Antituberculeux 14 cas pratiques - Le Moniteur des Pharmacies n° 2757 du 06/12/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2757 du 06/12/2008
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

1-effets indésirables

Jacques a des fourmis dans les jambes

Jacques, 43 ans, 54 kg, est un client récent de la pharmacie. Il est sous bithérapie antituberculeuse. Au chômage depuis plusieurs mois, alcoolique, il est suivi par le centre de santé de la ville. Son traitement comprenait jusqu'à présent de l'isoniazide associé à de la rifampicine (Rifinah 2 cp/j en une prise) et de la vitamine B6 (Bécilan 4 cp/j) qu'il refuse d'acheter, ce produit n'étant pas remboursé. Ce matin, Jacques arrive à la pharmacie en boitant. Il souffre des jambes au point de devoir s'asseoir. La préparatrice qui l'accueille s'en étonne et demande ce qu'il lui arrive. Il explique alors que depuis plusieurs jours il ne peut plus dormir ou marcher sans ressentir des fourmis dans les jambes. Il est donc retourné au centre de santé. Le médecin a conclu à une conséquence du traitement antituberculeux de Jacques et lui a précisé que cela ne serait probablement pas arrivé s'il avait acheté les vitamines prescrites le mois dernier. L'ordonnance que Jacques présente aujourd'hui comporte du Bécilan injectable, produit remboursé.

Quel principe actif peut être responsable des symptômes décrits par Jacques ?

L'isoniazide contenu dans Rifinah peut provoquer des neuropathies périphériques dose-dépendantes (chez 2 % des patients en moyenne). Leur prévention repose sur une supplémentation en vitamine B6.

Analyse du cas

Les neuropathies périphériques se manifestent essentiellement, d'un point de vue clinique, par des paresthésies et un engourdissement des membres inférieurs. Ces manifestations sont dues à un déficit partiel en pyridoxine (vitamine B6). Des études montrent que l'isoniazide, d'une part, réduit la sécrétion endogène de pyridoxine en se fixant sur l'enzyme clé de sa synthèse et, d'autre part, favorise l'excrétion urinaire de son précurseur, le pyridoxal.

Ces neuropathies périphériques sont plus fréquentes chez les acétyleurs lents, les sujets dénutris, les diabétiques, les malades infectés par le VIH, les insuffisants rénaux, les alcooliques ainsi que chez les femmes enceintes ou allaitantes. Une supplémentation quotidienne par 10 à 40 mg de pyridoxine permet de prévenir cet effet secondaire.

Le déficit en pyridoxine lié à la prise d'isoniazide peut également être à l'origine d'excitation neuropsychique (hyperactivité, euphorie, insomnie) ou, très rarement, de névrites optiques. Ces dernières apparaissent entre le 10e et 40e jour de traitement chez les acétyleurs lents. Leur principal symptôme est une atteinte du champ visuel (scotome central).

Attitude à adopter

Dans le cas où une prescription de vitamine B6 accompagne celle d'isoniazide, il convient d'encourager son achat même s'il n'est pas pris en charge par l'assurance maladie. Dans le cas de Jacques, le médecin est parvenu à faire progressivement disparaître les symptômes en lui administrant cette vitamine par voie intramusculaire.

2-effets indésirables

Georges refuse de retourner chez l'ophtalmo

Lors du premier renouvellement de sa quadrithérapie antituberculeuse (Rifater, Dexambutol), Georges, 45 ans, se plaint de la pénibilité du traitement : 9 comprimés à avaler tous les matins à jeun (malgré le Rifater associant déjà 3 molécules) et un suivi contraignant. Il est particulièrement de mauvaise humeur car il vient de se faire tancer par son médecin pour ne pas s'être rendu à la consultation prévue chez l'ophtalmologiste. Georges demande au pharmacien ce qu'il en pense, étant donné qu'il a déjà consulté pour ses yeux il y a un mois.

Pourquoi un suivi ophtalmologique chez les patients sous antituberculeux ?

Il est indispensable de consulter régulièrement un ophtalmologiste lors d'un traitement par éthambutol (Dexambutol, Myambutol). Le but est de surveiller l'apparition d'une névrite optique rétrobulbaire, effet indésirable majeur de cet antituberculeux.

Analyse du cas

La prescription d'éthambutol est toujours précédée d'un examen ophtalmologique comportant un test de l'acuité et du champ visuels, de la perception des couleurs et un fond d'oeil. Un second examen est pratiqué entre le 15e et le 21e jour de traitement et un troisième au bout de 2 mois (fin du traitement par cette molécule). Le moindre signe de névrite optique impose l'arrêt immédiat des prises d'éthambutol. La régression des lésions nécessite souvent quelques mois. Les patients ayant des lésions oculaires antérieures, les alcoolotabagiques, les diabétiques, les malades sous disulfirame, anti-inflammatoires ou antipaludéens de synthèse nécessitent une attention particulière.

Une évaluation de la fonction rénale est également obligatoire lors de la mise sous traitement.

Attitudeà adopter

Le pharmacien doit encourager Georges à retourner voir son ophtalmologiste s'il ne veut pas risquer de perdre la vue !

3-effets indésirables

Les urines de Maryline sont rouge orangé

Maryline se présente au comptoir et explique au pharmacien qu'elle est très inquiète car depuis ce matin ses urines sont rouge orangé. Elle était venue la veille acheter un traitement de Rifadine à prendre pendant 2 jours à titre préventif. En effet, elle venait d'apprendre qu'elle avait été au contact cette semaine d'une personne ayant développé une méningite à méningocoque. Compte tenu de la grande contagiosité et du pronostic défavorable de cette infection, les services de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales l'avaient adressée à un médecin.

Y a-t-il un lien entre la coloration des urines et la prise de rifampicine ?

Oui, la rifampicine (Rifadine) est un antibiotique de couleur rouge. Une petite partie est éliminée dans les urines, ce qui suffit à les colorer.

La rifabutine (Ansatipine), qui fait partie de la famille des rifamycines, possède les mêmes propriétés.

Analyse du cas

Si l'indication majeure de la rifampicine est la tuberculose, il existe également une présentation de 8 gélules de Rifadine à 300 mg indiqué en prophylaxie des méningites à méningocoques après contact avec un patient infecté.

Le médecin prescripteur n'a apparemment pas pensé à prévenir la patiente de la possible coloration de ses urines. Outre les urines, d'autres liquides physiologiques sont colorés par ce type de traitement : les larmes, la salive, la sueur ou encore le sperme. C'est un phénomène normal et sans conséquence, qui ne nécessite pas de prise en charge médicale.

Dans certains cas, ce phénomène peut même être utilisé par le médecin comme preuve de la bonne observance, notamment en cas de tuberculose quand le traitement dure plusieurs mois.

Attitude à adopter

Le pharmacien doit simplement rassurer Maryline. Il peut également vérifier qu'elle ne porte pas de lentilles de contact, qui risqueraient d'être définitivement colorées par l'antibiotique.

4-effets indésirables

Du Zyloric pour Moussa

Moussa, Franco-Ivoirien de 53 ans, a contracté la forme pulmonaire de la tuberculose dans son pays d'origine. Dès que les autorités sanitaires ivoiriennes l'ont autorisé à voyager en prouvant l'absence de contagiosité, il a pris la décision de venir se faire soigner en France. A son arrivée, Moussa est pris en charge par l'hôpital qui a renouvelé la quadrithérapie initiée en Côte d'Ivoire (Rifinah, Pirilène et Dexambutol). Cela fait 6 semaines qu'il est sous antituberculeux. Moussa sort du cabinet du médecin généraliste qui supervise la coordination des soins. Suite à un bilan sanguin, il lui a prescrit Zyloric. Les résultats de l'analyse que présente Moussa au pharmacien font état d'une uricémie à 95 mg/l (la normale étant inférieure à 60 mg/l), avec un taux de 56 mg/l un mois plus tôt. A la lecture du « Vidal », le pharmacien fronce les sourcils...

Qu'indique la monographie du Pirilène concernant l'uricémie ?

Dans les mises en garde et précautions d'emploi des spécialités contenant du pyrazinamide, on peut lire : « si l'hyperuricémie dépasse 110 mg/l, un traitement correcteur (à l'exception des inhibiteurs de la xanthine-oxydase) est à envisager ».

Analyse du cas

Lors d'un traitement par pyrazinamide, l'élimination rénale de l'acide urique est réduite. Ce phénomène est dû à la présence d'acide pyrazinoïque, un métabolite du médicament entrant en compétition avec l'acide urique au niveau rénal. Il en résulte très fréquemment une hyperuricémie secondaire, nécessitant une surveillance clinique et biologique ciblée. Cependant, ce n'est qu'en cas d'augmentation massive du taux sanguin d'acide urique (> 110 mg/l) qu'un traitement correcteur est initié. Dans ce cas, il convient de ne jamais introduire d'inhibiteur de la xanthine-oxydase (allopurinol), lequel réduit l'excrétion rénale d'acide pyrazinoïque. En augmentant le taux de ce métabolite, l'allopurinol renforce la diminution d'excrétion d'acide urique et entraîne donc une hyperuricémie paradoxale. Les prises de pyrazinamide ne sont interrompues qu'en cas d'arthralgies persistantes ou à caractère goutteux. Interrogé, Moussa confirme ne pas souffrir de douleurs articulaires qui auraient pu nécessiter l'arrêt du traitement.

Attitude à adopter

Le pharmacien préfère contacter le médecin pour lui faire part de ces remarques. Ce dernier ne s'est pas souvenu de cette interaction et propose de supprimer Zyloric. Il remercie le pharmacien et lui précise qu'il va demander un avis spécialisé auprès de son confrère hospitalier

La tuberculose simple : deux schémas thérapeutiques distincts selon la phase de la maladie

Protocole de traitement de la tuberculose-infection (primo-infection)

- En France, il est recommandé d'utiliser le schéma suivant : isoniazide (5 mg/kg) + rifampicine (10 mg/kg) en une prise quotidienne pendant 3 mois.

- Chez le patient immunocompétent, le traitement prophylactique de la primo-infection permet de réduire l'incidence de la tuberculose-maladie d'environ 50 %.

- L'instauration de ce traitement prophylactique ne peut être envisagée qu'après avoir totalement éliminé l'hypothèse d'une tuberculose-maladie. En effet, le nombre de bacilles étant très important au cours de la tuberculose-maladie, une bithérapie risquerait de sélectionner des mutants résistants.

Protocole de traitement de la tuberculose-maladie

Le traitement dure 6 mois. Il repose sur l'administration quotidienne d'isoniazide (INH : 5 mg/kg) et de rifampicine (RMP : 10 mg/kg).

Durant les deux premiers mois (phase initiale du traitement) de l'éthambutol (EMB : 20 mg/kg/jour) et du pyrazinamide (PZA : 30 mg/kg/jour) viennent s'ajouter aux premières molécules.

5-effets indésirables

Une hospitalisation pour décompensation psychiatrique

Marie-Christine a récemment développé une forme pulmonaire de tuberculose. Elle est traitée depuis plusieurs semaines par le service de pneumologie de l'hôpital voisin. Marie-Christine vient régulièrement à la pharmacie pour le renouvellement de ses ordonnances, mais c'est son conjoint, Jean-Claude, qui passe aujourd'hui. Il raconte que depuis quelques jours sa femme est particulièrement agitée. La nuit dernière, elle s'est réveillée, paniquée, en hurlant des propos incohérents. Ne parvenant pas à la calmer, Jean-Claude a fini par appeler le médecin de garde, puis les pompiers qui l'ont transférée dans un service hospitalier de psychiatrie.

Peut-il y avoir un lien avec le traitement de Marie-Christine ?

L'isoniazide, que Marie-Christine prend, est connu pour être à l'origine de troubles psychiques chez certains patients. Les psychiatres établiront probablement un lien entre la décompensation brutale de Marie-Christine et la prise de ce médicament.

Analyse du cas

La structure chimique de l'isoniazide est voisine de celle de l'iproniazide (Marsilid), un puissant inhibiteur de la monoamine-oxydase (IMAO) employé dans les années 1950 comme antituberculeux, puis comme antidépresseur. En effet, les patients traités par iproniazide pour une tuberculose présentaient des états notables d'excitation et d'euphorie. Cette parenté entre les deux molécules pourrait expliquer le mécanisme physiopathologique des effets psychiques de l'isoniazide : excitation, insomnie, hyperactivité, euphorie et parfois accès maniaque, délires ou dépression. De véritables syndromes sérotoninergiques ont parfois été décrits.

Les sujets plus particulièrement à risque sont les acétyleurs lents, les patients malnutris, insuffisants hépatiques, éthyliques ou encore ayant des antécédents personnels ou familiaux de troubles neuropsychiques. Ces effets indésirables sont réversibles à l'arrêt de l'isoniazide ou en cas de diminution de dose.

Un contrôle plasmatique peut permettre de dépister une concentration sérique trop élevée et d'adapter la posologie.

Attitude à adopter

L'interruption immédiate du traitement par isoniazide est habituellement conseillée. Un contact avec le pneumologue permettra d'adapter la thérapeutique antituberculeuse en faisant appel, le cas échéant, à des antituberculeux de seconde ligne. Une réintroduction du médicament à posologie plus faible est possible, imposant une surveillance clinique et biologique stricte. Enfin, le pharmacien peut rassurer Jean-Claude quant à l'évolution des troubles de son épouse . La réversibilité est de mise dans la grande majorité des cas.

Suivi minimal du traitement d'une tuberculose pulmonaire

La mise en place d'un traitement chez un patient atteint de tuberculose pulmonaire nécessite une surveillance stricte et régulière. Son but principal est de déceler précocement les effets indésirables liés à la prise des antituberculeux et de surveiller l'efficacité thérapeutique du traitement.

Le dosage sérique d'antituberculeux n'est réalisé qu'en cas de suspicion de mauvaise observance médicamenteuse.

6-effets indésirables

Des résultats d'analyses inquiétants

Anne, 49 ans, rentre du laboratoire où lui ont été remis les résultats des dosages sanguins effectués dans le cadre de la surveillance de sa quadrithérapie antituberculeuse instaurée il y a 4 semaines. Ce soir, son médecin n'est pas joignable. Elle décide de demander l'avis de son pharmacien car elle s'inquiète d'un résultat mentionnant une augmentation de ses transaminases à 3 fois la normale.

Les antituberculeux sont-ils hépatotoxiques ?

L'hépatotoxicité des antituberculeux est un phénomène bien connu qui impose une surveillance en routine sur le plan biologique (dosage sanguin des transaminases ASAT, ALAT) et clinique (symptômes évocateurs d'une hépatite médicamenteuse).

Analyse du cas

Au sein de la quadrithérapie de base, seul l'éthambutol ne présente pas de toxicité hépatique. L'isoniazide et la rifampicine sont souvent à l'origine d'augmentations modérées des transaminases, surtout quand ces deux molécules sont administrées conjointement. Cela peut conduire à un ictère associé à des manifestations cliniques du type asthénie, arthralgies, troubles digestifs et fièvre. Le pyrazinamide peut être à l'origine d'hépatites médicamenteuses. Les sujets éthyliques ou ayant un antécédent d'hépatite sont particulièrement à risque et la molécule ne doit théoriquement pas leur être prescrite.

Attitude à adopter

Le pharmacien interroge Anne sur l'éventuelle présence de signes cliniques. Il la rassure mais l'encourage à contacter son médecin dès le lendemain. L'attitude thérapeutique consiste habituellement à maintenir le traitement en l'absence de symptômes, si les transaminases ne dépassent pas trois fois la normale, sous réserve d'un suivi biologique étroit. Au-delà, le pneumologue est consulté pour envisager une suspension temporaire d'une partie du traitement afin de restaurer une fonction hépatique normale.

1-interactions médicamenteuses

David change d'anti-VIH

La nouvelle ordonnance de David, 39 ans, n'a rien à voir avec l'historique thérapeutique présent dans l'informatique de la pharmacie. Il explique que sa trithérapie anti-VIH a dû être modifiée à cause de l'Ansatipine (rifabutine), un nouveau médicament prescrit pour une suspicion d'infection opportuniste à mycobactérie.

Pourquoi le traitement de David a-t-il été modifié ?

C'est un cas fréquent du fait des interactions médicamenteuses que la rifabutine est susceptible de déclencher. L'association de cet antituberculeux avec certains antirétroviraux risque de faire baisser les concentrations sériques des anti-VIH, menaçant ainsi l'équilibre viral et favorisant la sélection de souches de virus résistantes au traitement.

Analyse du cas

Chez les patients traités pour une infection à VIH, et donc particulièrement à risque d'interactions, la rifabutine est souvent préférée à la rifampicine. En effet, le nombre de médicaments susceptibles d'interagir avec la rifabutine est moindre que pour la rifampicine. L'association d'un inhibiteur de protéase avec la rifabutine est mentionnée par l'Afssaps (« Thesaurus » de juillet 2008) comme nécessitant des précautions d'emploi*, tandis que l'association avec la rifampicine est une contre-indication. La rifampicine est également contre-indiquée en association avec la delavirdine. L'avis d'un spécialiste est systématiquement requis dans ce genre de cas.

Attitude à adopter

Il est primordial pour le patient d'informer son médecin ou son pharmacien de l'intégralité de son traitement afin d'éviter des associations dangereuses. Les concentrations plasmatiques de certains médicaments pourront être surveillées à l'hôpital en cas d'associations nécessitant précautions.

* L'association rifabutine-saquinavir est toutefois classée comme contre-indication dans le RCP de l'Ansatipine datant de 2001.

La pathologie tuberculeuse

Comment agissent les principaux antituberculeux ?

La tuberculose constitue la première cause de mortalité infectieuse dans le monde. C'est une maladie à transmission interhumaine stricte par voie aérienne à partir d'un sujet atteint de tuberculose pulmonaire. Sa déclaration est obligatoire. Le principal agent responsable est Mycobacterium tuberculosis ou bacille de Koch.

La primo-infection (ou tuberculose-infection)

Elle est le plus souvent silencieuse cliniquement mais peut parfois se traduire par une fièvre modérée ou une légère altération de l'état général. La radiographie pulmonaire est le plus souvent normale. La traduction la plus constante de cette infection récente est la positivité de l'intradermoréaction à la tuberculine témoignant de l'apparition d'une immunité cellulaire. L'évolution se fait vers la guérison spontanée dans 95 % des cas en l'absence d'immunodépression, mais le risque de réactivation vers la tuberculose-maladie existe pendant toute la vie chez les sujets infectés. Dans 5 à 10 % des cas, la primo-infection se complique par une tuberculose-maladie avec une atteinte pulmonaire préférentielle. Selon l'Organisation mondiale de la santé, 30 % de la population mondiale serait primo-infectée par le bacille de Koch.

La tuberculose-maladie

Elle est due à la remultiplication des bacilles à partir du foyer de primo-infection. Le diagnostic de tuberculose est évoqué suite à un examen clinique respiratoire ou extrarespiratoire, la réalisation d'examens complémentaires ou du fait d'un condiv épidémiologique particulier. La tuberculose-maladie peut se développer des années après la primo-infection, à l'occasion d'une immunodépression (traitement immunosuppresseur, vieillissement, VIH...)

- L'isoniazide exerce une action bactéricide sur le bacille de Koch en inhibant notamment la synthèse des acides mycoliques de la paroi bactérienne.

- Les rifamycines inhibent la transcription de l'ADN bactérien en se fixant sur l'ADN-polymérase du germe. La rifabutine est bactériostatique tandis que la rifampicine est bactéricide.

- Le pyrazinamide agit en milieu acide (intracellulaire) sur le bacille de Koch. Il inhiberait la synthèse de différents acides gras entrant dans la composition de sa paroi. Il est bactéricide.

- L'éthambutol inhibe les enzymes de type arabinosyltransférases, intervenant dans la synthèse et la polymérisation des arabinanes de la paroi du bacille. Il bloque d'autre part le transfert des acides mycoliques au sein de la paroi. L'éthambutol est bactériostatique.

Les traitements antituberculeux de première ligne

La tuberculose pose un problème thérapeutique spécifique du fait des particularités du bacille de Koch. En effet, c'est un germe à croissance lente et il existe des bacilles résistants pour chaque antituberculeux du fait de mutations spontanées. Ce taux de résistance est variable selon les molécules. Le traitement antituberculeux doit donc associer plusieurs molécules pour prévenir la sélection des souches résistantes, être suffisamment long pour obtenir une stérilisation complète des lésions et être actif sur les bacilles à la fois intra- et extracellulaires. Les médicaments sont pris quotidiennement, à jeun de préférence

L'isoniazide (Rimifon)

Synthétisé pour la première fois en 1912, il n'a été utilisé à des fins thérapeutiques qu'à partir de 1951 contre la tuberculose. Il reste aujourd'hui la pierre angulaire de la thérapeutique antituberculeuse.

Mode d'action

L'isoniazide a une action bactéricide sur les mycobactéries. Il agit sur la paroi du bacille par inhibition de la synthèse des acides mycoliques, modifie l'activité peroxydasique, inhibe la glycolyse et la biosynthèse des acides nucléiques. Il agit également sur la monoamine-oxydase, d'où ses effets indésirables neuropsychiques.

Sur le plan pharmacocinétique, l'absorption digestive est quasi complète, et le pic sérique est atteint en une à deux heures. Une prise quotidienne de 5 mg/kg assure un taux plasmatique 40 à 60 fois supérieur à la concentration minimale inhibitrice. La liaison aux protéines plasmatiques est faible. La diffusion dans l'organisme est large, y compris dans les espaces pleuraux, péritonéaux et rachidiens. La métabolisation de l'isoniazide est hépatique, essentiellement par acétylation, puis par formation de métabolites secondaires dont certains sont hépatotoxiques.

Principaux effets indésirables

En dehors des manifestations digestives (nausées, vomissements, douleurs épigastriques), les principaux effets indésirables de l'isoniazide sont une hépatotoxicité et des troubles neuropsychiatriques par carence en pyridoxine (vitamine B6).

Interactions

L'association de l'isoniazide avec la carbamazépine est déconseillée sous peine de voir augmenter les concentrations plasmatiques d'antituberculeux. De même, l'association avec le disulfirame est déconseillée car elle est susceptible de provoquer des troubles du comportement et de la coordination.

Rifampicine (Rifadine) et rifabutine (Ansatipine)

Dès 1957 les rifamycines ont été isolées à partir de la bactérie Streptomyces mediterranei. La rifampicine a été mise sur le marché en 1967, suivie plus tard de la rifabutine. Ce sont des médicaments de choix des infections à mycobactéries (comme la tuberculose, mais aussi la lèpre).

Mode d'action

Les rifamycines inhibent la transcription de l'ADN par fixation sur l'ARN-polymérase du germe. La rifampicine est également employée dans la lutte contre les infections à staphylocoques, streptocoques ou méningocoques.

La rifampicine per os est absorbée en totalité à condition d'être prise à jeun ou suffisamment à distance de toute prise alimentaire (30 minutes avant ou 2 heures après). Sa diffusion dans l'organisme est très large. Elle est excellente dans le poumon, le foie et les reins, bonne dans les autres tissus, mais n'atteint que faiblement le liquide céphalorachidien et uniquement en cas de méningite.

Principaux effets indésirables

Généralement bien tolérées, les rifamycines peuvent être à l'origine d'effets indésirables plus ou moins graves en fonction de la durée du traitement. Ces réactions sont souvent d'origine toxique (troubles hépatiques, favorisés par certaines interactions médicamenteuses) ou immunoallergiques. Des problèmes digestifs peuvent également apparaître (nausées, vomissements, douleurs abdominales) ; dans ce cas, la prise au cours d'un repas peut éventuellement être recommandée. Il existe également une coloration des liquides biologiques

Interactions

Les rifamycines exposent à de nombreuses interactions médicamenteuses du fait, notamment, de leur puissant pouvoir inducteur sur les enzymes hépatiques. Une augmentation de l'hépatotoxicité de l'isoniazide est en particulier observée en cas d'association avec la rifampicine. Les anticoagulants coumariniques, les corticostéroïdes, les oestroprogestatifs voient quant à eux leur efficacité diminuer (par augmentation de leur catabolisme hépatique) lorsqu'ils sont administrés avec de la rifampicine. Le potentiel inducteur enzymatique de la rifabutine est cependant moindre que celui de la rifampicine ; la première est donc parfois utilisée en cas de contre-indication ou de résistance à la rifampicine.

L'éthambutol (Dexambutol)

L'éthambutol est un dérivé de l'éthylène-diamine, caractérisé par une faible marge thérapeutique.

Mode d'action

L'éthambutol inhibe les enzymes de type arabinosyltransférases, interférant ainsi avec la synthèse et la polymérisation des arabinanes de la paroi. Il inhibe également le transfert des acides mycoliques dans la paroi bactérienne. L'éthambutol est bactériostatique et agit sur les bacilles tuberculeux, qu'ils soient intra- ou extracellulaires.

Il est bien résorbé par voie orale mais sa distribution est variable selon les organes. Son élimination se fait par voie rénale, ce qui justifie une adaptation de posologie chez les insuffisants rénaux.

Principaux effets indésirables

Les effets secondaires sont avant tout de type oculaire, avec risque de névrite optique rétrobulbaire (à craindre surtout chez l'alcoolique, l'alcoolotabagique et le sujet présentant déjà des anomalies de la vision). Les premières manifestations surviennent 2 à 6 mois après le début du traitement, le signe le plus précoce étant une dyschromatopsie du rouge et du vert. Un scotome central et une diminution du champ visuel peuvent également être observés. Les modifications du fond d'oeil sont tardives, elles n'apparaissent qu'en cas de poursuite du traitement, en dépit des premiers symptômes, et se traduisent par une pâleur papillaire de type atrophique. L'arrêt du traitement avant ce stade ultime permet habituellement une récupération, qui est lente. En conséquence, l'éthambutol impose un contrôle ophtalmologique comportant fond d'oeil, vision des couleurs, champ visuel, réalisé avant l'instauration du traitement, entre J-10 et J-15 puis tous les deux mois.

Interactions

Il n'y a pas d'interaction cliniquement significative avec l'éthambutol.

Le pyrazinamide (Pirilène)

Le pyrazinamide fait l'objet d'un renouveau d'intérêt expliqué par son action bactéricide élective sur les bacilles intracellulaires en milieu acide.

Mode d'action

Le mode d'action du pyrazinamide n'est pas complètement élucidé à ce jour. Il agirait en inhibant la synthèse d'acides gras de la paroi du bacille de Koch. Il est actif en milieu acide et permet d'obtenir in vivo, aux posologies indiquées, une action bactéricide sur les bacilles intracellulaires.

Principaux effets indésirables

L'hyperuricémie est très fréquente sous pyrazinamide, par compétition d'un des métabolites de l'antituberculeux avec l'acide urique au niveau de son élimination tubulaire. Des arthralgies ou des crises de gouttes peuvent survenir.

Des hépatites cytolytiques ont également été décrites à la suite de prises de Pirilène en association avec d'autres médicaments hépatotoxiques, en particulier l'isoniazide. Un suivi des enzymes hépatiques est donc fondamental. La survenue d'hépatites biologiques non symptomatiques est fréquente. Cependant, l'apparition de signes digestifs (anorexie, nausées, vomissement, douleur abdominale), d'asthénie marquée, de fièvre, ou, a fortiori, d'un ictère doit alerter et conduire à la réalisation d'un bilan hépatique.

Interactions

L'effet hépatotoxique de l'isoniazide est augmenté en cas d'administration avec le pyrazinamide. Cette association est une précaution d'emploi.

2-interactions médicamenteuses

Anh-Than est sous Minesse

Toute la famille de la jeune Anh-Than, 18 ans, 40 kg, est suivie dans un service de pneumologie, à l'hôpital depuis que le médecin traitant a détecté une tuberculose pulmonaire chez la grand-mère de 74 ans, probablement favorisée par un condiv d'immunodépression. Une primo-infection sans manifestation pulmonaire a été mise en évidence chez Anh-Than. Son intradermoréaction par Tubertest est positive, or la jeune fille, récemment arrivée en France, n'a jamais été vaccinée par le BCG. Elle se présente aujourd'hui à la pharmacie avec une ordonnance de l'hôpital rédigée par le pneumologue, qui mentionne : 400 mg de Rifadine et 200 mg de Rimifon par jour en une prise à jeun pendant trois mois. Anh-Than souhaite également renouveler sa pilule Minesse, ce qui étonne le pharmacien.

Pourquoi le pharmacien s'étonne-t-il ?

La rifampicine est un inducteur enzymatique très puissant, aussi son association avec un contraceptif estroprogestatif est déconseillée sous peine d'observer une diminution de l'efficacité de la pilule.

Analyse du cas

La rifampicine et la rifabutine ont un pouvoir inducteur enzymatique sur le cytochrome P450 hépatique. Cela a pour effet d'augmenter la vitesse d'hydroxylation des estroprogestatifs, réduisant ainsi leur temps de demi-vie et donc leur efficacité contraceptive. Dans le cadre de ce type d'association, la patiente est donc exposée à un risque accru de grossesse. De plus, moins le contraceptif est dosé, plus cet effet est important. Ici, Anh-Than est sous Minesse qui est l'une des associations estroprogestatives les moins dosées en éthinylestradiol (15 mg).

Attitudeà adopter

Le pharmacien décide de contacter le prescripteur. Au téléphone, le pneumologue explique qu'il pensait que l'interne du service avait prévenu la patiente. Il insiste pour que la jeune fille revoie rapidement son gynécologue et précise qu'elle doit utiliser une contraception locale en attendant. Le gynécologue pourra éventuellement prescrire un estroprogestatif normodosé (Stédiril) à posologie augmentée (deux comprimés par jour). Par ailleurs, l'analyse de l'ordonnance peut laisser penser que l'utilisation de Rifinah, associant d'emblée de la rifampicine (300 mg) et de l'isoniazide (150 mg) dans le même comprimé, serait plus commode pour la jeune fille que les deux médicaments pris individuellement. Cependant, Rifinah est réservé aux patients de plus de 50 kg, or Anh-Than n'en pèse que 40.

Elle devra combiner les gélules et la suspension de Rifadine pour obtenir 400 mg de rifampicine (une gélule à 300 mg et une grande cuillère-mesure à 100 mg), ainsi que les comprimés de Rimifon à 150 mg et ceux à 50 mg (un de chaque) afin de prendre 200 mg d'isoniazide. Le pharmacien doit être particulièrement vigilant quant à l'observance d'un tel traitement.

3-interactions médicamenteuses

Double dose de méthadone pour Jean !

L'ordonnance de Jean a de quoi interpeller : ancien toxicomane, il prend habituellement un traitement de 60 mg/j de méthadone. Aujourd'hui, l'ordonnance hospitalière indique une dose de 140 mg/j, à délivrer pour 3 jours. De plus, cette fois-ci ce n'est pas Jean mais une de ses amies qui se présente à la pharmacie pour acheter le traitement. Elle explique que le jeune homme est en rendez-vous à l'hôpital pour une tuberculose. Le pharmacien aimerait en savoir plus.

Peut-il y avoir un rapport entre la tuberculose et l'augmentation soudaine de la dose de méthadone ?

Ce changement de posologie peut être expliqué par une éventuelle prescription de rifampicine pour traiter la tuberculose de Jean. Celle-ci viendrait perturber les concentrations plasmatiques de méthadone par le biais d'une interaction médicamenteuse.

Analyse du cas

La prise de rifampicine augmente la métabolisation hépatique de la méthadone, entraînant une diminution de ses concentrations plasmatiques avec risque d'apparition d'un syndrome de sevrage. Néanmoins, le pharmacien ne dispose pas de l'ordonnance mentionnant le traitement antituberculeux, et, face à une augmentation si brutale des doses de méthadone, il est inenvisageable de délivrer (qui plus est à un intermédiaire) les doses prescrites sans avoir vérifié auprès du médecin la démarche thérapeutique adoptée.

Attitude à adopter

Le pneumologue confirme au pharmacien que le patient est sous Rifinah et que la dose quotidienne de méthadone a bien été augmentée du fait de l'association avec la rifampicine. Cette attitude thérapeutique est désormais bien documentée. Il faudra impérativement veiller à diminuer progressivement les doses du traitement de substitution sous contrôle clinique à l'arrêt de l'antituberculeux pour ne pas risquer cette fois un surdosage majeur.

1-erreurs de posologie

Une ordonnance ambiguë

Vayu, 13 mois, 11 kg, d'origine indienne, a été récemment vacciné contre la tuberculose par le BCG SSI. Un érythème au point d'injection a évolué lentement vers une ulcération locale avec atteinte du ganglion de l'aisselle aboutissant à un abcès purulent. Aujourd'hui sa mère présente une ordonnance du pédiatre indiquant 1 cuillère de Rifadine pendant 1 mois.

Un traitement antibiotique est-il justifié pour traiter une bécégite?

Non, aucun traitement antituberculeux ou antibiotique n'a prouvé son intérêt ni par voie topique ni par voie générale. La prescription de telles molécules dans ce cadre reste néanmoins possible. Dans l'immense majorité des cas, les manifestations locales au vaccin (abcès ou adénopathies) guérissent spontanément sans traitement antibiotique ni chirurgie. L'évolution est souvent favorable après quelques semaines ou mois d'évolution. La prise en charge implique un suivi régulier des enfants.

Analyse du cas

L'ordonnance du pédiatre est imprécise. Le conditionnement de la suspension de Rifadine contient une double cuillère-mesure dont l'une des extrémités délivre 2,5 ml de solution, soit 50 mg de rifampicine, et l'autre 5 ml (100 mg). Le médecin n'a pas précisé le volume souhaité. Si le pharmacien n'indique pas à la maman quel côté utiliser, la dose peut varier du simple au double !

Attitudeà adopter

La posologie standard étant de 10 mg/kg/j, on s'attend chez un enfant de 11 kg à voir prescrire 100 mg de rifampicine, soit une grande cuillère-mesure par prise. C'est ce que le médecin confirme effectivement par téléphone. Le pharmacien informe également la maman de la nécessité de mélanger le flacon avant toute administration afin d'homogénéiser la suspension.

2-erreurs de posologie

Des posologies étonnantes

La pharmacie reçoit une ordonnance en provenance de la maison de repos. Elle est destinée à une nouvelle résidente et mentionne : « Pour madame K., 47 kg : Rifater 6 comprimés par jour et Myambutol 3 comprimés par jour ». Le pharmacien se souvient avoir appris pendant ses études un moyen mnémotechnique pour retenir les posologies des antituberculeux : « IREP 5/10/20/30 » ; soit : « isoniazide 5 mg/kg/j, rifampicine 10 mg/kg/j, éthambutol 20 mg/kg/j et pyrazinamide 30 mg/kg/j ». Cela correspond aux posologies moyennes des antituberculeux les plus couramment utilisés en France. Ici, compte tenu du poids de la patiente, il semble que cela ne colle pas...

Qu'est-ce qui a retenu l'attention du pharmacien ?

Pour un poids de 47 kg, voici les doses recommandées :

isoniazide : 235 mg ; rifampicine : 470 mg ; éthambutol : 940 mg ; pyrazinamide : 1 410 mg. Soit 4 comprimés par jour de Rifater (50 mg d'isoniazide, 120 mg de rifampicine et 300 mg de pyrazinamide par comprimé). Ici l'ordonnance mentionne 6 comprimés par jour ! De même, concernant Myambutol dosé à 400 mg d'éthambutol par comprimé, la posologie de 3 comprimés par jour semble élevée...

Analyse du cas

Etonné par l'inadéquation des doses prescrites à madame K. par rapport aux posologies usuelles, le pharmacien décide de téléphoner au médecin coordinateur de la maison de repos. Ce dernier explique qu'il s'est contenté de recopier l'ordonnance de l'hôpital dans lequel la patiente avait d'abord été admise. En réfléchissant, il s'étonne du poids indiqué sur sa prescription. En effet, il se souvient avoir examiné madame K. la veille, et elle ne lui avait pas semblé si menue... Vérification faite, il fallait lire 67 et non 47 kg ! Le médecin remercie le pharmacien de son appel. Le traitement peut finalement être dispensé tel quel, sans crainte de surdosage.

Attitudeà adopter

La classe des antituberculeux n'est pas délivrée couramment à l'officine. Suite à cet épisode, l'équipe officinale a pris conscience qu'un certain nombre de collaborateurs n'aurait vraisemblablement pas détecté le problème. En conséquence, le pharmacien décide d'élaborer une procédure d'assurance qualité visant à sécuriser la dispensation des antituberculeux. Les principaux points de contrôle sont :

- la vérification du bon schéma thérapeutique en fonction du type d'infection (primo-infection ou tuberculose-maladie) ;

- l'adéquation des posologies en retenant « IREP : 5/10/20/30 » ;

- le contrôle systématique et approfondi des éventuelles interactions médicamenteuses ;

- l'information des patients sur les principaux effets indésirables ;

- la vérification de la bonne réalisation des examens complémentaires ;

- l'élaboration d'un plan de prise facilitant la bonne observance du traitement. Dans la mesure où le pharmacien dispose des informations requises, cette procédure sera systématiquement respectée lors des futures délivrances d'antituberculeux.

1-profils particuliers

Rifinah et anti-TNF-alpha

Marie, 66 ans, est atteinte de polyarthrite rhumatoïde. Ses symptômes se sont aggravés malgré le traitement par méthotrexate, obligeant le médecin à envisager une autre thérapeutique. Sa dernière ordonnance mentionne « continuer méthotrexate. Rifinah (isoniazide + rifampicine) 3 cp/j pendant 3 mois. Consulter dans 3 semaines pour initier Humira. »

Pourquoi instaurer un traitement antituberculeux ?

Les médicaments de la classe des anti-TNF-alpha (Humira, Enbrel, Remicade...) inhibent l'activité biologique du facteur de nécrose tumorale-alpha (TNF-alpha). La pharmacovigilance a prouvé que leur utilisation augmentait le risque de réactivation d'une tuberculose latente, laquelle doit par conséquent être dépistée et traitée avant l'initiation de ces traitements.

Analyse du cas

Il s'avère que Marie a contracté la forme pulmonaire de la tuberculose dans les années 50 alors, qu'elle était enfant. A cette époque, les traitements curatifs n'étaient pas aussi standardisés qu'aujourd'hui. Pour éviter une réactivation de la maladie, il convient en particulier de traiter préventivement les patients ayant un antécédent de tuberculose et chez qui on ignore si tous les bacilles ont été éradiqués, surtout pour les sujets traités avant 1970. Les patients ayant une intradermoréaction à la tuberculine > 5 mm (sans BCG ou avec un BCG distant de plus de 10 ans) ou phlycténulaire mais n'ayant jamais fait de tuberculose active et n'ayant jamais reçu de traitement antituberculeux sont également concernés.

Attitude à adopter

Dans ces conditions, la stratégie thérapeutique mise en place par le rhumatologue de Marie est claire. Trois semaines après le début du traitement, elle pourra commencer les injections d'Humira sous surveillance clinique et biologique.

2-profils particuliers

Et si Samantha était enceinte ?

Samantha, 34 ans, vient chercher sa bithérapie antituberculeuse (Rifinah) à la pharmacie pour la première fois. Au cours de la discussion, elle explique que cela fait plusieurs mois qu'elle prend des antibiotiques pour une tuberculose et qu'elle connaît bien son traitement. Elle en profite pour demander un flacon d'alcool à 70° et un test de grossesse.

La grossesse est-elle compatible avec un traitement antituberculeux ?

Le schéma classique de la quadrithérapie au cours des deux premiers mois, suivie d'une bithérapie de quatre mois, peut être appliqué de la même manière chez la femme enceinte ou allaitante.

Analyse du cas

Les quatre principaux antituberculeux sont utilisables pendant la grossesse à condition de respecter certaines précautions*.

Samantha étant sous Rifinah seul, une supplémentation en vitamine B6 est nécessaire pour prévenir une éventuelle carence en pyridoxine due à l'isoniazide. La prise de rifampicine est possible à tout moment de la grossesse. Ce traitement nécessite néanmoins une administration de vitamine K1 chez la mère au cours des deux dernières semaines de grossesse, à raison de 10 mg par jour par voie orale, et chez l'enfant (0,5 à 1 mg par voie intramusculaire ou intraveineuse) à la naissance afin de prévenir d'éventuelles hémorragies. Un dosage des transaminases hépatiques chez le nouveau-né est également effectué pour vérifier l'absence d'hépatotoxicité.

Attitude à adopter

En cas de positivité du test de grossesse, le pharmacien doit vivement encourager Samantha à consulter rapidement son médecin, sans pour autant arrêter le traitement. Une prise en charge multidisciplinaire (pneumologue, gynécologue, sage-femme, médecin généraliste) permettra de conduire la grossesse à son terme dans les meilleures conditions.

* Source : centre de référencement des agents tératogènes.

3-profils particuliers

La tuberculose de Vladimir est multirésistante

Un diagnostic de tuberculose pulmonaire a été établi pour Vladimir il y a environ deux mois. Au moment du diagnostic, l'enquête de la DDASS n'avait pas permis de déterminer l'origine de la transmission de l'infection. Une mise en culture des prélèvements (crachats) avait été faite afin de tester la sensibilité de la souche aux antituberculeux, et une quadrithérapie antituberculeuse classique mise en place. Une souche de Mycobacterium tuberculosis résistante à l'isoniazide et à la rifampicine ayant été mise en évidence par le test, Vladimir a été hospitalisé. Il se présente aujourd'hui à la pharmacie avec une ordonnance de Tavanic (lévofloxacine) seul.

Tavanic sera-t-il dorénavant le seul traitement de Vladimir ?

Certainement pas ! La prise en charge d'une tuberculose multirésistante nécessite l'association de plusieurs antituberculeux de deuxième intention. La plupart de ces médicaments ne sont pas disponibles en officine, ils sont généralement dispensés par la pharmacie hospitalière.

Analyse du cas

Une hospitalisation de 10 à 15 jours est souvent imposée afin d'isoler le patient pendant la période baccifère et ainsi limiter la contagion. Des tests complémentaires de sensibilité aux antituberculeux sont prescrits et le patient reçoit une nouvelle chimiothérapie antituberculeuse sous surveillance médicale. Celle-ci est souvent plus toxique que le schéma traditionnel et dure plus longtemps. Ces cas de tuberculose résistante sont pris en charge par des équipes spécialisées en lien avec le Centre national de référence de la tuberculose.

Il est recommandé de tester a minima la sensibilité de la souche aux antituberculeux clés du traitement standard (isoniazide et rifampicine) pour tous les nouveaux cas et lors de l'échec du traitement ou d'une rechute.

Par la méthode de référence, 3 à 4 semaines sont souvent nécessaires pour obtenir les résultats. Lorsque les prélèvements sont suffisamment riches en bacilles, cette méthode peut leur être appliquée directement sans mise en culture.

Attitude à adopter

Interrogé, Vladimir confirme que son traitement comprend plusieurs autres médicaments fournis à l'hôpital. Après avoir insisté sur l'extrême importance de l'observance de ce long traitement, le pharmacien lui rappelle qu'il doit éviter de s'exposer au soleil ou aux rayons UV tant qu'il prend Tavanic et 48 heures après l'arrêt. Il l'informe également du risque de tendinites, surtout en début de traitement, et lui demande de prévenir immédiatement son médecin en cas de douleurs tendineuses inhabituelles.

À RETENIR

L'isoniazide peut entraîner des neuropathies périphériques, particulièrement dans les membres inférieurs. La prévention repose sur l'administration de vitamine B6.

Des traitements contraignants

- La tuberculose est une maladie infectieuse curable si le traitement médicamenteux est bien conduit.

- Les quatre principales molécules prescrites en médecine de ville dans cette indication sont l'isoniazide, la rifampicine, l'éthambutol et le pyrazinamide. Si leur efficacité est indéniable, elles sont néanmoins très souvent mal tolérées. De plus, les traitements antituberculeux sont longs et la maladie touche souvent des populations

à niveau de vie précaire, n'ayant pas toujours reçu l'éducation nécessaire à un bon suivi thérapeutique.

- Le pharmacien a donc un rôle prépondérant à jouer dans la prise en charge de ces patients traités pour une tuberculose : détection des effets indésirables, contrôle des posologies, surveillance des nombreuses interactions médicamenteuses. L'officinal peut également intervenir dans la surveillance d'une observance souvent médiocre.

À RETENIR

Le suivi ophtalmologique est fondamental chez les patients sous éthambutol dans le but de détecter au plus tôt la survenue d'une éventuelle névrite optique rétrobulbaire.

À RETENIR

La coloration des liquides physiologiques (urine, sueur, larmes, salive, etc.) est un effet normal de la prise orale de rifampicine ou de rifabutine.

À RETENIR

L'hyperuricémie sous pyrazinamide est un effet indésirable fréquent : il convient de ne jamais la traiter par allopurinol, au risque de déclencher une crise de goutte.

ATTENTION

Un brusque changement d'humeur d'un patient traité par isoniazide doit conduire à rechercher un effet iatrogène.

À RETENIR

L'hépatotoxicité des antituberculeux impose un suivi biologique régulier de la fonction hépatique avant et pendant les deux premiers mois de traitement.

À RETENIR

Un grand nombre d'antirétroviraux interagissent avec la rifampicine et, dans une moindre mesure, avec la rifabutine. Le pharmacien doit vérifier que tous les traitements en cours ont bien été pris en compte par le médecin généraliste.

ATTENTION

Quelle que soit leur voie d'administration (pilule, anneau, patch, implant, etc.), les contraceptifs hormonaux sont déconseillés avec un traitement par rifampicine. Néanmoins, un traitement par Stédiril à dose augmentée peut éventuellement être instauré.

Les difficultés d'interprétation d'une IDR

L'interprétation d'une intradermoréaction (IDR) est basée sur plusieurs éléments :

- le diamètre de l'induration, mesuré en millimètres ;

- le condiv épidémiologique : pays d'origine endémique ou voyage récent en pays endémique, cas de tuberculose dans l'entourage ;

- la situation clinique et sociale du patient : vaccination ou non par le BCG, immunodépression, âge...

Concernant le diamètre de la réaction au niveau cutané :

- s'il est inférieur à 5 mm, le test est considéré comme négatif ;

- s'il est compris entre 5 et 10 mm, le test est considéré comme positif (primo-infection ancienne ou BCG antérieur) ;

- s'il est compris entre 10 et 15 mm chez un patient non immunodéprimé et non vacciné par le BCG ou vacciné depuis plus de 10 ans : le résultat est en faveur d'une primo-infection récente ;

- de même si le diamètre de la réaction a augmenté de plus de 10 mm entre deux IDR effectuées à 3 mois d'intervalle

- au-delà de 15 mm, quel que soit le condiv, le résultat est en faveur d'une primo-infection récente.

Concernant les patients vaccinés par le BCG :

- toute IDR effectuée plus de 2 mois après l'injection du vaccin est positive (diamètre > 5 mm et parfois > 10 mm) ;

- l'IDR ne pourra pas être utilisée comme examen diagnostic dans la décennie suivant l'injection du vaccin ;

- de manière générale chez l'adulte, la primovaccination par le BCG est suffisamment ancienne pour ne pas interférer dans l'interprétation de l'IDR.

La vaccination par le BCG chez l'enfant et l'adolescent n'est plus obligatoire depuis l'été 2007. Elle reste néanmoins fortement recommandée pour les enfants les plus exposés au risque de tuberculose.

À RETENIR

Toute introduction d'un traitement par rifampicine chez un patient sous méthadone impose d'augmenter les doses du traitement de substitution puis de les diminuer progressivement après arrêt de l'antituberculeux.

ATTENTION

Le conditionnement de la suspension buvable Rifadine contient une double cuillère-mesure : il convient de vérifier quel côté doit être utilisé.

À RETENIR

« IREP : 5/10/20/30 » est un moyen mnémotechnique permettant de retenir les posologies des antituberculeux de première ligne chez l'adulte.

La difficile observance des traitements antituberculeux

La tuberculose est très contagieuse. De ce fait, les conséquences d'une mauvaise observance du traitement sont graves tant pour l'individu atteint que pour la collectivité : rechute, prolongation du traitement, majoration du risque de décès (multiplié par 4), prolongation de la période de contagiosité et émergence de souches multirésistantes.

Interruption de traitement

Dans tous les cas, le malade doit recevoir intégralement les 2 mois de traitement de la phase initiale.

u Si le traitement est interrompu pendant 2 semaines ou plus au cours de la phase initiale, il doit être repris intégralement depuis son début. Cependant, si l'arrêt dure moins de 2 semaines, le traitement peut être repris là où il a été interrompu.

- Si l'interruption du traitement se produit pendant la phase de continuation :

- si le patient a déjà pris plus de 80 % de la dose totale : une prolongation de traitement n'est pas nécessaire ;

- si le patient a reçu moins de 80 % du traitement et l'arrêt a duré plus de 3 mois : le traitement doit être recommencé à son début. Si l'arrêt a duré moins de 3 mois, il suffit de reprendre le traitement là où il a été interrompu jusqu'à ce que la totalité des doses requises ait été prise par le patient.

Facteurs de mauvaise observance

Les plus fréquents sont l'absence de domicile fixe, l'alcoolisme et la toxicomanie. D'autres éléments peuvent outrepasser l'intérêt pour le patient de prendre le traitement : les barrières culturelles et linguistiques, les maladies mentales, l'accessibilité géographique de la consultation...

À RETENIR

La prescription d'un anti-TNF-alpha requiert chez tous les patients une recherche d'infection tuberculeuse active ou non.

À RETENIR

Les femmes enceintes ou allaitantes développant une tuberculose reçoivent le même traitement que celui préconisé pour tout adulte, moyennant certaines précautions supplémentaires.

À RETENIR

Le traitement d'une tuberculose résistante associe toujours plusieurs molécules. La plupart de ces médicaments de seconde ligne sont réservés à l'hôpital.

Le traitement des tuberculoses résistantes

Après un ou plusieurs traitements écourtés, irréguliers ou mal prescrits, certains malades rechutent avec des bacilles résistants à plusieurs antituberculeux de première ligne (résistance secondaire). Le risque de multirésistance (isoniazide + rifampicine) augmente après plusieurs traitements. Ce risque doit aussi être évoqué chez les sujets originaires de pays à forte prévalence de résistance (par exemple la Russie et la Chine). Les cas de tuberculose multirésistante font l'objet d'une surveillance annuelle en France depuis 1992. Ils sont heureusement très peu nombreux, de l'ordre d'une cinquantaine par an (1 à 1,5 % du nombre total de cas confirmés par microbiologie). Le Centre national de référence de la tuberculose a pour mission de surveiller ces souches résistantes.

Les traitements de deuxième ligne

Les antituberculeux de seconde intention sont principalement :

- Des aminosides par voie parentérale : streptomycine, amikacine, capréomycine, kanamycine.

- La D-cyclosérine.

- L'acide para-aminosalicylique.

- Certaines fluoroquinolones (lévofloxacine, ciprofloxacine).

- Certains macrolides (clarithromycine, azithromycine).

Une durée de traitement de deux ans

Le traitement antibiotique de ces cas rares doit, d'une part, être strictement adapté aux résultats des tests de sensibilité des souches aux antituberculeux et, d'autre part, reposer sur l'association de 4 ou 5 antibiotiques, dont certains sont mal tolérés (ou toxiques), le tout pendant une durée proche de 2 ans. Ces traitements sont conduits sous la responsabilité d'un praticien expérimenté dans le traitement de la tuberculose.

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