Regroupements : fiasco ou solution d'avenir ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 2736 du 28/06/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2736 du 28/06/2008
 

Le grand débat

Le regroupement est une opportunité pour les pharmacies de retrouver une certaine sérénité et d'atteindre une taille qui les mettrait à l'abri des aléas économiques. Mais sous ses nouvelles modalités d'application, la loi incitera-t-elle les pharmaciens à y aller ? Pas sûr.

Après l'échec de la loi de 1999 puis de la loi en faveur des PME de 2005, les nouvelles modalités des regroupements sont certes plus incitatives que les précédentes. Mais la version 2008 de la loi laisse la profession sur sa faim et ne fait toujours pas l'unanimité au sein des instances professionnelles. Le bât blesse toujours sur le problème de sécurisation. Avec une licence issue du regroupement gelée pendant six ans, l'opération ne sera pas obligatoirement moins risquée et il pourra dans certains cas être plus avantageux de réaliser un « rachat-fermeture » plutôt qu'un regroupement pur et simple. Mais alors, les pharmaciens restants se priveront des vertus bienfaisantes de l'association : gain en efficacité, qualité d'exercice professionnel, etc.

Indépendamment de ce frein important que l'Assemblée nationale aurait pu lever (le projet de loi initial prévoyait un gel des licences de 10 ans), l'USPO pense que les regroupements restent l'instrument privilégié de concentration du réseau officinal et qu'ils ne pourront pas faire l'économie de mesures d'accompagnement, notamment sur le plan fiscal.

Mais, sur le terrain, les pharmaciens qui se regroupent se heurtent à la lenteur des procédures (lire l'article en rubrique « Transactions » page 45). Il faut se dire que rien n'est figé, et si des évolutions de la loi apparaissent nécessaires parce que certaines dispositions freinent encore les fusions, la profession se devra de les envisager avec pragmatisme.

Un problème de mentalité plus que législatif

Enfin, il faut aussi que les pharmaciens se posent les vraies questions sur une opération qui peut donner un nouveau souffle à la profession. Chacun doit réfléchir à cette éventualité pour l'avenir et ne pas hésiter à s'allier avec son voisin si l'occasion se présente. Certes, une fusion n'est jamais une chose facile sur le plan humain. Il faut du temps pour accepter et accompagner ce type de changement. La révolution des regroupements se situe plus aujourd'hui dans les mentalités que dans les divs.

Reste que le chantier est immense et qu'il y a urgence pour certaines officines à se regrouper. A en croire, le président de l'Ordre, Jean Parrot, il y en aurait 6 000 de trop sur le territoire. Même si le chiffre avancé reste discutable, si la profession parvient au cours de la prochaine décennie à faire le tiers ou la moitié du chemin dessiné par l'Ordre, ce sera déjà une belle victoire remportée par la profession. Car, au-delà d'avoir concentré le réseau, sans le déstabiliser, pour se rapprocher des standards européens, elle aura démontré sa capacité au changement et marqué un précieux point face à ses détracteurs.

Le point de vue de l'expert-comptable

« C'est souvent une bonne solution pour éviter une impasse financière »Philippe Becker, responsable du département pharmacie de Fiducial Expertise, relativise la portée des nouvelles mesures qui vont, selon lui, « apporter un peu plus de sécurité juridique en bloquant les ouvertures d'officines pendant cinq années après le regroupement ». Quant aux mesures qui resteraient à mettre en oeuvre pour aider les pharmaciens à franchir le Rubicon, les pistes à étudier sont nombreuses car la manière de se regrouper est très variable.

Des pharmaciens trop individualistes

« Il y a les vrais regroupements, avec ou sans transfert, il y a les faux regroupements avec rachat par un ou plusieurs pharmaciens de la clientèle avec fermeture d'une officine, distingue-t-il. Quelles que soient les opérations envisagées, elles sont complexes sur un plan juridique et cela a pour effet de refroidir les candidats et aussi les banquiers. Ces derniers ont toujours besoin de financer avec une garantie réelle et ce type de montage leur donne peu de visibilité. Il serait souhaitable que la procédure juridique qui mène au regroupement soit mieux balisée et encadrée. » Cet expert-comptable regrette que depuis la première loi de 1999 sur les regroupements le volet financier ou fiscal n'ait jamais été abordé. « C'est dommage car ceux qui souhaitent se regrouper sont les petites officines, donc les plus faibles financièrement. Chacun sait qu'une telle opération juridique est très coûteuse lorsqu'il y a transfert, des facilités d'emprunt pourraient inciter par exemple des pharmaciens à s'engager dans cette voie. De même qu'un amortissement des investissements sur une période courte aiderait la démarche. »

Outre les aspects juridiques et financiers, les obstacles psychologiques ne sont pas les moindres. « Les pharmaciens sont et restent très individualistes dans l'esprit et parfois cela bloque la réflexion. Ils refusent cette solution car ils considèrent que les autres confrères proches sont avant tout des concurrents. Ils culpabilisent aussi parce que leur officine appartenait à leurs parents ou encore parfois parce qu'ils ont le sentiment d'abandonner leurs clients s'ils font ce choix. Les pouvoirs publics, et d'une manière générale la profession, n'ont pas fait beaucoup de "marketing" autour du regroupement, et là aussi c'est dommage car souvent c'est une bonne solution pour éviter une impasse financière. »

Enfin, il n'y a pas, selon Philippe Becker, trente-six façons de concentrer le réseau. « Les regroupements ont pour objectif de réduire le nombre de licences non viables économiquement. De ce fait, on peut difficilement imaginer un autre stratagème que celui prévu par le div. Les SPFPL ou encore les SEL à plusieurs officines, si les divs le permettent un jour, ne peuvent pas être une solution car les associés n'accepteront jamais de "subventionner" à l'infini une officine en perte qu'ils détiendront via ces structures juridiques. C'est de l'utopie que de croire cela ! Quant au transfert, pourquoi pas, mais là encore on observe que les possibilités sont réduites. Par contre, l'idée d'un fonds de rachat des petites officines invendables pourrait être à étudier. »

Les divergences des syndicats

Un gel de licence supérieur à cinq années inciterait plus de pharmaciens à se lancer

Pour Gilles Bonnefond, président délégué de l'USPO, dresser un bilan est prématuré. « On ne peut pas conclure que la nouvelle loi sur les regroupements ne marche pas six mois après sa promulgation. La fusion d'officines est une opération compliquée qui prend du temps. De plus, les nouvelles règles ne sont pas encore complètement connues et assimilées. » Philippe Gaertner, président de la FSPF, s'accorde aussi à le dire : « Les nouvelles mesures n'ont pas été tellement annoncées en amont, les pharmaciens intéressés ne s'y sont pas préparés et ne se sont pas approprié les divs. Il faudra attendre un an pour tirer des enseignements. » Gilles Bonnefond pense que la profession n'a pas assez communiqué sur le gel des licences et ses modalités d'application. « La protection de 5 ans est un délai a minima, insiste-t-il. Après, le préfet peut dégeler la licence seulement si ce regroupement a déstabilisé l'offre pharmaceutique dans la commune et si la desserte de la population n'est plus optimale. Autrement dit, si le regroupement est bien étudié, s'il n'existe pas de quartiers non approvisionnés après fusion, les pharmaciens qui se regroupent n'ont rien à craindre. »

Une desserte optimale à géographie variable

Ce n'est pas l'avis de Claude Japhet, président de l'UNPF, qui estime qu'un gel des licences de 5 ans n'est pas incitatif et suffisamment sécurisant par rapport aux risques que comporte une opération de regroupement. « Le risque d'implantation d'une nouvelle officine et le risque financier lié à la perte éventuelle de chiffre d'affaires après regroupement restent trop élevés au regard d'une protection de cinq ans qui n'est que transitoire. Passé ce délai, l'avenir économique de l'officine issue du regroupement dépend de la décision du préfet qui peut à tout moment accorder l'ouverture d'une officine concurrente. Il peut mettre fin au gel si l'approvisionnement en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier d'origine des officines disparues du fait du regroupement, se révèle compromis ou si la desserte de la population n'est plus optimale. Or, il n'y a pas de définition de la desserte optimale, donc chacun peut interpréter comme il l'entend. »

Toutefois, le risque d'un dégel doit être relativisé dans les villes où la densité des officines est importante. Pour Philippe Gaertner, le nouveau dispositif, qui résulte en fait de la concomitance de dispositions spécifiques au regroupement avec la nouvelle loi de répartition, peut être incitatif pour des officines situées dans des zones géographiques particulières et qui se regroupent avec la certitude qu'après 5 ans de vie commune, il n'y aura pas de risque de voir réapparaître une nouvelle licence. En dehors de ce cas, il se range à l'avis général : « Un gel de licence de 5 ans ne permet pas de stabiliser économiquement une pharmacie issue d'une fusion. Par contre, une période de dix ans est suffisamment longue pour que la nouvelle structure, logiquement plus importante, puisse se mettre en configuration pour offrir plus de services à la population et pour que cela soit perceptible. »

Offrir des incitations fiscales

Yves Trouillet, président de l'APR, relègue au second plan la portée du gel des licences, quelle qu'en soit sa durée. La seule mesure intéressante insérée dans la LFSS 2008, à ses yeux, est l'augmentation du quorum jusqu'à 3 500 habitants à partir de la seconde pharmacie dans la commune. Une tranche aussi élevée va sécuriser d'éventuels regroupements, lorsque la population stagne, en limitant le nombre de lieux d'accueil des transferts et donc leur fréquence. Pour autant, « les freins au regroupement sont financiers et psychologiques, il faut que sur ces deux plans les pharmaciens soient bien préparés et que leur décision soit mûrement réfléchie avant de réaliser leur projet. Rien ne se fera sans une économie stable et saine. Il faut aussi qu'ils soient prêts à sortir d'une période de concurrence pour entrer dans une période de confraternité où ils mettront en commun des moyens et des clientèles. »

Pour amorcer la pompe, l'USPO estime que les regroupements peuvent se passer d'aides financières de l'Etat mais pas d'incitations fiscales pour les rendre attractifs. « Un regroupement coûte cher, il est indispensable que les pharmaciens puissent amortir dans des conditions optimales leurs investissements. Le syndicat recherche avec l'aide d'experts des solutions permettant à des SEL de défiscaliser leurs investissements et entend faire des propositions à Bercy. » Sur ce plan, Philippe Gaertner ne se fait pas d'illusions : « De telles mesures ne sont pas dans l'air du temps ! »

Quand bien même il le voudrait, l'Etat-providence ne pourrait pas tout régler. « Les difficultés à regrouper deux pharmacies à Paris et en province ne sont pas les mêmes », fait remarquer Gilles Bonnefond. Le président de l'APR souligne, lui, que les difficultés à trouver un local adapté, correspondant au volume d'activité des officines regroupées, ne sont pas propres aux grandes métropoles et que les pharmacies rurales peuvent rencontrer le même problème.

« Fermeture sans rachat », l'autre solution

La faiblesse économique des acteurs du regroupement est en soi un facteur de blocage qu'il sera difficile de lever. Yves Trouillet est convaincu que les regroupements se feront au compte-gouttes. « Il ne faut pas se leurrer ! On ne fermera pas d'un coup les 3 000 pharmacies ouvertes par dérogation dans la période de 1979 à 1999, d'autant qu'en tant que profession indépendante, il ne faut pas s'attendre à des aides publiques de l'Etat ou des subventions prises sur les budgets municipaux. » Il croit davantage dans l'efficacité des « fermetures sans rachat » pour faire baisser le nombre des pharmacies. Comme celles-ci risquent de survenir à l'occasion des départs en retraite, il souhaite la mise en place d'un fonds d'indemnisation qui faciliterait leur sortie à condition qu'elle s'accompagne d'une restructuration pertinente du réseau dans le secteur où la pharmacie a fermé. « Il faut relancer l'idée d'un fonds de péréquation de rachat d'officines situées dans des zones en forte surdensité pharmaceutique », appuie Philippe Gaertner, à condition de ne pas se tromper d'objectif. « Le but n'est pas de spolier les pharmaciens qui se retrouvent dans cette situation. »

De son côté, Gilles Bonnefond maintient que le regroupement est l'instrument privilégié de restructuration du réseau. « Les transferts ne seront pas suffisamment nombreux pour résorber le nombre de pharmacies excédentaires dans les zones de surdensité. » Au contraire, Claude Japhet pense que ce sont les transferts qui, en déplaçant des officines de zone en surnombre vers des zones de déficit, permettront une redistribution des cartes en matière d'implantations. « Les regroupements resteront un épiphénomène, en revanche, je crois davantage aux transferts car le nouveau recensement démographique de 2008 devrait révéler environ 700 possibilités d'ouverture d'une officine. »

Les trois syndicats sont formels : les SEL à plusieurs points de vente ne permettront pas de réduire le nombre d'officines dans le réseau. « La logique d'un réseau est de regrouper des pharmacies importantes et qui ne sont pas forcément voisines », souligne Philippe Gaertner. Cependant, il n'exclut pas que, dans des cas particuliers, le nouveau projet de la profession sur les SEL puisse aboutir au même résultat qu'un regroupement.

Se regrouper ou mourir ?

Les SEL détenant plusieurs points de vente ne doivent pas être une solution en désespoir de cause. Pour Gilles Bonnefond, elles ne sont pas destinées à maintenir en vie des pharmacies qui n'apportent plus un service à la population et qui n'ont pas la capacité financière de se regrouper. « Maintenir un point d'accueil qui n'est pas nécessaire se fera au détriment de la rentabilité du nouveau modèle de SEL », met-il en garde. Et Yves Trouillet d'ajouter : « Il n'est pas envisageable de maintenir une officine d'un réseau ouverte quelques heures par jour si elle n'assure plus un service de santé de proximité. »

Que l'objectif de perfectionnement du maillage territorial se double d'un objectif d'adoption de nouvelles formes d'exercice, très bien ! « Mais ne mélangeons pas restructuration du réseau et mise en place de nouveaux schémas pour régler les problèmes de financement, de fiscalité et de revente de nos entreprises, prévient Claude Japhet. Les solutions à mettre en oeuvre ne sont pas dépendantes les unes des autres. »

Pour Gilles Bonnefond, c'est l'évidence même : « Les pharmaciens viendront au regroupement, parfois dans l'urgence, sous la contrainte économique. » Comme quoi, lorsque le danger frappe à la porte et que l'on est acculé, le changement, lui, se fait acceptable ! Claude Japhet ne conteste pas ce fait mais estime que même si nombre de pharmacies connaissent des difficultés économiques, elles « n'ont pas encore le couteau sous la gorge qui les forcerait à recourir au regroupement en dernière extrémité. »

Le constat de l'Ordre

« Un très grand nombre de regroupements sont actuellement à l'étude »

Jean-Charles Tellier, président du conseil central A de l'ordre des pharmaciens, estime que les apports successifs des différentes lois depuis 1999 (loi de répartition, loi en faveur des PME, LFSS pour 2008) offrent aujourd'hui un plus grand champ libre aux regroupements. « Les nouvelles dispositions permettent de regrouper plusieurs officines sans limite de nombre et de périmètre géographique, sachant que tous les verrous qui pourraient porter obstacle à cette initiative, comme le nombre de diplômes à conserver, l'impossibilité de revente avant 5 ans, ont été levés. Le lieu d'exploitation peut être un lieu différent de celui des lieux d'exploitation des officines d'origine, dès lors que le regroupement s'effectue sur une des communes d'implantation des officines concernées, ce qui permet d'ajouter à l'opération les avantages d'un transfert. »

Néanmoins, il est conscient que d'autres améliorations doivent être apportées. « Au-delà des mesures déjà prises, le gel des licences pendant 5 ans, on pourrait imaginer que ce gel soit éventuellement plus long et que des mesures fiscales d'accompagnement soient prises. Ce qui inciterait véritablement les pharmaciens à user d'une procédure déjà considérablement allégée. Les derniers obstacles sont d'ordre professionnel et certains de nos confrères n'ont pas encore perçu l'intérêt des regroupements, notamment lorsqu'ils exercent dans des communes proches. C'est donc davantage un frein psychologique qu'une véritable difficulté juridique et technique. » Jean-Charles Tellier est persuadé que les regroupements sont en ordre de marche et qu'ils ne cesseront de progresser. « Un très grand nombre sont actuellement à l'étude, ils seront à l'avenir plus nombreux et permettront aux nouvelles dispositions d'être pleinement appliquées. L'exemple des SEL est à ce titre révélateur, il a fallu plusieurs années à compter de la loi de 1990 pour que ce type d'exploitation soit utilisé. » La profession souhaite mettre en place d'autres solutions (SEL à plusieurs points de vente, holdings) pour moderniser le réseau des officines. Mais, comme les syndicats, Jean-Charles Tellier met en garde contre le mélange des genres. « Les regroupements visent essentiellement à ce que l'activité pharmaceutique soit exercée d'une manière satisfaisante et rationnelle sur l'ensemble du territoire. En clair, les regroupements visent à absorber les lieux d'exploitation excédentaires, notamment dans les grandes métropoles, tout en préservant une desserte pharmaceutique optimale et équilibrée. Les autres moyens cités n'ont pas cet objectif puisque ce sont des dispositifs d'exploitation sans visée de rationalisation du réseau. »

L'avis de la CAVP

« Agir avant qu'il ne soit trop tard »

Avenir du réseau et installation des jeunes pharmaciens sont des sujets sur lesquels Bernard Lagneau, président de la Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens, n'hésite pas, quand il le faut, à monter au créneau. « A défaut d'être incitatives, les nouvelles dispositions sont moins inhibitrices que les précédentes. On sait qu'il va falloir profondément changer les esprits chez des pharmaciens habitués depuis toujours à l'entreprise individuelle. Si des craintes persistent de voir arriver ensuite une création ou un transfert, jamais on ne convaincra des confrères de la nécessité se regrouper. » Bernard Lagneau juge frileuses les mesures de protection de l'après-regroupement.

Des freins psychologiques

En termes d'économies et de services, il attend plus des regroupements que de tout autre dispositif avec les SEL. « Les économies ne s'entendent que dans une seule structure regroupée, et pas en laissant juxtaposées des individualités. Quitte à choisir un rapprochement, la fusion dans un local qui n'est ni celui de l'un ni celui de l'autre, pour des raisons à la fois de positionnement et psychologiques, me paraît le meilleur choix. A propos de psychologie, on a du mal à imaginer des pharmaciens voisins qui se regroupent. Prenons le cas d'un ingénieur qui postule pour un emploi. Après avoir franchi toutes les étapes de sélection, il décroche le poste. Il fête légitimement son embauche. Il ne lui viendrait pas à l'idée de dire : présentez-moi les collaborateurs avec lesquels je devrai travailler pour savoir si je m'entendrai avec eux ! Il y a des priorités. Celle de la construction d'un avenir pérenne pour nos entreprises passe avant les relations de personnes, même si elles sont très importantes. »

Le regroupement est l'avenir, et cela ne fait aucun doute pour Bernard Lagneau : « Il est prôné par les mêmes politiques qui ont créé des milliers de pharmacies dans les années 80 et qui disent aujourd'hui qu'il y en a trop ! Aujourd'hui, des pharmaciens ont pour la plupart les moyens d'un regroupement. Et ce n'est pas quand l'économie sera encore plus dégradée qu'il faudra y penser. Il sera peut-être trop tard pour certains... »

La proposition du consultant

« Régionaliser le quorum »

La prise en compte des licences libérées au sein de la commune d'accueil incite les pharmaciens titulaires à se regrouper, notamment lorsqu'une ouverture par transfert national devient possible, à plus ou moins court terme, dans leur commune », apprécie Serge Veillard, directeur d'ARTCO (Aide au regroupement, au transfert et à la création d'officines). Même si l'interprétation de cette notion mentionnée dans l'alinéa 4 de l'article L. 5125-15 donne lieu à débats (lire Le Moniteur n° 2723), elle permettrait de comptabiliser une, deux, trois licences ou plus pour une seule pharmacie issue d'un regroupement. Serge Veillard souligne d'autres avancées telles qu'une extension, certes limitée, de la territorialité des regroupements ou leur non-assujettissement au critère quantitatif de quorum contrairement aux transferts et aux créations. Mais compte tenu des précisions apportées par la loi sur les conditions de regroupement (répondre de façon optimale aux besoins en médicaments du quartier d'accueil, ne pas compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments du quartier d'origine), « il n'est pas moins difficile de démontrer le respect de ces conditions pour un regroupement que pour un transfert, ou une création, qui, eux, peuvent s'appuyer sur les chiffres fixés par le quorum ».

Réévaluer le quorum tous les 5 ans

Avant d'envisager de nouvelles mesures, il convient, selon Serge Veillard, de définir les besoins de la population et, par conséquent, d'évaluer le nombre optimal d'habitants par officine. « Une réévaluation quinquennale du quorum pourrait apporter aussi bien à la population qu'à la profession une garantie d'étude prospective qui servirait notamment à évaluer précisément le nombre potentiel d'ouvertures par transfert (hors transferts intracommunaux). La remise à jour régulière de cette étude serait facilitée par l'annuité des résultats de recensement. » Une autre proposition avancée par ARTCO, qui n'altérerait en rien la qualité du réseau, est de régionaliser le quorum, avec possibilité de le réviser à la hausse ou à la baisse en fonction des mouvements de population. « L'Alsace et la Moselle bénéficient d'un quorum particulier, pourquoi n'en serait-il pas de même de chaque région en fonction des besoins locaux en termes de restructuration ? De la même façon que sont définies des zones d'urbanisation prioritaires, le territoire serait découpé en "zones de médicamentalisation prioritaires", avec pour objectif de répondre de manière optimale aux besoins en médicaments de l'ensemble du territoire tout en considérant la viabilité des officines à venir. »

Simplifier les procédures

Certains amendements à la loi seraient aussi les bienvenus. Par exemple, l'article L. 5125-15 pourrait autoriser les regroupements dans toute autre commune de tout autre département, sous réserve du respect des conditions des articles L. 5125-3 et L. 5125 11. « Cela élargirait les conditions nécessaires à un regroupement tout en maintenant les critères qualitatifs de démogéographie pharmaceutique de l'article L. 5125-3, et tout en introduisant de nouveaux lieux d'accueil possibles répondant à des critères quantitatifs de quorum. » L'article L. 5125-11 pourrait être modifié comme suit : « L'ouverture d'une officine dans une commune qui en est dépourvue peut être autorisée par voie de regroupement ou de transfert lorsque le nombre d'habitants recensés dans la commune est au moins égal à 2 500. L'ouverture d'une nouvelle officine dans une commune de plus de 2 500 habitants où au moins une licence a déjà été accordée, peut être autorisée par voie de regroupement ou de transfert à raison d'une autorisation par tranche entière supplémentaire de 3 500 habitants recensés dans la commune. » Enfin, la procédure même du regroupement doit être simplifiée. « L'intervention d'un commissaire aux parts, préalablement à la fusion, ralentit considérablement la procédure, d'autant que la demande d'ouverture par regroupement doit être présentée au nom de la future société exploitante et non pas au nom des sociétés demandant le regroupement. » Les demandes de regroupement, bien que prioritaires sur les transferts, pourraient se faire damer le pion parce que les dossiers de transfert sont plus vite instruits.

Se regrouper, ce n'est pas donné !

Le réseau des notaires de Pharmétudes a estimé le coût global d'un regroupement au vu des simulations financières qu'il réalise pour le compte de pharmaciens candidats. « La fourchette moyenne de coût d'un regroupement est comprise entre 87 000 Euro(s) pour un petit regroupement et 165 000 Euro(s) pour un gros regroupement, évalue Georges Dintras, notaire à Paris et membre du réseau. Mais cet investissement en vaut la peine et sera remboursé par la création de valeur engendrée par le regroupement. » Ce coût estimatif comprend notamment les études préalables, l'audit, la création de la société, les frais administratifs, les frais de déménagement des officines, les honoraires des conseils, les travaux d'agencement ou de rénovation, le système informatique (nouveau ou extension), les loyers des anciens baux, le coût d'un nouveau local, la fusion des stocks, les licenciements éventuels d'employés, le refinancement des emprunts et des dettes, les pénalités de remboursement anticipé, etc.

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