« Je fais de la cancéro » - Le Moniteur des Pharmacies n° 2729 du 10/05/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2729 du 10/05/2008
 

ARLES

Initiatives

Cotitulaire de la Pharmacie provençale à Arles, dans les Bouches-du-Rhône, Philippe Minighetti propose une prise en charge personnalisée à ses patients cancéreux. Depuis l'annonce jusqu'aux cures, il accompagne malades et familles grâce à une solide formation universitaire.

Le ton est direct, l'homme volubile. Philippe Minighetti n'a pas sa langue dans la poche. Un atout certain pour converser avec les oncologues ou les pharmaciens hospitaliers. Car ce titulaire arlésien de 46 ans a mis en place une consultation de cancérologie à la Pharmacie provençale. Son premier outil : un espace confidentiel pour dialoguer sans tabou.

« Laurence est en postchimio », indique Philippe Minighetti. Quant à Véronique, elle vit aux côtés d'un mari quadragénaire atteint d'une tumeur métastasée de l'oesophage. « J'ai bien vu que quelque chose n'allait pas lorsque cette fidèle cliente de l'officine est venue ce jour-là », raconte Philippe. A l'étage, loin de la cohue officinale, il invite la jeune femme à se confier. « Dans cette pièce, on peut parler fort, crier, se laisser aller aux pleurs ; personne ne vient nous déranger », explique -t-il. Dans le cas de Véronique, le dispositif d'annonce a été mis en place. Mais elle est venue chercher une confirmation auprès de son pharmacien. « Cette prise de contact lui permet de savoir ce que connaît son pharmacien sur la maladie et les médicaments », témoigne Philippe qui ajoute : « Je dois être vigilant et ne pas dire de bêtises. » Le patient malade, ou le membre de sa famille qui se présente à l'officine, a bien souvent parcouru le web pour en savoir davantage. « Je dois être cohérent avec les résultats donnés par le médecin et ne pas minimiser les chiffres trouvés sur Internet. » Cette première prise de contact s'assimile à « une vraie consultation, de 30 minutes à parfois plus d'une heure », souligne Philippe.

Le pharmacien centralise les données du malade

Une fois l'annonce assimilée, Philippe propose un livret administratif, sorte de « dossier relation patient-pharmacien ». Dans ce fascicule élaboré par l'officinal, figurent les coordonnées du patient, celles de la personne à contacter en cas de souci, de la pharmacie, de l'infirmière, du laboratoire d'analyses médicales, du chimiothérapeute, voire les coordonnées de l'ambulance ou du taxi, bref « tout ce qui peut être utile au patient ». Sont également notés les rendez-vous des cycles de cures. « Cela me permet d'anticiper les éventuels effets indésirables que je pourrai soulager», commente Philippe. Il a même intercalé des feuilles pour dialoguer avec l'infirmière. « Ce fascicule est la propriété du patient. Parfois on me l'apporte à l'officine afin de me faire remarquer ce que l'infirmière a inscrit , raconte le pharmacien. Quant à moi, je peux par exemple y noter que le patient a ressenti des brûlures et indiquer le traitement que j'ai recommandé. L'infirmière ou le patient peuvent ainsi me notifier en retour l'efficacité du conseil. » Sur ce support centralisé non médical, Philippe a l'intention d'ajouter sous peu un dossier hygiéno-diététique : « Je pourrai alors indiquer des conseils précis du genre » en raison de la présence de goût métallique, pas de viande rouge et utilisation de couverts en plastique. »

Outre ce livret, le pharmacien a élaboré un dossier patient qu'il conserve à l'officine. Il comporte les données médicales du malade : noms et posologies des médicaments de chimiothérapie, type de radiothérapie, résultats des marqueurs, suivi biologique, etc. Ces informations, Philippe les a tout simplement obtenues... en les demandant. « J'appelle l'hôpital et la pharmacie en disant « j'ai tel patient qui a ça » et demande quel est son traitement, s'il est sous Xeloda, etc. », explique Philippe qui justifie toujours sa demande. « J'ai le droit d'avoir ces informations et je suis obligé de les avoir. On ne peut pas me le refuser parce que je suis un officinal, poursuit-il, un brin agacé. Beaucoup d'officinaux craignent d'interroger les hospitaliers parce qu'ils ne possèdent pas suffisamment de compétences. C'est pour cela qu'il faut se former. Si je sais de quoi je parle, je n'appréhende plus. »

Se former « pour ne plus avoir peur »

Il faut dire qu' en tant qu'ancien assistant des hôpitaux d'Arles, il a déjà eu l'occasion de se frotter au jargon de la cancérologie. Mais ces facilités de communication seraient bien insuffisantes sans un solide bagage de connaissances. Avant de proposer une prise en charge personnalisée aux patients touchés par « le crabe », Philippe Minighetti s'est formé. « Pour ne pas avoir peur », reconnaît-il. A la fois des praticiens de la maladie. Philippe a choisi la cancérologie par goût, mais aussi parce que la carence est patente. « Nous, pharmaciens, ne sommes pas au point, ni sur le plan scientifique, ni sur le plan psychologique », affirme-t-il.

L'officinal a donc passé son premier diplôme d'université (DU) en 2006, à la faculté de pharmacie de Montpellier. Ce DU de Pharmacologie oncologie clinique aborde les principaux cancers et chimiothérapies anticancéreuses, les thérapeutiques adjuvantes ainsi que le rôle du pharmacien et la prise en charge du patient cancéreux. A raison de 2 jours par mois et de 400 euros pour l'année (hors droits d'inscription). « Lorsque les patients parlent de leur traitement, je sais maintenant pourquoi et quand ils vont perdre leurs cheveux, ou bien les indications des EPO », apprécie Philippe qui, entre-temps, aura participé à des ateliers de réflexion sur le suivi du patient cancéreux pour un grand groupe pharmaceutique. Il y a rencontré un cancérologue de l'hôpital Georges- Pompidou, qui a mis en place un diplôme interuniversitaire (DIU) de soins de supports oncologiques à la faculté René Descartes à Paris. Enthousiasmé par ce concept, Philippe s'y est inscrit cette année et se rend donc à Paris deux jours par mois.

Les soins de support regroupent « l'ensemble des soins et soutiens nécessaires aux malades, parallèlement au traitement spécifique, lorsqu'il y en a ». Pendant la maladie et lors de ses suites, les soins de support concernent notamment la prise en compte de la douleur, de la fatigue, des problèmes nutritionnels, des soins de bouche, des dysphagies... Dans ce DIU, Philippe découvre également la psycho-oncologie, les difficultés sociales et les perturbations de l'image corporelle, à côté de médecins et autres hospitaliers. Grâce à cette formation, il peut proposer une aide nutritionnelle précise, un accompagnement esthétique pour lutter contre les ongles cassants, ou même une simple écoute. Philippe a ainsi déjà accompagné une dizaine de patients.

Parfois, une seule aura suffi. D'autres fois, le malade souhaite un suivi mensuel. L'expertise de Philippe Minighetti lui permet d'être un relais essentiel entre le patient et son médecin traitant qui n'est pas forcément formé à la cancérologie. « J'assure un suivi dans la prise en charge des effets indésirables, j'apporte des astuces », résume Philippe qui a trouvé sa place au sein de ce parcours de soins. Ni médecin, ni psychologue, ni ami. Juste un professionnel de santé qui accompagne le patient jusqu'au bout. Parce qu'il l' a appris.

Envie d'essayer ?

Les avantages

- Cette activité est personnellement enrichissante car elle touche à l'humain.

- « Je peux apporter une aide précieuse et concrète aux malades et aux conjoints, même dans leur quotidien. »

- « Je deviens en quelque sorte un pharmacien de référence pour les professionnels de santé, même si mon activité n'est pas encore très connue. »

- « Cette activité dynamise l'équipe. Une de mes collaboratrices s'est formée sur les prothèses capillaires, une autre en socio-esthétique ! »

- « Le recyclage des connaissances m'oblige à me remettre régulièrement en question. »

Les difficultés

- « Je suis obligé de sortir de mon comptoir pour aller à la rencontre des médecins. Il faut être présent aux réunions médicales, aux congrès. C'est tout un travail de réseau informel à effectuer. »

- Il est nécessaire de s'investir beaucoup et se former sans cesse.

- Parfois, les situations s'avèrent très dures. Il est alors préférable de pouvoir vider son sac auprès de ses collaborateurs ou de son conjoint. Et d'apprendre à relativiser.

Les conseils de Philippe Minighetti

- « Si vous souhaitez vous investir dans cette activité, formez-vous et retournez à la faculté. Une demi-soirée en cancéro ne permet pas de devenir un expert ! Vous devez être à la pointe des connaissances. »

- « Soyez empathique tout en gardant du recul. Je fais la part des choses : je fais de la cancéro et ne suis ni médecin, ni psychologue. »

- « Il est confortable d'avoir un associé qui suit vos idées. J'ai de la chance car le mien soutient cet investissement. »

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


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