Une officinale au chevet des tradipraticiens - Le Moniteur des Pharmacies n° 2744 du 20/09/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2744 du 20/09/2008
 

ALBERTVILLE

Initiatives

Pascale Repellin, titulaire savoyarde, participe avec Pharmaciens sans frontières à des actions de partenariats au Burkina Faso pour développer, entre autres, la pharmacopée traditionnelle. Une initiative qui a déjà permis de créer un conservatoire de plantes médicinales.

AAlbertville, il fait encore chaud dehors en cette soirée de juin. Avec la tombée du jour, un léger souffle d'air entre par la fenêtre ouverte du salon de Pascale Repellin. Un souffle chaud comme la voix de Cécile Beloum. Comme une conteuse, la présidente d'AMMIE (Appui moral, matériel et intellectuel à l'enfant), association burkinabé engagée pour la santé des femmes, raconte son pays, ses difficultés mais aussi ses richesses. Parmi celles-ci, la pharmacopée traditionnelle utilisée par les tradipraticiens. Particulièrement bien adaptée, elle est pourtant mal exploitée. Certaines espèces végétales sont en voie de disparition et les remèdes pâtissent parfois de modes de fabrication de mauvaise qualité.

Depuis six ans, PSF-Deux Savoie-Isère, antenne régionale de Pharmaciens sans frontières, intervient au Burkina Faso (« le pays des hommes intègres en burkinabé). « Notre présidente, Odette Pion, a rencontré Cécile Beloum en 2002 lors des journées de coopération Chambéry-Ouahigouya. Cécile Beloum est infirmière de formation, présidente de l'association AMMIE, directrice de l'école de santé publique de Ouahigouya, au Burkina Faso, et députée. Elle nous a sensibilisés au travail de son association, explique Pascale Repellin. Nous avons donc rapidement décidé de partir sur le terrain aux côtés de l'association pour une évaluation dans deux domaines chers à AMMIE : la santé des femmes et celle des enfants. »

Plus de 50 espèces de plantes sauvegardées

A l'issue de cette première mission à laquelle la titulaire d'Albertville participe, PSF-Deux Savoie-Isère décide de mener un projet de développement sociosanitaire et de pharmacopée traditionnelle avec l'appui du ministère des Affaires étrangères. « Nous avons obtenu une bourse qui a complété notre propre financement et celui du gouvernement burkinabé », souligne la pharmacienne, largement impliquée dans le projet. Le prêt d'un terrain par un paysan a permis la mise en place d'un jardin conservatoire de plantes. Son objectif : conserver les espèces utilisées par la médecine traditionnelle. Aujourd'hui, la parcelle de un hectare compte près de 600 plants répartis en une cinquantaine d'espèces. Certaines d'entre elles étaient en voie de disparition dans la zone sahélienne.

« Le projet va désormais plus loin, reprend Pascale Repellin. Les thérapeutiques utilisées sont efficaces mais la qualité des médicaments est médiocre en raison d'une préparation souvent défectueuse. Nous voulons donc aider les tradipraticiens à organiser une coopérative pour la préparation des "médicaments traditionnels améliorés" dans le respect de procédures de suivi et de qualité. » Le projet prévoit aussi la construction d'un atelier de séchage et d'une petite unité de production et de conditionnement des plantes. L'instauration de protocoles écrits puis, plus tard, l'édition d'un guide de bonnes pratiques sont aussi à l'ordre du jour. Le budget du nouveau programme avec la mise en place de la coopérative s'élève à 219 000 euros. Pratiquement la moitié de ce financement est prise en charge par le ministère des Affaires étrangères. PSF-Deux Savoie-Isère et les partenaires burkinabés prennent en charge le reste.

Trois semaines par an passées au Burkina Faso

Pascale Repellin fait partie des bénévoles de PSF-Deux Savoie-Isère depuis 1991 et jongle avec ses activités officinales. « J'ai adhéré à PSF après avoir été sensibilisée par le problème des médicaments non utilisés et la réunion des pays africains à Bamako dont l'objectif était de définir une stratégie permettant à toutes les populations d'avoir accès aux médicaments essentiels. J'étais partie auparavant avec mon mari pour un voyage humanitaire avec l'hôpital dans une ville roumaine jumelée avec Chambéry. » Lorsque le projet avec le Burkina Faso se met en place, Pascale Repellin s'y investit totalement. Depuis 2002, elle part en mission là-bas 3 semaines chaque année. Un temps pris sur ses congés. Pour des raisons éthiques et parce que « cela fait totalement partie de mon engagement », précise la titulaire. « Tout comme le financement de mes départs, qui représente environ 1 000 euros par mission et est ponctionné sur mes deniers personnels. » Les collectes, les réunions d'information, le suivi des projets tout au long de l'année prennent aussi du temps, de quelques heures par semaine à parfois davantage lors d'opérations ponctuelles. Et si l'officine n'est pas directement impliquée, le prosélytisme de Pascale Repellin s'est pourtant répercuté sur ses collaborateurs.

Une équipe officinale sensibilisée

Les envois postaux par exemple s'effectuent épisodiquement de l'officine avec, bien sûr, l'assentiment de Guy Poletti, cotitulaire et donateur de PSF-Deux Savoie-Isère. « Une bonne partie de l'équipe officinale fait partie des donateurs financiers, remarque Pascale Repellin. Ils suivent aussi nos actions avec beaucoup d'intérêt et sont sensibilisés aux médicaments non utilisés. Ils savent qu'ils ne sont pas adaptés et n'hésitent pas à en parler au comptoir lorsque l'occasion se présente. » L'engagement personnel de Pascale Repellin, même si elle s'en défend, retentit donc un tant soit peu sur l'image de l'officine et les clients ne s'y trompent pas. « On nous demande souvent conseil quant aux médicaments qu'il faut emporter ou qui peuvent rendre service aux populations locales. Nous sommes aussi sollicités pour être présents sur les forums d'association de développement durable par exemple. » Un engagement là-bas source d'échanges ici. « Je suis fréquemment interpellée par des clients, indique la titulaire. Certains mettent en cause le fait que je m'investisse en Afrique alors qu'il y a tant à faire ici. J'explique toujours ma position. Je fais aussi partie d'associations sur place et travaille notamment avec l'une d'elles qui aide les femmes sans ressources. Mais je répète toujours qu'il est difficile de comparer la France à l'Afrique. Bien sûr, il n'y a pas de degré dans la misère, mais nous avons tout de même la chance de bénéficier d'un système social bien développé. Ce qui n'est pas le cas là-bas. En général, ma position est bien comprise. Quoi qu'il en soit, je trouve intéressant d'être remise en cause. Cela permet un échange fructueux. De plus, le débat m'aide à redéfinir ce que je veux mener et ce en quoi je crois. »

Grâce à son énergie et son ouverture d'esprit, Pascale Repellin a su ainsi concilier engagement personnel et vie officinale. Mieux encore : son enthousiasme contagieux lui garantit le soutien de son cotitulaire comme de son équipe.

Envie d'essayer ?

Les avantages

- La possibilité de rencontrer des professionnels de santé africains à haut niveau de compétence.

- S'investir dans ce type de projet, c'est l'assurance d'échanges interculturels très riches.

- C'est aussi un moyen d'exercer la profession différemment et de développer d'autres compétences très diverses (organisationnelles, managériales, financières ou encore de communication).

- Finalement, on donne peu au regard de ce que l'on reçoit en échange !

Les difficultés

- Pas toujours facile de concilier vie professionnelle, vie privée et vie associative. Les journées sont parfois très longues et chargées !

- Le travail des différentes organisations non gouvernementales sur place manque parfois de concertation ; il faudrait un organisme fédérateur pour harmoniser les actions.

- L'inertie de certains organismes gouvernementaux ou de responsables administratifs oblige à déployer une grande énergie pour que les projets aboutissent, d'autant qu'ils retardent souvent leur achèvement.

Les conseils de Pascale Repellin

- « Il est essentiel de bien différencier l'activité professionnelle et l'engagement pour ne pas se retrouver submergé par l'action associative au détriment de l'officine. »

- « Estimer avant de s'engager ses disponibilités en termes de temps et ses possibilités financières permet de mieux cibler son engagement. »

- « La démarche qualité est capitale. L'engagement doit être celui d'un professionnel de santé qui valide, à chaque étape et avec professionnalisme, la qualité de son action. »

- « Travaillez avec des associations présentes depuis suffisamment longtemps sur le terrain et qui font preuve d'un minimum de transparence. »

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