Petits partages entre amis - Le Moniteur des Pharmacies n° 2742 du 06/09/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2742 du 06/09/2008
 

ROYÈRE-DE-VASSIVIÈRE

Initiatives

Le confrère le plus proche à 15 kilomètres. Des hivers rigoureux. Des routes larges comme une planche. De telles conditions d'exercice ont de quoi conduire à l'isolement. Pas quand on s'appelle Christine Hébrard, qui applique sans relâche le partage et la mutualisation.

Ces deux-là devaient se rencontrer. L'une, Christine Hébrard, fille de pharmacien auvergnat, diplômée de la faculté de Nantes et programmée pour l'exercice à la campagne. « J'ai été tellement déçue par une expérience dans une officine très commerciale que j'étais à deux doigts de cesser définitivement d'exercer », raconte-t-elle. L'autre, seule officine de Royère-de-Vassivière, chef-lieu de canton du sud de la Creuse, 636 âmes. Décor bucolique et suranné, planté sur le plateau de Millevaches. La famille Hébrard y débarque une journée d'hiver ensoleillée de janvier 2001 avant de prendre possession de la pharmacie en juillet. Sans hésitation. Même s'il ne l'épaule que pour les tâches administratives, Christine peut compter sur le soutien indéfectible de son mari. Yvan, électricien de formation, s'est tellement pris au jeu qu'il a décidé de devenir préparateur. Il vient tout juste d'obtenir l'équivalent du bac et sera diplômé dans deux ans.

Un commando pour organiser les commandes

A peine installée, Christine Hébrard comprend vite la nécessité de lutter contre le principal risque de l'exercice en milieu rural, l'isolement. Son atout ? Elle maîtrise parfaitement la définition du mot partage. Le partage sous toutes ses formes : partage d'informations, de commandes, de collaborateurs... Et avec tous : ses confrères, les médecins, les kinésithérapeutes, les infirmières, les livreurs et même le facteur. « A un moment, j'ai eu un problème de personnel et, recruter ici, ce n'est vraiment pas évident. Comme je suis régulièrement en relation avec une consoeur de Bujaleuf, dans la Haute-Vienne, j'ai pu partager sa préparatrice avec elle. Cela ne l'a pas le moins du monde dérangée : elle partage déjà son assistant avec un autre confrère, raconte, mi-amusée, mi-sérieuse, Christine Hébrard. Bien entendu, nous faisons les grosses commandes à plusieurs. Avec les pharmacies de Faux-la-Montagne, Vallière, Peyrat-le-Château et même Peyrelevade dans la Corrèze. »

Chacune est isolée, au bas mot, de 15 kilomètres l'une de l'autre. Au volant de leurs camionnettes, les livreurs des grossistes-répartiteurs sont mis dans le coup pour acheminer les cartons vers les pharmacies. Classique, diront certains. Mais le stratagème va jusqu'à s'échanger, au gré des besoins des uns et des autres, les médicaments coûteux que le répartiteur ne veut pas reprendre ou ceux qui dorment en stock et dont la péremption approche dangereusement.

Lorsqu'elle n'est pas de garde, il n'est pas rare que les patients appuient tout de même sur la sonnette de la Pharmacie Hébrard. On peut les comprendre. Qui aurait envie de parcourir des dizaines de kilomètres sans être certain de repartir avec l'ensemble du traitement ? Alors Christine ouvre sa porte sans rechigner et appelle spontanément son confrère de garde pour savoir s'il dispose des médicaments. Si oui, le patient devra lui rendre visite. Sinon, elle délivrera le médicament avec l'aval du pharmacien démuni. Le tout sans rancoeur concurrentielle.

Le facteur, un ami sur qui l'on peut compter

Autre clé de voûte du dispositif Hébrard, le facteur. « Nous lui confions en moyenne un paquet par jour pour qu'il le livre aux patients dépourvus de moyen de locomotion. Ce lien est excessivement important car il s'agit parfois de la seule personne qu'ils vont voir dans la journée ! Alors oui, c'est vrai, il délivre sans conseil, mais nous écrivons systématiquement sur les boîtes la posologie, les moments de prise, etc., et, au moindre souci, nous appelons. Il s'agit la plupart du temps de manquants ou de renouvellements de traitement. » Les infirmières jouent elles aussi un rôle de proximité non négligeable dans le dispositif. « On a la chance d'avoir dans le village un médecin formidable, un avant-gardiste qui aimerait se contenter de poser le diagnostic et que le pharmacien délivre le traitement proposé en avalisant ou en corrigeant de lui-même le tir si nécessaire », s'enthousiasme Christine Hébrard.

Même goût du travail en équipe avec la maison de retraite de Royère. « Si nous n'avons pas voulu souscrire à la mise sous pilulier des médicaments, faute d'une réglementation claire en la matière, nous avons proposé un suivi technique sur l'aspect thérapeutique et mis en avant notre proximité, un atout pour la disponibilité », expose la pharmacienne. L'URCAM a pour cela mis en place entre professionnels de santé une boîte aux lettres sécurisée pour envoyer et recevoir des messages. « Nous comptons utiliser au mieux ce service, prochainement opérationnel. On pourra par ce biais émettre un avis écrit, recevoir des mesures de bas de contention. Surtout, cela va sécuriser encore plus la dispensation en faisant disparaître les Post-it qui fleurissent depuis trop longtemps sur les sacs ! », se réjouit Christine Hébrard. « Ce travail n'est pas payé, mais il est reconnu par les gens avec qui Christine travaille, et c'est comme cela que la profession sortira grandie. Non par le biais commercial », renchérit Yvan, le futur préparateur.

Une prochaine maison médicale de garde

Le 9 juillet dernier a eu lieu une rencontre entre les pharmaciens et les autres professions de santé des différentes communes du Parc naturel régional pour bâtir les fondements de la future maison médicale de garde. « Dans nos campagnes, il y a un trinôme indispensable : le médecin, le pharmacien et l'infirmière, explique Yvan Hébrard. La maison médicale de garde, nous l'imaginons comme une mutualisation de la partie logistique (centres d'appel, secrétariat, local), laquelle embolise le quotidien de professionnels déjà débordés. Ce qui fait d'ailleurs que les jeunes rechignent à s'installer ici. Chaque praticien garderait un lieu de consultation dans le village dans lequel il est installé. Les discussions ne sont pas toujours faciles mais nous avançons. Il faut dire que les pharmaciens sont très souvent exclus du système de soins par les autres professionnels de santé car trop souvent perçus comme des commerçants avides. Le jour où ils perdront leur statut de commerçant, ils auront tout gagné. » Le couple Hébrard poursuit : « Il est urgent de retrouver une place d'éducateur de santé. Nous allons participer à l'élaboration du cahier des charges que nous présenterons à la Région en décembre. Dès septembre, les différents conseils de l'Ordre donneront leur avis. Nous sommes certains que ce projet verra émerger la notion de salariat chez les médecins. Il y aura chez les médecins des assistants salariés qui pourront petit à petit racheter la clientèle pour que le relais puisse se faire. C'est vraisemblablement par ce moyen que nous garderons un réseau médical en milieu rural. »

L'entretien touche à sa fin. L'heure du goûter a sonné pour Emilie, trois ans. Confortablement installé sur l'un des fauteuils du petit bureau, son chaton qui n'a pas loupé une miette de la conversation se blottit dans les bras de Morphée. La vie à la campagne, quoi ! « Si notre qualité de vie est bonne, ce n'est pas pour autant la belle vie », assène Christine Hébrard, avant de se précipiter sur le téléphone. Une fois de plus.

On s'entiche de Millevaches

Situé sur les contreforts du Massif central, au coeur de la montagne limousine, le Parc naturel régional de Millevaches couvre 314 000 hectares pour 41 000 habitants et s'étend sur les départements de la Creuse, de la Corrèze et de la Haute-Vienne. Un projet de développement durable associant développements économique et environnemental y est conduit depuis 2004. 113 communes y adhèrent et 1 500 associations l'animent.

Envie d'essayer ?

Les avantages

- Confronter les points de vue entre confrères permet de mieux relativiser certains problèmes lorsqu'ils surviennent.

- Le groupe émet des avis communs avec une force de proposition accrue au sein du Parc naturel régional.

- D'un point de vue commercial, le partage facilite l'accès à des gammes non référencées en direct et offre une marge de négociation plus importante.

- Le dépannage entre confrères coule de source.

- La gestion des stocks est optimisée puisque certains médicaments trouvent preneurs au sein du groupe alors qu'ils auraient terminé en périmés.

Les difficultés

- L'investissement en temps peut prendre le pas sur la vie de famille. Il ne faut pas se laisser vampiriser.

- Autre inconvénient : le temps important passé au téléphone.

- La mise en place d'un tel projet entraîne une surcharge de travail, à laquelle s'ajoute la fatigue qui en découle.

Les conseils de Chritine Hébrard - La mise en place doit se faire avec des confrères ayant une éthique commune, selon le vieil adage « Qui se ressemble s'assemble ».

- Au dernier arrivé de faire l'effort de s'intégrer dans un réseau déjà constitué.

- La proximité géographique est évidemment un prérequis.

- Il faut oublier tout esprit de concurrence et faire fi des moments difficiles entre confrères.

- Il faut faire l'effort de se former et admettre que la pharmacie puisse être une plaque tournante entre l'infirmier, le médecin voire le laboratoire d'analyses.

Prévoyez-vous de fermer votre officine le 30 mai prochain en signe de protestation ?


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