La Cour des comptes assassine l'officine - Le Moniteur des Pharmacies n° 2743 du 13/09/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2743 du 13/09/2008
 

L'ÉVÉNEMENT

Actualité

Dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale, la Cour des comptes se penche pour la première fois sur la situation des pharmaciens. Son bilan est extrêmement critique : les officines seraient en surnombre et un peu trop bien rémunérées...

Pour la cinquième année consécutive, le déficit de la Sécurité sociale dépasse les 10 milliards d'euros. Plus précisément, il atteint en 2007 11 milliards, contre 10,2 l'année précédente. Une dégradation « d'autant plus préoccupante que la conjoncture économique était encore porteuse » l'année dernière, a souligné Philippe Séguin mercredi matin, lors de la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale. Le premier président de la Cour a prévenu : « Un consensus se développe désormais pour admettre que cette situation n'est pas tenable et qu'il faut y mettre fin. » Dans sa ligne de mire, pour la première fois : les officines.

Un quart d'officines en trop

La Cour n'y va pas par quatre chemins pour justifier ses travaux consacrés à la pharmacie : « La rémunération de l'officine est un enjeu significatif pour l'assurance maladie, la marge des pharmaciens sur les médicaments remboursables représentant environ 5 milliards d'euros par an. » Et Philippe Séguin de préciser : « Les marges sur les produits remboursés ont dans l'ensemble progressé depuis une dizaine d'années, alors même que la croissance des ventes, l'élévation du prix des médicaments et le maintien à un niveau élevé des remises et marges arrière auraient dû permettre de les réduire. »

Et à cela s'ajoute... un trop grand nombre d'officines ! La Cour rappelle qu'« il y a trop de pharmacies en France, ce qui a eu notamment pour effet d'accorder des rémunérations élevées pour garantir un revenu » aux plus petites d'entre elles, et que « l'excédent se monte à plus du quart des officines, soit plus de 5 000 », plus particulièrement à Paris, Bordeaux et Marseille. Le rapport stipule également que la densité des officines françaises « est l'une des plus fortes d'Europe ».

Des propos qui font bondir Jean Parrot, président du Conseil de l'Ordre : « Comment voulez-vous réguler un système entre la France, la Belgique, le Danemark ou d'autres pays aux densités géographiques très hétérogènes ? On peut imaginer avoir une pharmacie pour 40 000 habitants dans les Hauts-de-Seine par exemple. Dix pharmaciens, 40 collaborateurs, cela peut marcher. Mais dans des départements ruraux de 150 000 habitants, on fait quoi ? Quatre pharmacies pour tout le département ? Avec des médecins propharmaciens détenant au maximum 300 médicaments contre 3 000 dans la moindre pharmacie ? Est-ce cela que nous voulons ? »

« On a l'impression que ce rapport a un an de retard »

Laurent Rabaté, rapporteur général, a affirmé qu'il n'est pas question de supprimer un quart des officines mais que, « s'il était accepté jusque-là de maintenir des marges élevées pour ne pas faire de tort aux pharmacies marginales, il faut maintenant accepter de réduire ces marges ». D'autant que la Cour des comptes ne manque pas d'épingler la rentabilité officinale. Elle note qu'« en dépit des mesures d'économie prises dans le cadre du plan Médicament depuis 2005, comme des réformes des marges, remises et ristournes, le résultat des officines a augmenté de manière régulière entre 2003 et 2006, sans doute grâce aux conditions d'activité favorable ».

« On a l'impression que ce rapport a un an de retard, voire plus !, commente Gilles Bonnefond, président délégué de l'USPO. Manifestement, la Cour n'avait pas les derniers chiffres, ou alors elle ne les a pas exploités. En juillet 2008, la marge est en recul de 2 % par rapport à juillet 2007. Non seulement la situation des pharmacies n'est pas confortable, mais en plus elle est excessivement exposée aujourd'hui. » Du point de vue de la FSPF, « voir l'étouffement économique des officines proposé comme solution pour en diminuer le nombre est inacceptable ». Ce qui « choque » Philippe Gaertner, son président, « et le terme est léger, c'est que c'est manifestement un rapport à charge. Les chiffres ne reflètent pas la réalité. Alors, si le but est d'assécher l'accès aux soins de nos concitoyens, allons-y gaiement ! ». Qu'à cela ne tienne : la Cour recommande d'« ajuster les marges en métropole pour accélérer les regroupements d'officines ».

Les revenus des pharmaciens jugés trop élevés

Le rapport annuel sur les comptes de la Sécurité sociale s'est également penché sur les revenus des pharmaciens, qu'il juge élevés. Ainsi, le revenu net moyen des pharmaciens atteint 96 186 euros en 2006, avec de fortes disparités (de moins de 48 000 à 125 000 euros). Claude Japhet va, lui, jusqu'à qualifier le rapport de « scandaleux ». Pour le président de l'UNPF, « les raccourcis sont pour le moins grossiers. Les revenus de la profession ne sont pas démesurés face au nombre d'heures effectuées et en regard des responsabilités assumées. On ne peut pas demander le maintien des officines en milieu rural ou dans des zones sensibles, d'assurer un service 6 jours sur 7, avec des amplitudes horaires importantes, et nous reprocher de gagner de l'argent en proportion ».

Si la Cour des comptes note toutefois une dispersion des revenus, elle ne manque pas de souligner que leur « appréciation [...] est biaisée en raison de l'essor des sociétés de capitaux, permettant aux pharmaciens de diminuer leur rémunération de gérance au profit de revenus mobiliers qui ne figurent pas dans l'assiette sociale. Dès lors, la stagnation du revenu moyen déclaré montre que les décisions prises pour réaliser des économies sur les médicaments ont peu affecté le revenu moyen des pharmaciens »... C'est pourquoi la Cour recommande d'évaluer l'impact de la création des SEL sur les revenus des pharmaciens, et d'inscrire dans la loi le principe d'assujettissement aux cotisations sociales des revenus mobiliers perçus dans le cadre d'une SEL.

Les pharmaciens d'outre-mer ne sont pas en reste. Le terme « rente de situation » vous rappelle quelque chose ? Il est cette fois utilisé par la Cour des comptes pour qualifier la rémunération « excessive et longtemps illégale » des officinaux des DOM, dont les marges « échappent sans doute aussi au sens commun ». Le rapport indique qu'à fin 2007 les marges des pharmaciens étaient en moyenne supérieures à celles de la métropole de près de moitié à la Réunion et de plus des deux tiers aux Antilles. « L'écart au profit des grossistes-répartiteurs est encore plus marqué. » De quoi justifier une quatrième recommandation : « ajuster les marges dans les DOM afin de les rendre strictement proportionnelles à la majoration du prix public local ».

Si les recommandations de la Cour des comptes ne présentent pas de caractère contraignant, elles se montrent particulièrement critiques à l'encontre de l'officine. Gilles Bonnefond conclut : « Je veux bien que l'on soit sévère, surtout dans un condiv difficile, mais il ne faut pas être injuste ».

Le générique lui aussi accablé

Parmi ses recommandations sur la situation officinale, la Cour des comptes suggère de « réviser à la baisse les modalités d'incitation en faveur des génériques, à l'exception des spécialités pharmaceutiques nouvellement génériquées ». Selon ses calculs, « le cumul d'avantages pour les génériques (notamment l'alignement de la marge des génériques sur le princeps et l'attribution de la marge du grossiste pour 70 % des génériques) conduit à un taux de marge de près de 100 % sur le prix fabricant HT pour un générique à 5 euros ». La question du maintien d'un dispositif « aussi avantageux » pour les pharmaciens se pose donc pour les anciennes molécules, « le taux de substitution ayant atteint 80 % ». Claude Japhet, président de l'UNPF, rappelle que « l'Etat était incapable de gérer seul le développement des génériques. Un partenariat gagnant-gagnant entre l'Assurance maladie et la profession a donc été mis en place. En toute clarté. De tels propos n'incitent plus à signer des conventions avec l'Etat si ce dernier vient nous condamner derrière »...

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