La phyto, c'est sa tasse de thé - Le Moniteur des Pharmacies n° 2745 du 27/09/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2745 du 27/09/2008
 

NASBINALS

Initiatives

Jean-Claude Laurès a fidélisé une clientèle avec ses gélules de plantes, ses préparations et sa connaissance documentée, notamment de la phytothérapie chinoise. Avec un franc succès à la clé. Preuve pour lui, que le conseil paie, même au fin fond de la Lozère.

L'installation à Nasbinals, 500 habitants, fut « un accident » prévient le pharmacien. C'était en 1992. Une occasion à saisir après deux rachats manqués, à Albi puis à Clermont-Ferrand, l'un en vue de créer une activité en phytothérapie, l'autre pour développer la partie conseil d'une pharmacie spécialisée en phyto. La décision fut prise en 48 heures. Ce sera finalement la Lozère, pour la petite officine d'un village isolé sur les plateaux de l'Aubrac. « Les gens d'ici veulent garder l'image du pharmacien traditionnel qui vend des médicaments. J'ai démarré par ça, mais mon métier c'est le conseil et je préfère le faire sur la phyto plutôt que sur des produits chimiques », annonce Jean-Claude Laurès.

Ne pas outrepasser le rôle du pharmacien

Pari plutôt osé, mais réussi : la phytothérapie représente aujourd'hui 30 % de l'activité officinale. 200 000 gélules de plantes unitaires sortent chaque mois de la Pharmacie Laurès : des extraits secs (fumeterre, pissenlit, prêle, orthosiphon...) encapsulés dans des gélules végétales, mais aussi des plantes en vrac. « Les clients ont plus confiance dans les préparations d'un pharmacien que dans les gélules toutes prêtes. Le problème c'est le coût. Il faut arriver à un certain volume... » Le titulaire a démarré seul, sans préparateur, avec un gélulier manuel (50 gélules). L'équipe s'est étoffée depuis, et les préparateurs ont eux aussi été mis à contribution au même titre que le pharmacien. L'officine s'est dotée d'un appareil à chargeur automatique. « Les quatre premières années, les coûts d'investissement étaient supérieurs à ce que rapportait la phytothérapie. Mais c'était une passion avant tout que je me suis efforcé de communiquer à mon équipe. »

Problème de circulation, pathologies classiques telles que les rhumes, maux de tête, contractures, etc., la petite officine de Nasbinals s'est en quelque sorte spécialisée dans le conseil en OTC par les plantes. Toutefois, malgré la forte demande, elle refuse de s'aventurer dans ce qui touche aux traitements hormonaux substitutifs ou aux traitements à visée neurologique, par exemple. « C'est le rôle du médecin phytothérapeute », estime Jean-Claude Laurès.

La construction d'une unité de fabrication en projet

Le titulaire a aussi concocté des formules pour des huiles de bain à visée relaxante, tonique ou décontractante, des gels et des huiles de massage non gras (relaxant musculaire, antistress...). Au total : 150 formules en 16 ans dont 26 font l'objet d'une demande d'AMM simplifiée auprès de l'Afssaps. « Il y a seize ans, les préparations étaient simples à concocter. Aujourd'hui, avec les BPP, c'est beaucoup plus contraignant et ça demande plus de temps. » Il aura tout de même fallu dix ans et un fort investissement personnel avant que l'officine profite de retombées importantes. Au point que Jean-Claude Laurès entend désormais faire aboutir l'unité de fabrication à laquelle il songe depuis des années. Il souhaite acheter un terrain situé à 4 kilomètres du village et a déjà contacté une agence pour l'aménagement du laboratoire. « Mais le budget total est énorme, cela représenterait quatre fois mon chiffre d'affaires. » Il faut monter l'opération, obtenir les autorisations et disposer de personnel.

La quasi-totalité de la clientèle de la Pharmacie Laurès vient de l'extérieur. « Nous sommes dans un secteur touristique et 99,9 % des acheteurs sont des gens qui connaissent la phyto et en sont consommateurs habituels, ou des personnes à qui l'on a recommandé mon officine. » Jean-Claude Laurès se fournit en plantes hors de son département car il ne travaille aucune variété locale, comme la gentiane par exemple, dont la nature de l'Aubrac regorge. Le titulaire préfère les racines coupées que lui fournit un laboratoire spécialiste des plantes médicinales bio. « La Lozère possède une flore incroyable, mais il n'y a ici aucun agrément. L'agriculture y est intensive ou raisonnée et je ne trouve pas de bio. »

L'analyse d'une variété de thé demande quatre heures de travail

Après ses études à la faculté de Montpellier, Jean-Claude Laurès avait suivi un DU de phytothérapie à Paris, cursus en deux ans commun aux médecins et aux pharmaciens. Il avait poussé la passion jusqu'à suivre dans la foulée, pendant 4 ans, les cours d'une unité de phytothérapie chinoise en chinois ! à la faculté de pharmacie de Pékin... La phyto chinoise, « ça a été dix fois plus de travail que la phyto française ! », assure le titulaire. Tout cela pour pratiquement l'arrêter... quand elle est devenue une mode.

Le pharmacien a cependant longtemps importé deux thés verts et deux thés noirs dotés de propriétés antioxydantes, antidiabétiques ou pour perdre du poids, sujets sur lesquels il a écrit des articles. « Une Parisienne a dégoté chez moi un thé qu'elle ne trouvait pas ailleurs. J'ai découvert un public spécialisé », s'enorgueillit Jean-Claude Laurès. Avant de se lancer dans la commercialisation d'autres thés, il aura passé deux ans à se documenter, notamment sur leurs caractéristiques diététiques, les particularités des différents jardins des provinces de Chine, voire parfois d'un versant de montagne, et sur les effets comparés des différents cépages. « Outre les livres professionnels, j'ai trouvé des travaux en anglais ou en allemand sur le thé. Ma chance a été de pouvoir aller plus loin dans des publications en chinois non traduites. » L'analyse d'une variété de thé lui demande quatre heures de travail, plus que pour un produit chimique ou une plante sèche comme la camomille ou le tilleul. Cela ne l'empêche pas aujourd'hui de proposer une quarantaine de thés chinois et cinq thés japonais, riches en vitamines et en sels minéraux, toniques, reminéralisants, antioxydants, drainants...

Les clients viennent pour le goût et la qualité, d'autres pour un conseil associé à une pathologie spécifique (problèmes digestifs, insomnie, hypertension...), d'autres encore cherchent un thé particulier ou souhaitent un conseil plus énergétique fondé sur la phytothérapie chinoise, certains, documentés, posant des questions précises sur les propriétés. « Il ne faut pas se louper, quand je ne sais pas, je le dis. En conseil simple, les gens expliquent leur pathologie. L'intérêt est de leur proposer un thé qui n'aille évidemment pas à l'encontre du traitement qu'ils suivent, notamment chez un hypertendu. »

Le pharmacien se remettrait bien au chinois pratique, mais pour le japonais, c'est non : « Cela me prendrait trop de temps. » A ses heures perdues, il rédige des fiches documentées sur tous ses produits, qu'il met à disposition du public. Une dizaine est en cours sur 90 fiches au total. « Un travail énorme ! » Ou le prix de la passion.

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Avantages

- Une spécialité comme la phytothérapie, c'est une façon pour le pharmacien de faire avancer son équipe.

- Cela permet de faire autre chose que des boîtes de médicaments ou du comptoir à longueur de journée, casse la routine et donne une motivation différente.

- La rentabilité est intéressante au bout de quelques années.

- Cela élargit votre horizon ! Il faut être au top tout le temps : de plus en plus de clients ont des connaissances dans ces domaines.

Inconvénients

- Il n'y en a pas beaucoup si l'on accepte de passer du temps sur cette activité en dehors des heures de travail.

- La grande complexité de la législation française.

- Accepter que pendant quatre ou cinq ans on ne gagnera pas d'argent car tout ce que l'on gagne avec cette activité est aussitôt réinvesti.

- Le temps de formation et d'adaptation des préparateurs.

Les Conseils - Ne pas demander à ses préparateurs une préparation que le pharmacien ne sait pas faire lui-même !

- Etre toujours prêt à apporter une réponse technique sur une préparation quand un préparateur le demande.

- Avoir une certaine autodiscipline.

- S'investir à fond dans des publications pour avoir une connaissance sans faille.

- Quand on sait chercher sur Internet, il y a beaucoup de données très utiles pour compléter son savoir.

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