Cap sur l'environnement pour les MNU - Le Moniteur des Pharmacies n° 2762 du 17/01/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2762 du 17/01/2009
 

L'ÉVÉNEMENT

Actualité

Finis les voyages à l'autre bout du monde. Depuis le 1er janvier, les médicaments rapportés par les patients sont interdits de sortie du territoire. Incinérés, ils vont servir à produire de l'énergie. Certains soufflent tandis que d'autres s'étouffent.

La France était le dernier pays de l'UE à pratiquer la redistribution humanitaire des médicaments non utilisés (MNU). Depuis le 1er janvier, c'est interdit mais les pharmaciens restent tenus de les reprendre, au profit d'une valorisation énergétique. En janvier 2005 déjà, les carences du dispositif étaient on ne peut plus officiellement dévoilées dans un rapport de l'IGAS. Il confirmait notamment que, même dans les officines françaises, le problème des fraudes au dispositif Cyclamed était bien réel : « L'adaptation aux besoins et la qualité des produits expédiés sont très discutables [...] et plus généralement la réutilisation des MNU transporte dans les pays destinataires l'insécurité sanitaire qu'elle prétend limiter chez nous. » Ce que de nombreux préparateurs et adjoints dévoilèrent au Moniteur dès juin 2004. Le rapport recommandait, entre autres, d'interdire la distribution des MNU et tous les retours grossiste et de prévoir une destruction systématique des médicaments retournés. D'ailleurs, les plus importantes ONG internationales (Croix Rouge, MSF, PSF et Médecins du monde, à l'étranger) n'utilisent plus depuis longtemps les fameux MNU.

« C'est une bonne décision, se félicite Jean-Charles Rochard, qui représente l'ordre des pharmaciens au conseil d'administration de Cyclamed. C'est bien la fin de ce mode d'approvisionnement qui est en jeu. Tout simplement parce que tout patient, même dans un pays pauvre, a le droit d'accéder à un médicament de qualité. Or, seules les associations aux moyens techniques et humains suffisants pour procéder à une remise directe des médicaments pouvaient travailler correctement sur le terrain. Pour les autres, les relais faisaient le lit des détournements et des ventes illicites, comme sur les "pharmacies-trottoir" en Afrique où d'ailleurs les MNU se mêlent aux médicaments contrefaits. Et, sur le plan juridique, cela colle aux principes directeurs de l'OMS qui, s'ils ne sont pas des lois, ont une force importante. »

De la pharmacie à l'écologie

Alain de Tonquédec, secrétaire général de l'ordre de Malte, juge légitime le div de loi, mais il regrette justement « l'amalgame qui a été fait entre toutes les associations ». Pour Thierry Moreau-Defarges, président de Cyclamed, l'interdiction est de bon aloi. Il rappelle au passage que « seuls 2 % des MNU collectés étaient mis à la disposition des partenaires humanitaires ». Jean-Marc Merle, président de PHI, est plus réservé : « La loi a été votée, nous nous sommes battus pour l'éviter et on n'a pas réussi. Je pense qu'elle ne va rien changer, si ce n'est des problèmes d'approvisionnement pour les pays en voie de développement. Elle n'empêchera pas un pharmacien véreux de remettre le médicament rapporté par un client en rayon. »

Toujours est-il que Cyclamed a recentré sa mission de collecte à des fins environnementales et incinérera les MNU dans des unités récupérant l'énergie. Une démarche écologique donc, qui évitera en outre les rejets médicamenteux dans la nature et à laquelle devraient être sensibles les consommateurs.

Rapporter les médicaments au pharmacien contribue, aussi, « à prévenir et réduire les accidents domestiques ». « Sur un plan purement financier, la valorisation énergétique des MNU financée par les cotisations versées par le Leem est autant de moins à la charge financière des collectivités locales et donc des contribuables, dans le cadre de la taxe d'ordures ménagères que chacun d'entre nous payons ! », souligne Cyclamed.

Le ministère des affaires étrangères trie les ONG

Quid des organisations humanitaires désormais privées de MNU ? Deux types de procédures ont été mis en place. Pour les associations distribuant des médicaments en France, le principe d'un financement d'Etat de l'approvisionnement a été arrêté (voir encadré p. 12). Pour celles qui travaillent à l'étranger, le Quai d'Orsay prévoit un système de « demandes de subventions pour des projets comportant une composante "dons de médicaments" ».

« Le médicament ne peut pas constituer à lui seul un projet, explique Guilherme de Lemos, chargé de mission « Médicament et politique pharmaceutique » à la Direction des politiques du développement. Nous ne subventionnerons que les ONG qui monteront avec les autorités sanitaires locales un projet de renforcement de la capacité du pays concerné. L'Agence française de développement dispose pour 2009 de 45 millions d'euros pour subventionner l'ensemble des ONG, quelles qu'elles soient. » Bref, plutôt que de donner du poisson à quelqu'un qui a faim, apprenons-lui à pêcher.

Malgré tout, certaines ONG « se sentent abandonnées ou ne comprennent pas », poursuit Guilherme de Lemos. Un travail d'information sur le terrain a pourtant été entamé il y a un an avec le ministère de la Santé et l'association ReMeD. L'ordre de Malte, par exemple, se dit très insatisfait des solutions proposées. Alain de Tonquédec qualifie les subventions du Quai d'Orsay de « paroles verbales » et estime manquer de « solutions concrètes, de moyens ».

« Les autorités africaines, dans leur grande majorité, appellent à cesser l'envoi de dons, assène Guilherme de Lemos. Le Togo, le Mali et le Congo-Kinshasa ont inscrit dans leur législation l'interdiction de tout don de médicament. Par souci de ne pas dépendre des autres et, surtout, par souci de sécurité. Les pays préfèrent donc avoir peu mais acheter eux-mêmes ou se faire aider pour être plus autonomes. » Jean-Charles Rochard résume d'une phrase : « C'est une logique basée sur la demande et non plus sur l'offre comme avant. »

Jean Marc Merle demeure envers et contre tout dubitatif : « Sur place, tous les pays ayant interdit l'exportation de MNU, que ce soit l'Allemagne, l'Italie, la Belgique ou la Hollande, n'ont pu empêcher que l'on retrouve des médicaments venant de chez eux sur le terrain. Et, au final, cette interdiction, je redoute qu'elle ne développe les multiples petites filières non sécurisées. »

PHI, répartiteur à vocation humanitaire

Pour ravitailler les centres caritatifs en France, tels Emmaüs ou le SAMU social, un budget annuel de 3 millions d'euros a été octroyé à PHI qui devient grossiste-répartiteur à vocation humanitaire. Depuis le 1er octobre 2008, PHI bénéficie du statut officiel d'établissement pharmaceutique. Le site de Nîmes est la plate-forme logistique nationale médicaments. « Pour la France, la situation est claire, explique Jean-Marc Merle, président de PHI. Notre fonctionnement est basé sur des médicaments neufs achetés grâce à cette subvention octroyée par le ministère de la Santé. On passe donc des appels d'offres auprès des laboratoires et, pour nous, c'est un nouveau métier. » D'après la DGAS, il y a environ 600 centres caritatifs à livrer en France. « Sans tri à faire, le travail sera basé sur une rationalisation à partir d'une liste restreinte de médicaments 100 % utiles qui correspondent vraiment aux besoins », se réjouit Valérie Solbès, pharmacienne de Médecins du monde, qui n'utilise les MNU que pour la France.

ce que vous en pensez

Arrêter la redistribution humanitaire des MNUPIERRE ROUZAUD (ancien président de PSF), Prades-le-Lez (Hérault)

Cette interdiction est une excellente chose. Il était plus que temps d'arrêter. Les médicaments envoyés ne répondaient pas aux normes édictées par l'OMS concernant le conditionnement et la disponibilité des références destinées au tiers-monde. Celui-ci a besoin de médicaments facilement identifiables, économiques et sans sophistication galénique.

ROBERT BAUMGARTEN, Chenôve (Côte-d'Or)

Cette collecte avait l'avantage de donner bonne conscience à ceux qui culpabilisaient de ne pas avoir consommé leurs médicaments en totalité. Je n'y vois pas d'autre intérêt, si ce n'est que la collecte des MNU évite qu'ils ne s'entassent dangereusement dans les armoires à pharmacie. Pour avoir séjourné à plusieurs reprises en Guinée, j'ai constaté que les MNU n'arrivaient pas toujours à destination ou arrivaient périmés. Sur le plan économique, il est plus intéressant d'acheter des génériques en vrac. Sur le plan énergétique, les MNU sont un leurre. Un carton de pack de bière a une valeur énergétique beaucoup plus intéressante qu'une boîte d'antihypertenseur...

HÉLÈNE DE GRAEVE, Muret (Haute-Garonne)

C'est dommage que cette activité humanitaire s'arrête. Elle avait le mérite d'apporter un peu de bien-être aux populations déshéritées. Elle aurait pu continuer en veillant à envoyer aux populations du tiers-monde des médicaments mieux triés (sous forme de DC) qui correspondent à leurs pathologies. Cela me fait mal au coeur de détruire des médicaments qui peuvent être utiles à d'autres. J'ai un sentiment de gâchis.

Propos recueillis par François Pouzaud

en direct du Net

Enquête flash*

Depuis le 1er janvier, la redistribution humanitaire des MNU est interdite. Est-ce une bonne décision ?

Oui 32,20 %

Non 67,80 %

(Sur une base de 736 votants.)

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