Partager ses salariés entre plusieurs officines - Le Moniteur des Pharmacies n° 2714 du 02/02/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2714 du 02/02/2008
 

POINT DE VENTE

Entreprise

Vous voulez partager un salarié avec d'autres officines ? Attention, vous allez vous heurter à l'interdiction de main-d'oeuvre à but lucratif. Pourtant, certains pharmaciens rivalisent d'astuce et d'imagination pour employer des collaborateurs entre plusieurs points de vente. Témoignage de l'un d'entre eux.

Patrick Babault n'est pas du genre à faire cavalier seul. Avec ses deux associés, ce pharmacien a su exploiter le statut de SEL. Une opportunité en or qui lui a permis de mutualiser ses coûts, mieux satisfaire la demande de ses clients et, surtout, partager ses salariés.

1. Un réseau de trois officines aux participations croisées

Patrick Babault et ses deux associés ont constitué un réseau rassemblant trois officines. Deux d'entre elles sont sous le statut de SELARL, avec des participations croisées dans le capital. La troisième est une SELAS, une forme juridique dans laquelle les deux titulaires exploitant les pharmacies en SELARL ont pris des participations. Toutes trois se situent à une vingtaine de kilomètres les unes des autres, au Mans, dans la Sarthe, et dans deux villages des environs, Cérans-Foulletourte et Savigné-l'Evêque. « Les officines emploient ensemble 32 salariés et se partagent les services de trois d'entre eux, une secrétaire, une orthésiste et une diététicienne », explique Patrick Babault.

2. Des contrats de travail distincts

Ces trois salariés travaillent dans les pharmacies à temps partiel et à tour de rôle. Pour cela, les associés doivent jongler avec les contrats de travail car chaque employé dispose de trois bulletins de salaire distincts, équivalant à un temps plein. Une précaution indispensable car le prêt de main-d'oeuvre à but lucratif est prohibé. « Ces trois salariés travaillent à temps partiel dans chaque officine, en moyenne de un à un jour et demi par semaine », explique Patrick Babault. Avec des horaires plutôt souples pour s'adapter, au gré des besoins, aux impératifs de chaque pharmacie. « Parfois, pendant une semaine, la diététicienne peut consacrer davantage de temps à l'une des trois officines du réseau pour monter une animation spécifique. Il lui suffira, la semaine suivante, de rééquilibrer le nombre d'heures passées dans chaque officine. » Mais l'organisation est toutefois complexe. « Ces contraintes pourront être levées quand les holdings ou les SEL à plusieurs points de vente seront autorisées, espère Patrick Babault. Car, dès lors, les salariés d'une holding pourront travailler indifféremment dans l'une ou l'autre des pharmacies. »

3. Une gestion commune

Si chaque officine est autonome, les trois pharmaciens ont dû mettre en place des axes communs. Pour gérer les trois points de vente de façon homogène, Patrick Babault et ses associés s'appuient sur un groupement, Cofisanté. « Chaque pharmacie est autonome, mais l'encadrement des personnes à temps partagé est le même, ainsi que les objectifs d'évolution de chiffres d'affaires et de marges », ajoute-t-il. Mais attention ! Ce travail à temps partagé ne doit pas nuire à l'officine. Ainsi, ce partage de compétences ne concerne que trois personnes. « La fidélisation de la clientèle réclame une stabilité des équipes », insiste Patrick Babault.

4.Des passerelles de compétences

Cette organisation en réseau permet aussi un ingénieux transfert de compétences. « Chaque officine dispose des mêmes responsables de rayon. Ainsi, un salarié peut aller se former sur son temps de travail dans une autre pharmacie du réseau », poursuit Patrick Babault. Surtout, son bulletin de salaire ne changera pas. « Si une formation est organisée sur son temps libre, il sera payé en plus par son employeur. » Inversement, les responsables de rayon peuvent, eux aussi, aller former le personnel des autres points de vente.

En pratique, l'officine du salarié comptabilise des heures de transfert de compétences, lesquelles ne sont pas facturées aux deux autres SEL mais simplement mises au crédit de la pharmacie sous forme d'avoirs. Ceux-ci permettront alors à un salarié d'une officine du réseau de transmettre, à son tour, ses connaissances au cours d'un stage de formation.

5. Un prêt de main d'oeuvre licite

L'expérimentation de ce mini-réseau officinal est-il légal ? Oui, car, selon Michèle Boehrer, responsable du service social de la Sapec, un cabinet d'expertise comptable parisien, « la mise à disposition de personnel entre une entreprise et une autre est licite dès l'instant où elle ne présente pas un caractère lucratif. Cette absence de profit est une condition essentielle au prêt de main-d'oeuvre ». Ainsi, des réseaux constitués en association ou en groupement d'entreprises peuvent recruter du personnel et les mettre à disposition de leurs adhérents.

« Il faut savoir jongler entre plusieurs plannings »

Le point de vue Philippe Becker, expert-comptable et directeur du département pharmacie de Fiducial Expertise

u Que dit actuellement le droit du travail sur le prêt de main-d'oeuvre ?

L'article L. 125-3 alinéa 3 du Code du travail précise que « toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite dès lors qu'elle n'est pas effectuée dans le cadre des dispositions du Code du travail relatives au travail temporaire ». En revanche, s'il existe des possibilités de prêt de main-d'oeuvre dans un cadre non lucratif, celles-ci sont très encadrées par des divs spécifiques : elles ne peuvent être réalisées que dans le cadre d'un groupement d'employeurs, d'associations intermédiaires ou d'entreprises de travail temporaire d'insertion et doivent avoir une durée limitée.

- Le fait de créer des liens capitalistiques entre plusieurs officines peut-il faciliter l'utilisation de personnel à temps partagé ?

La seule solution, c'est de conclure plusieurs contrats à temps partiel en respectant le temps de travail maximal prévu par la convention collective. Mais ce système suppose une bonne entente entre les titulaires du mini-réseau car il faudra jongler avec plusieurs plannings.

- Alors, dans quelles conditions le prêt de main-d'oeuvre est-il possible ?

La proximité géographique est le premier facteur à prendre en compte. En outre, il faut trouver un collaborateur « nomade » volontaire, qui trouve son compte, financièrement, dans cette formule. Parmi le personnel officinal, les adjoints peuvent se révéler intéressés par une telle expérience, professionnellement très enrichissante. Au contraire, des salariés faiblement qualifiés et peu autonomes ne verront pas d'avantages à se partager entre plusieurs employeurs.

En l'absence d'évolution de la législation sur le prêt de main-d'oeuvre, comment peut-on « jongler » avec les contrats de travail ? Quelles solutions préconisez-vous ?

Actuellement, le temps partagé n'a pas rencontré un grand succès car les pharmaciens sont particulièrement individualistes. Le développement de mini-réseaux fera peut-être évoluer les moeurs, mais il est probable que les associés du réseau préféreront partager les salariés moins performants et garder pour eux les meilleurs éléments !

- La SEL à trois points de vente résout-elle le problème ?

Sur le plan juridique, cette solution permet une gestion plus facile car le salarié est embauché par une société qui comporte déjà plusieurs établissements. Mais l'employeur devra néanmoins avertir sa nouvelle recrue lors de son embauche et lui faire signer une clause de mobilité. Celle-ci devra définir précisément la zone géographique d'application. Cette solution est souvent mise en avant pour montrer l'intérêt en termes économiques d'une SEL à 3 sites. Mais, en pratique, il faut savoir que les PME à établissements multiples utilisent assez peu ce système, surtout avec les salariés qui ont un poste sédentaire. C'est en effet complexe à mettre en place car les salariés sont moins impliqués, moins encadrés. Ce sera plutôt à considérer comme une solution de dépannage en cas de maladie ou de maternité par exemple.

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