Pharmaciens unis - Le Moniteur des Pharmacies n° 2763 du 24/01/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2763 du 24/01/2009
 

BELGIQUE

Initiatives

« L'union fait la force » : appliquant à la lettre la devise du royaume, des pharmaciens de Liège se sont regroupés il y a plus de 40 ans en société coopérative pour résister à l'expansion des chaînes mutualistes dans leur région.

Notre société fut créée en 1965 ! L'environnement n'était pas facile pour les pharmaciens indépendants d'alors. Ils ont innové pour pérenniser leur présence », explique Denis Taton, président de la société coopérative des Pharmaciens unis. Leur solution : s'organiser pour acquérir, au nom de la défense professionnelle, des fonds de commerce de pharmacie, avec ou sans les murs.

Pour ancienne qu'elle soit, cette initiative liégeoise pourrait donner des idées, dans un condiv français actuel rempli d'incertitudes quant à l'ouverture du capital. Outre-Quiévrain, le constat fait dans les années 60 sur l'avenir des pharmacies indépendantes ne portait guère non plus à l'optimisme face à la montée en puissance des chaînes mutualistes telles que Multipharma (250 officines), Pharma Santé (50), EPC-Familia (96) ou V.Pharma (45). Elles sont regroupées aujourd'hui sous la bannière de l'Ophaco (Office des pharmacies coopératives).

Coopérative ouverte aux équipes et familles de pharmaciens

« Notre finalité a toujours été la défense professionnelle. Il y a une dizaine d'années encore, les Pharmacies populaires liégeoises étaient très présentes sur le marché de la reprise et, sans notre intervention, il est bien possible qu'entre la moitié et les trois quarts d'entre elles seraient aujourd'hui à l'Ophaco », analyse Louis Mouchette, administrateur délégué. Chacun y est allé de son écot pour créer une structure qui a pris la forme d'une société coopérative (SCRL), formule qui avait fait le succès de leurs contradicteurs. « Notre but n'était pas de constituer une chaîne mais bien de fonctionner comme une société, de faire des profits et, le cas échéant, de remettre les officines acquises à de jeunes confrères, mais dans des conditions déontologiques. »

Le capital de la SCRL est ouvert aux pharmaciens indépendants eux-mêmes, mais aussi à leurs épouses, leurs enfants, aux veuves de pharmaciens, aux membres de leur personnel. Elle compte quelque 250 actionnaires. Le montant de la part est aujourd'hui fixé à 25 euros à raison de dix actions au minimum par coopérateur. Chaque coopérateur a droit à une voix en assemblée générale.

« L'idée, c'est de reprendre le fonds de commerce, en association ou non avec le pharmacien ou la famille héritière, poursuit Louis Mouchette. Nous payons un loyer non indexé, mais révisé tous les trois ans en tenant compte du niveau d'activité de l'officine. Nous permettons ainsi à des pharmaciens qui veulent souffler et aux veuves de préserver leur patrimoine. Dans d'autres cas, nous avons incité et poussé à la fusion des officines rachetées avec des pharmaciens indépendants tout proches. » Depuis 1965, les Pharmaciens unis ont traité 75 dossiers : 54 officines ont été revendues, ont fusionné, voire ont été fermées. La société en gère à ce jour 36, confiées à un gérant appointé et à une assistante. Sur ces 36, elle en est propriétaire de 25 - 15 sont des sociétés filiales à 100 % - et locataire de 11. Elle compte 95 salariés dont 55 pharmaciens (40 titulaires et 15 remplaçants) et réalise un chiffre d'affaires consolidé d'environ 30 millions d'euros.

« Nous avons sauvé 75 licences de pharmacies indépendantes », lance Louis Mouchette. Un chiffre à mettre en relief avec les 300 que compte la province de Liège. En moyenne, les Pharmaciens unis achètent chaque année deux officines en moyenne pour en remettre autant sur le marché. « Tous nos investissements sont autofinancés grâce aux apports des coopérateurs eux-mêmes, aux marges dégagées par les officines que nous exploitons et des banques qui nous font confiance. Notre style de gestion est celui d'un bon père de famille. Tous nos crédits sont sans hypothèque, rien n'est réévalué au bilan. Notre gestion est basée sur des valeurs sûres. Quand il le faut, nous faisons appel aux coopérateurs, lesquels, il y a un an, n'ont pas hésité pas à remettre 100 000 euros dans la société avec un taux d'intérêt garanti sur un an déterminé par le conseil d'administration. Malgré la tourmente, la confiance est stable et réelle. »

« A moins de 800 000 euros, une officine n'est plus rentable »

« La Grande Pharmacie de la place Saint-Lambert, à Liège, est le fleuron des Pharmaciens unis avec ses 3 millions de chiffre d'affaires, informe Denis Taton. La moyenne des chiffres d'affaires est de 750 000 euros dans la province. A moins de 800 000 euros, une officine aujourd'hui n'est plus guère rentable. Nous ne pouvons l'oublier tant pour assainir le marché que nos comptes. »

L'heure n'est plus aux folies d'antan, d'autant que les acteurs ont changé avec la possibilité récente de créer des chaînes privées et l'émergence de nouveaux protagonistes en Belgique, des sociétés multinationales qui viennent de la distribution, comme Lloydspharma du groupe Celesio, des grossistes allemands et français.

« Ces sociétés font attention aux officines mises sur le marché et les reprennent rarement à moins de 1 million d'euros de chiffre d'affaires, sauf perspectives de hausse, souvent en milieu rural, poursuit Denis Taton. Les prix de reprise se sont stabilisés, quand ils n'ont pas régressé. De 1,2 à 1,5 fois le chiffre d'affaires, ils sont passés à 1-1,2 fois et même à 80 % voire à 60 %, en fonction de la taille et de l'emplacement. Sur le terrain, ça se calme. Et le dialogue avec nos contradicteurs d'antan est aujourd'hui possible. Pour preuve, le récent accord que nous avons passé avec Multipharma pour fermer d'un commun accord chacun une officine, nous à Herstal, eux à Liège. Nous devons faire en sorte que le repreneur n'ait pas la corde au cou. Nous essayons de tirer notre parc vers le haut. »

Défendre la profession sans devenir une enseigne

Denis Taton insiste : « Le monopole est de plus en plus attaqué, des médicaments risquent de partir en grande surface, il faut regarder la réalité en face et pouvoir se remettre en cause. » La structure n'est pas un groupement d'achats, chaque pharmacien faisant ses choix, mais elle ne s'interdit pas de négocier pour optimiser certaines conditions. « Nous tenons à garder notre indépendance vis-à-vis des grossistes et des sociétés qui nous courtisent », explique-t-il, tout en reconnaissant « devoir développer l'aspect commercial » et être « plus proactif ».

Il n'empêche, les Pharmaciens unis devront évoluer s'ils veulent perdurer, en acceptant les opérations du type « clients mystère », en adoptant l'informatique de réseau, en revoyant l'ensemble des coûts, ou encore en « essayant de créer un esprit d'entreprise ». Mais pas question d'instaurer une enseigne. Indépendance oblige.

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LES AVANTAGES

- Une telle structure coopérative rachetant les officines pour leur permettre de rester indépendantes permet de sauvegarder certaines convictions face à un environnement en mutation.

- L'adhésion des membres se fait autour d'un même objectif de défense professionnelle.

- C'est une réponse identitaire contre les attaques extérieures.

LES DIFFICULTÉS

- Le personnel qui, malgré les efforts déployés, peut « se fonctionnariser ».

- Le risque de sclérose d'un mode d'organisation dans un monde qui évolue vite.

- Des convictions trop arrêtées peuvent gêner des évolutions nécessaires.

- Convaincre les confrères indépendants de se regrouper sous une même bannière pour mieux se défendre face aux sociétés

- Attirer les jeunes promus vers ce type de philosophie.

LES CONSEILS

- Veiller à garder son indépendance.

- Savoir se remettre en cause.

- Ne pas disperser ses moyens et se concentrer sur l'objectif fixé.

- Garder des contacts réguliers avec les différents intervenants du milieu, à savoir les universités, les associations professionnelles, l'Ordre, l'APB, la SSPF (formation continuée), la Caisse de prévoyance des pharmaciens, etc.

- Contacter les futurs pharmaciens, dès l'université, afin de leur présenter le concept et les idées.

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