Antiulcéreux 16 cas pratiques - Le Moniteur des Pharmacies n° 2735 du 21/06/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2735 du 21/06/2008
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

1-effets indésirables

Flatulences sous Inexium

Monsieur C., 56 ans, est traité pour un ulcère duodénal par l'association classique antiulcéreux-antibiotiques : en l'occurrence, il est venu chercher à la pharmacie une prescription associant pendant une semaine amoxicilline (1 g x 2 /j), clarithromycine (500 mg x 2 /j) et ésoméprazole, un inhibiteur de la pompe à protons, (Inexium 20 mg, un comprimé deux fois par jour) .

Deux jours après avoir débuté ce traitement, monsieur C. a commencé à ressentir des sensations inconfortables au niveau de l'estomac, à type de crampes sourdes et continues. Des douleurs intestinales, également présentes, s'accompagnent de flatulences importantes. En revanche, les douleurs aiguës, gastriques, qui le réveillaient la nuit ou l'empêchaient de travailler en fin de matinée, ont régressé.

Inquiet de ces nouveaux symptômes, monsieur C. vient demander conseil à la pharmacie.

Ces signes nouveaux sont-ils inquiétants ?

Non, du moins pas en début de traitement, car des signes digestifs comptent au nombre des effets indésirables banalement rapportés chez les patients sous inhibiteur de la pompe à protons (IPP).

Analyse du cas

Le traitement par inhibiteur de la pompe à protons bénéficie d'une bonne tolérance générale. Toutefois, la survenue de signes digestifs est qualifiée de « fréquente » dans le RCP des diverses spécialités. L'Inexium peut ainsi entraîner la survenue de douleurs abdominales, diarrhées ou, inversement, constipation, flatulences, nausées, vomissements...

De plus, le traitement antiulcéreux inclut également la prescription de deux antibiotiques susceptibles par eux-mêmes d'être à l'origine de troubles digestifs : clarithromycine et amoxicilline.

En revanche, l'efficacité du traitement est très rapide sur la symptomatologie aiguë relevant de l'ulcère : l'effet est maximum en trois à cinq jours. Il est donc normal que la prescription d'un antisécrétoire se traduise ici par une sédation des douleurs gastroduodénales aiguës.

Attitude à adopter

Les signes régressent le plus généralement en quelques jours. De plus, ici, le traitement sera bref : une semaine. Vous pouvez rassurer votre patient en lui recommandant de contacter son médecin si les signes s'aggravent.

2-effets indésirables

Madame B. ne reconnait plus sa maison

Vous connaissez bien madame B., âgée de 82 ans. Ce matin, c'est son fils, inquiet, qui passe dès l'ouverture. A son lever, sa mère était passablement désorientée : elle ne savait plus où elle était et a mis plusieurs minutes à reconnaître la maison. Elle semblait inquiète et tenait des propos vides de sens. Depuis, elle va mieux mais, se déclarant fatiguée, elle a souhaité se recoucher. Le seul nouveau médicament introduit récemment est le Mopral 20 mg, un comprimé matin et soir. Peut-il exister un lien entre ces symptômes et l'introduction du Mopral ?

Ce n'est pas impossible. Oméprazole (Mopral) et ésoméprazole (Inexium) peuvent, de façon exceptionnelle, induire des troubles natrémiques à l'origine d'une confusion mentale.

Analyse du cas

Madame B. souffre entre autres d'insuffisance hépatique. Elle bénéficie d'un traitement gastroentérologique incluant du Mopral (20 mg matin et soir) depuis cinq jours, à la suite de douleurs gastriques. On peut imaginer, même s'il s'agit d'une éventualité rare, que les troubles transitoires présentés par cette patiente ce matin aient une origine iatrogène : le RCP du Mopral décrit des cas de confusion mentale, voire d'hallucinations, chez les sujets insuffisants hépatiques, notamment âgés, et envisage également de possibles hyponatrémies.

Attitude à adopter

Vous rassurez monsieur B. et prenez contact avec le prescripteur pour évoquer la situation. Celui-ci décide de vérifier la natrémie de sa patiente et de modifier le traitement en remplaçant la prescription d'oméprazole par celle de rabéprazole (Pariet), médicament ne semblant pas exposer aux mêmes effets indésirables. De fait, madame B. sera traitée pendant deux semaines sans autre problème. La natrémie mesurée est basse mais encore dans les valeurs normales.

3-effets indésirables

Une diarrhée qui va gâcher le voyage

Madame P., 67 ans, vient vous demander conseil. Elle s'apprête à partir cinq jours en Italie faire un périple en car et, depuis la veille, elle souffre de diarrhées récurrentes, sans douleurs abdominales, mais très gênantes. Elle n'a pas l'impression d'avoir mangé de plat suspect et ne présente pas de fièvre. Face à cette interrogation, vous vérifiez son historique médicamenteux. Une ordonnance a été délivrée juste avant le week-end pour ses rhumatismes : Voltarène, Cytotec et Di-Antalvic.

Diarrhée virale ou iatrogène ?

Observée sans raison directement compréhensible et sans altération particulière de l'état général, la diarrhée de Mme P. peut avoir une origine iatrogène, d'autant qu'un nouveau traitement comprenant du Cytotec (misoprostol, un comprimé deux fois par jour) vient d'être initié chez cette patiente rhumatisante.

Analyse du cas

Le misoprostol est un analogue synthétique de la prostaglandine E1, prescrit ici en prévention des lésions induites par les AINS prescrits à madame P. pour traiter ses douleurs rhumatismales. Comme toutes les prostaglandines, naturelles ou de synthèse, le misoprostol induit par augmentation de la motricité intestinale, des diarrhées dose-dépendantes, parfois accompagnées de douleurs.

Attitude à adopter

Face à cet effet indésirable plus gênant que grave, vous rassurez madame P. De fait, le trouble devrait spontanément cesser rapidement, avec la poursuite du traitement. Toutefois, vous pouvez conseiller à votre cliente de fractionner la prise du médicament en quatre administrations quotidiennes (1/2 comprimé matin, midi, dîner et coucher) au lieu de deux et, bien sûr, d'arrêter le Cytotec dès que le traitement par Voltarène sera terminé.

1-interactions médicamenteuses

Reyataz et Inipomp : incompatibles !

Monsieur Jérôme T., 43 ans, est traité depuis plus de 10 ans par antirétroviraux. L'infectiologue hospitalier, confronté à une chute sensible des lymphocytes T4, lui a prescrit depuis quelques mois une nouvelle combinaison d'antirétroviraux incluant l'atazanavir (Reyataz) . Aujourd'hui, en vacances pour quelques jours chez sa mère à Royan, monsieur T., qui se plaint de dyspepsie et de douleurs digestives parfois violentes après les repas, décide de consulter un médecin. Pensant que ses douleurs d'estomac n'ont rien à voir avec son infection par le VIH, il ne met pas au courant le médecin de sa trithérapie. Il sort de la consultation avec une ordonnance associant Inipomp et Spasfon. A la pharmacie, une boîte de Reyataz lui a été délivrée le mois dernier car il avait oublié son traitement à son domicile. Le système informatisé d'analyse d'ordonnance vous alerte immédiatement.

Peut-on délivrer l'Inipomp ?

Non ! Une trithérapie antirétrovirale comme celle dont bénéficie Monsieur T. doit toujours inviter à la plus grande prudence. Les interactions et effets indésirables sont particulièrement nombreux. Après vérification dans le Vidal, il s'avère que l'association d'atazanavir et d'un inhibiteur de la pompe à protons est contre-indiquée.

Analyse du cas

Les antisécrétoires inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) diminuent les taux plasmatiques de l'atazanavir (Reyataz) : la diminution va jusqu'à 75 % chez les patients traités par oméprazole par exemple. Il s'agit d'un effet de classe susceptible d'entraîner un échec thérapeutique du traitement antirétroviral : il faut donc proscrire l'association d'un IPP à l'atazanavir. Par chance, monsieur T. a déjà pris une boîte de Reyataz dans cette pharmacie de province, ce qui a déclenché l'alerte. Lorsque le dossier pharmaceutique sera généralisé, cette contre-indication apparaîtra quel que soit le lieu de délivrance de l'antirétroviral (sauf si le patient s'y oppose).

Attitude à adopter

Vous pouvez délivrer le Spasfon, mais pas l'Inipomp ! En profiter pour resensibiliser monsieur T. aux interactions possibles avec son traitement antirétroviral : il est indispensable qu'il prévienne tous les médecins qu'il consulte de son traitement par Reyataz. Il est certain que la prescription de l'infectiologue, dans un domaine aussi sensible que celui d'une infection par le VIH, ne saurait être remise en question. Vous proposez de contacter le médecin généraliste de Royan pour envisager une alternative à l'Inipomp, mais monsieur T. préfère ne prendre que le Spasfon et aller consulter son médecin habituel à Paris la semaine prochaine.

2-interactions médicamenteuses

Ne pas s'endormir au volant

Monsieur L., 57 ans, alcoolodépendant, est traité depuis maintenant près de deux ans par naltrexone (Revia, 1 cp/j), acamprosate (Aotal, 2 cp matin, midi et soir) et diazépam (Valium, 3 x 5 mg/j). Le médecin vient de lui prescrire un traitement pour un ulcère duodénal simple, associant amoxicilline (Hiconcil), clarithromycine (Claramid) et ésoméprazole (Inexium 1 comprimé à 20 mg matin et soir) sur 7 jours.

Quel est le risque lié à cette prescription ?

L'ésoméprazole (Inexium) réduit la cinétique de catabolisme des benzodiazépines par inhibition du cytochrome CYP2C19, et peut augmenter leur taux sérique. Ainsi, la prescription de 30 mg d'ésoméprazole induit une réduction de 45 % de la clairance du diazépam. Conséquence : un risque de somnolence, particulièrement dangereux pour ce patient qui de par son métier circule beaucoup en voiture.

Analyse du cas

Le traitement psychoactif est destiné à faciliter le maintien de l'abstinence chez monsieur L. S'il a antérieurement fait de nombreuses rechutes lors des tentatives de sevrage, il semble aujourd'hui relativement équilibré et suit avec assiduité des rencontres d'anciens buveurs à visée psychothérapique. La prescription de diazépam est actuellement recommandée dans un condiv d'éthylisme chronique par la Société française d'alcoologie.

Attitude à adopter

Il n'y a pas de contre-indication formelle à cette association. Il faut donc simplement mettre ce patient en garde contre tout risque d'assoupissement au volant. Il peut être utile de lui rappeler quelques règles simples : ne pas prendre la route après une mauvaise nuit, prendre la précaution de s'arrêter toutes les deux heures, ne pas croire que le café ou une autre boisson stimulante peut empêcher une survenue brutale du sommeil. En cas de somnolence trop importante et handicapante, le médecin devra revoir à la baisse la posologie du diazépam, en proposant, par exemple, un schéma d'administration du type 2 mg/2 mg/5 mg.

3-interactions médicamenteuses

Pas de Tagamet pour monsieur K.

Monsieur K., 65 ans, souffre d'insuffisance cardiaque depuis longtemps. Son traitement comporte un diurétique (furosémide), un IEC (périndopril) et Kredex, un bêtabloquant adapté au traitement de l'insuffisance cardiaque (carvédilol), initié depuis deux mois. Monsieur K. doit revoir son cardiologue dans 8 jours. Entre-temps, il est allé consulter son médecin généraliste pour des douleurs lombaires. Il vient aujourd'hui avec une ordonnance qui comporte de l'Apranax (naproxène) et du Tagamet 800 mg (cimétidine) pendant une semaine.

Peut-on délivrer Tagamet ?

Non. C'est une association contre-indiquée avec Kredex. Il faut utiliser un autre antisécrétoire. Tagamet risque d'entraîner une décompensation de l'insuffisance cardiaque.

Analyse du cas

La cimétidine utilisée à des doses supérieures ou égales à 800 mg peut être à l'origine d'une augmentation de concentration du carvédilol. Or, la prescription de bêtabloquant chez l'insuffisant cardiaque, autrefois contre-indiquée, fait dorénavant partie de la stratégie thérapeutique validée, mais nécessite une titration très progressive et une surveillance cardiaque rapprochée.

Le traitement bêtabloquant doit être réduit ou interrompu en cas d'hypotension sévère, de décompensation de l'insuffisance cardiaque avec oedème aigu du poumon, de bradycardie symptomatique... Il est donc contre-indiqué d'associer un inhibiteur enzymatique qui risque de modifier brutalement la concentration sanguine de carvédilol.

Attitude à adopter

Vous appelez le médecin pour lui faire part de l'interaction. Celui-ci décide de limiter le traitement anti-inflammatoire à trois jours et de prescrire un IPP à la place de Tagamet pendant trois jours. Il avait prescrit cet anti-H2 car dans le dossier de monsieur K. une précédente prescription de Lanzor avait déclenché une diarrhée.

4-interactions médicamenteuses

Prudence avec le Préviscan !

Monsieur François S., 68 ans, traite ponctuellement ses douleurs d'estomac par Tagamet 200 (cimétidine), un à trois comprimés par jour, notamment lorsqu'il a trop mangé ou... trop bu, ce qui arrive assez souvent. S'étant plaint d'essoufflement à l'effort, son médecin l'a envoyé consulter un cardiologue. Celui-ci a diagnostiqué un trouble du rythme avec lésions cicatricielles suggérant un petit infarcissement du myocarde passé inaperçu au plan clinique, et a rédigé une ordonnance associant Cotareg (ARA II + diurétique thiazidique) et Préviscan, anticoagulant oral.

Que conseiller à ce client ?

Outre les conseils habituels donnés lors de l'initiation d'un traitement anticoagulant, vous attirez l'attention de monsieur F. sur le risque lié aux excès de table et de boisson qui ne peuvent que nuire à son équilibre cardiaque. De plus, la cimétidine, qu'il utilise en automédication de façon un peu anarchique, risque de perturber l'équilibre de l'INR.

Analyse du cas

L'association de cimétidine et d'anticoagulants oraux nécessite des précautions d'emploi car l'anti-H2 peut entraîner une augmentation de l'effet anticoagulant oral et du risque hémorragique (diminution du métabolisme hépatique de l'AVK). En l'absence d'insuffisance hépatique, cette interaction ne concerne en principe que les posologies de cimétidine à partir de 800 mg/j. Mais, ici, la prudence doit être de règle car du fait de sa tendance à la boisson, il est possible que monsieur S. souffre d'insuffisance hépatique débutante. Il est donc logique d'arrêter totalement la cimétidine.

Attitude à adopter

Vous prenez le temps d'expliquer à monsieur S. son nouveau traitement, l'importance du contrôle de l'INR, les signes d'alerte d'un surdosage en Préviscan, et vous l'incitez à parler à son médecin de ce problème digestif lors de sa prochaine consultation. En attendant, vous lui proposez du Maalox, en précisant bien que celui-ci doit être pris deux heures au moins avant ou après ses autres médicaments.

5-interactions médicamenteuses

Une initiative discutable

Mademoiselle T., 58 ans, peu sociable, vit retirée dans un petit appartement avec ses chats. Elle n'a jamais travaillé, vit d'allocations diverses et souffre de troubles de la personnalité sur fond de comitialité. Son historique de délivrance mentionne notamment du Tégrétol (carbamazépine). Arrivant à l'officine, vous apprenez que ce matin même une étudiante en stage lui a vendu une boîte de Stomédine (cimétidine 200 mg). Mademoiselle T., outrageusement maquillée comme à l'habitude, et d'une présentation plutôt excentrique, se plaignait de vagues douleurs gastriques et souhaitait un traitement rapidement efficace.

Etait-ce le meilleur choix ?

Sans doute pas pour un médicament conseil. La cimétidine est connue pour exposer à de nombreuses interactions. Le risque de décompensation est tout particulièrement important chez un sujet traité pour comitialité.

Analyse du cas

A la posologie maximale recommandée (400 mg/jour), le risque d'interaction avec la cimétidine est extrêmement faible. Si cette posologie est dépassée, la cimétidine inhibe certains métabolismes hépatiques. Son association à la carbamazépine nécessite des précautions d'emploi.

Attitude à adopter

Vous connaissez de longue date mademoiselle T. et savez combien il lui est difficile de respecter une prescription. Sans conseils spécifiques, sans encadrement, et ayant tendance à somatiser facilement, elle risque d'associer sans retenue la prise de cimétidine à celle de carbamazépine (Tégrétol), médicament qui lui est prescrit depuis des années.

Vous faites donc observer à l'étudiante qu'elle aurait dû privilégier un produit plus anodin, car il n'est pas certain que cette patiente un peu particulière respecte la posologie préconisée.

La quantité totale de cimétidine délivrée étant de 2 000 mg, le risque reste faible.

Objectif du traitement antiulcéreux

L'objectif du traitement d'un ulcère gastrique ou duodénal est d'obtenir sa cicatrisation par une réduction de la sécrétion acide gastrique et, si besoin, par l'éradication du germe Helicobacter pylori très souvent à l'origine de la maladie ulcéreuse. Ce traitement vise aussi à prévenir d'éventuelles récidives.

- L'inhibition de l'acidité peut être obtenue par administration de topiques minéraux (« pansements ») gastriques : ces médicaments n'ont pas d'indication explicite dans l'ulcère.

- Parmi les médicaments bénéficiant d'une indication explicite, un topique organique, le sucralfate (Kéal, Ulcar), ainsi qu'une prostaglandine (Cytotec et dans Artotec) ne sont pas cités dans les divs des références médicales : leur prescription devient plus marginale.

En pratique donc, seules deux familles dominent aujourd'hui cette indication :

- Les antagonistes des récepteurs histaminergiques de type 2 (anti-H2) dont la découverte dans les années 1970 a révolutionné le traitement de la maladie ulcéreuse. Les anti-H2 figurent dans les spécialités du conseil pharmaceutique compte tenu de leur sécurité d'emploi.

- Les inhibiteurs de la pompe à proton, plus récents, forment l'essentiel du traitement préventif comme curatif de la maladie ulcéreuse. Ils constituent un rationnel validé en matière de prévention des gastropathies AINS-dépendantes, l'administration en étant prolongée pendant toute la durée du traitement anti-inflammatoire. Ce traitement préventif doit s'accompagner d'une éradication de Helicobacter pylori si le germe est retrouvé.

Comment agissent les antiulcéreux ?

- Le sucralfate forme au contact du suc gastrique acide (pH < 4) une pâte épaisse venant recouvrir la muqueuse lésée, la protégeant des agressions acides. La cicatrisation est ainsi facilitée.

- Le misoprostol mime l'action physiologique des prostaglandines : il stimule la production de mucus par les cellules épithéliales et diminue la sécrétion acide par les cellules pariétales.

- Les antisécrétoires (inhibiteurs de la pompe à protons et les antihistaminiques H2) ont une action systémique.

- Les IPP inhibent une enzyme (H+/K+ ATPase) permettant l'échange des ions K+ contre des ions H+ au niveau des cellules pariétales. Ils réduisent ainsi de façon drastique la sécrétion acide dans l'estomac. Instables en milieu acide, ce sont des formes gastrorésistantes ne se libérant qu'au niveau de l'intestin.

- Les anti-H2 exercent une action antagoniste de l'histamine sur les récepteurs histaminergiques (récepteurs H2) des cellules pariétales de l'estomac. En effet, l'histamine libérée par les cellules entérochromaffines sous stimulation vagale et sous l'action de la gastrine augmente la sécrétion acide.

Les thérapeutiques validées de l'ulcère gastroduodénal

Sucralfate

Mode d'action

Le sucralfate (Kéal, Ulcar) associe un sulfate de saccharose et de l'hydroxyde d'aluminium. Il se polymérise en deçà de pH 4, donc dans la lumière gastrique, pour former un gel qui adhère aux lésions ulcéreuses mais n'a lui même qu'un faible pouvoir tampon.

De plus, le sucralfate stimule la sécrétion des prostaglandines endogènes, du mucus gastrique et des bicarbonates au niveau de la muqueuse gastroduodénale.

Il doit être administré une heure avant les repas et peut être associé à un pansement antiacide à condition de l'administrer au moins une demi-heure après celui-ci.

Principaux effets indésirables

- L'incidence des effets indésirables du sucralfate est faible : il est responsable avant tout de constipation (induite par les ions Al3+ relargués dans la lumière digestive). Sont également signalés un inconfort abdominal, des nausées, une sécheresse buccale, des rashs cutanés et vertiges.

- Il existe un risque théorique d'hypophosphorémie par fixation d'aluminium sur les phosphates alimentaires lors de l'utilisation au long cours et à forte posologie.

Interactions

Par précaution, il est recommandé de prendre les autres médicaments, dont l'absorption digestive peut être réduite par le sucralfate, à distance de plus de deux heures si possible.

Misoprostol

Mode d'action

Les analogues de synthèse des prostaglandines ont une utilisation rationnelle évidente : la seule molécule utilisée dans cette indication, le misoprostol (Cytotec et dans Artotec), vise à se substituer à la prostaglandine physiologique E1 (PGE1). Elle exerce comme elle une activité antisécrétoire et cytoprotectrice vis-à-vis de la sécrétion gastrique spontanée comme stimulée.

Le misoprostol permet notamment de compenser l'action de cette prostaglandine, dont la production physiologique est réduite par l'inhibition qu'exercent l'aspirine comme les autres AINS sur les cyclo-oxygénases. Toutefois, son intérêt est devenu secondaire : les recommandations actuelles préconisent désormais l'adjonction d'un IPP en cas de traitement par AINS.

Principaux effets indésirables

Le misoprostol est à l'origine d'effets iatrogènes susceptibles de limiter l'observance du traitement : épisodes diarrhéiques d'intensité modérée et crampes abdominales, qui résultent de l'action stimulante sur le tonus musculaire du tube digestif. Ces manifestations cèdent généralement à un fractionnement de la dose. L'action sur les fibres striées concerne aussi le muscle utérin, d'où le risque d'interruption de grossesse chez une femme enceinte traitée par misoprostol.

Contre-indications

- Femme en période d'activité génitale en l'absence de contraception.

- Grossesse.

Anti-H

2

Mode d'action

Les anti-H2 agissent par antagonisme spécifique de la liaison de l'histamine à ses récepteurs de type H2, localisés essentiellement dans l'estomac. Ils inhibent donc la sécrétion d'acide gastrique induite par l'histamine, et secondairement par la gastrine ou les agonistes muscariniques, l'insuline ou les aliments.

Leur effet concerne la sécrétion basale comme la sécrétion nocturne (effet majoré si le médicament est administré au coucher), ce qui contribue à leur efficacité clinique. Les diverses molécules commercialisées sont comparables.

Principaux effets indésirables

Le traitement est bien toléré. Les anti-H2 ne franchissent pas la barrière méningée : ils n'ont donc pas les effets centraux des anti-H1 de première génération, sauf chez les sujets âgés ou insuffisants rénaux/hépatiques chez lesquels le schéma posologique doit être adapté. Les principaux effets indésirables sont : céphalées, vertiges, myalgies, éruptions cutanées, prurit, impuissance, diminution de la libido.

Interactions

- Contre-indication absolue (cimétidine) : carvédilol (inhibition enzymatique induisant une augmentation des taux plasmatiques du bêtabloquant).

- Association déconseillée (pour la cimétidine) : carmustine (inhibition enzymatique induisant une augmentation des taux plasmatiques des anticancéreux avec toxicité médullaire).

Inhibiteurs de la pompe

à protons

Mode d'action

Les inhibiteurs de la pompe à protons, antisécrétoires puissants, permettent de contrôler la sécrétion d'acide chlorhydrique indépendamment de tout stimulus. Ils inhibent de façon spécifique, irréversible et dose-dépendante (il s'agit d'une liaison covalente) l'ultime maillon de la sécrétion d'acide par l'estomac, l'enzyme H+/K+-ATPase (la « pompe à protons » localisée dans les seules cellules pariétales), d'où la sélectivité du traitement. L'efficacité est d'environ 90 à 95 %. Cette action se manifeste dans l'heure suivant l'administration, atteint son maximum en trois à quatre heures pour se prolonger environ 48 à 96 heures avant que le niveau de sécrétion acide ne revienne à son état antérieur (il faut que l'organisme synthétise de nouvelles molécules d'enzymes pour que l'activité disparaisse).

Principaux effets indésirables

Les effets indésirables du traitement sont généralement limités à la sphère digestive : nausées, troubles intestinaux et douleurs coliques chez 1 à 3 % des patients ; on décrit plus rarement rhinite, asthénie et syndrome grippal, céphalées, vertiges, troubles du sommeil, sécheresse buccale, rashs cutanés.

Interactions

Contre-indication absolue : atazanavir (Reyataz) en raison d'une diminution des taux plasmatiques susceptible d'induire un échec de la thérapie antirétrovirale.

6-interactions médicamenteuses

Noémie est sous méthadone

Noémie G., 29 ans, ex-toxicomane aux opiacés, bénéficie d'un traitement de substitution par méthadone (60 mg chaque matin) que vous lui délivrez régulièrement. Elle vous demande s'il vous serait possible de la dépanner de Tagamet effervescent pour continuer à traiter des douleurs gastriques apparues il y a quelques jours. Ces douleurs ont quasiment disparu depuis qu'elle a commencé à utiliser ce médicament qu'elle a trouvé dans l'armoire à pharmacie d'un copain...

Allez vous satisfaire la demande de Noémie ?

Non. Vous connaissez les risques cardiaques attachés à l'usage de méthadone et portez une grande attention à toute association de médicaments incluant cette molécule.

Analyse du cas

L'association méthadone + cimétidine (posologie > 800 mg/j) impose des précautions : elle peut entraîner un accroissement des concentrations plasmatiques en méthadone. Cette augmentation peut induire un allongement de l'intervalle QT iatrogène, aisément repéré à l'électrocardiogramme, avec risque de survenue de torsades de pointes : ces tachycardies ventriculaires, qui peuvent être à l'origine de lipothymie ou de syncope, sont susceptibles d'évoluer vers une fibrillation ventriculaire mortelle.

Attitude à adopter

Bien sûr, vous refusez de vendre ce médicament à votre patiente. Vous attirez son attention sur le côté potentiellement dangereux de cette interaction et soulignez l'existence de nombreuses alternatives thérapeutiques à la cimétidine. Surtout, vous prenez en compte d'autres risques attachés à l'automédication sous méthadone : de nombreux médicaments peuvent allonger le QT, notamment les laxatifs stimulants qu'utilise souvent Noémie G.

Une substitution par buprénorphine ne poserait pas ce type de problème.

7-interactions médicamenteuses

Un bon plan de prise pour madame A.

Madame A., 57 ans, est traitée pour hypothyroïdie par l'administration de lévothyroxine (Lévothyrox 100 mg un comprimé le matin à jeun) depuis maintenant près de quatre ans. Son médecin lui a par ailleurs prescrit du sucralfate (Kéal comprimé 1 g x 2 /j) pour des troubles digestifs douloureux, relevant probablement plus de la colopathie fonctionnelle que de l'ulcère. Devant prendre ce médicament une demi-heure avant le petit déjeuner et une demi-heure avant le dîner, selon les conseils du médecin, elle vous demande si elle peut bien prendre le comprimé de Kéal en même temps que le Lévothyrox.

Madame A. peut-elle prendre Kéal et Lévothyrox avant son petit déjeuner ?

Non, car le sucralfate, comme d'autres topiques gastriques et/ou intestinaux, perturbe l'absorption de nombreux médicaments dont les hormones thyroïdiennes.

Analyse du cas

L'absorption intestinale des hormones thyroïdiennes étant diminuée par la prise du sucralfate, ce topique gastrique devrait être administré à deux heures de tout autre traitement. La lévothyroxine doit, elle, être administrée à jeun comme le sucralfate. Madame A. ne doit donc pas associer les deux médicaments mais trouver un plan de prise adapté...

Attitude à adopter

Vous expliquez à madame A. pour quelle raison ne pas prendre en même temps ses médicaments et l'aidez à préparer un plan de prise correct. Concrètement, vous pouvez lui proposer de prendre le Kéal une demi-heure environ avant son petit déjeuner (vers 7 h 30), puis le Lévothyrox en milieu de matinée, vers 10 heures, à condition de ne pas grignoter à ce moment-là !

1-contre-indications

Cytotec et femme enceinte

Madame Delphine T., 29 ans, vous a annoncé sa grossesse il y a moins de quatre mois. Cette future maman n'en continue pas moins à mener une existence professionnelle et familiale dynamique : elle s'occupe beaucoup de son petit Thierry, 2 ans, et est attachée de presse dans un musée national. Il n'est pas étonnant, dans ce condiv, que fatigue et stress soient au rendez-vous. Ressentant assez souvent des douleurs gastriques et oesophagiennes en fin de matinée, avant le déjeuner, ou, surtout, en milieu de nuit, elle s'est souvenue d'un traitement prescrit il y a quelques mois à son mari alors qu'il présentait des symptômes similaires : du Cytotec. Justement, il en reste une boîte presque pleine dans l'armoire à pharmacie... Scrupuleuse, elle profite toutefois d'un passage à l'officine pour vous demander si elle peut recourir à ce traitement sans problème.

Madame T. peut-elle recourir au Cytotec ?

Certainement pas ! Le misoprostol possède une toxicité foetale potentielle. C'est une prostaglandine susceptible d'être utilisée pour accélérer l'accouchement et connue pour être à l'origine de ruptures utérines. Il entraîne des contractions des fibres musculaires lisses du myomètre et un relâchement du col utérin. Il est d'ailleurs indiqué pour réaliser des interruptions volontaires de grossesse, en association à la mifépristone au plus tard au 49e jour d'aménorrhée, sous le nom de Gymiso.

Analyse du cas

Même si les études animales n'ont pas mis en évidence d'effet tératogène du misoprostol, en pratique clinique quelques cas de grossesses exposées dans le cadre d'une utilisation à des fins abortives évoquent des malformations foetales : anomalies des membres, de la mobilité foetale, de la succion, de la déglutition et des mouvements oculaires.

D'autre part, des cas de souffrance foetale aiguë, d'hypertonie utérine et de ruptures utérines ont été décrits. L'usage de ce principe actif est donc formellement contre-indiqué pendant toute la grossesse.

Attitude à adopter

Vous conseillez à madame T. de voir son médecin de famille ou d'évoquer avec son gynécologue ses douleurs digestives : il peut lui proposer de nombreuses solutions, médicamenteuses ou non, de nature à calmer l'inconfort de ce pyrosis fréquent pendant la grossesse (l'imprégnation hormonale entraîne une diminution de la pression du sphincter inférieur de l'oesophage et la gravidité induit une surpression abdominale). Le traitement doit faire appel aux antiacides, aux alginates voire aux inhibiteurs de la pompe à protons.

1-profils particuliers

Un patient furieux !

Monsieur Patrick M., 44 ans, soulageait jusqu'alors lui-même des douleurs gastriques à prédominance nocturne avec du Phosphalugel. Mais les effets de ce traitement étant inconstants sur la douleur, il s'est résigné à consulter, sans conviction, son médecin. Sa femme est passée dans l'après-midi chercher le traitement prescrit : amoxicilline, clarithromycine et oméprazole. A 18 heures, monsieur M. téléphone à la pharmacie, passablement agressif : « Pourquoi le médecin m'a-t-il prescrit des antibiotiques ? Je n'ai pas d'infection ! Un simple mal au ventre. Et l'on dit qu'il ne faut pas donner d'antibiotiques sans raison ! » Il menace de vous rapporter tout son traitement.

Cette prescription est-elle surprenante ?

Non. Le traitement d'un ulcère gastroduodénal est désormais parfaitement codifié. Il impose souvent la prescription d'une antibiothérapie.

Analyse du cas

La maladie ulcéreuse est induite généralement par une infection bactérienne gastrique, acquise dans les premières années de la vie, due à Helicobacter pylori. La maladie reste généralement asymptomatique, mais Helicobacter pylori est impliqué dans la genèse de certains lymphomes gastriques. Le traitement antiulcéreux, visant donc à éradiquer ce germe de l'organisme, repose sur une trithérapie de courte durée : la prescription d'un IPP a pour objet d'augmenter le pH gastrique pour favoriser l'action des antibiotiques. Cette phase est suivie d'une monothérapie antisécrétoire d'une durée de 3 à 7 semaines (selon la symptomatologie clinique et la taille de l'ulcère observé par endoscopie) en cas d'ulcère duodénal compliqué ou d'ulcère gastrique. Un ulcère duodénal simple est donc traité en 7 jours seulement.

Un test respiratoire bactérien (urée marquée au carbone 13 : Heli-Kit) permet de valider, au minimum quatre semaines après le traitement, l'éradication du germe.

Dans les autres cas, une endoscopie de contrôle est obligatoirement passée deux mois après le traitement : elle permet de vérifier la qualité de la cicatrisation et l'éradication du germe. Aucune surveillance n'est plus nécessaire par la suite.

Hors infection par Helicobacter pylori, le traitement de la maladie ulcéreuse (notamment induite par les anti-inflammatoires non stéroïdiens) est réduit à l'administration d'un antisécrétoire (anti-H2 ou IPP, pendant 4 à 6 voire 8 semaines), de misoprostol ou de sucralfate. Une endoscopie de la cicatrisation est nécessaire en cas de lésion gastrique, avec biopsie de la zone cicatricielle. S'il s'agit d'un sujet à risque de rechute, le traitement antisécrétoire ou protecteur (sucralfate) peut être poursuivi à posologie réduite de moitié pendant plusieurs années.

Attitude à adopter

Vous expliquez à monsieur M. l'étiologie infectieuse de la maladie ulcéreuse rendant nécessaire l'association d'un traitement antisécrétoire et d'un traitement antibiotique. Vous comprenez sa réticence à utiliser des antibiotiques, mais ce traitement est indispensable pour éviter d'inéluctables récidives ultérieures ; de plus, il est prescrit sur une durée très brève : une observance rigoureuse est indispensable pour obtenir le meilleur taux possible d'éradication.

2-profils particuliers

Une patiente migraineuse

Madame T., la quarantaine, n'est pas une cliente habituelle de la pharmacie. Elle se présente avec une ordonnance de Pariet 20 mg, déjà délivrée une fois dans une autre officine, à raison de un comprimé par jour pendant un mois, à renouveler. Une fois l'ordonnance servie, cette patiente vous demande une boîte d'Aspégic 1000. Comme vous semblez surpris, elle vous explique qu'elle a mal à la tête depuis quelques jours.

Que penser de cette demande ?

Sa demande est illogique. L'aspirine n'est pas indiquée chez une patiente souffrant probablement d'un ulcère gastrique ou duodénal ou d'un syndrome gastroduodénal pour lequel lui est prescrit Pariet.

Analyse du cas

La maladie ulcéreuse gastroduodénale constitue précisément une contre-indication absolue à l'administration d'aspirine puisque tout salicylé peut augmenter le risque d'hémorragie digestive et agresse la muqueuse digestive.

Attitude à adopter

Vous ne délivrez pas l'Aspégic à votre cliente, qui comprend fort bien le problème et avoue n'avoir pas pris d'Aspégic depuis longtemps. Vous la rassurez quant aux maux de tête dont elle se plaint. Il n'est pas impossible qu'ils soient liés à la prise de Pariet. Les céphalées sont un effet indésirable fréquemment rapporté avec les IPP. Vous lui délivrez du paracétamol, en lui conseillant des prises de 1 g trois fois par jour, espacées de 4 heures au minimum, et l'incitez à consulter son médecin si les céphalées ne cèdent pas rapidement

3-profils particuliers

Ulcar chez un insuffisant rénal

Vous connaissez monsieur C. depuis longtemps. Ce patient âgé de 66 ans voit sa fonction rénale se dégrader progressivement. Cette insuffisance rénale idiopathique, apparue il y a plus de six ans, pose des problèmes cliniques désormais importants et ce patient va devoir probablement bénéficier prochainement de séances de dialyse. Il est suivi à l'hôpital pour son insuffisance rénale et consulte de temps en temps son médecin traitant pour d'autres pathologies, notamment un psoriasis, des douleurs rhumatismales et un ulcère duodénal récidivant. Hier soir, un médecin remplaçant son médecin référent lui a prescrit de l'Ulcar (sucralfate, 1 sachet matin et soir). Il vient chercher ce traitement et sollicite votre avis.

Jugez-vous cette prescription pertinente ?

Non, car l'administration de sucralfate (Kéal, Ulcar) doit être évitée chez les insuffisants rénaux.

Analyse du cas

Monsieur C., patient âgé, souffrant d'une insuffisance rénale avancée puisque l'on envisage de le dialyser, est particulièrement vulnérable. Or le sucralfate libère dans l'estomac de l'aluminium susceptible de s'accumuler ensuite dans les tissus et notamment dans le système nerveux central (risque d'encéphalopathie) : ce risque étant majoré en cas d'insuffisance rénale, l'administration de ce médicament devrait être évitée, du moins sur une période prolongée, dans cette situation (même s'il n'y a pas de contre-indication formelle).

Attitude à adopter

Les alternatives sont ici nombreuses et, plutôt qu'un antiulcéreux topique, le médecin aurait pu privilégier la prescription d'un antisécrétoire (IPP ou anti-H2). Le prescripteur, joint par téléphone, propose effectivement de remplacer Ulcar par de l'oméprazole 20 mg.

4-profils particuliers

Un comprimé trop gros

Marie-Pierre est étudiante en cinquième année de pharmacie. Elle sert aujourd'hui une ordonnance pour monsieur Gaston G., âgé de 76 ans, un patient insulinodépendant et polymédiqué. Monsieur G. se plaint souvent d'avoir trop de médicaments à prendre. Il demande aujourd'hui à Marie-Pierre s'il peut ouvrir les gélules d'Inexium 20 mg et les mélanger à du jus d'orange. Il a des difficultés à déglutir ces trop gros comprimés.

Que répondre à ce patient ?

Les comprimés d'Inexium peuvent être dispersés dans une petite quantité de boisson, mais pas dans du jus d'orange !

Analyse du cas

Les IPP, instables en milieu acide, sont détruits par le suc gastrique. Ils nécessitent donc un enrobage gastrorésistant. Les comprimés doivent être avalés entiers avec une boisson, sans être mâchés ni croqués.

Chez les patients éprouvant des difficultés pour avaler, les comprimés peuvent aussi être dispersés dans un demi-verre d'eau non gazeuse. Aucun autre liquide ne doit être utilisé car l'enrobage entérique peut être dissous. Il faut remuer jusqu'à délitement des comprimés et boire la solution contenant les granules libérés immédiatement ou dans les 30 minutes. Ensuite, rincer le verre avec un demi-verre d'eau et le boire.

Attitude à adopter

Bien spécifier à monsieur G qu'il peut dissoudre son comprimé d'Inexium, mais uniquement dans un peu d'eau plate. Le mélange à des jus acides est donc proscrit, ceux-ci contribuant à dégrader la protection entérique du médicament. Les granules en suspension dans l'eau ne doivent pas être mâchés ou écrasés entre les dents

5-profils particuliers

Reflux oesophagien chez Lucette, 3 mois

Lucette est le deuxième enfant de madame T. Agée de 2 mois, elle souffre de reflux gastro-oesophagien (RGO). Elle pleure souvent, a du mal à avaler et commence à présenter des signes d'oesophagite. Le pédiatre qui suit Lucette au CHU voisin a prescrit un traitement à base d'Azantac (ranitidine) injectable 50 mg/2 ml : une demi-ampoule matin et soir, à boire. Madame T. semble très désemparée devant cette prescription inhabituelle.

Cette prescription vous surprend-elle ?

Non, elle n'est pas si rare : face à des régurgitations importantes, de reflux, voire d'atrésie oesophagienne, le pédiatre peut décider de recourir à un anti-H2 ou à un IPP chez des nourrissons très jeunes (hors AMM).

Analyse du cas

Le schéma thérapeutique habituellement utilisé chez le nourrisson dans l'indication d'oesophagite par RGO comporte soit de la ranitidine per os en cas de lésions de faible grade, soit de l'oméprazole en cas de lésion de grade élevé.

L'oméprazole est difficile à administrer chez l'enfant du fait de son instabilité en milieu acide. La forme injectable ne peut pas être administrée par voie orale et les microgranules gastrorésistants doivent rester intacts.

La ranitidine ne présente pas cet inconvénient. Les posologies utilisées sont de l'ordre de 15 mg/kg/jour. Lucette pèse 4 kilos. La posologie prescrite d'une demi-ampoule matin et soir est conforme.

Attitude à adopter

Vous rassurez la maman de Lucette et lui délivrez une seringue à insuline de 1 ml pour prélever la quantité voulue d'Azantac. Elle devra en pratique vider le contenu d'une ampoule dans un récipient propre et prélever 1 ml de la solution, qu'elle administrera à son bébé dans un peu d'eau pure ou d'eau sucrée si Lucette ne prend pas facilement le médicament. Jeter le reste de l'ampoule.

Ce qu'il faut retenir

Les effets indésirables induits par un traitement antiulcéreux restent bénins : ils sont dominés par la survenue de troubles digestifs et par les risques liés aux interactions médicamenteuses. Les effets iatrogènes du traitement pourront être prévenus ou limités par le respect de précautions simples.

- Le sucralfate (Kéal, Ulcar) doit être administré idéalement à 2 heures de la prise d'autres médicaments. Des règles hygiénodiététiques adaptées (exercice physique, aliments riches en fibres, etc.) permettent de réduire l'incidence de la constipation, de toute façon transitoire.

- Le misoprostol (Cytotec et dans Artotec) ne doit jamais être administré à une femme enceinte ou en période d'activité génitale et sans contraception efficace. L'incidence des diarrhées peut être limitée par une réduction posologique (dose ne dépassant pas 400 mcg/j) et/ou le fractionnement des administrations quotidiennes (4 prises).

- Les anti-H2 peuvent exposer à des risques d'interactions médicamenteuses concernant essentiellement la cimétidine (Tagamet) prescrite à une posologie supérieure ou égale à 800 mg par jour. Une vérification des incompatibilités s'impose avant toute association avec d'autres médicaments. L'association au carvédilol (Kredex) est contre-indiquée. La posologie doit être adaptée à la clairance à la créatinine et être réduite en cas d'insuffisance hépatique sévère (cimétidine).

- Les inhibiteurs de la pompe à protons ne requièrent pas d'ajustement posologique lié à l'insuffisance rénale ou hépatique. Leur administration doit respecter la gastrorésistance des présentations galéniques. Leur administration peut, par inhibition enzymatique, augmenter les taux sériques de médicaments associés, imposant alors une réduction des doses.

- Certains antiulcéreux étant pris « à la demande » (cimétidine 200 mg vendue hors ordonnance ; ésoméprazole en contrôle des récidives de reflux gastro-oesophagien), la plus grande vigilance s'impose et le conseil au patient prend une importance particulière.

Les antiulcéreux de plus en plus prescrits

Le nombre de boîtes d'antiulcéreux vendues chaque année est passé de 25 à 47 millions entre 2000 et 2005, une progression attribuée à un élargissement des indications thérapeutiques. Effectivement, les antiulcéreux sont largement utilisés en dehors de leur indication élective : le reflux gastro-oesophagien et l'ulcère gastrique ou duodénal avec ou sans infection par Helicobacter pylori, parfois à tort.

- Les antiulcéreux sont souvent coprescrits avec des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), connus pour leur action ulcérogène et pour être à l'origine d'hémorragies digestives, notamment chez le sujet âgé. Cette pratique ne se justifie que chez les sujets de plus de 65 ans, en cas d'antécédents d'ulcères ou d'association à l'AINS d'un antiagrégant plaquettaire, d'un corticoïde ou d'un anticoagulant (associations qui, en principe, doivent être évitées de toute façon). Or, sur le terrain, cette coprescription concerne 56 % des personnes de moins de 65 ans qui débutent un traitement par AINS. De plus, elle devrait être faite à demi-dose d'IPP (recommandations de l'Afssaps de 2007) alors qu'elle est réalisée à pleine dose.

- Il n'y a pas de preuve de l'efficacité d'un traitement par IPP en prévention des lésions digestives induites par l'aspirine à faible dose (æ300 mg/j).

- Une autre indication controversée est celle des maux d'estomac simples, ou dyspepsie fonctionnelle. Les antiulcéreux n'ont pas d'AMM dans ce cadre ; la prescription d'un IPP n'a d'intérêt que si la dyspepsie se révèle en fait être un reflux gastro-oesophagien dont l'expression clinique est atypique. Or 10 % des personnes souffrant de maux d'estomac se voient prescrire des antiulcéreux.

La multiplication des traitements par médicaments antiulcéreux explique que, même s'ils bénéficient globalement d'une excellente tolérance, la survenue d'un effet indésirable ou d'une interaction ne soit pas exceptionnelle.

ATTENTION

Une confusion mentale peut avoir de très nombreuses origines chez un sujet âgé. Une cause iatrogène doit toujours être évoquée.

À RETENIR

Fréquentes lors d'un traitement par Cytotec, les diarrhées demeurent transitoires et sont souvent réduites par un fractionnement des prises.

A quel moment prendre les antiulcéreux ?

Les antiulcéreux doivent pour la plupart être pris à des moments précis de la journée.

- Sucralfate (Kéal, Ulcar)

Administration une demi-heure à une heure avant la prise de nourriture ou au coucher, environ 2 heures après le dîner.

- Misoprostol (Cytotec)

2 à 4 prises par jour après un repas et, si nécessaire, au coucher.

- Anti-H2

Il n'existe pas de consensus quant au moment d'administration pour cette famille d'antisécrétoires : une prise matin et soir ou une prise unique matinale ou vespérale (selon les indications, le dosage et le principe actif : voir les RCP des différentes spécialités). La ranitidine peut également être prise au moment des brûlures ou des régurgitations (traitement symptomatique du reflux gastro-oesophagien)

- Inhibiteurs de la pompe à protons

Les IPP doivent être administrés en une seule fois avant le premier repas de la journée pour obtenir un effet antisécrétoire maximal (recommandations de l'Afssaps de 2007). Toutefois, l'effet est majoré sur la sécrétion nocturne si le médicament est administré au coucher. La prise d'aliments retarde et diminue l'absorption des IPP, sans influence significative sur l'effet antisécrétoire.

L'association d'antiacides aux IPP n'est pas justifiée, sauf éventuellement pendant les premiers jours de traitement par IPP.

À RETENIR

L'interaction atazanavir (Reyataz)-IPP entraîne une diminution du taux plasmatique de l'antirétroviral qui peut aller jusqu'à 75 %. Cette association est formellement contre-indiquée.

À RETENIR

L'association d'un IPP à de nombreux psychotropes ou anticonvulsivants peut entraîner, par inhibition enzymatique, une réduction de leur clairance et l'apparition d'effets iatrogènes : somnolence, amnésie (benzodiazépines), syndrome sérotoninergique (citalopram), toxicité cardiaque (tricycliques), etc.

À RETENIR

Ne pas associer cimétidine et carvédilol, chez le patient insuffisant cardiaque.

ATTENTION

Les interactions médicamenteuses propres à la cimétidine sont dose-dépendantes : elles n'ont d'importance clinique qu'au-delà d'une posologie de 800 mg/j. Pour autant, cela ne doit pas faire négliger l'existence d'un risque même à des doses moindres.

À RETENIR

En automédication, la posologie maximale de cimétidine est de deux comprimés par jour pendant 5 jours. S'assurer que le patient comprend et respecte cette posologie.

À RETENIR

Les patients sous méthadone nécessitent une vigilance particulière pour éviter tout risque d'interaction pouvoir conduire à des troubles cardiaques.

À RETENIR

Les topiques digestifs perturbent l'absorption de nombreux médicaments. Ceci explique les précautions devant entourer le plan de prise du sucralfate.

Antiulcéreux administrables à une femme enceinte

Sucralfate

A l'exclusion des problèmes susceptibles d'être posés par une surcharge aluminique (chez la femme enceinte souffrant d'insuffisance rénale), le sucralfate n'est pas tératogène. Son usage pendant la grossesse n'est pas souhaitable par simple précaution.

Anti-H2

- La cimétidine a une action antiandrogène lorsqu'elle est administrée de façon prolongée. Cependant, elle ne semble pas avoir d'effet foetotoxique ou malformatif au vu des observations actuelles. Par précaution, elle ne doit pas être utilisée pendant la grossesse.

- Les autres anti-H2 doivent faire l'objet des mêmes précautions ; toutefois, la ranitidine (Azantac) est dénuée d'effet antiandrogène et ses effets chez la femme enceinte sont mieux documentés : si la prescription d'un anti-H2 s'impose lors d'une grossesse, la ranitidine doit être préférée.

IPP

- Les recommandations de bonne pratique portant sur l'usage des antisécrétoires chez l'adulte (Afssaps, novembre 2007) soulignent qu'il est possible de recourir aux inhibiteurs de la pompe à protons en cas de reflux gastro-oesophagien invalidant chez la femme enceinte.

- Oméprazole (Inexium) et ésoméprazole (Mopral) sont les inhibiteurs de la pompe à protons probablement les mieux connus chez la femme enceinte : les observations sont nombreuses et rassurantes. Il est possible de recourir à ces molécules quel que soit le terme de la grossesse et elles devraient être privilégiées, dans cette situation, par rapport aux autres IPP.

(Source : Centre de référence sur les agents tératogènes, http://www.lecrat.org.)

À RETENIR

Le misoprostol (Cytotec, in Artotec) est formellement contre-indiqué en cas de grossesse. Il doit être évité pendant l'allaitement.

À RETENIR

La maladie ulcéreuse est induite généralement par une infection bactérienne gastrique. Le traitement doit, sauf exception, associer la prescription d'un antiulcéreux (anti-H2 ou, mieux, IPP) et d'une antibiothérapie. La bonne observance à ce traitement est essentielle pour éradiquer l'agent infectieux.

Eradiquer Helicobacter pylori

D'après les recommandations de bonnes pratiques de l'Afssaps de 2007 (« Les antisécrétoires chez l'adulte »), le schéma d'éradication de Helicobacter pylori associe :

En première ligne :

- un IPP + clarithromycine (2 x 0,5 g/j) + amoxicilline (2 x 1 g/j), efficace dans 70 % des cas, sur 7 jours ;

- une contre-indication ou une intolérance aux lactamines fait prescrire un nitro-imidazolé (métronidazole, tinidazole : 2 x 0,5g/j) à la place de l'amoxicilline, sur 7 jours ;

- une contre-indication ou une intolérance aux macrolides fait prescrire un nitro-imidazolé à la place de la clarithromycine, sur 7 jours ;

- l'association ranitidine (2 x 300 mg/j) + antibiotiques pendant deux semaines au minimum constitue une alternative limitée aux contre-indications ou à une intolérance aux IPP.

En situations d'échec :

- un échec à l'un ou l'autre de ces traitements fait prescrire IPP + amoxicilline + nitro-imidazolé sur 14 jours ;

- Un nouvel échec au traitement invite à prescrire en troisième ligne IPP + amoxicilline + fluoroquinolone (lévofloxacine 500 mg/j en 1 à 2 prises) ou rifabutine (300 mg/j en 1 prise), sur 10 jours.

ATTENTION

La prise d'aspirine ou d'AINS est contre-indiquée chez les patients souffrant d'un ulcère gastroduodénal.

ATTENTION

La présence d'ions aluminium dans un médicament tel le Kéal ou le Sucralfate expose l'insuffisant rénal à divers risques iatrogènes : intoxication aluminique, ralentissement du transit (constipation), déplétion phosphorée par fixation de l'aluminium sur les phosphates alimentaires.

ATTENTION

Certains comprimés d'IPP tel l'Inexium sont effectivement assez gros et parfois difficiles à avaler. D'autres sont plus petits : c'est le cas de ceux du Pariet (rabéprazole) qui, en revanche, ne peuvent être dissous dans une boisson.

ATTENTION

Il n'est pas rare de voir prescrit un antisécrétoire gastrique à un nourrisson souffrant de reflux gastro-oesophagien.

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