Pairs et maires - Le Moniteur des Pharmacies n° 2722 du 22/03/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2722 du 22/03/2008
 

L'ÉVÉNEMENT

Actualité

Jean-Marc Roubaud, Michel Heinrich et Xavier Nicolas, tous les trois pharmaciens, ont été réélus maires de leurs communes lors des dernières municipales. Ils reviennent sur la difficulté croissante, soulignée par les politologues, d'être à la fois pharmacien et élu local (voir aussi « Le Moniteur » du 8 mars).

Au vu de cette élection, être pharmacien reste-t-il un atout, quand l'élu local est en perte de reconnaissance et que les « notables » semblent également perdre de leur influence ?

Jean-Marc Roubaud : Cette réalité n'est pas nouvelle, le médecin, le curé, l'instituteur, le pharmacien, tous les notables ont en effet perdu en influence. Je pense que notre métier est resté un atout car nous avons une proximité réelle avec la population. Nous sommes au courant des problèmes sociaux, des problèmes de familles et une relation de confiance s'instaure. Nous avons un petit avantage de ce côté-là, la pharmacie étant la meilleure permanence électorale, avec une proximité du décideur.

Xavier Nicolas : Il est évident que notre métier reste un atout pour mener campagne car le pharmacien jouit d'une bonne notoriété et d'une image favorable. Nous sommes réputés pour avoir des connaissances éclectiques, savoir gérer une affaire et une équipe, être à l'écoute des autres, se battre pour le service, savoir maîtriser un budget... Ce sont des qualités indéniables pour gérer une mairie. Par ailleurs, au vu de mon expérience, je ne suis pas sûr qu'il y ait une réelle perte de reconnaissance de l'élu local.

Michel Heinrich : Ma profession m'a beaucoup aidé au début. Le pharmacien est une personne en qui les gens ont confiance, qu'ils côtoient. Dans les premières années de ma vie publique, j'étais encore souvent à l'officine, mais depuis que j'ai été élu député (en 2002) je ne m'y rends plus qu'occasionnellement. Le contact me manque mais la fonction de maire est complexe et nécessite maintenant d'être élu à plein-temps, surtout dans une ville de la taille d'Epinal.

Un véritable statut de l'élu local serait-il nécessaire ? Peut-on toujours être chef d'entreprise et maire ?

Jean-Marc Roubaud : C'est un vieux débat. Je ne pense pas que le rôle d'élu doive devenir un métier. Les mandats électifs locaux sont difficiles à temps plein pour les professions libérales et les chefs d'entreprise et peu rémunérateurs. Il y a là une inégalité, avec beaucoup plus de fonctionnaires que de privés dans les mandats nationaux. Localement, c'est plus disparate car il y a beaucoup de petits villages. Pour ma part, je suis à l'officine tous les matins jusqu'à 9 h 30. J'ai organisé cela avec ma fille pharmacienne.

Xavier Nicolas : La tâche est de plus en plus lourde, ce qui explique le nombre exponentiel de retraités et d'enseignants figurant parmi les élus. En plus d'être maire ou conseiller général, il y a une myriade de commissions, de présidences, de représentations. Je consacre près de 60 heures par semaine à mes mandats et je ne peux donc plus gérer l'officine dont la charge a été confiée à mon épouse et associée. Quand j'ai été élu en 2001 j'ai embauché une assistante. J'ai aussi renégocié mes emprunts. Il faut choisir, on ne peut s'engager à moitié.

Michel Heinrich : La complexification croissante de la charge de maire justifierait la création d'un statut de l'élu local car il faut admettre que les indemnités ne compensent pas les pertes financières liées à l'exercice du mandat. Ainsi, à titre personnel, si mon épouse n'était pas elle-même pharmacienne, je n'aurais pas pu continuer à gérer l'officine. Et nous avons dû recruter un assistant pendant quelques années. C'est difficile pour une profession libérale d'être élu, sous peine de perdre une part importante de son activité professionnelle. Mais, pour les salariés, c'est également un problème dû aux absences justifiées par l'exercice du mandat que l'employeur n'est pas tenu toujours d'accorder. On assiste donc à une désaffection des actifs pour l'engagement politique, lequel apparaît effectivement comme un domaine réservé aux retraités.

Vos mandats sont-ils un levier pour la territorialisation de la santé ?

Jean-Marc Roubaud : Oui, je ferai de mon mieux en tant que maire et député pour avancer sur ce sujet. C'est tout le problème que posent la permanence des soins, la désertification médicale... Un village distant de 8 kilomètres du centre d'Avignon ne parvient pas à trouver de médecin ! C'est un vrai problème. Je suis d'accord pour ces maisons médicales si elles assurent un service public, pas pour travailler moins. Ce n'est pas à la collectivité de financer l'outil de travail de privés. C'est très pervers car on risque ainsi de revenir à une médecine à deux vitesses. Et puis, refuser des gardes, ça ne se fait pas. Quant aux DASRI, chaque profession est tenue d'éliminer ses déchets. Or, on se défausse souvent sur la collectivité et ce n'est pas normal. Pour les déchets, j'ai organisé la collecte dans mon officine et je fais appel à une société privée, notamment pour les seringues.

Xavier Nicolas : Les élus locaux doivent évidemment être aux avant-postes. Dans ce domaine, l'Etat a failli, se défausse et transfère ces charges aux collectivités. C'est pourquoi le conseil général a adopté un « plan santé » qui repose notamment sur la création d'un réseau regroupant tous les professionnels de santé et sur l'aide à l'installation de médecins. Au conseil général, j'ai également mis en place un « programme DASRI » en s'appuyant sur les pharmaciens, lesquels sont les mieux à même de fournir l'information et de sensibiliser des patients. Apporter de nouveaux services aux habitants est fondamental car la santé représente un enjeu d'aménagement du territoire : il n'y a pas de développement économique, touristique ou démographique s'il n'y a pas un bon système de santé et une permanence des soins. Par ailleurs, il faut impulser une réflexion sur les transferts nécessaires de compétences entre médecins et pharmaciens pour les pathologies du quotidien. De même, pour assurer la permanence des soins, pourquoi ne pas s'appuyer sur les gardes de nuit des pharmaciens ? Il faut aussi soutenir la création de maisons médicales, y compris pour des cabinets secondaires de spécialistes.

Michel Heinrich : Pendant les campagnes législatives j'essaie d'avoir de nombreux contacts avec la profession afin de connaître la position de mes pairs sur les différents sujets de santé publique. Mais ce n'est pas le cas lors des municipales, le pharmacien étant un citoyen comme les autres - peut-être est-il seulement un peu plus à l'écoute de la population... Le maire, même s'il est, comme c'est mon cas, président d'un centre hospitalier, peut difficilement agir sur la politique de santé. Par contre, il n'appartient pas à une collectivité de créer les conditions d'implantation d'un cabinet médical à coup d'incitations financières ou fiscales. Je penche plutôt pour un système calqué sur celui qui régit l'implantation des officines. On ne manque pas de médecins en France, ils sont seulement mal répartis.

En matière d'aménagement du territoire, quelle est votre position sur les rapports Attali et Rochefort ?

Jean-Marc Roubaud : A l'Assemblée nationale, je fais partie de la commission qui est en train de décortiquer le rapport Attali. Il nous a été remis juste avant les municipales. Pour ce qui est du rapport Rochefort, c'est la réalité du commerce : il y a, d'une part l'utilitaire (les grandes surfaces), et d'autre part le commerce traditionnel de centre-ville ou de quartier. Celui-là doit pouvoir continuer à rendre service à un prix correct. Un certain nombre de commerces spécialisés marchent aujourd'hui très bien.

Xavier Nicolas : Ce sont des technocrates cultivés et intelligents, mais qui n'ont jamais franchi le périphérique autrement qu'en jet. Ce sont des gens qui ne comprennent rien à la France rurale et rien aux attentes des travailleurs au quotidien. Comme de nombreux autres rapports, ils termineront dans une armoire. Heureusement, dans une petite commune, les maires sont encore aux manettes et gèrent leur cité.

Michel Heinrich : Je suis évidemment en désaccord avec ces deux rapports qui souhaitent tous les deux libéraliser l'installation des officines. En désaccord aussi quand le rapport Attali suggère la suppression de certaines collectivités locales de proximité telles que les conseils généraux. Si dans l'abstraction théorique c'est séduisant, c'est méconnaître la pratique au quotidien.

Utiliserez-vous votre mandat pour intervenir sur l'avenir de la profession, à l'heure des restructurations, d'une probable ouverture du capital ?

Jean-Marc Roubaud : Rien ne justifie que tout vole en éclat, même si des adaptations sont nécessaires. Il faut trouver des pistes de réflexion pour assurer ce service de manière encore plus qualitative et j'y travaille : l'officine peut mener certains actes supplémentaires de santé publique (vaccination, tests, prise de tension...) qui permettraient par exemple de réduire les coûts. Je suis favorable aux regroupements qui permettront à l'officine de se défendre.

Xavier Nicolas : La profession évolue et doit évoluer. Si ces changements bénéficient au plus grand nombre, si elles procurent une meilleure santé publique, un meilleur accès des populations aux soins, alors évoluons ! Mais je ne suis pas certain que ces objectifs soient recherchés. Les motivations sont souvent purement financières et portées par des groupes capitalistes.

Encouragez-vous vos confrères à s'engager davantage en politique pour les prochaines échéances électorales ?

Jean-Marc Roubaud : Oui, bien sûr. Je suis un militant qui souhaite redonner un peu de lustre à la politique. Tout le monde se plaint, mais personne ne veut s'investir au service des autres. Tout le monde a le droit de s'exprimer et de critiquer. Cela étant, les choses ne changent pas si l'on n'agit pas.

Xavier Nicolas : C'est un choix qui est éminemment personnel. Mais il faut bien réfléchir, ne pas s'engager à la légère car cela représente souvent une charge de travail énorme. Si l'on n'est pas efficacement secondé dans son officine, notamment par son épouse, alors je dis attention !

Michel Heinrich : Malgré la difficulté grandissante d'un engagement politique, j'invite tous les citoyens, pas seulement mes confrères pharmaciens, à le faire. C'est passionnant !

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