Convention : une victoire à la Pyrrhus ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 2731 du 24/05/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2731 du 24/05/2008
 

L'ÉVÉNEMENT

Actualité

Révolution, simple péripétie ou événement périlleux ? Si l'annulation par le Conseil d'Etat de trois points de la convention pharmaceutique donne, pour le moment, au pharmacien le libre choix de conventionnement qu'il n'a jamais vraiment eu, l'Assurance maladie réagit en demandant d'inscrire l'obligation de conventionnement... dans la loi.

Depuis le 14 mai, le pharmacien n'a plus l'obligation d'être conventionné pour voir ses prestations remboursées par l'assurance maladie. C'est le résultat de la décision du Conseil d'Etat suite à un recours de l'Action pharmaceutique libérale d'union syndicale (APLUS) introduit le 26 septembre 2006, juste après la publication de la convention.

« L'APLUS a toujours eu le désir fort de construire une convention, commente pourtant Pascal Chassin, président du syndicat. Dans la base de son écriture, cette convention est très saine. » Simplement, en pratique, les dispositions finalement invalidées par le Conseil d'Etat « signifiaient la fuite de la clientèle de l'officine », observe Odile Ménage, avocate de l'APLUS. « Cela faisait beaucoup pour une convention. » Reste qu'il n'est pas question pour ce syndicat d'appeler au déconventionnement !

« L'idée de se déconventionner serait d'autant plus absurde que le pharmacien y perdrait ! », lance de son côté Claude Japhet, président de l'UNPF : dispense d'avance de frais sans parachute, plus d'opposabilité de la carte Vitale, plus de garantie du délai de paiement, plus d'indemnisation des transmissions électroniques, plus de paiement des astreintes, envois des ordonnances papier à la charge du pharmacien... « D'autant que des rejets, un pharmacien déconventionné en aura, croyez-moi, complète-t-il. Il aura intérêt à être extrêmement solide... » « Mais cette décision est cependant une grande victoire pour toute la profession », estime Pascal Chassin, qui se réjouit que le pharmacien, sur la forme, puisse avoir le choix ou non d'être conventionné.

L'Assurance maladie veut modifier la loi

En apparence, l'Assurance maladie ne semble guère émue. « Pour nous, il ne s'agit pas d'une grosse remise en question du div. » Et les syndicats de pousser un grand ouf ! « Cette annulation partielle ne remet pas en cause la convention en dehors des trois points, insiste Philippe Gaertner, président de la FSPF. Notre première crainte était de voir l'arrêté d'approbation annulé, avec des conséquences autrement plus importantes. Cela n'a pas été le cas et nous sommes soulagés. D'ailleurs, globalement, les pharmaciens sont contents de ce div. Il reste néanmoins à voir quelle sera l'attitude à adopter avec ceux qui ont signé, quelles corrections apporter. Nous évoquerons ce sujet lors de la prochaine commission paritaire nationale. »

Mais l'Assurance maladie n'aura peut-être pas envie de s'étendre sur le sujet. Elle envisage en effet une solution plus radicale. Le Conseil d'Etat reproche aux partenaires conventionnels d'avoir joué avec la loi (voir encadré) ? Qu'à cela ne tienne, changeons la loi : la CNAM nous informe quelle va « prendre contact avec les pouvoirs publics pour conforter ces mesures ». Et étudier les dispositions législatives pour rétablir ce qui a été supprimé. « J'espère que ce ne sera pas le jeu de l'arroseur arrosé, s'inquiète Gilles Bonnefond, président délégué de l'USPO. La CNAM et le ministère ont pris la mouche. Du coup, ils veulent introduire dans le prochain PLFSS qu'un pharmacien non conventionné ne verra pas ses prestations remboursées. Mais le gouvernement ne sera-t-il pas tenté d'y mettre autre chose ? D'une situation où tout était décidé paritairement, on peut se retrouver à la merci d'un amendement. L'inverse de ce que croyait obtenir l'APLUS. Maintenant, il va falloir les calmer. »

L'APLUS relance l'idée d'une rémunération à l'acte

« N'entendez pas ceux qui, demain, tiendront un discours de la peur. La convention existe toujours, insiste cependant de son côté Odile Ménage. Et les adhésions restent parfaitement légales. » Et puis « nous avions soulevé toutes ces questions lors de la négociation. Personne n'en a tenu compte », observe Pascal Chassin. « Bien sûr, nous étions conscients du risque de voir ces points recalés, admet Gilles Bonnefond. Mais nous ne voulions pas mettre en péril la signature. » Quant à la portée des sanctions invalidées, « on voit bien au bout de deux ans qu'elle était limitée », constate Claude Japhet. « Nous n'avons pas eu à parler en commission paritaire d'un seul cas pouvant être sanctionné. Même par un simple avertissement ! Les seuls officinaux menacés par une suppression du tiers payant étaient les très gros tricheurs. Belle défense professionnelle que voilà ! »

« Heureusement, tous les pharmaciens sont conventionnés et le div n'a pas à être renégocié », conclut Gilles Bonnefond. L'APLUS n'est évidemment pas du même avis. « Pour retrouver un div qui se tienne, il faudra bien maintenant retrouver l'objet de la convention, analyse Pascal Chassin. Si l'on ne peut utiliser le médicament comme objet du conventionnement, il faut trouver autre chose. » Et l'APLUS de relancer l'idée d'une rémunération à l'acte. Concrètement, une marge commerciale la plus faible possible (pour le stock) complétée de la rémunération du service proprement dit, laquelle pourrait être conditionnée au conventionnement. Le tout en restant dans l'enveloppe allouée au réseau pour que le projet soit acceptable par les pouvoirs publics. « Les quatre facteurs auxquels nous pouvons nous raccrocher sur la délivrance sont l'ordonnance, le nombre de lignes, le nombre de boîtes et le prix. Or le prix est le seul qui continuera de croître, réagit Claude Japhet en défendant la marge commerciale. J'achète, j'ai du stock... Je ne vois pas comment faire autrement. Sauf à dire que le stock ne m'appartient plus... »

Reprise des négociations sur la rémunération d'ici fin juin

Si la FSPF a longtemps défendu mordicus la marge commerciale, le propos est aujourd'hui plus mesuré : « L'Etat a créé quatre groupes de travail et l'un d'entre eux porte sur la rémunération, informe Philippe Gaertner. Nous n'avons aucune orientation précise sur les souhaits de l'Etat. On en saura plus à la première réunion, dont la date n'est pas définie, si ce n'est qu'une limite est fixée à fin juin. Je n'ai pas d'états d'âme particuliers là-dessus si ce n'est que j'ai toujours défendu le fait que l'on devait choisir une orientation toujours plus "professionnel de santé". » « Sur la délégation de tâches, là on peut faire du transfert sur une rémunération à l'acte, confirme Claude Japhet. Et c'est tout l'objet des discussions conventionnelles des prochaines semaines. » Assurance maladie et syndicats doivent en effet négocier sous forme d'avenants à la convention une série de prestations réalisables par le pharmacien qui pourraient faire l'objet de rémunérations spécifiques.

Rémunérer le ou les services proprement dits, Francis Megerlin, maître de conférences en droit et en économie de la santé à Paris-V, y voit un intérêt politique majeur. « L'acte pharmaceutique, c'est ce qui peut justifier le monopole, le maintien du capital aux pharmaciens et le chiffre d'affaires. » Aller vers ce concept sans déstabiliser le réseau, c'est tout l'enjeu pour l'universitaire. « Si l'on nous avait écoutés plus tôt, nous n'aurions pas tous ces problèmes avec Michel-Edouard Leclerc - dont le modèle économique est basé sur les produits - et avec la Commission européenne, renchérit Pascal Chassin. Cela fait dix ans que nous réclamons une rémunération à l'acte qui nous dégagerait de toute velléité mercantile. »

Les arguments du Conseil d'Etat

« Le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que cette convention restreint illégalement la liberté d'exercice des pharmaciens d'officine » en leur imposant une condition supplémentaire pour faire leur métier (diplôme, inscription à l'Ordre, condition de nationalité), précise l'arrêt du Conseil d'Etat.

En fait, la Cour suprême reproche aux signataires conventionnels d'avoir « excédé leurs compétences » en touchant indirectement les articles du Code de la Sécurité sociale (donc la loi) liés à la prise en charge des assurés sociaux et au tiers payant. Autrement dit, ils ne pouvaient pas décider dans leur coin que le remboursement des prestations devait être lié au conventionnement. Par là même, la Cour suprême a jugé qu'un assuré social n'avait pas à être pénalisé pour le manquement d'un pharmacien.

Elle invalide la sanction de suspension du tiers payant (en cas de déconventionnement) exactement pour les mêmes raisons.

Quant au troisième point annulé, à savoir l'obligation de remplacement par un titulaire lorsqu'il est déconventionné, le Conseil d'Etat estime que cette sanction revient à supprimer la prise en charge au patient si le pharmacien n'est pas conventionné, précisément le premier point qu'il a censuré !

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