinique particulière et l'adaptation de la posologie de lamotrigine lors de la mise en route de la contraception et après son arrêt. De plus, l'instauration de ce type de contraception doit être évitée pendant la période d'ajustement des posologies de cet antiépileptique.

Inversement, la lamotrigine pourrait réduire le taux d'estrogènes et l'efficacité de la contraception orale (interaction mentionnée dans le RCP du Trinordiol). Cependant, les résultats des différentes études menées à ce sujet ne sont pas unanimes.

Il s'agit, quoi qu'il en soit, d'une interaction difficile à gérer.

Attitude à adopter

Le pharmacien explique l'importance du problème à Noémie et lui propose de contacter son neurologue. Lors de l'entretien téléphonique, le spécialiste confirme qu'il ne faut pas délivrer le Trinordiol. Il demande à revoir la patiente pour en discuter avec elle. En attendant, le pharmacien conseille à la jeune fille l'usage de préservatifs.

Dans le cas présent, trois solutions pourront être envisagées :

- Le médecin peut réajuster le traitement anticomitial en augmentant la posologie du Lamictal. Pour autant, l'efficacité de la contraception peut ne pas être optimale.

- Le médecin peut modifier le traitement antiépileptique en prescrivant une molécule n'interagissant pas avec les estroprogestatifs comme, par exemple, la prégabaline (Lyrica).

- Enfin, malgré le jeune âge de Noémie, il peut recourir à une contraception non hormonale et lui proposer la pose d'un stérilet (les DIU ne sont pas contre-indiqués chez les nullipares). Cette technique a l'avantage de ne pas risquer de déséquilibrer un traitement anticomitial patiemment équilibré.

4-interactions médicamenteuses

Jean-Louis L. a la bouche sèche

Jean-Louis L., 59 ans, est traité depuis plusieurs années par de la carbamazépine (Tégrétol) en monothérapie pour son épilepsie. Bien équilibré par ce traitement, sa dernière crise remonte à 5 ans. Son licenciement économique, il y a quelques mois, est à l'origine d'une dépression prise en charge médicalement depuis peu. Pendant les 2 premières semaines, son traitement à base de fluoxétine (Prozac) était associé à du bromazépam (Lexomil). Puis, la semaine dernière, le médecin a supprimé l'anxiolytique et prescrit à M. L. du Di-Antalvic pour soulager une douleur liée à une ostéophytose vertébrale. Ce matin, le patient se présente au comptoir gêné par la survenue de vertiges passagers, d'une sécheresse de la bouche et d'une inhabituelle constipation. Il voudrait savoir ce qu'il faut faire.

Ces signes semblent-ils avoir une origine iatrogène ?

Oui, ils sont évocateurs d'un surdosage de carbamazépine, que le pharmacien peut corréler à une interaction avec les traitements associés : fluoxétine et dextropropoxyphène.

Analyse du cas

Le risque de potentialiser les effets indésirables induits par la carbamazépine lors d'un traitement concomitant doit systématiquement être pris en compte. Ici, les deux médicaments associés au traitement anticomitial sont connus pour augmenter le taux sanguin de carbamazépine.

En effet la fluoxétine et le dextropropoxyphène inhibent le CYP3A4.

- L'association du dextropropoxyphène à la carbamazépine est déconseillée dans les résumés des caractéristiques des produits.

- Outre le fait que le traitement antidépresseur par fluoxétine, fluvoxamine ou sertraline peut augmenter les taux plasmatiques de carbamazépine, tout antidépresseur inhibiteur de la recapture de la sérotonine peut augmenter la fréquence des crises d'épilepsie et, comme la carbamazépine, induire une hyponatrémie, notamment chez le sujet âgé.

Attitude à adopter

Monsieur L. étant équilibré depuis longtemps pour son épilepsie, il semble raisonnable de ne pas modifier la prescription de carbamazépine. Le pharmacien décide de contacter le généraliste et attire son attention sur la double interaction. Il évoque le fait que, parmi les antalgiques de palier II, la codéine est globalement mieux tolérée que le dextropropoxyphène et diminue le risque d'interaction. Lorsque le maintien du dextropropoxyphène s'impose, il est important de surveiller le patient au plan clinique et de doser régulièrement ses taux sanguins de carbamazépine afin d'en ajuster au mieux la posologie et d'éviter la survenue d'effets indésirables.

Compte tenu des éléments cliniques et de l'intensité moyenne des symptômes dépressifs de monsieur L. décrits par le médecin, le pharmacien suggère la prescription de tianeptine (Stablon) ou de mirtazapine (Norset). Le médecin acquiesce et demande à revoir le patient dans l'après-midi. Il prescrira finalement Stablon et Codoliprane.

5-interactions médicamenteuses

Monsieur B. ne reconnaît plus madame B.

Monsieur B., 78 ans, est sous carbamazépine (Tégrétol). Il bénéficie en parallèle d'un traitement par un inhibiteur de l'enzyme de conversion (Triatec 2,5 mg) qui ne suffit plus à contrôler son hypertension artérielle. Il y a 5 jours, le médecin a ajouté du furosémide au traitement (Lasilix LP 60 mg). Ce matin, madame B. se présente au comptoir, affolée. Son mari, fatigué depuis un jour ou deux, s'est réveillé ce matin désorienté et anxieux, et a mis plusieurs minutes pour la reconnaître. Tout est finalement rentré dans l'ordre mais elle demeure inquiète.

Ce brusque épisode de confusion mentale est-il surprenant ?

Non, car monsieur B. prend 2 médicaments hyponatrémiants (carbamazépine et furosémide), dont l'association nécessite des précautions d'emploi. Les symptômes décrits par sa femme peuvent être la conséquence d'un tel déséquilibre.

Analyse du cas

Carbamazépine, oxcarbazépine et lamotrigine sont connues pour être hyponatrémiantes. L'introduction du furosémide a favorisé le déséquilibre ionique. L'hyponatrémie induit une hypotension avec asthénie et vertiges. La fatigue de monsieur B. en constituait donc probablement un prodrome.

Le risque d'hypokaliémie doit également toujours être pris en compte chez le sujet âgé polymédiqué : ici, l'ordonnance associe plusieurs molécules susceptibles d'exposer à cet effet indésirable mais aucun contrôle ne semble avoir été prescrit par le médecin.

Attitude à adopter

Le pharmacien contacte le prescripteur. Ce dernier préconise un arrêt immédiat du Lasilix et demande un ionogramme en urgence. Il souhaite revoir le patient le lendemain pour réévaluer le traitement antihypertenseur. En pratique, il pourra augmenter la dose de Triatec ou prescrire une association fixe ramipril + hydrochlorothiazide (Cotriatec), sous surveillance régulière de l'ionogramme.

1-profils particuliers

Générique ou princeps ?

Monsieur F., 62 ans, est énervé. Le remplaçant de son médecin vient de renouveler son ordonnance d'antiépileptique et le nom du médicament qu'il a mentionné ne correspond pas à son médicament habituel. Il veut savoir ce que c'est et pourquoi une prescription reconduite depuis plusieurs années a été changée, d'autant que le remplaçant ne lui a rien dit.

Le traitement a-t-il réellement été modifié ?

Non, bien sûr. Le médecin a simplement rédigé la prescription en dénomination commune.

Analyse du cas

L'observation de déséquilibres chez des patients épileptiques a conduit l'Afssaps à évaluer la substitution générique chez ces patients. L'enquête, publiée le 29 janvier 2008, n'a pu établir de lien entre la substitution et les récidives de crises. L'efficacité et la sécurité des génériques d'antiépileptiques ne sont pas remises en cause et les règles d'obtention de l'AMM pour ceux-ci restent inchangées, notamment en ce qui concerne les études de bioéquivalence. La Ligue française contre l'épilepsie souligne néanmoins que « la démonstration de l'absence de lien entre récidive et administration de génériques n'a pas fait l'objet de recherches scientifiques appropriées ». Elle préconise de ne pas pénaliser les patients comitiaux qui refuseraient la substitution en acceptant malgré tout le principe du tiers payant.

Attitude à adopter

L'Afssaps précise qu'avant toute prescription, le médecin doit s'assurer que le patient a compris ce que représente la substitution générique et que celle-ci ne le perturbe pas (toute anxiété anticipatoire peut, par elle-même, favoriser la récidive de crises épileptiques). Cela n'a visiblement pas été le cas pour monsieur F., aussi le pharmacien consacre-t-il du temps à bien lui expliquer qu'en pratique son traitement n'est pas modifié. Il lui propose d'inscrire sur la boîte le nom du princeps. Le patient, rassuré, consent à prendre le générique prescrit.

2-profils particuliers

Une grand-mère inquiète

Yvette, 86 ans, fidèle cliente de la pharmacie, se présente aujourd'hui au comptoir. Sa petite-fille, Fanny, 27 ans, veut être maman mais elle est épileptique. Equilibrée sous Epitomax depuis plusieurs années, sa dernière crise remonte à 3 ans. Depuis la semaine dernière, Fanny a arrêté son traitement sur les conseils de son neurologue, en vue de la future grossesse. Ne risque-t-elle pas une rechute ? A-t-elle bien compris ce que le médecin a dit ?

Les inquiétudes d'Yvette sont-elles fondées ?

Les antiépileptiques peuvent avoir des conséquences néfastes sur le foetus et, lorsqu'il est possible, l'arrêt d'un traitement de ce type est judicieux en vue d'une grossesse. Il doit néanmoins être fait progressivement et sous surveillance.

Analyse du cas

En pratique, plus de 90 % des grossesses de femmes épileptiques se déroulent sans problème. Le risque de malformation chez l'enfant de mère épileptique est néanmoins accru du fait du traitement médicamenteux.

u Le pourcentage de malformations observé sous monothérapie est compris entre 4 et 6 % tous antiépileptiques confondus (versus 2 à 3 % en population générale), et varie selon les molécules (phénobarbital 10 %, valproate 9 %, carbamazépine 8 %). Ce taux peut atteindre 14 à 20 % dès que sont associées quatre molécules (ou plus). Il n'est dose-dépendant que pour le valproate. Les anomalies foetales liées à l'utilisation de benzodiazépines sont quasi inexistantes.

- Les malformations les plus fréquentes sont des hernies inguinales, un spina-bifida, des anomalies cardiaques, une persistance de fentes orofaciales, des hypospadias (malformations urétrales) et diverses malformations mineures (face, doigts).

- Dans le cas d'une patiente n'ayant pas présenté de crise convulsive depuis au moins 2 ans (cas de Fanny), un arrêt ou une diminution du traitement est proposé au moins 6 mois avant la conception afin d'éviter toute modification thérapeutique en début de grossesse. De plus, le risque de récidive est maximal pendant le premier semestre suivant l'arrêt du traitement.

Chez une patiente sous polythérapie, le but est d'arriver, si possible, à une monothérapie à dose minimale efficace. Cette stratégie n'est pas toujours applicable et il n'existe alors pas d'alternative, si ce n'est, a minima, de réduire les éventuelles posologies de valproate et de carbamazépine.

- Une supplémentation en folates peut prévenir le risque d'anomalie de fermeture du tube neural, et l'administration de vitamine K1 prévient la maladie hémorragique du nouveau-né lorsque la mère a été traitée par des inducteurs enzymatiques (qui diminuent les taux plasmatiques de vitamine K).

- Une surveillance obstétricale est indiquée chez toute future maman épileptique : échographie aux semaines 8, 12, 22 et 32, consultation vers les semaines 15-16 pour détecter un spina-bifida et vers les semaines 18-20 pour détecter une fente labiale et/ou palatine ainsi qu'une malformation cardiaque. L'alphafoetoprotéine, qui permet de détecter une anomalie du tube neural, est dosée dans le sang maternel entre la 14e et la 18e semaine.

Attitude à adopter

Le pharmacien peut rassurer Yvette. Fanny est sous monothérapie et en rémission depuis longtemps, aussi tout devrait bien se passer. Toutefois, le traitement doit être arrêté progressivement et le pharmacien conseille à Yvette de s'assurer auprès de sa petite fille qu'elle procède bien de la sorte.

La grossesse de Fanny ne posera vraisemblablement pas de problème puisqu'elle est anticipée et qu'elle sera surveillée régulièrement.

3-profils particuliers

Confusion entre flacons

Axel, 9 ans, 30 kg, est sous valproate (Dépakine) pour des absences. Le pédiatre lui prescrit le soluté buvable à la posologie de 30 mg/kg/j en 2 prises. La maman d'Axel passe ce matin rapporter le médicament délivré la veille au soir : elle demande s'il est normal que le flacon soit plus grand que d'habitude. De plus, le liquide lui semble très épais !

Y a-t-il eu une erreur de délivrance ?

Oui. La Dépakine existe en deux formes buvables : un sirop (150 ml) et un soluté buvable (40 ml). Une erreur de délivrance est possible, surtout si les deux types de conditionnements sont rangés côte à côte...

Analyse du cas

La viscosité et la concentration des deux formes galéniques diffèrent de façon importante : le sirop est dosé à 57,64 mg/ml et le soluté buvable à 200 mg/ml. Ici, Axel ne risquait pas de surdosage puisque le sirop délivré par erreur est moins dosé que le soluté habituel. Il était néanmoins susceptible de rechuter, du fait d'un sous-dosage.

Chaque conditionnement est doté d'un avertissement, imprimé sur le revers du couvercle de la boîte

Attitude à adopter

Le pharmacien s'excuse auprès de la patiente et la félicite d'être revenue lui faire part de son doute. Il lui assure que tout sera mis en place pour que ce type d'incident ne se reproduise pas. Il décide de mettre en place une procédure qualité destinée à réduire le risque de confusion entre les formes voisines. Elles seront désormais clairement séparées dans le tiroir et une affichette sera apposée sur chaque emplacement pour alerter lors de la délivrance.

Le pharmacien conseille de plus à l'équipe de rappeler systématiquement aux patients que chacune des deux présentations doit être utilisée avec la seringue adaptée, livrée dans chaque boîte :

- Soluté buvable (piston mauve) : graduation double (mg ou ml).

- Sirop (piston blanc) : graduation par doses de 10 mg.

4-profils particuliers

Ecrasés au pilon

Un pharmacien apprend que les aides-soignantes de la maison de retraite à qui il fournit les traitements écrasent au pilon de nombreux médicaments pour les incorporer à la nourriture des patients ayant des difficultés à déglutir ! C'est ainsi que la Dépakine Chrono, réduite en poudre, se retrouve dans du yaourt ou de la purée.

Quelle est la réaction du pharmacien ?

Cette pratique doit impérativement être stoppée. Les formes à galénique particulière méritent un respect tout spécifique : l'efficacité des traitements peut être modifiée et des effets indésirables liés aux fluctuations des taux plasmatiques peuvent apparaître.

Analyse du cas

La Dépakine Chrono est une forme à libération prolongée : il est explicitement mentionné dans le RCP de la spécialité qu'elle ne doit être ni écrasée ni croquée. Parmi les anticonvulsivants, il en va de même pour les comprimés de Tégrétol LP, le Neurontin, entre autres.

Attitude à adopter

Il est indispensable de diffuser une information claire à l'ensemble du personnel de la maison de retraite. Le pharmacien contacte donc l'infirmière pour lui suggèrer d'apposer un message d'alerte sur l'armoire à pharmacie et lui expliquer que, pour certains antiépileptiques, il est possible d'administrer autrement pour les patients ayant des difficultés à déglutir. Par exemple, la Micropakine, présentée en sachets de poudre, peut se substituer à la Dépakine Chrono ; ce même produit existe sous forme de solution buvable. Tégrétol (carbamazépine) et Trileptal (oxcarbazépine) existent en suspension buvable ; Keppra (lévétiracétam) existe sous forme de solution buvable. Les comprimés de Lamictal (lamotrigine) peuvent être dissous dans de l'eau. Les gélules d'Epitomax (topiramate) peuvent être ouvertes et leur contenu mélangé à de la nourriture, mais le mélange doit être avalé sans croquer ni mâcher. Les comprimés doivent être avalés entiers.

Les antiépileptiques responsables d'une forte iatrogénie

L'épilepsie est une pathologie neurologique fréquente : son incidence est comprise entre 20 et 130 pour 100 000 habitants par an (elle varie selon l'âge et est plus importante avant un an et après 75 ans), et sa prévalence est comprise entre 0,5 % et 0,8 %. Quelque 400 000 à 500 000 personnes souffrent d'épilepsie en France (70 % sont atteintes d'une forme partielle de la maladie, 20 % d'une forme généralisée, 10 % d'une forme indéterminée).

Il n'existe que peu de données épidémiologiques sur la fréquence des effets indésirables sous traitement antiépileptique. Toutes confirment une très forte incidence de l'iatrogénie dans ces traitements. Une étude espagnole incluant près de 600 patients établit que 34 % d'entre eux se plaignent spontanément d'effets indésirables, ce chiffre s'élevant à plus de 65 % lorsqu'une liste d'effets leur est proposée. Une étude brésilienne fait état d'environ 70 % de déclarations spontanées d'effets indésirables et de 97 % lorsque les patients doivent répondre à un questionnaire. Ces chiffres revêtent une importance particulière compte tenu de la fréquence de prescription d'anticonvulsivants chez les sujets âgés, fortement polymédiqués et sujets à la conjugaison de diverses pathologies.

ATTENTION

Chez un patient sous carbamazépine, tout signe clinique susceptible d'évoquer un trouble hématologique (fièvre inexpliquée, frissons, fatigue) mérite une attention particulière.

ATTENTION

La constitution de lithiases sous topiramate (Epitomax) ou zonisamide (Zonegran) doit être évoquée face à une plainte pour douleurs lombaires de survenue brutale ou, a fortiori, devant tout signe d'atteinte rénale.

À RETENIR

Les traitements par lamotrigine (Lamictal) doivent être instaurés progressivement en suivant le schéma mentionné dans le RCP afin de diminuer le risque de survenue d'effets indésirables cutanés graves et potentiellement fatals. L'association au valproate doit être évitée.

À RETENIR

La vigabatrine (Sabril) peut être à l'origine de troubles oculaires graves et irréversibles imposant un suivi ophtalmologique tous les 6 mois.

À RETENIR

De nombreux antiépileptiques sont susceptibles d'induire une prise de poids.

À RETENIR

Le recours à une benzodiazépine constitue la référence face à une crise comitiale chez un sujet alcoolodépendant, malgré l'hépatotoxicité reconnue de ce traitement.

ATTENTION

La phénytoïne (Di-Hydan) peut induire une hyperplasie gingivale. Ce traitement impose un respect strict de l'hygiène buccale.

ATTENTION

Certains antiépileptiques peuvent modifier l'efficacité d'un traitement par antivitamine K et donc être à l'origine d'un dérèglement de l'INR

Carbamazépine et pamplemousse

Les interactions entre le pamplemousse et divers médicaments donnent lieu à de nombreuses mises en garde outre-Atlantique où la consommation de ces fruits est plus importante qu'en France. Un verre de jus de pamplemousse peut en effet augmenter la biodisponibilité de certains médicaments, provoquant une potentialisation d'efficacité du traitement ou, plus fréquemment, l'apparition d'effets indésirables d'autant plus importants que l'index thérapeutique de la molécule est étroit. En effet, le pamplemousse inhibe l'activité du CYP3A4 au niveau de l'intestin grêle : ce phénomène résulterait d'une compétition entre les bergamottines contenues dans le pamplemousse et les médicaments au niveau des systèmes enzymatiques.

Cette interaction, retrouvée avec la carbamazépine, est rappelée dans une mise au point de l'Afssaps datant d'octobre 2008. Il est donc conseillé de limiter la consommation de pamplemousse chez les patients traités par carbamazépine, de façon à prévenir tout risque de surdosage, ou de veiller à toujours respecter un délai d'au moins 2 heures entre l'absorption de pamplemousse et la prise du médicament.

ATTENTION

Les contraceptifs oraux diminuent l'efficacité de la lamotrigine. L'instauration d'une telle contraception doit être évitée pendant la période d'ajustement des doses de lamotrigine

La décision d'une grossesse sous antiépileptiques

Tant qu'une grossesse n'est pas désirée

Les contraceptifs oraux voient souvent leur efficacité diminuée (pilules normodosées) ou même annulée (pilules minidosées ou microdosées) lorsqu'ils sont associés à un antiépileptique inducteur des enzymes hépatiques : carbamazépine, phénobarbital, primidone, phénytoïne, felbamate (réservé à l'hôpital), topiramate (pour des doses > 200 mg/j). C'est pourquoi il est recommandé, au cours de tels traitements, d'avoir recours à des contraceptifs contenant au minimum 50 mg d'éthinylestradiol (ou 35 mg selon les divs) et de leur associer, si possible, une contraception mécanique. Ce dernier point reste néanmoins souvent laissé de côté par les médecins.

Dans le cas particulier de la lamotrigine, (Lamictal) l'interaction avec les contraceptifs oraux est réciproque (voir cas ci-dessus).

A contrario, benzodiazépines, valproate, vigabatrine, gabapentine, prégabaline, lévétiracétam, zonisamide et tiagabine n'interagissent pas avec ces contraceptifs.

Lorsqu'une grossesse est désirée

- Le risque génétique existe chez toute patiente épileptique. Il reste cependant limité, mais augmente beaucoup lorsque la maladie est liée à une affection neurologique particulière. Dans l'épilepsie idiopathique, l'hérédité est multifactorielle. Un quart des enfants nés de deux parents présentant une épilepsie idiopathique sont victimes de comitialité. Il s'agit généralement de formes bénignes aisées à traiter.

- Le traitement antiépileptique, potentiellement tératogène, est dans l'idéal arrêté ou, à défaut, poursuivi à doses minimales (voir cas p. 14).

ATTENTION

Les taux sanguins de carbamazépine (Tégrétol) peuvent être modifiés par de nombreuses interactions médicamenteuses. Les signes d'un surdosage en carbamazépine sont essentiellement neurologiques et anticholinergiques. Le sous-dosage est marqué par la survenue anormale de crises convulsives.

Les interactions cinétiques impliquant la carbamazépine

Les interactions cinétiques impliquant les antiépileptiques sont nombreuses et complexes. Elles compliquent jusqu'aux associations entre les antiépileptiques eux-mêmes.

A titre d'exemple, concernant la carbamazépine :

- Action sur d'autres médicaments

La carbamazépine, comme les autres antiépileptiques inducteurs enzymatiques (oxcarbazépine, phénytoïne, fosphénytoïne, phénobarbital, primidone), active les enzymes du cytochrome P450 et diminue ainsi l'efficacité de nombreux médicaments en accélérant leur élimination (antivitamine K, inhibiteurs calciques, inhibiteurs de la protéase du VIH, glucocorticoïdes, ciclosporine, tacrolimus, sirolimus, estroprogestatifs, hormone, thyroïdiennes, méthadone, tramadol...).u Action d'autres médicaments sur la carbamazépine

- Les inhibiteurs du cytochrome P3A4 (amiodarone, diltiazem, vérapamil, macrolides, azolés, divers antirétroviraux...) augmentent l'action de la carbamazépine en diminuant son métabolisme, d'où un risque de survenue d'effets indésirables dose-dépendants.

- Les inducteurs enzymatiques (autres antiépileptiques mais aussi rifampicine, divers antirétroviraux...) accélèrent l'élimination de la carbamazépine et exposent à un risque de crise épileptique.

Il est donc indispensable de valider les ordonnances grâce aux logiciels d'analyse d'ordonnance ou en prenant connaissance des résumés des caractéristiques des médicaments prescrits.

ATTENTION

Carbamazépine, oxcarbazépine et lamotrigine sont hyponatrémiantes. Les signes d'hyponatrémie doivent être reconnus : hypotension artérielle, céphalées, nausées et parfois vomissements, confusion mentale, somnolence. Les cas sévères sont à l'origine de troubles de la conscience avec convulsions, coma et parfois collapsus respiratoire.

À RETENIR

Il est indispensable de s'assurer, particulièrement dans le cadre d'un traitement antiépileptique, que le patient a compris et accepte la substitution de son traitement par des génériques.

À RETENIR

Toute grossesse chez une femme épileptique devra (dans l'idéal) être anticipée et le traitement réduit au minimum efficace dans les 6 mois précédant la conception. De plus, une surveillance particulière est mise en place tout au long des 9 mois de gestation.

Effets de la grossesse sur l'épilepsie

L'influence de la grossesse sur l'épilepsie est difficile à prévoir. Elle peut, chez environ 35 % des femmes, augmenter la fréquence des crises du fait des modifications hormonales et métaboliques, des troubles du sommeil, d'une mauvaise observance du traitement, de modifications de la cinétique des antiépileptiques (diminution des taux sériques). Certains de ces facteurs sont réduits en améliorant la compliance au traitement ou en ajustant la posologie. Chez 55 % des patientes, la fréquence des crises demeure inchangée et chez 10 % d'entre elles elle est diminuée. Vomissements, prise d'autres médicaments (antiacides, folates...) ainsi qu'une modification du volume intracellulaire changent les taux plasmatiques des antiépileptiques, ce qui peut nécessiter une surveillance plus étroite. Une augmentation des posologies peut être nécessaire en cas de réapparition des crises. Le traitement antiépileptique doit donc être rééquilibré si besoin dès le quatrième mois de la grossesse.

ATTENTION

La Dépakine existe sous deux formes buvables. Le soluté buvable est près de quatre fois plus concentré en valproate que le sirop.

ATTENTION

Seules certaines gélules d'antiépileptiques peuvent être ouvertes et les comprimés ne doivent pas être écrasés sous peine de modifier l'efficacité du traitement et/ou de voir apparaître des effets indésirables dose-dépendants.

Ce qu'il faut retenir

Prévenir et détecter les effets indésirables

- La plupart des antiépileptiques peuvent être à l'origine de troubles hématologiques plus ou moins graves. La survenue de symptômes susceptibles d'évoquer de tels troubles (frissons, fièvre inexpliquée, fatigue...) mérite donc une attention particulière.

- La lamotrigine (Lamictal) peut, dans de rares cas, être à l'origine de troubles cutanés potentiellement mortels. Une instauration du traitement à dose très progressive est indispensable pour diminuer le risque d'apparition de tels effets.

- La vigabatrine (Sabril) est souvent responsable de l'apparition d'anomalies irréversibles du champ visuel. La prise de cette molécule impose une surveillance ophtalmologique tous les 6 mois.

- De nombreux antiépileptiques sont hépatotoxiques (carbamazépine, valproate, topiramate...) ou susceptibles d'induire une prise de poids (valproate, gabapentine, carbamazépine...).

- Des lithiases rénales peuvent survenir sous topiramate (Epitomax) ou zonisamide (Zonegran).

- Lamotrigine, carbamazépine et oxcarbazépine sont hyponatrémiantes. Les premiers symptômes d'un tel déséquilibre sont souvent des céphalées, nausées, vomissements, ou une confusion mentale.

- La phénytoïne (Di-Hydan) peut provoquer des hyperplasies gingivales. Le respect des règles élémentaires d'hygiène buccale est primordial.

Repérer les interactions médicamenteuses

- Certains antiépileptiques peuvent modifier l'efficacité d'un traitement par AVK (carbamazépine, valproate, phénytoïne...).

- Les contraceptifs oraux peuvent voir leur efficacité diminuée par la prise de certains antiépileptiques (carbamazépine, phénobarbital, phénytoïne...).

- Inversement, les contraceptifs oraux augmentent les taux sanguins de lamotrigine, pouvant entraîner des effets indésirables graves liés à l'antiépileptique.

- Fluoxétine et dextropropoxyphène peuvent augmenter les taux sanguins de carbamazépine et générer l'apparition d'effets secondaires dose-dépendants.

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