La Bourse ou l'avis ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 2744 du 20/09/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2744 du 20/09/2008
 

L'ÉVÉNEMENT

Actualité

C'est le tout début des grandes manoeuvres capitalistiques qui vont remodeler le paysage officinal. Welcoop, ex-Cerp Lorraine, met sur pied un modèle économique où le pharmacien coopérateur devient actionnaire, avec en sus une entrée en Bourse d'ici 2-3 ans. La question en suspens : pourra-t-il continuer à donner son avis dans un système d'intégration verticale ?

Nous voilà dans le vif du sujet. Avant même que Bruxelles ne rende ses décisions sur l'ouverture du capital, tout le monde se prépare à l'émergence des chaînes. On imaginait des réseaux d'indépendants, de franchisés, d'indépendants sous bannière (coopératives...), ou bien sûr des structures constituées de capitaux extérieurs. Welcoop invente un autre « modèle économique ».

Une révolution ? « Une petite bombe, admet un représentant ordinal. Il y en aura d'autres... » « La course à l'échalotte a commencé », lance Claude Japhet, président de l'UNPF, qui voit là « une intégration verticale totalement descendante, contrairement aux apparences ».

Pourtant, le but affiché par Welcoop est de défendre les pharmacies indépendantes face aux chaînes. « L'ouverture du capital, avec la création de chaînes, représente une menace pour les autres pharmacies avec une concurrence accrue », s'inquiète Michel Mathieu, le président du directoire de Welcoop. Alors le groupe coopératif leur propose un modèle économique inédit. Les pharmaciens prennent des participations dans le capital de la coopérative, Groupe Welcoop, mais aussi de sa filiale, Welcoop Pharma, une société anonyme. « Le pharmacien perçoit des dividendes coopératifs proportionnels à ses achats et selon son investissement en actions », explique Thierry Chapusot, membre du directoire de Welcoop. L'ambition de Welcoop a de quoi faire saliver : progresser de 20 % en CA (920,8 millions d'euros aujourd'hui) d'ici trois ans.

Chaîne ou groupement amélioré ?

Mais être actionnaire de Welcoop, ça se mérite. Tout le modèle économique de la coopérative repose sur cette relation de donnant-donnant avec le pharmacien (voir ci-contre). L'arme du générique en plus : le génériqueur Cristers vient en effet d'être racheté par Welcoop ; avec l'aflux prévisible de commandes des coopérateurs (leurs dividendes dépendront de leurs achats...), l'objectif est de passer de 700 000 euros de CA à... 500 millions d'ici 2013 ! De plus, « le groupe envisage une introduction en bourse en 2010-2011 de la SA Welcoop Pharma », informe Michel Mathieu. Une vraie porte de sortie pour les pharmaciens actionnaires. Tentant ?

Plutôt ouverte à la démarche de Welcoop, Alexandra Bouthelier, déléguée générale de la Fédération du commerce associé (FCA), voit là pourtant le premier hic de l'opération : « La coopérative perdrait la mainmise, il y a un risque de mélange des genres. Les intérêts capitalistiques pourraient l'emporter sur l'esprit de la coopérative. » « En permettant aux pharmaciens de devenir actionnaires de sa filiale opérationnelle, le groupe Welcoop offre la possibilité aux officines d'intégrer l'amont, c'est-à-dire les fournisseurs. C'est un dispositif unique en France », soutient Thierry Chapusot.

« Bien-sûr, le modèle de Wellcoop est clairement une chaîne, répond cependant sans aucune critique Luc Seigneur, pharmacien et président de la holding de pharmaciens HPI. C'est un modèle coopératif qui va lier financièrement les pharmaciens, qui seront des maillons solides de la chaîne. Mais pour constituer une véritable chaîne, Welcoop doit avoir la force d'imposer leurs fournisseurs », renchérit-il. L'obligation minimum de s'équiper du logiciel LGPI, est sans doute un point de départ. « Dans sa version intégrale, on n'est plus sur de l'informatique officinale, on est sur une offre de vente globale (services, génériques, importations parallèles, matériel médical) avec un maximum d'approvisionnements en direct, observe un représentant ordinal. C'est une véritable intégration verticale. Ça s'appelle effectivement une chaîne. »

Qui décide : le coopérateur ou l'actionnaire ?

Un expert-comptable se veut lui plus prudent : « Ce n'est qu'un groupement amélioré qui propose des services à ses adhérents. Welcoop donne l'impression de constituer une chaîne, mais tout cela n'est que du marketing. » Pour la FCA, qui compte parmi ses adhérents l'ex-Cerp Lorraine et la Cerp Rouen, « Welcoop reste une coopérative, mais, pour la première fois, les pharmaciens se constituent en réseau organisé, sacrifiant une partie de leur indépendance, note . C'est une première étape vers la libéralisation du secteur afin de rivaliser avec de futures chaînes étrangères ». Ce modèle existe déjà dans d'autres secteurs, comme l'optique (la Guilde des lunetiers, qui comprend notamment Krys, Vision+ et Lynx Optique) ou le tourisme (Select Tour).

« Le modèle économique de Welccop est la première étape vers le rachat de pharmacies au moment où la loi changera », note notre expert-comptable.

Alors, quid de l'indépendance du pharmacien dans ce cadre ? « Ce genre de modèle économique a son intérêt mais les pharmaciens doivent y aller en connaissance de cause, souligne Claude Japhet. Avec une partie spéculative privée susceptible d'avoir le pouvoir de décision. La question c'est, « est-ce que des décisions pourront être contredites par les pharmaciens si leur intérêt est à un moment contraire à celui des actionnaires » ? »

Côté Cerp Rouen, où l'on n'a toujours pas digéré la vente de l'activité répartition de la Cerp Lorraine à Phoenix, le commentaire est cinglant : « Est-il dans la philosophie d'une coopérative de faire de la financiarisation à outrance. Fallait-il tout simplement entraîner les pharmaciens en Bourse ? Avec le risque que l'intérêt des coopérateurs entre en conflit avec celui des actionnaires ? », demande Yves Kerouedan. « On ne doit pas utiliser les valeurs coopératives pour entraîner les pharmaciens dans le capitalisme, réagit de son côté Daniel Galas, président de la Cerp France. C'est aux officinaux d'écrire leur propre histoire, ils n'ont pas à se la faire dicter par des technocrates. Et puis je suis contre les importations parallèles. On a suffisamment vu de problèmes de contrefaçons en Angleterre. Quant à l'indépendance, il faudra se fournir chez Cristers, Pharmagest..., et demain Phoenix : chez qui pensez-vous que seront distribués les produites Welcoop ? »

Les répartiteurs hors Cerp restent, eux, discrets. Alors qu'ils sont les premiers acteurs européens en matière de chaînes. « On voit bien qu'avant même que Welcoop se mette en route, Phoenix avait démarré, commente cependant Claude Japhet. On sait aussi qu'Alliance et Celesio entrent dans une phase préparatoire. Tout le monde avance ses pions pour être prêt. J'aurais préféré que les acteurs pharmaceutiques réfléchissent avant que des structures se mettent en place et que des tiers pensent pour nous à des modes de fonctionnment. Ça n'a pas été le cas... »

Comment ça marche ?

Sur le papier, c'est un montage financier particulièrement complexe que Welcoop propose aux pharmaciens. Jusque-là simple adhérent de la coopérative, le pharmacien en devient actionnaire.

Cela est rendu possible par la structure juridique : une société anonyme (Welcoop Pharma), coiffée par la coopérative (Groupe Welcoop), dont elle est la filiale. Le pharmacien peut devenir associé coopérateur en acquérant des parts sociales ordinaires (pour un minimum de 800 Euro(s), soit cinquante parts). Classique. Mais il a aussi la possibilité d'acquérir des Parts sociales à avantage particulier (PSAP) de Groupe Welcoop. Chaque titulaire d'officine qui détient 50 parts de la coopérative pourra acheter une PSAP (100 Euro(s)).

Dividendes proportionnels aux achats

L'avantage ? « Ces parts donnent droit à un dividende coopératif prélevé sur le résultat de la coopérative après impôts », explique Anne Lhote, la directrice financière. Le montant des dividendes est proportionnel aux achats des pharmaciens dans trois filiales de Welcoop : 20 % sur les génériques (Cristers), 4 % sur le matériel médical (D,Medica) et 5 % sur les produits d'importations parallèles (Pharma Lab).

Ce n'est pas tout. L'ex-Cerp Lorraine propose également aux pharmaciens coopérateurs associés une participation supplémentaire, cette fois dans le capital de la SA de sa filiale Welcoop Pharma. Le pharmacien sociétaire de la coopérative peut acquérir des Bons de souscription d'actions (BSA) de la SA. Le pharmacien titulaire achète au minimum 80 BSA (au prix unitaire de 0,05 Euro(s)) dans le cadre d'une augmentation du capital de 30 millions d'euros. L'opération a reçu l'aval l'Autorité des marchés financiers : elle commencera le 30 septembre et se clôturera le 30 avril. Dès lors, les pharmaciens recevront des dividendes proportionnels à leurs investissements en actions. Et se transforment en investisseurs.

Investissement proportionnel aux services souscrits

Mais les parts que peut détenir un pharmacien dans Welcoop Pharma sont fonction du nombre de services souscrits. Le LGPI (version intégrale) est une obligation pour devenir associé coopérateur. Mais cette obligation minimum ne lui permettra d'investir que 20 000 Euro(s) maximum. En s'engageant en sus dans les offres informatiques Offimedia (diffusion de messages au sein du point de vente), Pharmattitude (pour ouvrir une pharmacie virtuelle ) et Pharm'objectif (référencement et politique de prix), il pourra investir jusqu'à 50 000 Euro(s).

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