Hypolipémiants 13 cas pratiques - Le Moniteur des Pharmacies n° 2723 du 29/03/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2723 du 29/03/2008
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

effets indésirables

Douleurs musculaires sous Lescol

Gilbert, la cinquantaine, est chauffeur de taxi depuis 25 ans. Il n'est pas du genre à consulter pour un oui ou pour un non. Récemment, une gastroentérite virale l'a pourtant amené à le faire. Le médecin en a profité pour demander un bilan sanguin et notamment un dosage des lipides sanguins. Verdict : un taux trop élevé de cholestérol total avec un mauvais rapport HDL/LDL. Le régime diététique proposé par le médecin ayant été sans effet, celui-ci a initié un traitement par Lescol 20 mg. Un mois après être venu pour acheter son médicament, Gilbert passe à nouveau à l'officine en se plaignant de douleurs dans les jambes. Il lui est pénible de se lever le matin ou de marcher après être resté assis dans son taxi pendant un certain temps. Il demande donc l'avis de la pharmacienne.

Faut-il s'alarmer de ces douleurs ?

Parmi les effets indésirables des statines, les atteintes musculaires sont fréquentes et peuvent revêtir un caractère d'extrême gravité ou non en fonction du mécanisme physiopathologique des douleurs (voir encadré page 6).

Analyse du cas

Sous statine, les rhabdomyolyses sont exceptionnelles, mais l'apparition d'effets indésirables à type de douleurs musculaires se rencontre chez 1 à 10 % des patients. Dans la plupart des cas, il s'agit de douleurs localisées à un muscle, ou bien généralisées sur un territoire plus important.

Les membres inférieurs sont la cible privilégiée de ces douleurs musculaires, associées parfois à des douleurs tendineuses ou à des crampes. Ces effets indésirables surviennent le plus souvent dans la période qui suit la mise en place du traitement hypocholestérolémiant, mais ils peuvent apparaître à n'importe quel moment du traitement. Le fait de changer de médicament pour une autre statine peut parfois résoudre le problème. Les douleurs sont de toute façon réversibles à l'arrêt du traitement, qui doit intervenir en cas de gêne pour le patient ou en en cas d'élévation importante des créatines-phosphokinases (CPK). Cet effet indésirable est commun également à une autre famille d'hypolipémiant : les fibrates.

Attitude à adopter

Même si les rhabdomyolyses sont exceptionnelles, il est préférable de conseiller à ce patient de consulter rapidement son médecin. Un examen clinique à la recherche d'autres signes (oedèmes musculaires, tendinopathie, etc.) et un dosage biologique de l'activité des enzymes créatine-kinase doivent être réalisés.

La recherche de l'activité des enzymes créatine-kinase est le test biologique de référence en matière de recherche d'atteinte musculaire : en cas de destruction du myocyte (cellule musculaire), les enzymes, en grande concentration à l'intérieur du muscle, passent dans le sang. L'interprétation de ce test biologique doit tenir compte des autres facteurs susceptibles d'en élever le taux : choc musculaire, injection intramusculaire, exercice physique intense, etc. Une élévation des CPK d'au moins 5 fois la normale doit conduire à l'arrêt du traitement par la statine. Dans le cadre de myalgies simples, les CPK peuvent ne pas être augmentées tandis que la rhabdomyolyse provoque systématiquement des augmentations - parfois considérables - des CPK.

effets indésirables

Troubles digestifs sous Questran

Marcel, agriculteur de 51 ans, souffre d'une hypercholestérolémie isolée, traitée par Questran depuis un mois à raison de un sachet trois fois par jour avant les repas. Lors du renouvellement de son ordonnance, il demande un traitement pour une violente crise hémorroïdaire le gênant au point de ne plus pouvoir s'asseoir. Au cours de l'entretien avec le pharmacien, il explique qu'il souffre également d'une constipation récente et très opiniâtre.

Le Questran a-t-il pu favoriser la crise hémorroïdaire ?

Certainement ! Les principaux effets indésirables de Questran sont de nature digestive : douleurs abdominales, ballonnements et surtout constipation, qui peut provoquer des poussées hémorroïdaires en forçant sur les muscles lors de la défécation.

Analyse du cas

Depuis toujours, Marcel souffre d'hémorroïdes externalisées mais il n'a jamais voulu se faire opérer. L'apparition soudaine d'une constipation liée au Questran a déclenché une crise avec formation d'un thrombus très douloureux.

Attitude à adopter

Devant l'importance des douleurs, le pharmacien préfère envoyer ce patient au service des urgences de la clinique voisine, craignant une thrombose hémorroïdaire. Effectivement, la gestion d'une crise très douloureuse d'hémorroïdes doit passer par un examen clinique avec, le cas échéant, une extraction sous anesthésie locale du caillot.

Dans un second temps, la prise en charge de la constipation doit être une priorité absolue. Dans ces conditions, l'utilisation du Questran pourra être remise en question au profit d'un autre traitement hypocholestérolémiant.

effets indésirables

Des douleurs thoraciques et une dyspn_e

Venue à la pharmacie faire quelques courses, Madame K. en profite pour raconter comment son mari s'est retrouvé à l'hôpital à cause de son médicament contre le cholestérol. Âgé de 41 ans, non fumeur, cadre commercial, monsieur K. a pour seuls antécédents médicaux notables un ulcère gastrique et une hypercholestérolémie. La semaine dernière, il a dû se rendre aux urgences suite à des douleurs thoraciques sans fièvre faisant suite à une toux rebelle et une dyspnée... Tout est rentré dans l'ordre après l'arrêt du Vasten.

A quoi étaient dues ces douleurs thoraciques ?

Craignant une embolie pulmonaire, les médecins ont réalisé un angioscanner spiralé. Celui-ci a montré une atteinte pleuropulmonaire. Associée à une hyperéosinophilie sanguine, cette atteinte a rapidement fait suspecter une pneumopathie interstitielle d'origine médicamenteuse.

Analyse du cas

Les pneumopathies interstitielles désignent un groupe hétérogène d'affections du tissu pulmonaire pouvant évoluer vers une insuffisance respiratoire ou une fibrose pulmonaire, par atteinte de la structure alvéolaire. Elles peuvent être d'installation aiguë ou, au contraire, insidieuse, lente et progressive. La principale complication est la fibrose pulmonaire, définitive. Suivant son importance il s'ensuivra une insuffisance respiratoire plus ou moins sévère.

Parmi les causes possibles de pneumopathies interstitielles, l'étiologie médicamenteuse est fréquente (principalement avec l'amiodarone, le méthotrexate, la nitrofurantoïne, les antiandrogènes et, rarement, les statines).

Attitude à adopter

Les pneumopathies interstitielles liées à la prise d'une statine sont suffisamment graves et rares pour justifier pleinement la déclaration de l'effet indésirable au centre régional de pharmacovigilance.

effets indésirables

Des bouffées de chaleur désagréables

Alain, 44 ans, diabétique de type 2 et hypertendu, téléphone à la pharmacie pour avoir un avis sur son nouveau traitement contre le cholestérol. Son médecin traitant est en vacances. Alain raconte qu'au cours d'une consultation chez ce dernier il y a 15 jours, il a modifié son traitement devant un dosage trop haut du mauvais cholestérol. Cela faisait 6 mois qu'il prenait 80 mg de Tahor par jour sans arriver à passer en dessous du seuil de 1,3 g/l de LDL-cholestérol. Depuis deux semaines, Alain a commencé à prendre en plus du Niaspan à raison de 500 mg le soir pendant 7 jours, puis 1 000 mg pendant 7 jours. Il prend depuis quelques jours 2 000 mg tous les soirs. Il ne supporte plus les bouffées de chaleur qui le gênent terriblement et qui, selon lui, le font passer pour un ivrogne. Le médecin l'avait prévenu, mais il trouve que cela empire, atteignant le corps après le visage. Alain se plaint également d'une déstabilisation de ses glycémies capillaires.

Le Niaspan est-il connu pour avoir de tels effets indésirables ?

L'acide nicotinique, ou niacine, est une vitamine hydrosoluble du complexe B. Utilisée depuis de nombreuses années dans les hypercholestérolémies, son emploi sous forme de comprimés à libération immédiate a été limité à cause des effets indésirables à type de bouffées vasomotrices. Niaspan est une forme à libération prolongée qui limite mais ne supprime pas ces effets. Une élévation de la glycémie est également possible sous traitement.

Analyse du cas

Niaspan est indiqué dans le traitement des dyslipidémies, en particulier chez les patients atteints d'une dyslipidémie mixte ou combinée, caractérisée par des taux élevés de LDL-cholestérol, de triglycérides et de faibles taux de HDL-cholestérol, ainsi que chez les patients atteints d'hypercholestérolémie primaire. Il s'utilise en association avec une statine lorsque l'effet sur l'abaissement du cholestérol est insuffisant. Il peut aussi être utilisé en monothérapie chez les patients présentant une intolérance aux statines.

Son schéma posologique d'initiation de traitement permet, par l'augmentation croissante et régulière des doses, de limiter les effets indésirables vasomoteurs pour ne pas que le patient interrompe son traitement (près de 90 % des patients en souffrent, mais moins de 10 % doivent l'arrêter). Le mécanisme invoqué est une libération de prostaglandine D2. Dans le cas d'Alain, la posologie progressive du RCP n'a pas été respectée. Elle est en principe étalée sur 6 semaines : début à 375 mg le soir pendant une semaine, puis 500, 750, 1 000, 1 500 et enfin 2 000 mg, avec nouveau palier chaque semaine.

Attitude à adopter

Le pharmacien conseille d'interrompre la prise de Niaspan pour établir avec certitude sa responsabilité face à ces symptômes, et recommande à Alain de revoir son médecin dès son retour. Il lui propose aussi de passer à la pharmacie avec son lecteur de glycémie pour procéder à une édition papier des résultats.

De son côté, le pharmacien appelle le médecin pour lui rappeler la posologie d'initiation progressive du médicament. Il pourra lui transmettre le diagramme imprimé des dernières glycémies. Le médecin jugera alors de l'intérêt de réinstaurer ou non le traitement par Niaspan en recommençant la phase de titration selon les modalités prévues au RCP.

interactions médicamenteuses

Marie-Thérèse est allergique au Kétum

Marie-Thérèse, 50 ans, passe régulièrement chercher ses médicaments à la pharmacie. Aujourd'hui, elle présente pour la première fois une ordonnance de Lipanthyl 160 pour faire diminuer son taux de triglycérides (3 g/l). Son dossier pharmaceutique mentionne une allergie au kétoprofène en août 2002, après application de gel de Kétum sur les genoux. Cette application avait entraîné l'apparition brutale d'un eczéma sur toute la jambe puis sur les bras, avec formation de vésicules très prurigineuses. Une corticothérapie par voie orale puis locale pendant une quinzaine de jours, associée à un antihistaminique, avait fait disparaître les lésions sans séquelle. Le kétoprofène lui avait été formellement interdit et le pharmacien avait noté dans le dossier patient : « Allergie au kétoprofène + allergie croisée avec fibrates et acide tiaprofénique ».

Pourquoi cette mise en garde ?

Un communiqué de l'Afssaps datant de juillet 2003 met en garde les prescripteurs contre le risque de photosensibilisation lié au kétoprofène. Une enquête de pharmacovigilance avait à l'époque mis en évidence des réactions de photosensibilité survenues chez des patients traités par des gels de kétoprofène. Cette réaction se traduisait le plus souvent par un eczéma vésiculobulleux s'étendant au-delà de la zone d'application dans 80 % des observations. L'exposition solaire était un facteur déterminant. Par ailleurs, parmi les patients présentant des réactions de photosensibilité au kétoprofène, des antécédents de réaction croisée avec les fibrates, l'acide tiaprofénique, des produits solaires (contenant des benzophénones) avaient été retrouvés.

Analyse du cas

En cas de prescription de fénofibrate chez Marie-Thérèse, on s'expose à un risque d'allergie croisée. Les lésions prédominent sur toutes les régions photoexposées, sous forme d'érythème ou de dermite eczématiforme, pour disparaître plus ou moins rapidement quand le médicament est arrêté. Les photosensibilisations médicamenteuses, dont l'intensité et l'expression varient en fonction du médicament responsable, peuvent récidiver malgré l'arrêt de celui-ci (photosensibilisation rémanente).

Attitude à adopter

Compte tenu des risques allergiques potentiels encourus par Marie-Thérèse en cas de prise de Lipanthyl, le pharmacien préfère joindre le médecin pour lui soumettre ses réserves. Au cours de la discussion préalable qu'il a eue avec Marie-Thérèse, il apparaît en réalité qu'elle n'a jamais fait très attention à son alimentation, malgré les recommandations de son médecin. C'est donc l'occasion de discuter avec ce dernier de la meilleure stratégie à envisager : l'idéal serait de convaincre la patiente de l'utilité d'un changement de ses habitudes alimentaires (suppression de l'alcool et des sucres rapides) et d'un minimum d'exercice physique (une demi-heure de marche rapide 3 fois par semaine...). En cas d'insuffisance de résultats, la patiente devra consulter à nouveau son médecin afin de mettre en route, le cas échéant, un traitement autre que le fénofibrate.

interactions médicamenteuses

Une coprescription Lipanthyl-Zocor justifiée

Paul L. est un client de l'officine connu pour ses graves problèmes cardiovasculaires : à 52 ans, fumeur invétéré, diabétique de type 2, en surcharge pondérale, il multiplie les facteurs de risque. Parmi ses antécédents, on note un infarctus du myocarde il y a 2 ans, une hypercholestérolémie familiale et une artériopathie des membres inférieurs. Monsieur L. refuse catégoriquement le Questran qu'il accuse de le rendre malade. Sa dernière prescription d'hypocholestérolémiants comportait Inegy (10 mg d'ézétimibe et 40 mg de simvastatine) associé au Niaspan, mais une récente consultation chez le cardiologue hospitalier a changé la donne. Avec un résultat de LDL-cholestérol à 2,2 g/l pour un objectif avoisinant 1 g/l (prévention secondaire), le médecin lui propose une ultime tentative médicamenteuse sur 3 mois par Zocor 40 mg et Lipanthyl 200 mg avant d'envisager une LDL-aphérèse. Cette association inhabituelle entre une statine et un fibrate interpelle le pharmacien.

Le pharmacien a-t-il raison de s'inquiéter ?

Oui. L'association entre la simvastatine et le fénofibrate est déconseillée eu égard au risque d'effets indésirables musculaires, communs à ces deux classes d'hypolipémiants. Sans justification thérapeutique étayée, il n'y a pas lieu de prescrire conjointement une statine et un fibrate.

Analyse du cas

Le cas de Paul L. est particulier : le médecin spécialiste joint au téléphone n'est pas étonné qu'un pharmacien l'interpelle à son sujet. Il est tout à fait conscient des risques majorés de myopathies et de rhabdomyolyse. Il précise que sa prescription est le fruit d'une réflexion à l'hôpital d'un collège de praticiens expérimentés. Selon lui, son patient présente une balance bénéfices/risques en faveur du maintien d'une association de la statine et du fibrate. En effet, Paul L. est un patient à haut risque cardiovasculaire dont les précédentes stratégies thérapeutiques hypocholestérolémiantes se sont révélées partiellement inefficaces.

Le médecin a prévu un suivi biologique étroit, notamment par le dosage régulier des CPK tous les 15 jours et de la clairance à la créatinine pour la fonction rénale, ainsi qu'une surveillance clinique à la recherche de myalgies, faiblesse musculaire, crampes, etc. Il souligne que l'association de fénofibrate à une statine ne fait qu'additionner leurs risques respectifs, sans les potentialiser. Un bilan est prévu dans 3 mois avec, en cas d'échec, la mise en place probable de séances de LDL-aphérèse. Très ouvert au dialogue, le cardiologue en profite pour souligner le rôle important qu'ont les pharmaciens en matière de détection des interactions médicamenteuses et dans la surveillance des effets indésirables !

Attitude à adopter

Le pharmacien est rassuré et peut ainsi délivrer les médicaments prescrits en rappelant les signes devant conduire à l'arrêt des hypolipémiants : douleurs dans les muscles, faiblesse musculaire, crampes persistantes par exemple. Cet échange est aussi l'occasion de rappeler au patient les risques liés à l'automédication (risque d'altération de la fonction rénale par les AINS). Le compte rendu de la discussion avec le cardiologue est consigné dans le dossier informatique du patient afin que les autres membres de l'équipe puissent en avoir connaissance lors des renouvellements de l'ordonnance.

Le facteur de risque dyslipidémie

Les dyslipidémies, le tabagisme, l'hypertension artérielle et le diabète sont les quatre facteurs de risque majeurs qui prédisposent au développement de l'athérosclérose, principale cause des maladies cardiovasculaires. La diminution du risque lié à chacun de ces facteurs athérogènes est donc un objectif fondamental dans la prévention de ces maladies.

L'étape capitale pour décider d'une intervention thérapeutique est l'évaluation du risque vasculaire global. Les recommandations de l'Afssaps utilisent une stratégie simplifiée fondée sur le dénombrement des facteurs de risque et sur le condiv clinique (prévention primaire ou secondaire). La diététique est un passage obligé et préalable du traitement des hyperlipidémies. Lorsqu'elle est insuffisante pour normaliser le bilan lipidique, un traitement médicamenteux hypolipémiant est associé. Hormis la rosuvastatine, dont les études de morbimortalité sont en cours, toutes les statines (atorvastatine, fluvastatine, pravastatine et simvastatine) ont montré un bénéfice sur la morbimortalité cardiovasculaire avec le plus haut niveau de preuve. Les statines exposent à un risque rare mais grave de rhabdomyolyse aiguë pouvant entraîner le décès. Par ailleurs, de nombreux patients se plaignent de douleurs musculaires sous statines.

D'autres hypolipémiants ont également montré un bénéfice en prévention primaire ou secondaire (gemfibrozil, colestyramine). A l'heure actuelle, on ne dispose pas d'essais contrôlés à long terme démontrant l'efficacité des autres fibrates en prévention primaire ou secondaire des complications de l'athérosclérose.

Comment agissent les principaux hypolipémiants

Les médicaments utilisés comme hypolipémiants agissent à différents niveaux. Certains ont pour fonction de limiter l'absorption du cholestérol intestinal, comme l'ézétimibe qui inhibe la protéine de transport NPC1L1 contenue dans la membrane des entérocytes. L'ézétimibe limite également la réabsorption du cholestérol émulsionné excrété par les voies biliaires.

Toujours au niveau intestinal, la colestyramine augmente le catabolisme du cholestérol. C'est une résine qui fixe les acides biliaires et provoque leur élimination dans les selles. La diminution de la concentration en acides biliaires dans les hépatocytes accélère le catabolisme hépatique du cholestérol en acides biliaires et provoque indirectement une chute du cholestérol.

Fibrates et statines agissent au niveau cellulaire. Les statines inhibent la synthèse endogène du cholestérol à partir de l'acétyl-coA, sans toutefois la supprimer totalement. Les fibrates agiraient principalement en activant la lipoprotéine-lipase, entraînant une hydrolyse des VLDL et des LDL. Fibrates et statines peuvent entraîner des myosites, qui se traduisent biologiquement par l'élévation des créatines-phosphokinases (CPK) plasmatiques.

Les cinq classes principales d'hypolipémiants

Les statines inhibent la synthèse endogène du cholestérol

Statines

Mode d'action

La réaction enzymatique régulée par la HMG-CoA-réductase est l'étape limitante de la formation du cholestérol au niveau du foie et des autres tissus. En inhibant cette enzyme, les statines ou inhibiteurs de l'HMG-CoA-réductase, diminuent le contenu en cholestérol des hépatocytes ainsi que la sécrétion hépatique des VLDL, stimulent l'expression des récepteurs LDL et, au final, accélèrent la clairance du LDL-cholestérol de la circulation sanguine. Il est conseillé de prendre les statines de préférence le soir au coucher car l'activité de la HMG-CoA-réductase est plus importante la nuit que le jour.

Principaux effets indésirables

Les effets indésirables de type musculaire sont bien documentés avec l'emploi des statines. La myalgie, définie par un inconfort musculaire sans élévation de la créatinine-phosphokinase (marqueurs biologiques de la lyse musculaire), survient chez environ 3 à 4 % des sujets dans le cadre des études cliniques. Cette incidence peut atteindre plus de 10 %, en particulier si de hautes doses de statines sont utilisées, même dans un condiv clinique normal. La myosite, qui se définit par une douleur musculaire accompagnée d'une élévation de la créatinine-phosphokinase de plus de 10 fois la valeur limite supérieure, est quant à elle beaucoup plus rare avec une incidence de 0,1 %. Elle nécessite l'arrêt immédiat de la statine afin d'éviter un risque de rhabdomyolyse, une complication extrêmement rare (< 0,01 %) mais particulièrement grave.

Un inconfort digestif, des céphalées et des éruptions cutanées sont des effets rapportés (< 1 cas sur 1 000).

Une élévation des transaminases hépatiques peut survenir chez 0,3 % à 2 % des patients. Des pneumopathies interstitielles ont été rapportées de façon exceptionnelle.

Contre-indications

- Affection hépatique évolutive ou élévation prolongée inexpliquée des transaminases sériques

- Grossesse et allaitement.

Interactions

- Elles dépendent en grande partie de la voie de métabolisation, variable d'une statine à l'autre.

- L'atorvastatine et la simvastatine présentent un grand nombre d'interactions car elles sont métabolisées par l'isoenzyme CYP3A4 (voir encadré page 11).

Les fibrates agiraient principalement en activant la lipoprotéine-lipase, laquelle hydrolyse les VLDL et les LDL.

Fibrates

Mode d'action

Le fénofibrate active le « peroxisome proliferator-activated receptor » de type alpha, ce qui stimule l'hydrolyse des particules plasmatiques riches en triglycérides par la lipoprotéine-lipase, augmente la synthèse des protéines de transport antiathérogènes (apoA-I et apoA-II) et diminue celle des protéines proathérogènes (apoC-III). Au final, les fibrates favorisent l'élimination plasmatique des particules athérogènes riches en triglycérides.

Principaux effets indésirables

Les fibrates sont généralement bien tolérés mais peuvent, dans de rares cas, provoquer un inconfort digestif (dyspepsie, ballonnements) et des éruptions cutanées. Ils peuvent aussi entraîner des douleurs musculaires (crampes, faiblesse musculaire, myosite, myalgies...), particulièrement lorsqu'ils sont utilisés en association avec une statine. L'augmentation de la créatinine sérique et la perturbation des enzymes hépatiques peuvent aussi survenir.

Contre-indications

- Insuffisance hépatique (y compris la cirrhose biliaire).

- Insuffisance rénale.

- Réaction connue de photoallergie ou de phototoxicité durant un traitement par les fibrates ou le kétoprofène.

- Affection de la vésicule biliaire.

- Grossesse et allaitement.

Interactions

- L'association de deux fibrates ou d'un fibrate à une statine est déconseillée voire contre-indiquée selon les molécules.

- L'association d'un fibrate à un anticoagulant oral nécessite une surveillance accrue de l'INR (risque hémorragique accru).

L'ézétimibe inhibe la protéine de transport du cholestérol contenue dans la membrane des entérocytes. Il n'est pas absorbé par l'intestin.

Ezétimibe

Mode d'action

Il diminue l'absorption du cholestérol alimentaire ainsi que la réabsorption intestinale du cholestérol excrété via les voies biliaires. L'action de l'ézétimibe s'effectue par inhibition de la protéine de transport contenue dans la membrane des entérocytes, la NPC1L1. Cette inhibition réduit la réserve de cholestérol qui sera éventuellement transportée par les chylomicrons, et donc les résidus athérogènes de chylomicrons.

Principaux effets indésirables

- Céphalées, douleurs abdominales, diarrhée.

- Augmentation des transaminases et des CPK (en association avec une statine).

Contre-indications

Pas de contre-indication autre qu'une hypersensibilité à l'ézétimibe.

Interactions

Aucune.

La colestyramine est une résine qui fixe les acides biliaires, et provoque leur élimination dans les selles.

Colestyramine

Mode d'action

Les chélateurs des acides biliaires, ou résines, se lient aux acides biliaires sous forme d'un complexe insoluble et favorisent leur sécrétion au niveau de l'intestin. Bien que la synthèse hépatique du cholestérol soit augmentée sous l'action de la colestyramine, le cholestérol est rapidement éliminé par le chélateur et la cholestérolémie est abaissée chez la majorité des patients.

Principaux effets indésirables

- Constipation fréquente, parfois très intense, particulièrement chez le sujet âgé.

- Douleurs abdominales, éructations, ballonnement, diarrhées, météorisme, brûlures épigastriques, nausées, vomissements, stéatorrhée peuvent survenir.

Contre-indications

- Insuffisance hépatique, et en particulier obstruction complète des voies biliaires. Constipation chronique.

Interactions

- L'association aux anticoagulants oraux, aux digitaliques ou aux hormones thyroïdiennes entraîne une diminution de l'effet de ces médicaments par réduction de leur absorption.

Acide nicotinique

Mode d'action

L'acide nicotinique est une vitamine hydrosoluble du complexe B, constituant naturel des aliments. L'homme ne dépend pas complètement des sources alimentaires d'acide nicotinique, puisque celui-ci peut aussi être synthétisé à partir du tryptophane.

L'acide nicotinique diminue le taux de synthèse hépatique du VLDL-cholestérol et donc le LDL cholestérol.

Principaux effets indésirables

L'acide nicotinique entraîne des bouffées vasomotrices au niveau du visage et du tronc se caractérisant par de la rougeur, de la chaleur, des fourmillements et des démangeaisons (effets rapportés par 88 % des patients). Une augmentation de la glycémie est également possible chez les patients diabétiques.

Contre-indications et interactions

- Altération significative des fonctions hépatiques.

- Ulcère gastroduodénal en évolution.

- Hémorragie artérielle.

- Eviter l'association à l'alcool (flush et prurit).

interactions médicamenteuses

Un courrier du médecin-conseil

En ouvrant le courrier, la titulaire tombe ce matin sur une lettre émanant du service médical du centre de Sécurité sociale voisin. Le docteur L., médecin-conseil, lui explique que 3 mois auparavant l'analyse des factures télétransmises a fait état d'une délivrance le même jour de deux ordonnances présentant une association formellement contre-indiquée. L'div des prescriptions est un médecin généraliste du quartier. La première facture indique une délivrance de Monozeclar, tandis que la seconde mentionne un renouvellement de Lodalès 20 mg. Le médecin-conseil précise qu'il n'existe pas de trace d'intervention pharmaceutique sur l'ordonnance laissant penser que le pharmacien a pris les mesures nécessaires pour éviter cette interaction médicamenteuse dangereuse. Après vérification dans son historique informatique, la pharmacienne retrouve effectivement la trace de ces deux délivrances. Si l'interaction entre Monozeclar et Lodalès ne l'a pas interpellée, c'est en fait qu'elle n'en avait pas connaissance. D'ailleurs, sa base de données médicamenteuses informatique ne détecte pas non plus cette interaction.

Le médecin-conseil s'est-il trompé ?

Cette association est effectivement une contre-indication absolue : la clarithromycine inhibant puissamment l'activité enzymatique des cytochromes P450, les concentrations plasmatiques de la simvastatine risquent d'augmenter et de conduire à une exacerbation des effets indésirables de la statine.

Analyse du cas

Les interactions possibles avec les médicaments de la classe des hypolipémiants sont nombreuses et varient en fonction des représentants de chaque classe médicamenteuse. Par exemple, parmi les statines, seule la simvastatine est formellement contre-indiquée avec la clarithromycine et ce, depuis peu. En décembre 2007, cette association figurait dans le Vidal comme une « nécessitant des précautions d'emploi » dans la monographie de Monozeclar, alors qu'elle était présentée dans la celle de Lodalès comme « contre-indiquée ».

Le médecin prescripteur du Lodalès et du Monozeclar, contacté par la pharmacienne, avoue lui aussi avoir ignoré cette interaction (et son logiciel aussi !)... jusqu'à ce qu'il reçoive le même courrier du médecin-conseil. Heureusement, le patient est bien connu du médecin et de la pharmacie, et aucune complication clinique ne s'est manifestée à la suite de ces médicaments, il y a maintenant plusieurs mois.

Attitude à adopter

La détection des interactions médicamenteuses n'est pas un exercice évident. Cela nécessite des connaissances précises devant régulièrement être mises à jour par différents moyens : presse spécialisée, lecture attentive du paragraphe sur les plaquettes présentant les nouveaux médicaments, utilisation de logiciels de dispensation reliés à une banque de données mise à jour, etc. Sur son site Internet, l'Afssaps propose en libre téléchargement un thesaurus à imprimer faisant fonction de référentiel national des interactions médicamenteuses. Des mises à jour y sont régulièrement apportées.

interactions médicamenteuses

Une interaction Ketek/Tahor

Patrick V., 62 ans, souffre d'une bronchite depuis quelque temps. Son médecin traitant lui a prescrit ce matin : Ketek 400 mg, 2 comprimés le matin pendant 7 jours, Carbocistéine 5 %, 1 cuillère à soupe 3 fois par jour, Dafalgan 500, 2 gélules 3 fois par jour. Le médecin en a profité pour renouveler l'ordonnance habituelle qui comporte Tahor 10 mg, 1 cp le soir, et Esidrex, 1 cp le matin pendant 1 mois. Bien évidemment, l'ordinateur émet aussitôt un message d'alerte qui signale une interaction formellement contre-indiquée.

Quelle est l'interaction médicamenteuse en cause ?

La télithromycine, principe actif antibiotique du Ketek, est apparentée à la famille des macrolides. Son pouvoir inhibiteur enzymatique est démontré sur les cytochromes P450 3A4 et les interactions possibles doivent être systématiquement vérifiées. En ce qui concerne les statines, il est contre-indiqué de l'associer à l'atorvastatine (Tahor) et à la simvastatine (Zocor).

Analyse du cas

La coprescription Kétek-Tahor ou Kétek-Zocor est fréquente, et rares sont les médecins qui indiquent à leurs patients le protocole à suivre. Même sur une courte période, la coprescription de cet antibiotique et de cette statine est susceptible de provoquer des effets indésirables à type de rhabdomyolyse.

Attitude à adopter

Deux options sont possibles : soit modifier le traitement antibiotique, soit suspendre le traitement par Tahor pendant la prise de Ketek. Le médecin contacté souhaite maintenir le Ketek à cause de son action antipneumococcique. Il propose une interruption du traitement hypolipémiant pendant tout le traitement par Ketek et demande à ce que Patrice ne reprenne le Tahor qu'une semaine après l'arrêt de l'antibiotique pour éviter toute interférence. Ces recommandations sont écrites par le pharmacien sur l'ordonnance, dans le dossier pharmaceutique et sur les boîtes.

interactions médicamenteuses

Du jus de pamplemousse le matin

Léa, fumeuse, se présente à la pharmacie munie d'une nouvelle ordonnance de son médecin traitant qui lui prescrit de l'Inegy 10/40 mg en remplacement du Fractal LP 80 qu'elle prenait depuis 5 mois. Etant allée chercher ses résultats d'analyses quelques jours plus tôt, elle se doutait bien que son médecin lui changerait son traitement contre son « mauvais cholestérol » qui reste élevé. Parmi les recommandations données par le pharmacien, celle en rapport avec la nécessité d'arrêter la consommation de jus de pamplemousse - qu'elle a l'habitude de boire le matin - la laisse dubitative.

>Pourquoi le jus de pamplemousse est-il déconseillé avec certains médicaments ?

Le jus de pamplemousse est connu depuis longtemps comme substrat inhibiteur irréversible d'un des principaux complexes métaboliseurs hépatiques des médicaments (les cytochromes P450).

Des études cliniques ont prouvé une augmentation des concentrations plasmatiques de certains principes actifs dès la consommation de 250 ml (un à deux verres) de jus de pamplemousse. C'est le cas pour la simvastatine et l'atorvastatine, mais aussi pour certaines benzodiazépines (midazolam, alprazolam...), certains inhibiteurs calciques (lercanidipine, nifédipine...) ou les antiprotéases (saquinavir, nelfinavir...).

Analyse du cas

Inegy étant composé d'ézétimibe et de simvastatine, il convient en effet de s'abstenir de consommer du jus de pamplemousse. Cela risquerait de déclencher les effets indésirables des statines (toxicité musculaire, rhabdomyolyse). Il est normal que ce conseil diététique ne lui ait pas été donné avec son ancien traitement par Fractal, car la fluvastatine n'est pas métabolisée par le même cytochrome. Il ne présentait donc pas cette interaction.

Attitude à adopter

Proposer à Léa de boire plutôt du jus d'orange le matin ! Il n'y a aucun risque d'interférence avec son nouveau traitement hypocholestérolémiant.

interactions médicamenteuses

Un accident d'exposition au sang

André, 46 ans, est traité par Lodalès et Zyloric 100 depuis plusieurs années. Aujourd'hui, il se présente à la pharmacie sans sa bonne humeur habituelle. L'étudiant en pharmacie qui s'occupe de lui comprend à la lecture de l'ordonnance qu'un événement grave s'est produit. On peut y lire : Combivir : 1 matin et 1 soir, Viracept : 5 matin et 5 soir, un mois. André explique que lors d'une intervention dans le cadre de ses fonctions d'infirmier dans une association humanitaire d'aide aux sans-logis, il s'est piqué accidentellement avec une seringue usagée d'un toxicomane. Il a alors aussitôt appliqué la procédure en rapport avec un accident par exposition au sang en se dirigeant immédiatement vers le service des urgences du centre hospitalier, après une désinfection locale au point de piqûre. Sur place, un médecin spécialiste l'a pris en charge et a réalisé les examens nécessaires. La décision a été prise de prescrire une prophylaxie postexposition au VIH. André a également reçu une première dose de médicaments antirétroviraux.

Que faut-il impérativement vérifier ?

Compte tenu du grand nombre d'interactions médicamenteuses liées à l'emploi des antirétroviraux, l'étudiant doit vérifier les conséquences de leur coprescription avec les médicaments habituels d'André : l'antiprotéase Viracept (nelfinavir) potentialise les effets du Lodalès (simvastatine) par inhibition enzymatique de sa dégradation hépatique.

Analyse du cas

Manifestement, le médecin prescripteur de la prophylaxie antirétrovirale n'a pas pensé à l'interaction médicamenteuse pourtant contre-indiquée. La simvastatine a la particularité d'être métabolisée par le CYP3A4 au niveau hépatique. Ce même complexe enzymatique est inhibé irréversiblement lors d'une administration de nelfinavir. Une augmentation importante des concentrations sériques de simvastatine (jusqu'à 500 %) est attendue, pouvant potentialiser ses effets indésirables, notamment musculaires.

Attitude à adopter

Afin de préparer au mieux l'entretien téléphonique avec le médecin, l'étudiant en pharmacie et le pharmacien cherchent ensemble la meilleure alternative possible à envisager. Le dictionnaire Vidal les aide dans ce sens en indiquant : « si un traitement avec un inhibiteur de l'HMG-CoA-réductase est indiqué, la pravastatine ou la fluvastatine sont recommandées ».

Joint par téléphone, le médecin confirme le risque à associer ces deux médicaments. Dans ces circonstances, il a l'habitude de remplacer le Lodalès par Elisor. Il demande ainsi au pharmacien de bien vouloir rediriger le patient chez son médecin traitant qui procédera à l'établissement de la nouvelle prescription. Interrogé sur le fait qu'André a commencé le Viracept sans interrompre le Lodalès, le médecin précise qu'il convient d'être attentif à d'éventuelles manifestations musculaires. Par sécurité, il conseille de ne pas commencer le nouvel hypocholestérolémiant avant une semaine.

Avec l'accord du patient, le pharmacien et l'étudiant retranscrivent ces informations orales par écrit dans un courrier qu'ils enverront au médecin traitant d'André.

profils particuliers

Patient insuffisant rénal sous Fractal

L'insuffisance rénale de Raymond, 72 ans, s'aggrave peu à peu. Diabétique de type 2 depuis plusieurs dizaines d'années, sa fonction rénale est très altérée (clairance de la créatinine : 22 ml/minute). Le néphrologue a évoqué la possibilité de mettre en place des séances de dialyse. Craignant des perturbations métaboliques majeures (hyperkaliémie, anémie, etc.), il a modifié le traitement médicamenteux, et prescrit notamment du Fractal 20 mg à la place de Crestor 5 mg. La préparatrice se demande si cette modification est bien voulue.

S'agit-il d'une erreur ?

Non, le médecin a certainement changé volontairement de statine car Crestor est contre-indiqué chez l'insuffisant rénal sévère (multiplication par 3 à 9 des concentrations sériques de la statine).

Analyse du cas

Toutes les statines n'ont pas le même devenir dans l'organisme. Dans le cas de la fluvastatine, 93 % de la dose administrée est retrouvée dans les fèces contre 6 % seulement dans les urines. Une accumulation de produit est mise en évidence chez les patients atteints d'insuffisance hépatique. En revanche, aucune adaptation posologique n'est requise en cas d'insuffisance rénale, même sévère.

Avec Crestor, si aucun ajustement posologique n'est nécessaire en cas d'insuffisance rénale légère à modérée, en revanche tous les dosages sont contre-indiqués en cas d'insuffisance rénale sévère.

Attitude à adopter

Le pharmacien peut rassurer la préparatrice. Il remarque qu'un dosage mensuel des créatines-phosphokinases a été prescrit à Raymond. Dans le cas de ce patient, un traitement par statine s'avère indispensable. Même si le médecin a choisi une statine faiblement éliminée par le rein, il convient néanmoins d'être plus que jamais à l'écoute de Raymond quant aux éventuels effets indésirables.

profils particuliers

Du Questran pour Romain, 12 ans

Voici l'ordonnance que vient chercher la mère de Romain, 12 ans : Questran, 1 sachet le soir, ZymaD, 4 gouttes par jour, qsp 1 mois. Son fils sort d'une consultation pédiatrique à l'hôpital. Une hypercholestérolémie héréditaire a été diagnostiquée il y a 1 an. Comme le taux de LDL-cholestérol de Romain avoisine toujours 2,4 g malgré les mesures diététiques, le médecin a prescrit pour la première fois du Questran.

Peut-on prescrire du Questran à un enfant ?

Chez l'enfant, l'utilisation de Questran ne doit s'envisager que devant des troubles lipidiques sévères, après un avis spécialisé et en cas d'échec des mesures diététiques. La posologie est alors fonction de la concentration plasmatique du LDL-cholestérol, et non du poids de l'enfant.

Analyse du cas

Parmi les indications thérapeutiques d'un traitement hypocholestérolémiant chez un enfant figurent les hypercholestérolémies héréditaires, monogéniques ou polygéniques. Le seuil de déclenchement du traitement doit être, selon certains divs, autour de 1,90 g de LDL-cholestérol à partir de 10 ans. Questran n'est pas absorbé. Dans le tractus intestinal, il échange les ions chlore pour des acides biliaires qu'il lie. Par ailleurs, la résine demeure inchangée. Du fait d'une diminution des vitamines liposolubles, il est conseillé de supplémenter en vitamine D, à administrer 1 ou 2 heures avant la prise du Questran.

Attitude à adopter

Expliquer les modalités de prise du Questran qui ne doit pas être pris à l'état pur (sous forme sèche). Verser la poudre dans un demi-verre d'eau, à la surface de l'eau, éventuellement dans du jus de fruits (notamment du jus d'orange) ou du lait. Laisser reposer 1 à 2 minutes, puis remuer pour obtenir une suspension homogène. Questran peut être également préparé chaque soir pour le lendemain et être conservé au réfrigérateur. Ne pas absorber Questran en même temps que d'autres médicaments. Les effets indésirables les plus fréquents chez l'enfant sont la constipation et les douleurs abdominales.

profils particuliers

Une patiente alcoolodépendante sous Lipanor

Mme M., 59 ans, est une cliente qui vient d'emménager près de la pharmacie après un divorce. Depuis quelque temps, elle vient toutes les semaines chercher quatre ou cinq flacons d'Urarthone. Le dialogue n'est pas facile avec cette femme très pressée et peu bavarde. Dans la pharmacie, toute l'équipe s'est rendu compte qu'elle surconsommait cette préparation de phytothérapie utilisée dans les affections rhumatismales et contenant 24 % v/v d'alcool. Un jour, madame M. présente pour la première fois une ordonnance de Lipanor émanant du généraliste exerçant juste à côté de la pharmacie.

En quoi Urarthone peut-il nuire à la santé de Mme M. ?

Ce médicament à base de souches homéopathiques et de teintures mères de plantes présente un degré alcoolique élevé. Dans les conditions normales d'utilisation, un flacon permet un traitement d'une semaine environ. Cette surconsommation est peut-être le signe d'une alcoolodépendance pouvant être ignorée par le médecin, avec un risque d'insuffisance hépatique à la clé. Or le Lipanor, comme tous les fibrates, doit être utilisé avec prudence en cas d'insuffisance hépatique.

Analyse du cas

Joint au téléphone, le généraliste explique mal connaître cette patiente qui est venue le voir pour la première fois le mois dernier. Aucune plainte rhumatologique ne lui a été signalée. Une fois la composition de l'Urarthone détaillée par le pharmacien, il confirme les doutes de ce dernier quant à l'alcoolodépendance de madame M. Le récent bilan biologique de routine a montré une hypertriglycéridémie connue par Mme M. et traitée apparemment depuis plusieurs années par le Lipanor, mais aussi d'autres perturbations biologiques (augmentation des gammaGT et du VGM) évocatrices d'une consommation chronique d'alcool que la patiente cherche à minimiser. L'utilisation d'un fibrate dans ce condiv doit effectivement conduire à la prudence à cause de son métabolisme hépatique. Une hypertriglycéridémie isolée peut aussi avoir comme cause un éthylisme chronique.

Cette patiente étant en souffrance psychologique, le médecin comprend alors mieux la situation et promet de tenter de réévaluer son traitement le mieux possible en tenant compte de ces nouveaux paramètres. Il envisage d'explorer davantage la fonction hépatique et réévaluera l'utilité d'un fibrate au regard des risques encourus. Il encourage aussi le pharmacien à continuer de satisfaire pour le moment les demandes de Mme M. et de le tenir informé sur l'évolution de ses consommations : l'objectif pour le médecin est de lui faire cesser sa consommation d'alcool grâce à une prise en charge adaptée.

Attitude à adopter

L'équipe officinale est informée de la situation de madame M. et continuera à lui délivrer ses flacons d'Urarthone le temps que le médecin s'entretienne avec elle. Les risques liés à la consommation concomitante d'alcool et de ciprofibrate ne présentent pas un danger à court terme car la fonction hépatique de madame M. n'est pas altérée. L'objectif des professionnels de santé est qu'elle accepte leur aide pour surmonter son problème d'alcool.

Ce qu'il faut retenir

Statines

Parmi les effets indésirables notoires des statines, il faut retenir essentiellement les atteintes musculaires, fréquentes, qui peuvent parfois être graves voire fatales. Toute douleur musculaire sous statine nécessite une consultation médicale pour écarter le risque de rhabdomyolyse.

Le risque musculaire est augmenté en cas de coprescription statine-fibrate, qui reste possible dans des cas particuliers mais sous surveillance (clinique, dosage des CPK...).

En revanche, l'association d'une statine métabolisée par un cytochrome P450 3A4 et d'un inhibiteur de cette enzyme (macrolide sauf spiramycine, télithromycine, antifongique azolé, inhibiteur de protéase, jus de pamplemousse) est déconseillée ou contre-indiquée selon les cas et doit toujours être évitée si possible.

Fibrates

Les fibrates peuvent également entraîner des douleurs musculaires voire des rhabdomyolyses. Ils peuvent provoquer des troubles digestifs et possèdent des allergies croisées avec certains AINS.

Colestyramine

La constipation entraînée par la prise de colestyramine peut être opiniâtre, en particulier chez le sujet âgé. D'autres effets indésirables digestifs peuvent survenir : douleurs abdominales, éructations, ballonnements, diarrhée, nausées...

Ezétimibe

L'ézétimibe est généralement bien toléré. Des douleurs abdominales ou une diarrhée peuvent parfois survenir. L'ézétimibe peut être associé à une statine.

Niaspan

Hypocholestérolémiant peu prescrit, l'acide nicotinique est à l'origine de bouffées vasomotrices et de flushs très désagréables, surtout si la posologie d'introduction lente et progressive n'est pas respectée.

À RETENIR

Les patients présentant des douleurs musculaires sous statine ou fibrate doivent consulter systématiquement un médecin pour écarter une rhabdomyolyse et adapter le traitement.

5 millions de patients traités

On estime en France à 5 millions le nombre de personnes traitées par un hypolipémiant, dont 70 % par une statine. Ce chiffre est en perpétuelle augmentation. Parmi les hypolipémiants commercialisés en France, les statines et les fibrates sont les plus prescrits. Leurs effets indésirables sont nombreux, avec au premier plan les risques musculaires.

En août 2001, la cérivastatine a été retirée du marché suite à des cas de rhabdomyolyses sévères parfois fatales. Une trentaine d'observations françaises de rhabdomyolyse ont été enregistrées par l'Afssaps. Le pharmacien doit être vigilant sur les effets indésirables des médicaments en participant au système de pharmacovigilance, en collaboration avec les médecins prescripteurs. Récemment, l'Agence anglaise du médicament a autorisé la vente sans ordonnance de simvastatine. Il s'agit d'un dosage à 10 mg destiné au sujet « à risque modéré de pathologie cardiaque ». C'est dire l'importance d'une écoute attentive des plaintes des patients au comptoir !

ATTENTION

La prescription de Questran doit conduire à une surveillance des effets indésirables digestifs, avec au premier plan la constipation et ses complications.

À RETENIR

Les pneumopathies interstitielles médicamenteuses peuvent, dans de rares cas, avoir pour origine la prise d'une statine.

À RETENIR

Parmi les effets indésirables fréquents de Niaspan, les bouffées vasomotrices sont au premier plan et requièrent, pour les éviter, une augmentation régulière et lente des doses.

À RETENIR

Les fibrates possèdent des allergies croisées avec d'autres médicaments, notamment des AINS (acide tiaprofénique et kétoprofène).

À RETENIR

L'association d'un fibrate et d'une statine n'est possible qu'après échec des autres alternatives thérapeutiques hypolipémiantes.

Physiopathologie de la rhabdomyolyse

La rhabdomyolyse est définie comme la lyse des fibres musculaires striées squelettiques dont le contenu est libéré dans la circulation générale. Les muscles cardiaques ou respiratoires peuvent aussi être touchés.

Il existe de nombreuses circonstances capables d'induire une rhabdomyolyse : écrasement ou compression musculaire, hypoperfusion sanguine prolongée, effort musculaire intense, désordres métaboliques, mais aussi effets indésirables médicamenteux. Dans la majorité des cas, la rhabdomyolyse est favorisée par un terrain prédisposant (insuffisance rénale, hypothyroïdie, antécédents personnels ou familiaux de maladie musculaire génétique, consommation excessive d'alcool, âge supérieur à 70 ans, etc.), des posologies élevées ou des interactions médicamenteuses.

Les symptômes musculaires (myalgies, crampes, faiblesse musculaire) cèdent rapidement la place à des symptômes généraux, qui peuvent mettre en jeu le pronostic vital, comme par exemple l'apparition d'une hyperkaliémie brutale (arrêt cardiaque) ou d'une insuffisance rénale aiguë provoquée par une hypovolémie et la précipitation de myoglobine dans les tubules rénaux. La prise en charge d'une rhabdomyolyse est avant tout hospitalière : suppression de l'agent causal lorsque ce dernier a été identifié et mise en place d'une thérapeutique symptomatique (lutte contre l'hypovolémie, dialyse rénale, surveillance cardiaque, etc.).

À RETENIR

La simvastatine est la seule statine dont l'association avec la clarithromycine est une contre-indication absolue.

Interactions médicamenteuses des statines

Pour toutes les statines

- Fibrates : addition de leurs effets indésirables musculaires.

- Colestyramine : diminution de l'absorption intestinale des statines.

- Acide fusidique : diminution du métabolisme hépatique des statines.

- Anticoagulants oraux : augmentation de l'effet anticoagulant.

Atorvastatine, simvastatine

- Elles sont métabolisées par l'isoenzyme CYP3A4.

- Augmentation de leurs concentrations plasmatiques en cas d'association avec les inhibiteurs du CYP 3A4 : macrolides (sauf la spiramycine), amiodarone, diltiazem, vérapamil, antifongiques azolés (fluconazole, itraconazole, kétoconazole), inhibiteurs de protéases (amprénavir, ritonavir, nelfinavir, etc.), jus de pamplemousse...

- Diminution de leur concentration plasmatique en cas d'association avec les inducteurs du CYP 3A4 : rifampicine...

- La ciclosporine entre en compétition au niveau de l'élimination hépatique avec l'atorvastatine, la simvastatine mais aussi la rosuvastatine.

Fluvastatine

- Métabolisée par l'isoenzyme CYP2C9.

- Peu d'interactions médicamenteuses d'origine métabolique.

Pravastatine, rosuvastatine

- Elles sont peu ou pas métabolisées par les isoenzymes CYP, il y a donc peu d'interactions attendues.

NB : pour connaître le niveau de l'interaction médicamenteuse, voir le tableau des produits page 10.

ATTENTION

Le Ketek (télithromycine) est un antibiotique apparenté aux macrolides qui est formellement contre-indiqué en association avec la simvastatine et l'atorvastatine.

À RETENIR

Le jus de pamplemousse est un inhibiteur enzymatique hépatique dont la consommation peut interférer avec un certain nombre de médicaments, dont certaines statines.

À RETENIR

Pour les patients sous antiprotéases antirétrovirales, les statines à privilégier sont la fluvastatine et la pravastatine qui ne présentent par d'interactions médicamenteuses.

Certains modes d'action mal élucidés

Divers hypolipémiants ont un mode d'action mal élucidé. Leur dossier clinique ancien ne satisfait pas aux exigences méthodologiques actuelles. Ils ne font donc pas partie des médicaments recommandés par les comités d'experts dans la prise en charge des patients dyslipidémiques. Parmi eux :

- La vitamine E ou alphatocophérol (Tocopa, Toco, Tocolion, etc.) est un antioxydant transporté dans le sang par les lipoprotéines de basse densité (LDL) dont elle augmente la résistance à l'oxydation et, par là même, dont elle diminuerait l'athérogénicité. Les résultats récents d'études cliniques ne mettent pas en évidence son efficacité clinique.

- Les huiles de poisson riche en acides gras polyinsaturés en oméga-3 (Omacor, Maxepa, Triglistab) : à fortes doses, elles diminuent la synthèse hépatique des triglycérides et sont donc hypotriglycéridémiantes. Une étude de prévention secondaire française a montré une diminution des récidives des événements coronaires chez des patients consommant une margarine enrichie en acide alphalinolénique et suivant un régime dit méditerranéen. Actuellement, il n'existe aucune étude contrôlée qui ait prouvé l'efficacité de leur usage en prévention primaire.

- Le benfluorex (Médiator) est un adjuvant au régime alimentaire des hypertriglycéridémies. Il réduirait l'absorption intestinale des triglycérides en inhibant partiellement l'activité de la lipase pancréatique et la synthèse hépatique des triglycérides et du cholestérol. Le benfluorex n'a lui non plus pas prouvé son activité dans la prévention primaire et secondaire des complications de l'athérosclérose.

- Idem pour le tiadénol (Fonlipol).

ATTENTION

Certaines statines (pravastatine, simvastatine) doivent faire l'objet d'une adaptation posologique chez l'insuffisant rénal.

À RETENIR

La colestyramine (Questran) est le traitement de première intention des troubles lipidiques graves chez l'enfant.

À RETENIR

Les fibrates doivent être utilisés avec prudence en cas d'insuffisance hépatique.

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