Réseau...lument humain ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 2731 du 24/05/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2731 du 24/05/2008
 

MARSEILLE

Initiatives

On le dit souvent, la participation des pharmaciens aux réseaux de soins va devenir essentielle. Robert Cousin le prouve au sein du Cabanon et d'Addiction Sud, deux réseaux consacrés à l'addictologie.

Ce matin-là, il est à peine 8 heures lorsque Robert Cousin lève le rideau de son officine. Une jeune femme s'agite sur le trottoir. Elle s'engouffre rapidement à l'intérieur et tend son ordonnance d'une main fébrile. « C'est le docteur Brun qui m'envoie. J'en ai besoin. Absolument. Tout de suite. » Comme à l'accoutumée dans ce type de situation, le pharmacien délivre le Subutex accompagné des conseils d'usage. Et d'un sourire. La jeune femme repart aussi vite qu'elle est venue.

C'était il y a un peu plus de cinq ans. Alicia, très craintive à l'époque, passe désormais régulièrement se faire délivrer son traitement de substitution dans la pharmacie de Robert Cousin. L'équipe a su nouer avec elle les mêmes liens qu'avec l'ensemble de la clientèle très fidèle du quartier. Alicia est aujourd'hui maman et elle vient avec son bébé chercher des conseils, comme le fait toute jeune mère. « Merci de m'avoir reçue comme vous l'avez fait, sans jugement mais avec humanité. Merci aussi de ne pas avoir cédé quand j'allais mal », a-t-elle un jour glissé à Robert Cousin.

Pour le titulaire engagé dans deux réseaux « addiction », dont Le Cabanon, c'est une belle victoire. « Alicia est encore sous buprénorphine à 0,4 mg mais elle a restauré une certaine image d'elle-même et peut désormais franchir la porte de l'officine la tête haute, sans peur du regard des autres, comme n'importe quelle cliente », se félicite-t-il. Une réussite qui motive l'ensemble de l'équipe engagée elle aussi dans l'aide aux personnes toxicodépendantes.

« Nous n'avons jamais fait appel à la police »

L'officine, outre Robert Cousin, comprend un pharmacien, deux préparatrices, une secrétaire, une apprentie et enfin son épouse, infirmière de formation. Une équipe préparée à gérer les situations difficiles, dans le calme. L'action menée auprès de plus d'une cinquantaine de patients sous traitement de substitution est loin d'être évidente au quotidien, même si Robert Cousin assure ne faire que son « travail de pharmacien, ni plus, ni moins ».

« Aujourd'hui c'est très calme, confie une préparatrice. Mais c'est loin d'être toujours le cas. » Dernier incident en date : un patient, en grande détresse et très excité, a menacé de tout casser et a tenté de s'ouvrir les veines dans l'officine. « Si je ne suis pas au comptoir, je m'y rends très rapidement, explique Robert Cousin. En général, si l'on se montre ferme, que l'on ne cède pas à l'intimidation, les choses se calment d'elles-mêmes. Nous n'avons jamais eu besoin de faire appel à la police. C'est d'ailleurs important pour nous de pouvoir montrer à ces patients que nous gérons ce type de situation sans faire appel aux forces de l'ordre. »

Une éthique qui correspond parfaitement à l'image de cette officine ancrée depuis des générations dans le quartier. C'est il y a une quinzaine d'années que Robert Cousin a racheté la Pharmacie Brachat-Bel, un « monument » marseillais situé tout près de la Canebière et du cours Belsunce. Dans l'immense back-office, les meubles anciens à petits tiroirs, encore en usage, côtoient les étagères modernes ou le bureau en formica sur lequel s'entassent les dossiers. Au mur, une peinture murale du début du XXe siècle, quelques photos anciennes de la cité phocéenne. Côté espace client, c'est la lumière qui prime, avec deux grandes vitrines « nues ». L'agencement est très sobre et le rayon parapharmacie réduit à sa plus simple expression.

Ici, l'accent est porté sur le coeur de métier et les relations humaines. Les clients apprécient. Ils viennent ici depuis des années, parce qu'ils sont du quartier ou recommandés par les équipes soignantes des réseaux. Chacun sait qu'il sera écouté et conseillé quelle que soit sa demande ou la personne au comptoir. Une ouverture d'esprit et un professionnalisme que les centres de prévention et les médecins proches ont rapidement mis à profit. « Je recevais régulièrement des patients avec des ordonnances du docteur Brun, président du Cabanon. Nous avons eu l'occasion d'échanger par téléphone lorsque j'avais besoin d'éclaircissements, nouant ainsi des relations amicales. Il m'a naturellement proposé d'adhérer au réseau lors de sa création. »

Une vingtaine d'officines au coeur du réseau

Le réseau Le Cabanon, créé en 1998, accueille et propose des soins aux usagers de drogue avec une prise en charge médico-sociale, un accompagnement temporaire avant de laisser le relais aux médecins de ville et aux structures spécialisées. Il travaille de façon étroite avec plus d'une vingtaine de pharmaciens marseillais. Des formations sont proposées à l'ensemble des professionnels de santé du réseau ainsi que des soirées d'informations. « Nous sommes en contact permanent par Internet, explique Robert Cousin. Il m'est arrivé d'animer des réunions d'information pour les médecins pour expliquer comment cela se passe à l'officine, la façon dont nous délivrons les traitements de substitution, les conseils donnés, etc. Des réunions nous permettent également, lorsque cela est nécessaire, de nous concerter et d'échanger nos points de vue sur des cas difficiles. L'objectif de ce réseau est de faire entrer les patients dans un cadre. Un "contrat moral" nous engage mais ils doivent eux aussi s'engager. Ainsi, grâce à cette collaboration, nous pouvons mieux contrôler la périodicité du traitement et, à terme, lui donner toutes les chances d'être efficace. »

Depuis près de dix ans qu'ils travaillent ensemble, Robert Cousin et François Brun aimeraient aussi faire des émules. Ils planchent sur une rencontre entre médecins et pharmaciens à Vitrolles pour y impulser un fonctionnement similaire.

Le Cabanon n'est pas le seul réseau à compter sur l'aide active des pharmaciens marseillais. Robert Cousin a également été contacté par le réseau Addiction Sud qui propose lui aussi une coordination et une formation des médecins et pharmaciens de ville prenant en charge les patients suivis par le réseau. Contraignante, l'expérience de Robert Cousin et de son équipe est pourtant très riche humainement. L'adhésion aux divers réseaux est aussi un support qui rend plus aisés l'accueil et la prise en charge des patients sous traitement de substitution.

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Les avantages

- S'engager dans un réseau permet d'être épaulé pour répondre à la demande d'une population en grande difficulté.

- Des liens se tissent avec les autres professionnels de santé, notamment les médecins, qui permettent de sortir du strict cadre géographique de l'officine.

- C'est une façon de revenir au coeur du métier, de montrer ainsi sa compétence auprès des clients et des autres professionnels de santé partenaire.

Les difficultés

- Une bonne cohésion dans l'équipe est importante pour que chacun se sente motivé et dans la même dynamique. Le titulaire doit aussi être très présent au sens propre du terme pour rassurer l'équipe.

- Cette démarche oblige à être très rigoureux et à savoir par exemple « gérer » des patients violents. Cela nécessite une réelle qualité d'écoute et une bonne dose de psychologie. Cela s'apprend d'ailleurs par le biais des formations proposées par le réseau !

- Une bonne organisation est impérative pour respecter à la lettre les contraintes légales liées à ce type de délivrance.

Les conseils de Robert

- Attention de ne pas se spécialiser pour éviter de transformer l'officine en « ghetto ».

- Aménager la pharmacie de façon à ne pas perturber les autres clients en cas de tension. Un espace de confidentialité permet en outre de pouvoir délivrer les conseils et d'engager le dialogue lorsque c'est nécessaire.

- Savoir être souple et s'adapter aux situations pour permettre par exemple à un patient sans ordonnance renouvelée de repartir de l'officine avec un comprimé de « dépannage » en attendant son rendez-vous chez le médecin pour le jour même.

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