Tout savoir sur le dossier pharmaceutique - Le Moniteur des Pharmacies n° 2744 du 20/09/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2744 du 20/09/2008
 

Cahiers Formation du Moniteur

Spécial

témoignages

Le dossier pharmaceutique (DP) d'un patient indique l'ensemble des médicaments, prescrits ou non, qui lui ont été délivrés au cours des quatre derniers mois dans n'importe quelle officine française. Le DP permet de repérer deux types de problèmes : les interactions médicamenteuses et les redondances. Il permet également de suspecter une contre-indication liée à l'état physiopathologique du patient. Démonstration à travers sept témoignages de pharmaciens pilotes.

Interactions médicamenteuses

Association déconseillée de deux AINS

Pharmacie Durand,Champigneulles (Meurthe-et-Moselle)

Le condiv

Un patient de 55 ans vient renouveler son ordonnance mensuelle dans la pharmacie qu'il a l'habitude de fréquenter. Sur cette ordonnance, son médecin traitant lui a prescrit de l'ibuprofène 200 mg, à raison de 4 à 6 comprimés par jour en cas de douleurs articulaires.

Le problème mis en évidence grâce au DP

Deux jours auparavant, le dentiste de ce patient lui avait prescrit du Surgam (2 par jour pendant 5 jours). L'ordonnance a été délivrée par une pharmacie de garde pendant le week-end.

Les risques de cette association

L'association entre l'ibuprofène et l'acide tiaprofénique est déconseillée : majoration du risque ulcérogène et hémorragique des deux AINS.

L'ibuprofène augmente les effets de l'acide tiaprofénique (association à prendre en compte) : risque d'hyperkaliémie potentiellement létale.

La réaction du pharmacien

Monique Durand, titulaire : « J'ai conseillé à ce patient, que je connais bien, de ne pas prendre l'ibuprofène durant les 5 jours de Surgam. Typiquement, l'interaction concerne un médicament considéré comme banal - en l'occurrence l'ibuprofène -, sur lequel nous n'avons pas l'habitude d'interroger les patients, d'autant plus quand le médicament est prescrit par un médecin. »

Association contre-indiquée entre diurétique hyperkaliémiant et sel de potassium

Pharmacie Mareschal à Houtaud (Doubs)

Le condiv

Un patient présente une ordonnance de spironolactone.

Le problème mis en évidence grâce au DP

L'historique du dossier pharmaceutique fait apparaître une prescription antérieure de Diffu-K délivrée dans une autre officine.

Les risques de cette association

Le chlorure de potassium potentialise l'effet hyperkaliémiant de la spironolactone (risque létal, en particulier chez l'insuffisant rénal). L'association est en principe contre-indiquée.

La réaction du pharmacien

Stéphanie Perrin, pharmacien adjoint : « J'ai signalé le problème au patient et j'ai appris que le médecin l'avait déjà averti. Des dosages sanguins de potassium avaient été planifiés. J'ai donc délivré en rappelant l'importance de faire des dosages de kaliémie réguliers. »

Association contre-indiquée entre télithromycine et statine

Pharmacie Paulus à Blénot-les-Toul (Meurthe-et-Moselle)

Le condiv

Une femme se trouvant en vacances dans sa famille consulte un médecin pour une angine. Elle vient pour la première fois à la Pharmacie Paulus et présente une ordonnance de Ketek (2 par jour pendant 5 jours).

Le problème mis en évidence grâce au DP

La patiente prend tous les jours de la simvastatine.

Les risques de cette association

L'association télithromycine-simvastatine est contre-indiquée : risque de rhabdomyolyse dû à la potentialisation des effets indésirables de la simvastatine par la télithromycine (diminution du métabolisme hépatique de l'hypocholestérolémiant).

La réaction du pharmacien

René Paulus, titulaire : « J'ai appelé le médecin traitant de la cliente pour lui faire part de la prescription de Ketek. Ce dernier a conseillé d'arrêter l'hypocholestérolémiant pendant les 5 jours de prise de l'antibiotique. »

Précautions d'emploi entre une tisane laxative et un diurétique

Pharmacie Durand à Champigneulles

Le condiv

Une cliente vient pour la première fois à l'officine pour une délivrance en rapport avec son ALD. Sur cette ordonnance, son cardiologue lui a prescrit, entre autres, du Lasilix 40 mg (1 comprimé par jour).

Le problème mis en évidence grâce au DP

Cette femme avait acheté 4 jours auparavant une boîte de tisane laxative Boldoflorine.

Les risques de cette association

L'association entre la tisane à base de bourdaine et le diurétique hypokaliémiant nécessite des précautions d'emploi : risque majoré d'hypokaliémie.

La réaction du pharmacien

Monique Durand, titulaire : « J'ai mis en garde la cliente contre les dangers potentiels de l'automédication lorsque l'on suit un traitement pour une maladie chronique. Je lui ai demandé d'arrêter sa tisane laxative. Un produit à base de plantes n'est pas forcément anodin ! »

Redondances

Deux antalgiques codéinés

Pharmacie Pasquier

à Saône (Doubs)

Le condiv

Un patient vient chercher une ordonnance d'Efferalgan codéiné (2 à 6 jours en cas de douleur) prescrit par le mésothérapeute installé près de la pharmacie.

Le problème mis en évidence grâce au DP

Une ordonnance avec du Dafalgan codéiné a été délivrée la même semaine dans une autre pharmacie.

Les risques de cette redondance

Il existe un risque majoré d'effet secondaire lié aux doses élevées de codéine : dépression respiratoire, sédation, constipation... Il existe aussi un risque de surdosage de paracétamol (effet indésirable au niveau hépatique).

La réaction du pharmacien

Bernard Pasquier, titulaire : « J'ai expliqué à la personne la similitude entre les deux médicaments. Et je l'ai bien sûr mise en garde contre le risque de prendre les antalgiques en même temps. Je lui ai spécifié d'arrêter le Dafalgan pendant le traitement par Efferalgan. »

Abus médicamenteux de Subutex

PHARMACIE LENOIR

À CLAMECY (NIÈVRE)

Le condiv

Un patient vient comme tous les 28 jours chercher son ordonnance de Subutex.

Le problème mis en évidence grâce au DP

Ce même patient avait bénéficié d'une délivrance de Subutex 10 jours auparavant dans une autre pharmacie. Cette situation reflète toute la problématique du mésusage rencontré parfois avec les médicaments de substitution aux opiacés. Mais ce type de cas est cependant rarement détecté par le DP car son ouverture est en général refusée par les patients concernés.

La réaction du pharmacien

Arnaud Lenoir, titulaire : « J'ai expliqué à la personne que les pharmaciens travaillent en réseau informatique et que son dossier faisait apparaître une délivrance en dehors du rythme habituel. Cela m'a permis d'ouvrir le dialogue sans être moralisateur et d'insister sur les risques du mésusage. J'avais en face de moi un patient sérieux et prêt à m'écouter. J'ai surtout bien fait comprendre que mon objectif et celui de mes confrères n'étaient pas de le fliquer mais de veiller à sa santé. Depuis, ce patient revient régulièrement et le renouvellement se fait parfaitement, sans prises abusives par ailleurs. »

Contre-indication physiopathologique

Ces contre-indications liées au terrain ne sont pas directement détectées par le DP. Mais l'analyse du traitement prescrit habituellement peut fournir des renseignements sur les pathologies traitées.

Précaution d'emploi chez un diabétique

Pharmacie Pesnel à Beaujeu (Rhône)

Le condiv

Une cliente habituelle vient demander un sirop contre la toux pour son père qui est en vacances chez elle. Elle donne la carte Vitale de son père, lequel a un DP ouvert.Le problème mis en évidence grâce au DP

L'historique des délivrances antérieures a permis de mettre en évidence des délivrances d'insuline et de s'apercevoir que le patient souffrait de diabète. Il faut éviter de conseiller un sirop contenant du sucre, lequel pourrait perturber l'équilibre de la glycémie. La réaction du pharmacien

Yves Pesnel, titulaire : « J'ai bien sûr conseillé un sirop sans sucre. Grâce au dossier pharmaceutique, j'ai tout de suite vu que ce patient était diabétique. »

La CNIL favorable

u L' ordre est en attente de l'autorisation de la CNIL pour généraliser le DP et vient d'obtenir la prolongation des expérimentations.

u Actuellement, le DP est déployé dans huit départements : Doubs, Meurthe-et-Moselle, Nièvre, Pas-de-Calais, Rhône, Seine-Maritime , Hauts-de-Seine et Yvelines, et dans certaines officines des autres départements.

les bases de données médicamenteuses

Qu'est-ce qu'une base de données ?

Sans la base de données intégrée au logiciel équipant la pharmacie, le DP n'est rien ! Le DP répertorie l'ensemble des médicaments délivrés au cours des quatre derniers mois. Pour repérer les interactions susceptibles d'exister entre ces médicaments et la délivrance en cours, il se réfère à la base de données des médicaments et des interactions médicamenteuses intégrée avec le logiciel.

Les différentes bases

Les principales bases de données médicamenteuses intégrées dans les logiciels de gestion officinaux sont :

- Banque Claude-Bernard (RESIP, Recherche et étude en systèmes informatiques professionnels), intégrée dans les logiciels Premium et Alliance Plus (Alliadis/CEGEDIM)...

- ClickaDoc (OCP), intégrée dans le LGPI et CIP-GS (Pharmagest)...

- DataSEMP (Vidal), intégrée dans WinPresto (Isipharm), Périphar (Aspline), Caduciel...

- Officialis (OCP), intégrée dans Primoris (Pharmagest)...

- Thériaque (CNHIM, Centre national hospitalier d'information sur les médicaments), intégrée pour partie dans WinPharma (Everys)...

- Mediquick (Drugsoft), intégrée en partie dans WinPharma...

Ces bases de données médicamenteuses constituent la matière première des logiciels dans le cadre de l'aide à la dispensation. Le dossier pharmaceutique n'intègre, quant à lui, aucune base de données. Les analyses s'effectuent à partir du logiciel du pharmacien et de la base de données médicamenteuses avec laquelle ce logiciel fonctionne.

Mise à jour de la base

Deux niveaux de mise à jour

- Les données sont d'abord mises à jour au sein de la base elle-même : la fréquence peut être quotidienne (Thériaque, ClickaDoc...) ou mensuelle (données scientifiques de DataSEMP...).

u Les mises à jour sont répercutées dans le système informatique du pharmacien : ainsi la fréquence proposée par l'éditeur du logiciel peut être quotidienne et s'effectuer en ligne, pour ceux qui sont en télétransmission journalière (WinPharma, LGPI et CIP...) ou mensuelle (dans Premium et Alliance Plus, avec envoi de CD-Rom au pharmacien).

Importance de la mise à jour

De manière générale, la fraîcheur de l'information est évidemment un critère de qualité pour les bases de données et les informations sur les médicaments doivent être mises à jour dès leur disponibilité dans les divs officiels.

Dans le cadre du DP, l'intérêt de celui-ci est considérablement amoindri si les données ne sont pas à jour dans la base médicamenteuse du pharmacien. Il est donc important pour le pharmacien :

u d'une part, de veiller à la rigueur de la mise à jour de la base en interne (« en passant » le CD-Rom dans son système dès réception si l'il utilise ce type de support) et sur la fréquence des mises à jour proposées par l'éditeur du logiciel.

Exhaustivité

En principe, les bases de données répertorient tous les médicaments disponibles en France : spécialités listées, produits conseil, OTC en libre accès, médicaments hospitaliers. En principe seulement, car l'exhaustivité des bases dépend beaucoup des moyens déployés pour assurer les mises à jour et des sources à disposition (Afssaps, fiches techniques des laboratoires, Journal officiel...).

Dans le cadre du dossier pharmaceutique, tous les médicaments, qu'ils soient prescrits ou qu'ils soient pris hors prescription par le patient, doivent pouvoir être consignés dans l'historique des délivrances et faire l'objet de contrôles (interactions notamment). D'où l'importance de s'informer le plus précisément possible sur le contenu et la supposée exhaustivité de la base de données proposée au sein du logiciel.

Détection des interactions

Un référentiel : le thésaurus de l'Afssaps

Le croisement de la délivrance en cours, du dossier patient local et de l'historique du DP (historique de quatre mois) donne lieu à des alertes classées suivant plusieurs niveaux hiérarchiques, certaines bloquant la délivrance.

En ce qui concerne les données d'interactions, de manière générale, il est demandé aux bases de données d'être en conformité avec le thésaurus Afssaps, disponible sur son site (http://www.agmed.sante.gouv.fr, rubrique « Répertoires ») et mis à jour deux fois par an. Toutes les molécules gérées par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) sont dans le référentiel, avec quatre niveaux d'interactions : « contre-indication », « association déconseillée », « précaution d'emploi », « à prendre en compte ». Cependant, quand il s'agit de médicaments non gérés par l'Afssaps, les bases de données sont obligées de se tourner vers d'autres sources comme les RCP. Problème : les RCP ne sont pas toujours actualisés. Certains éditeurs (CNHIM, RESIP) de bases de données font un véritable travail d'div en interprétant les données du RCP lorsque n'y figurent pas les niveaux d'interactions.

Rôle des logiciels de gestion

Le dossier pharmaceutique ne fait pas d'analyse. Ce sont les systèmes de calcul d'interactions locaux intégrés au sein des logiciels pharmaciens qui sont employés dans le cadre du DP pour détecter les interactions. Autrement dit, ce sont des systèmes qui ont été paramétrés préalablement par les éditeurs de logiciels et, éventuellement, par les pharmaciens. Certains niveaux d'interactions peuvent avoir été bloqués par le pharmacien pour ne conserver que les niveaux les plus élevés. Le DP ne fera alors ressortir que les interactions de niveau élevé, ce qui peut donner une fausse sécurité au pharmacien !

Affichage des interactions

Le mode d'affichage dépend du logiciel de gestion utilisé. Quelques exemples : dans Premium et Alliance Plus, les interactions provenant de la banque de données Claude-Bernard sont triées par niveau, du plus fort au moins fort. Dans le LGPI, qui travaille avec ClickaDoc, des codes couleurs, paramétrables par l'opérateur, sont utilisés afin de le prévenir du niveau de gravité d'une interaction. Chez Everys, les deux niveaux les plus élevés apparaissent en rouge. Ces modes de repérage sont notamment essentiels pour visualiser rapidement les interactions bloquantes.

Au pharmacien de se pencher sur les redondances

Pour effectuer les contrôles de redondance, le logiciel doit comparer le contenu de la dispensation en cours avec celui des dispensations antérieures provenant de la pharmacie et des autres officines. Un message d'alerte doit être délivré si le même produit ou si un produit de nom différent, mais contenant le même principe actif, a été délivré récemment.

Actuellement, tous les logiciels ne proposent pas le contrôle des redondances. Ceux qui le font déjà effectuent a priori l'analyse à partir des dénominations communes (DC) uniquement (Alliadis...). Il revient donc au pharmacien d'effectuer lui-même un contrôle sur les classes pour ne pas cumuler par exemple deux sulfamides hypoglycémiants ou deux AINS à tort.

Contre-indications physiopathologiques

Non renseignées dans le DP...

Le terrain (diabète, hypertension artérielle, grossesse...) est une donnée qui fait partie du dossier patient local. Il ne figure pas dans le dossier pharmaceutique car ce dernier ne contient pas de données personnelles sur les pathologies des patients. Les contre-indications, précautions d'emploi et mises en garde par rapport au terrain du patient ne font donc pas partie des contrôles prévus au sein du dossier pharmaceutique.

... Mais le DP donne des indices précieux

Grâce à l'historique permettant de visualiser les derniers médicaments délivrés, le pharmacien peut aller au-delà des contrôles prévus dans l'immédiat (interactions, redondances), et ce dans l'objectif d'améliorer l'efficacité du dossier pharmaceutique. Il peut notamment s'enquérir du suivi du patient pour d'autres pathologies.

Cette démarche est évidemment particulièrement importante s'il s'agit d'un patient qui n'est pas client de la pharmacie (personne de passage, ou vacancier, par exemple). L'historique pourra apporter des renseignements quant au traitement d'une maladie chronique ou d'une pathologie lourde et permettre ainsi de déterminer l'interférence d'un produit avec le terrain du patient (contre-indications, précautions d'emploi, mises en garde) au-delà de la simple interaction médicamenteuse.

communiquez !

face aux patients

Si le DP est un nouvel outil pour les pharmaciens, c'est aussi et surtout une démarche que les patients ne connaissent pas et qu'ils ont besoin de comprendre. A vous de bien les informer ! En pratique, il s'agit de présenter le DP de façon valorisante pour éviter un refus.

Informer en amont

Mieux vaut agir en deux temps, et prévoir en amont une phase de sensibilisation des patients.

Par le biais de brochures

L'Ordre des pharmaciens a conçu une brochure patient intitulée « Le dossier pharmaceutique, + de sécurité pour ma santé », qui vous est destinée dès que le DP entre en service dans votre officine. N'hésitez pas à la distribuer ! Il ne s'agit pas de la glisser systématiquement dans un sac de façon discrète, mais de la présenter au patient en plaçant celui-ci au coeur du dispositif : « Cette information a été conçue spécialement pour vous présenter une nouvelle démarche »...

L'objectif est d'expliquer en un minimum de temps ce qu'est le dossier pharmaceutique, sans le dévoiler complètement, mais en donnant envie au patient d'en savoir plus et de lire les informations. Exemple d'argumentation : « C'est une démarche totalement novatrice qui a été pensée pour sécuriser à 100 % vos achats de médicaments où que vous soyez. » S'il prend connaissance de la brochure, le patient sera moins étonné lorsque vous lui proposerez l'ouverture d'un dossier pharmaceutique, et ne devrait pas émettre d'objections.

Avec des affiches

Pourquoi ne pas élaborer des affiches « Le DP en x questions » (pourquoi ? pour qui ? comment ?...) en vous basant sur la brochure. Affiches qui pourront être mises bien en évidence dans la zone des comptoirs. Les clients ont ainsi tout le loisir de s'informer pendant que vous allez chercher les médicaments dans les rayons.

Proposer la création d'un DP

Un discours bien argumenté et préparé à l'avance permet de présenter le DP en moins de 3 minutes.

La notion de service

Le patient doit vraiment comprendre que le DP a été conçu pour son propre profit et par les pharmaciens. La présentation du DP est l'occasion de mettre en valeur toute la profession et d'associer la démarche à la notion de service qualitatif. Insistez aussi sur la notion de réseau pharmaceutique. Il est important de préciser la gratuité du service sans pour autant la mettre en avant, au risque de banaliser le DP (ou de le présenter comme un dû).

Les phrases clés : « Nous vous proposons un nouveau service mis en place par l'ordre des pharmaciens », « Ce nouveau service permet à tous les pharmaciens d'avoir une vision globale de vos traitements et de vous donner des conseils adaptés ».

N'hésitez pas à rappeler qu'un médicament n'est pas un bonbon et qu'il peut comporter des risques. Le but n'est surtout pas de faire peur mais de faire prendre conscience des interactions possibles : « Si un pharmacien qui ne vous connaît pas a accès à votre historique médicamenteux, vous pouvez lui demander conseil pour un rhume ou une douleur en toute sécurité. »

La confidentialité des données

Le patient a besoin d'être rassuré. Précisez-lui que sans sa carte Vitale personne ne peut accéder à son dossier. Dites-lui clairement que seuls les pharmaciens - et personne d'autre - peuvent consulter le DP. Si vous ressentez du scepticisme, insistez sur l'entière sécurisation des données, lesquelles sont enregistrées dans deux serveurs dissociés : l'un regroupant les informations sur l'identité des patients et l'autre listant les dispensations.

Les droits du patient

Evidemment, toute personne doit savoir qu'elle peut clôturer le DP à n'importe quel moment et qu'elle peut aussi refuser que certains médicaments y soient inscrits. La notion de liberté est importante aux yeux des patients.

Personnaliser le discours

Plus une personne y aura perçu son intérêt, plus elle acceptera facilement la création d'un DP.

En fonction des patients, valorisez l'avantage du DP qui leur sera particulièrement appréciable.

- Face à une personne âgée : « Si vous allez en vacances chez votre fille ou en cure et qu'il vous manque un médicament, le pharmacien pourra vous dépanner en consultant votre dossier. »

- Face à un cadre dynamique : « Même lors de vos déplacements à l'autre bout de la France, toute pharmacie peut savoir que vous êtes traité pour de l'hypertension et peut ainsi vous conseiller des médicaments compatibles. »

- Face à une mère de famille : « Si vous allez chercher des médicaments à la pharmacie de garde pour vos enfants, la consultation du DP permet de voir les ordonnances précédentes et vous évite le risque de donner deux fois le même médicament sous des noms différents. »

Savoir répondre aux objections

Quelles que soient les objections et craintes exprimées, ne vous sentez jamais agressé et ne tombez pas dans le piège de la justification personnelle ou de la polémique stérile. Répondez toujours par une phrase du type : « Vous avez raison d'évoquer ce sujet », ou « Je comprends votre réticence sur ce sujet. » Expliquez ensuite de manière factuelle les raisons de'existence du DP. Voici des exemples de réactions le plus souvent entendues et la manière d'y répondre :

« C'est encore un système pour limiter les dépenses »

Votre réponse : « Le DP a été conçu par les pharmaciens uniquement dans l'intérêt de la santé des patients. En aucun cas la Sécurité sociale ou un assureur ne peut y avoir accès ».

« On est vraiment fiché partout ! »

« Détrompez-vous ! Le DP est un outil appartenant aux pharmaciens et qui fait l'objet d'une protection importante. Personne d'autre ne peut le consulter. Quand bien même il serait piraté un jour, il ne fournit que des chiffres incompréhensibles. Vous n'êtes pas identifié par votre numéro de Sécurité sociale mais par un numéro DP qui n'a aucun rapport. »

« Mais à quoi ça sert, je viens toujours chez vous ! »

« Si vous partez en vacances ou en cure, ou si vous avez besoin de médicaments un jour de garde, un autre pharmacien pourra prendre connaissance de votre traitement. »

« Vous savez, je prends très peu de médicaments »

« Le DP ne concerne pas seulement les gens très malades ! Il intègre aussi tous les médicaments pris en automédication. Or, ce n'est pas parce qu'un traitement est disponible sans ordonnance qu'il n'a pas de contre-indications ou qu'il est compatible avec tous les autres traitements. »

« Cela vous apporte quoi exactement à vous ? »

« Le DP sécurise au maximum toute délivrance de médicament ! Il y a parfois des choses importantes en rapport que vous oubliez de préciser. Pour nous, c'est important de délivrer les médicaments en prenant le maximum de précautions. »

« Cela va prendre un temps fou ! »

« Absolument pas. L'activation du DP ne prend que quelques secondes la première fois. Par la suite, cela ne change rien puisque tout est informatisé. C'est le logiciel qui travaille un peu plus. »

En cas de refus

N'oubliez pas de le noter sur le serveur. Lors d'une prochaine délivrance, osez faire la proposition une nouvelle fois en expliquant que c'est dans l'intérêt du patient : « Nous vous avons déjà informé sur le DP. Aujourd'hui, si vous le souhaitez, nous sommes à votre disposition pour activer votre dossier, d'autant plus que vous venez d'acheter un médicament qu'il ne faut pas associer avec n'importe quel autre traitement. »

Remerciements à Christine Caminade (Christine Caminade Conseils) et à Francine Paulus, professeur d'informatique à la faculté de Nancy.

en pratique

Le DP en pratique

Le dossier pharmaceutique, dont la mise en oeuvre a été confiée à l'ordre des pharmaciens, a été conçu pour sécuriser la dispensation sans accroître la charge de travail des officinaux. Plus de 3 300 officines le proposent déjà à leurs patients et plus d'un million ont déjà été créés.

Si vous vous posez encore des questions sur le DP, voici quelques clés.

L'équipement informatique de toutes les pharmacies est-il adapté ?

Côté logiciels, la grande majorité (près de 85 %) se trouve adaptée pour la mise en place du DP (rapprochez-vous de votre SSII !). Côté connexion, l'ADSL est nécessaire pour pouvoir consulter les informations présentes sur le DP. Sans liaison haut débit, il est juste possible d'alimenter le DP du patient.

Faut-il un accord signé du patient pour ouvrir un DP ?

Non. Le consentement du patient est donné verbalement. Il vous suffit de l'attester par voie électronique en cliquant sur « Formulaire de création » à l'écran de l'ordinateur. L'attestation est imprimée et remise au patient. Une version électronique est conservée dans le serveur de l'officine.

Que faire si le patient ne peut pas se déplacer ?

Il peut consentir par écrit à la création du DP sur un formulaire prévu à cet effet. La personne qui vient à sa place doit vous présenter ce consentement et sa pièce d'identité (si vous ne la connaissez pas).

L'ouverture d'un DP pour l'assuré vaut-il pour ses ayant droits ?

Non, l'autorisation d'ouverture d'un DP doit être demandée pour chaque bénéficiaire d'une même carte Vitale. Si les ayant droits ont moins de 16 ans, c'est l'assuré qui donne (ou non) son accord. Entre 16 et 17 ans, les patients ont des droits personnels de santé. Les ayant droits majeurs doivent consentir eux-mêmes à la création de leur DP.

Puis-je retrouver le nom d'un prescripteur grâce au DP ?

Non, le DP n'indique ni les coordonnées des prescripteurs ni celles des pharmacies dispensatrices. Il restitue l'historique médicamenteux du patient sur les quatre derniers mois : nom des spécialités délivrées avec ou sans ordonnance, quantités délivrées et dates de dispensation. A terme (à partir de 2010), le DP renseignera sur les numéros de lots à travers les codes CIP.

Dois-je saisir de manière particulière les produits qui alimentent le DP ?

Non, le DP est conçu de telle manière que vous n'ayez pas à changer vos habitudes sur l'ordinateur. Le logiciel trie les informations (il ne retient que les médicaments pour la transmission au DP).

Puis-je consulter et alimenter le DP à tout moment ?

Non, l'accès au DP d'un patient n'est possible qu'après l'introduction de sa carte Vitale dans votre lecteur. Elle permet la reconnaissance du numéro créé spécifiquement pour le DP (NDP), qui est différent du numéro de Sécurité sociale. A noter : les données du DP venant d'autres officines ne s'enregistrent pas dans votre propre base de données.

Comment le pharmacien procède-t-il pour s'identifier afin d'accéder au DP ?

L'authentification du pharmacien dispensateur se fait grâce à la carte de professionnel de santé (CPS), indispensable à l'accès au DP au même titre que la carte Vitale du patient. Les préparateurs disposent quant à eux d'une carte CPE. Ces cartes permettent la signature électronique de la personne qui réalise la délivrance et alimente indirectement le DP.

Comment savoir si mon patient a un DP ouvert ?

Si, après avoir inséré sa carte Vitale, l'hébergeur vous envoie le message « identifiant inconnu », cela signifie que votre patient ne possède pas encore de DP. Le message « DP refusé » peut également s'afficher. Dans ce cas, il vous est possible de lui proposer à nouveau le service.

Une fois le DP ouvert, le patient peut-il le clore s'il le souhaite ?

Oui, un patient est libre de clôturer son DP à tout moment sur simple demande verbale. Vous lui remettez alors une attestation de clôture du DP. De même, tout patient peut refuser que certains médicaments figurent dans son DP. Il faut alors « désélectionner » les produits concernés et remettre une attestation au patient. Lors des prochaines consultations du DP, le caractère incomplet est signalé dans l'historique à la date du refus : une ligne porte un astérisque à la place du nom du médicament.

Le patient ou ses médecins peuvent-ils avoir accès aux données du DP ?

L'accès du DP est réservé aux pharmaciens, aux préparateurs ainsi qu'aux étudiants en pharmacie à partir de la troisième année. Le médecin de l'hébergeur y a également accès en cas de problème informatique. Par ailleurs, la loi Informatique et libertés permet au patient d'avoir accès à son DP. A sa demande, vous pouvez lui en remettre une copie écrite.

Merci à l'ordre des pharmaciens, et plus particulièrement à Isabelle Adenot, responsable du déploiement du DP, à Jean-Luc Audhoui, responsable de la phase pilote du DP, et à Sylvain Iemfre, directeur du DP.

Les évolutions à venir

La gestion de la posologie

Actuellement, la saisie de la posologie par le pharmacien est facultative et manuelle. Par conséquent, elle ne figure que rarement dans les données relatives aux dispensations du patient et ne permet pas de faire de contrôle plus poussé. A terme, il est envisagé d'inclure dans le DP, de façon automatique, la posologie des médicaments prescrits (unité de prise, unité de temps, durée du traitement, date de début de traitement). Cette évolution permettra d'améliorer la détection d'interactions médicamenteuses et surtout de surdosages.

L'inscription des médicaments hospitaliers

Ceux-ci ne peuvent, à ce jour, être inscrits dans le DP. L'Ordre doit proposer un complément législatif dans le cadre du PLFSS 2009, en vue d'obtenir un élargissement du DP aux établissements de santé. Ceci permettra de lancer le développement du DP à l'hôpital au cours de l'année 2009, en commençant par les médicaments de la rétrocession. Des informations qui seront utiles autant à l'hôpital qu'à l'officine en améliorant l'efficacité du DP.

FORMATIONS AU DP

Aujourd'hui, tous les adhérents d'UNOformation proposent aux officinaux des formations au DP (présentation aux clients, acceptation par l'équipe...) d'une demi-journée prises en charges par l'OPCA-PL et le FIF-PL.

Présenter le DP à l'équipe

Pour faire passer correctement le message aux patients, toute l'équipe doit avoir le même discours et être elle-même convaincue de l'intérêt du DP.

Rassurez vos collaborateurs.

Non ! Le DP n'est pas une usine à gaz à présenter aux patients. Il suffit de faire valoir ses atouts sécuritaires et la notion de service profitable. Non ! Le DP ne prend pas beaucoup de temps à expliquer si le discours est préparé à l'avance. De plus, le DP ne change absolument rien dans les habitudes de l'équipe, le logiciel informatique étant programmé pour « faire tout le travail ».

Positivez la démarche

Employez un argumentaire positif face à ceux des membres de votre équipe qui sont d'habitude réfractaires a priori à tout changement. Insistez sur la valorisation du métier face aux patients et sur le côté novateur du DP, en phase avec l'évolution du comportement de la clientèle (de plus en plus exigeante).

Quelques pièges éviter

Pour ne pas essuyer de refus dus à une mauvaise présentation du DP au patient, mieux vaut éviter :

- Les explications anxiogènes et complexes sur l'iatrogénie : les patients ont l'habitude de vous faire confiance. Inutile de susciter des inquiétudes ou des doutes sur la qualité de vos délivrances ou sur le bien-fondé d'utiliser des médicaments.

- Les détails techniques sur l'hébergement et la sécurité des données : soyez sûr de vous d'emblée. N'avancez des explications détaillées que si votre interlocuteur vous pose des questions et se montre inquiet vis-à-vis du caractère confidentiel du DP.

- Les propos fanfarons sur le fait que nous soyons les premiers en Europe à proposer un tel système : le patient n'a que faire de cette prouesse. Ce qui l'intéresse avant tout, ce sont les bénéfices que le DP lui apporte personnellement.

- Dire « créer un dossier » suppose une action prenant du temps. Dites plutôt « activer un DP » , qui renvoie à un acte dynamique et rapide.

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Décryptage

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