Les industriels vous disent l'avenir ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 2731 du 24/05/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2731 du 24/05/2008
 

Témoignages

Quelques grands noms de l'industrie ont bien voulu « lire l'avenir » de la pharmacie. D'après leur boule de cristal, les inquiétudes actuelles, si légitimes qu'elles puissent être, peuvent devenir de belles opportunités de développement. A condition d'affronter l'inévitable et de s'y adapter : l'européanisation.

L'avenir de la pharmacie d'officine française vacille : ses trois piliers - capital, monopole et loi de répartition - sont bel et bien menacés. Il faut dire que le modèle hexagonal commence à faire figure d'exception au sein d'une Europe en grande voie de libéralisation. Une étude Eurostaf, parue en juin 2007*, prédisait justement : « Si dérégulation il y a, elle n'interviendra pas à l'initiative de la profession elle-même ou des autorités nationales de la concurrence, mais par une autorité supranationale, à savoir la Commission européenne. » Et la toute récente capitulation du gouvernement français devant l'injonction européenne relative à l'ouverture du capital des laboratoires d'analyses de biologie médicale ne fait que confirmer ce postulat.

« Soyez proactifs ! »

Est-il même encore besoin de tergiverser lorsqu'on lit, toujours dans cette étude, que « la libéralisation du secteur officinal en France semble inéluctable pour plusieurs raisons : la dérégulation du circuit de distribution du médicament va dans le sens du processus européen de suppression des monopoles dans les principaux secteurs de l'économie, [...] les expériences étrangères montrent que la santé publique n'est pas plus menacée aux Pays-Bas, en Suisse, en Allemagne, au Royaume-Uni... qu'en France, et la maîtrise des coûts de distribution constitue depuis plusieurs années une préoccupation des pouvoirs publics. Dans un condiv de croissance continue des dépenses pharmaceutiques, la recherche de gains de productivité à tous les stades du médicament, notamment à ceux de sa distribution, devient impérative ».

Les grands patrons de l'industrie pharmaceutique que nous avons interrogés ne se posent plus la question : pour eux, ignorer cette tendance européenne ne ferait qu'empirer la situation actuelle. Tous regrettent d'ailleurs que les officinaux soient aussi rétifs au changement alors que nombre d'opportunités de développement se présentent à eux. « Soyez proactifs ! », semble être leur conseil. Et ce, qu'ils soient d'accord ou non avec la mise en place du libre accès. Cette mesure fait justement figure d'étape. Le libre accès serait-il la première pierre du futur modèle de la pharmacie « à la française » ?

Pascal Brossard, directeur général de Zambon

Nous sommes à un tournant, et ça ira vite !

L'avenir des pharmaciens d'officine ? Pascal Brossard le voit en vert, « la couleur de l'espoir... et de la pharmacie ! ». Et ce n'est pas parce qu'il est docteur en pharmacie qu'il le dit. Le directeur général de la filiale française du laboratoire italien Zambon concède que « le monde évolue », apportant son lot d'opportunités de développement et de risques. Et si les officinaux « se concentraient sur ces opportunités ? », suggère Pascal Brossard. « Lorsque l'on est chef d'entreprise, il faut savoir anticiper les besoins ! » Justement, les pharmaciens ont entre les mains de multiples cartes à abattre. « De nombreux besoins ne sont pas couverts. La profession a largement de quoi se développer, d'autant que l'officinal est bien situé et bénéficie d'une forte crédibilité auprès du public, entre autres atouts. Et elle doit le faire si elle veut maintenir sa marge. » Et Pascal Brossard de souhaiter un droit de prescription pour le pharmacien. « Nous manquons et allons manquer de plus en plus de médecins, lesquels seront, de fait, de moins en moins disponibles pour les patients. Ce pourrait donc être une solution intéressante, pour la prise en charge des petites pathologies par exemple ou pour les affections chroniques. » Mais pour ce faire, l'industriel appelle à un « effort sur la formation du personnel en officine ». En particulier à l'heure du libre accès. Une mesure que Zambon n'avait pas souhaitée mais qui représente « une opportunité de développement du marché, pour les officinaux tout comme pour les laboratoires pharmaceutiques ».

« Seuls les plus forts resteront »

Outre un effet sur les prix, Pascal Brossard prédit forcément un effet de concentration des marques : « Seuls les plus forts resteront, et nous sommes prêts à investir pour nous démarquer. Nous sommes confiants dans le fait que nous serons demain un acteur majeur. » En revanche, le directeur général de Zambon verrait d'un mauvais oeil du médicament en GMS. « Je suis attaché au monopole du pharmacien. Malheureusement, la tendance actuelle semble se rapprocher de celle des pays anglo-saxons où certains médicaments sont vendus en GMS. » Ce risque lui paraît « assez élevé », même si Zambon se positionne contre l'affaiblissement du rôle du pharmacien dans la délivrance de médicaments. Sans oublier que rien ne dit que les laboratoires soient intéressés par une collaboration avec la grande distribution : « Dans leur ensemble, les laboratoires pharmaceutiques sont plus que réticents sur cette problématique. Une distribution en GMS pourrait certes produire un effet positif sur les ventes, mais cet effet resterait assez limité. »

Les pharmaciens n'ont-ils donc rien à craindre ? « Globalement, il y aura une baisse des marges de la distribution. Il faudra donc faire des économies d'échelle. Mais c'est encore une fois le marché qui décidera de tout. Les petites officines dans les zones rurales seront sans doute les moins affectées par la distribution en GMS. Les pharmacies les plus importantes devront unir leurs efforts pour pouvoir survivre. Et les chaînes, qui sont aujourd'hui plus ou moins inévitables, feront réduire les coûts. Nous sommes indéniablement à un tournant de la vie du médicament, et j'ai l'impression que ça ira vite. La pression européenne, politique et économique décidera à l'insu des pharmaciens. Il faudra qu'ils sachent maintenir leur place. Car nous avons besoin d'eux. »

Christian Lajoux, président du Leem et P-DG de Sanofi-Aventis France

Au lendemain du renouvellement de son mandat à la tête du conseil d'administration du Leem, Christian Lajoux continue à afficher sa « volonté de faire de la France un pays d'attractivité » et réaffirme son soutien au monopole officinal. « La pharmacie d'officine tient un rôle de proximité incontournable à maintenir et offre des garanties de sécurité auxquelles nous sommes extrêmement attachés. »

L'homme, qui dirige également Sanofi-Aventis France, entretient de bonnes relations avec Jean Parrot, président de l'Ordre. « L'industrie du médicament et l'officine forment deux parallèles », estime d'ailleurs le président de l'ordre des pharmaciens. Christian Lajoux renchérit : « Nous sommes inséparables ; nos destins sont liés. Une guerre de religion serait donc stupide. Mais nous devons adapter nos modes de fonctionnement à l'Europe. » En effet, le président des Entreprises du médicament n'ignore pas non plus « les tendances européennes auxquelles nous n'échapperons pas ». S'y ajoute « une évolution de la société extrêmement importante ». Il invite ainsi « les pharmaciens à ne pas hypothéquer une réflexion stratégique sur le moyen terme par des éléments trop tactiques sur des sujets immédiats ». En clair, « le pharmacien doit trouver des solutions pour maintenir son équilibre économique sur le court terme tout en assurant sa pérennité ». Comment ? « Les industriels n'ont pas à donner de conseils. Ils demandent juste aux pharmaciens d'évoluer. Et le libre accès s'inscrit dans cette évolution ; il ne s'agit pas d'une révolution. » En outre, pour Christian Lajoux, la mesure ne remettra pas en cause le monopole s'il est « construit sur des notions de santé publique et non pas d'économie ». Refuser ce nouveau système lui « semble être une erreur, comme rejeter ou ignorer la tendance européenne ». Bref, tout sauf « l'immobilisme, lequel serait néfaste pour tout le monde, professionnels de santé et industriels inclus. Ce qui ne veut pas dire pour autant renoncer à quelques principes ou vendre son âme ».

« Soyons acteurs, pas spectateurs »

Christian Lajoux note par ailleurs que « des pharmaciens eux-mêmes se disent prêts à ouvrir leur capital ». Il estime que, « demain, plusieurs profils d'officinaux se côtoieront : certains ouvriront, d'autres non. Et les industriels s'adapteront ». Une seule chose est certaine aux yeux du président du Leem : « La France n'est pas une île déserte qui échappera à l'Europe. Mais je suis aux côtés des pharmaciens. Etant tous confrontés à un changement de modèle de société, construisons ensemble le modèle du futur, dans le dialogue et la concertation. Changer ne signifie pas que le futur modèle sera nécessairement inintelligent. Certes, ce n'est pas facile mais notre métier reste passionnant, à condition de ne pas s'installer dans la plainte. Soyons acteurs, pas spectateurs. » Alors, l'espoir de jours meilleurs serait permis. Christian Lajoux voit d'ailleurs lui aussi l'avenir des pharmaciens en... vert ! « La croix doit continuer à clignoter. L'officine représente le premier endroit où l'on va. »

Vincent Cotard, président de GSK Santé Grand Public

Deux options s'offrent aux pharmaciens : aller de l'avant ou jouer la politique de l'autruche. » Les mots sont lâchés. Alors, que décidez-vous ? Vincent Cotard, lui, est « convaincu qu'un certain nombre de pharmaciens veulent aller de l'avant et que la nouvelle génération a compris comment développer son business ». Car la pharmacie est aussi une entreprise.

Le président de GSK Santé Grand Public se dit « tout à fait favorable » au libre accès. « Toutes les conditions sont réunies pour que ce soit un succès. Donnons-lui donc les chances de se développer. Et la pharmacie est le bon endroit pour ça. » Elle bénéficie en effet, en France, d'un « maillage fabuleux ». Le libre accès représente en outre « l'occasion idéale de jouer son rôle de conseil », il « profitera du dossier pharmaceutique », doit aussi pousser à « plus d'innovation » et « entraîner une plus grande volonté de switch de la part des pouvoirs publics, mais aussi plus de transparence et de cohérence des prix. Mais arrêtons de mettre des bâtons dans les roues dès qu'une nouveauté se présente. »

« L'ouverture du capital arrivera à un moment ou à un autre »

Le libre accès représente pour Vincent Cotard « un concept très large ». Il rappelle que la France accuse un certain retard en termes de médication familiale, et qu'« à force de penser que le consommateur est inculte, on lui donne des produits qui ne relèvent pas forcément des dernières innovations ». Citant l'exemple du sevrage tabagique dont « le marché s'est énormément développé et pour lequel le gouvernement a communiqué, les industriels ont innové et les prix ont baissé », il estime que « le marché va s'ouvrir pour certaines catégories de produits. Il va en tout cas énormément bouger. Seules les marques fortes et crédibles s'en sortiront ». Et quand on lui parle GMS, Vincent Cotard, qui connaît bien les deux circuits de distribution puisque certaines marques de GSK Santé Grand Public sont commercialisées en grande surface, déclare qu'« il ne faut pas craindre l'évolution »... Ajoutant : « Quand on regarde le niveau d'information du grand public, c'est fabuleux. Aujourd'hui, nos consommateurs sont plus éduqués et cela fera obligatoirement bouger un certain nombre de choses. Le monde évolue et le citoyen le fera évoluer. Etant de plus en plus acteur, dans cinq ans des choses auront changé. » Le pharmacien, lui, « peut faire un autre métier demain, comme encore une fois cela s'est produit sur le marché du sevrage tabagique. Son rôle de conseil doit se renforcer, également pour des catégories de produits sur lesquelles il ne passait pas beaucoup de temps avant, comme le secteur de l'hygiène buccodentaire. Un tiers de ces produits sont vendus en officine, l'activité du marché croît et la population est demandeuse. Le pharmacien peut développer ce marché. Son rôle de conseil se joue aussi sur les produits qui sont déjà devant son comptoir ». De fait, « sa formation sera accrue. Et les pharmaciens en sont demandeurs ».

Quant au capital, pour Vincent Cotard son ouverture arrivera « à un moment ou à un autre. Force est de constater ce mouvement dans un certain nombre de pays. Ce n'est aujourd'hui plus qu'une question de temps, une discussion politique. Mais ça arrivera. Et qui dit ouverture du capital, dit chaînes. Etape après étape. On y arrivera [aussi] ». In fine, le paysage officinal français de demain devrait ressembler à « un mélange de l'Angleterre et de la France d'aujourd'hui. Le pharmacien gardera son statut et son rôle mais les offres seront plus cohérentes d'une pharmacie à l'autre ». L'avenir s'annonce donc « bleu » pour Vincent Cotard. Parce que c'est « une jolie couleur ».

Gilles Alberti, directeur de la stratégie et du développement de La Cooper

D'après le sondage Direct Medica dont nous avons publié les résultats en décembre dernier, La Cooper fait partie du trio de tête des laboratoires OTC préférés des pharmaciens. Forte présence sur le terrain, même auprès des plus petites officines, et efficacité de ses produits, ont fait du laboratoire melunais un des chouchous des officinaux. Et la société aujourd'hui centenaire se targue d'être « un laboratoire vraiment à part et le partenaire traditionnel des pharmaciens ». Paradoxe ou logique, c'est aussi celle des sociétés ayant participé à cette enquête qui se montre le moins enthousiaste quant à l'avenir des officinaux. Gilles Alberti ne le voit pas non plus si noir que ça, « plutôt orange si on continue comme ça. Mais on peut vite passer au vert si on se montre solidaires... ». Solidarité, un mot qui manquerait à la profession et qui pourrait lui coûter cher, selon le directeur de la stratégie et du développement de La Cooper. A ses yeux, « elle ne sait pas se battre d'une manière solidaire, comme l'a montré la récente affaire Leclerc ». Et c'est d'autant plus regrettable que « les trois piliers de la pharmacie sont menacés ». Le libre accès, qui « désole » le laboratoire, représente selon lui une « perte énorme pour l'officine » : « ce n'est pas une mesure économiquement intéressante, au contraire elle dégradera l'économie officinale ». En outre, Gilles Alberti ne voit pas comment l'officinal peut faire pour conserver un conseil officinal fort et éviter la sortie du monopole. « Les pharmaciens de base sont perdus, ne savent pas comment faire, savent juste qu'ils n'auront pas le choix s'ils veulent survivre. » Ils doivent « accompagner le libre accès, à savoir le conseil et la formation ». Gilles Alberti regrette d'ailleurs que cela n'ait pas été fait avant :« Aujourd'hui c'est trop tard. » Idem, « si on avait pu développer la médication officinale, qui ne représente qu'une faible part du chiffre d'affaires, ça aurait été une vraie chance pour l'officine ». Quoi qu'il en soit, il va aujourd'hui « falloir sauver l'existant (monopole, capital et quorum), rétablir une économie saine grâce à de nouvelles missions (campagnes de santé publique, services à la personne...) et trouver de nouveaux modes de rémunération. Les compétences existent, il faut bâtir l'avenir dessus ».

De son côté, La Cooper entend bien « ne pas modifier sa politique de visite de l'ensemble du territoire » et « garder la relation tissée depuis des années avec les officinaux ». Gilles Alberti prédit globalement « un renforcement de la visite officinale au niveau des laboratoires car le développement des génériques réduit le nombre de visiteurs médicaux. Nous devrions donc assister à un basculement des forces de la visite médicale vers l'officine, du moins une partie. La vente en direct devrait aussi monter en puissance pour justement placer les génériques et défendre les princeps. »

« L'avenir des pharmaciens est entre leurs mains »

La Cooper annonce que, concurrence oblige, avec la mise en place du libre accès, « tous ses produits seront préparés. Mais nous continuerons à produire des produits originaux et à investir dans la formation sur les produits comme sur les pathologies ». Pas question donc de se laisser aller à la morosité ambiante, même si « on voit se dessiner une tendance à la libéralisation générale du système. Au vu de la conjoncture (rapports Attali, Beigbeder et du CRÉDOC, pression du ministère de l'Economie, pression européenne...), ça va bouger dès la prise de la présidence de l'Union européenne par la France ». D'autant que « certaines organisations professionnelles s'y montrent favorables ». Pourtant, prévient Gilles Alberti, « si on commence à ouvrir le capital, ça ne s'arrêtera pas là ». Pour résumer : prudence. « Les bouleversements actuels ne vont pas dans le bon sens. Les pharmaciens se trouvent à un carrefour et l'avenir est entre leurs mains. »

« Les officinaux ont raison de se faire du souci »

Smart Pharma Consulting a déjà publié plusieurs études très intéressantes sur l'officine et son environnement. « Le Moniteur » a interviewé son président, Jean-Michel Peny, pour savoir comment il voyait l'avenir de l'officine et de ses relations avec les laboratoires.

« Le Moniteur » : Selon vous, se dirige-t-on vers une libéralisation du circuit officinal (levée du monopole, ouverture du capital, suppression du quorum) ?

Jean-Michel Peny : Force est de constater la remise en cause de ces trois piliers de l'officine française sous la pression du courant libéral qui sévit actuellement en France, et encore bien plus au niveau de l'Union européenne. Concernant le monopole officinal, malgré les gesticulations récentes de Michel-Edouard Leclerc, il paraît peu probable que sa suppression soit décidée à court terme. Le ministère de la Santé souhaite pour le moment évaluer l'impact du libre accès sur l'évolution du prix des médicaments OTC. Si les pharmaciens démontrent qu'ils sont capables de limiter l'augmentation des prix de ces médicaments, voire même de les faire baisser, le gouvernement n'aura alors pas de raison de libérer le monopole officinal. L'ouverture du capital d'ici 2010 nous semble en revanche inévitable en raison de la pression exercée par l'Union européenne. La France fait d'ailleurs l'objet d'une procédure d'infraction lancée en mars 2007 par la Commission européenne au sujet des règles régissant la propriété des officines. Quant aux pharmaciens, ils sont loin d'être tous opposés à cette mesure et certains l'attendent même avec impatience. Enfin, le quorum, qui n'est pour l'instant remis en cause ni par l'Union européenne, ni par le gouvernement français, apparaît comme le moins menacé des trois piliers de l'officine. Le gouvernement n'a d'ailleurs pas intérêt à le supprimer. Une telle décision aboutirait à une augmentation anarchique du nombre d'installations et par conséquent à une fragilisation de l'économie du réseau officinal. Or plus le chiffre d'affaires des officines est faible, moins celles-ci peuvent supporter les baisses de prix et de marges « autoritaires » appliquées sur les produits remboursables qui représentent 83 % de leurs ventes.

Que changera la mise en place du libre accès dans l'évolution des relations entre industrie et officinaux ?

La mise en place du libre accès intensifiera la concurrence sur le marché de l'automédication. Les génériqueurs devraient élargir leur offre actuelle tandis que les grossistes-répartiteurs et les groupements de pharmaciens proposeront une gamme de produits sous nom de marque de distributeur. Ces nouveaux entrants viendront directement concurrencer les marques établies en proposant des prix plus compétitifs. Cette intensification concurrentielle obligera les laboratoires OTC à défendre leurs positions, en renforçant notamment leurs accords commerciaux avec les officinaux tout en développant leurs investissements sur le lieu de ventes.

Croyez-vous en l'arrivée de chaînes de pharmacies en France ? Et qui en seraient les propriétaires, d'après vous ?

La question n'est sans doute plus de savoir si l'on y croit ou pas, mais plutôt à quelle échéance les chaînes seront autorisées et à quelle vitesse elles se développeront. La constitution de chaînes de pharmacies nécessite au préalable une modification de la loi. Dans un premier temps, l'ouverture devrait être plafonnée à moins de 50 % du capital des officines et limitée aux seuls professionnels de santé, hormis les médecins. Dans cette hypothèse, les grossistes-répartiteurs, les pharmaciens d'officine entrepreneurs et, possiblement, les groupements de pharmaciens pourraient constituer des chaînes. Les grossistes-répartiteurs, manifestement intéressés par une telle mesure, devraient racheter 150 à 200 officines par an. Il leur faudra au minimum 5 ans pour espérer intégrer 1 000 officines au sein de chaînes. Il s'agit d'un processus relativement long dans la mesure où chaque achat ou prise de participation doit être négocié officine par officine. Il faudra probablement attendre 2012 ou 2013 pour que l'ouverture du capital officinal devienne totale et que les investisseurs financiers ou enseignes de la GMS soient autorisés à entrer dans le capital des officines.

Pensez-vous que les plus petites officines survivront ?

Toutes les officines vont souffrir, surtout les plus petites. Pour préserver la profitabilité de leurs officines, les pharmaciens devront parvenir à dynamiser leurs ventes et à protéger leurs marges. D'ici 5 ans, la menace pour les petites officines comme pour les plus grosses viendra moins des chaînes, qui vont mettre du temps à s'organiser, que de la forte pression du gouvernement sur les volumes, les prix et les marges des médicaments remboursables.

Comment doit évoluer le rôle des officinaux (droit de prescription, nouveaux modes de rémunération, développement de services à la personne...) ? Il semblerait, à vos yeux, que leur avenir financier passe en effet par-là.

Les pharmaciens doivent identifier rapidement des relais de croissance de chiffre d'affaires et de profits pour préserver l'économie de leurs officines. Parmi ces relais envisageables, l'engagement formel des officinaux dans le dépistage précoce et l'amélioration de l'observance thérapeutique nous paraissent particulièrement appropriés. En effet, à la condition de se former, de s'équiper et de constituer un réseau national structuré, les pharmaciens devraient pouvoir obtenir des autorités de santé une rémunération en échange de tels services de santé publique. Ils pourront sans aucun doute compter sur les laboratoires princeps pour mettre en place ces initiatives. Notons enfin qu'un dépistage plus systématique et qu'une meilleure observance des patients auront pour conséquence directe d'augmenter les volumes de médicaments vendus et ainsi d'améliorer la performance économique des officines.

Les officinaux craignent globalement pour leur avenir. A tort ou à raison ?

Les officinaux ont raison de se faire du souci car leur économie va sans aucun doute se détériorer. S'ils ne trouvent pas de nouveaux gisements de profits, ils perdront entre 2007 et 2010 2 points de marge, passant de 28 à 26 %. Il importe que les pharmaciens se regroupent et qu'ils se battent pour développer la partie non remboursée de leur activité (offre élargie de services à la personne, révision de la liste des produits autorisés à la vente en officine, facturation de nouveaux services...). Enfin, leur engagement dans des actions de santé publique leur permettra de dynamiser leurs ventes de produits remboursables mais aussi de mieux valoriser leur rôle d'agent de santé.

* « L'avenir du circuit officinal français face à la dérégulation européenne », par Elodie Bervily-Itasse, consultante en charge de l'étude.

CHRISTIAN LAJOUX

Dans un monde en profonde mutation, l'immobilisme serait dangereux. "

VINCENT COTARD

L'officine de demain ne sera pas la même qu'aujourd'hui. "

GILLES ALBERTI

Le libre accès est une épée de Damoclès pour le monopole. "

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