Le libre accès prévu pour le deuxième trimestre - Le Moniteur des Pharmacies n° 2712 du 19/01/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2712 du 19/01/2008
 

L'ÉVÉNEMENT

Actualité

Non, ce n'est pas un poisson d'avril. Le libre accès pourrait bel et bien se mettre en place dès avril ou mai prochain. Le 15 janvier, une réunion décisive a eu lieu au ministère de la Santé réunissant les intervenants syndicaux, ordinaux, industriels et administratifs. Médicaments, prix, aménagement de l'espace ont fait l'objet d'un passage en revue. Tour d'horizon.

Les règles qui organisent la dispensation des médicaments à travers le réseau officinal sont actuellement revisitées et remises en question comme jamais, peut-être, dans notre histoire », signe le président de l'Ordre, Jean Parrot, dans un éditorial - au titre on ne peut plus évocateur, « L'officine à la croisée des chemins » - paru dans Les Nouvelles pharmaceutiques du 17 janvier 2008. Le futur va lui donner raison si l'on en croit les discussions qui ont animé la réunion du 15 janvier au ministère de la Santé. Différents points ont été abordés et acceptés par les partenaires faisant entrer la négociation en phase de réalisation finale.

« Nous n'avons jamais cherché à faire avancer cette mesure mais nous l'accompagnerons », commente, pragmatique, Philippe Gaertner, président de la FSPF, tout en mettant en garde sur les tentations du « low cost » sur le médicament : on a constaté à plusieurs reprises que les Français consommaient trop de médicaments, est-ce la peine d'en rajouter via l'automédication ?

« C'est un dossier éminemment stratégique pour la profession, on n'a pas le droit de le rater, tranche de son côté Gilles Bonnefond, secrétaire général de l'USPO. On ne peut plus planquer les médicaments derrière le comptoir au nom de la science. Le débat n'est d'ailleurs plus devant ou derrière le comptoir. Non, il s'agit de savoir si la profession est capable d'organiser un parcours de soins cohérent et moins coûteux dont l'objectif est la prise en charge en pharmacie de tous les soins de première intention. Et j'espère que ce n'est pas déjà trop tard. » Claude Japhet, président de l'UNPF, est en phase avec cette vision : « Aujourd'hui, le risque est dix fois plus grand qu'il y a un an. On a attendu la Commission Attali et le rapport sur le low cost, qui nous montraient qu'on était à deux doigts de perdre les médicaments, pour qu'on se dise, maintenant on y va. »

Les critères d'éligibilité pour le passage des produits en OTC

L'Afssaps a d'ores et déjà proposé ses critères d'éligibilité au passage devant le comptoir : pas d'intervention du médecin nécessaire pour évaluer les signes cliniques ni de surveillance particulière du traitement ; une posologie, une durée de traitement, une notice et un conditionnement adaptés.

Critère d'exclusion : l'existence pour un produit d'interactions et de contre-indications majeures. Sachant que le sort des médicaments pédiatriques est encore en discussion et qu'un régime transitoire est prévu pour les médicaments arrivant en automédication tout en étant observés de près par l'Afssaps via un plan de gestion du risque.

Quelles classes seront concernées ? Il s'agira, « à quelques exceptions près », de celles dont les indications, pathologies, situations cliniques sont reconnues comme adaptées à un usage en prescription médicale facultative, qui fut publiée en annexe 1 de l'avis du 27 mai 2005 aux fabricants de produits à prescription facultative (Bulletin officiel-santé sociale du 15 septembre 2005)*. On y retrouve des indications en dermatologie, ophtalmologie, gastroentérologie, ORL, pneumologie et stomatologie. Seront potentiellement ajoutés à la liste les produits de l'allergie saisonnière, du sevrage tabagique et des vermifuges intestinaux. Les experts semblent avancer moins vite sur deux catégories de médicaments : la phytothérapie et l'homéopathie. « Une première liste d'environ 200 spécialités a déjà été identifiée », nous indique le ministère de la Santé. A noter que les précautions demandées par l'Ordre dans sa motion du 18 décembre (voir Le Moniteur n° 2709/2710 du 5 janvier) apparaissent avalisées. Parmi lesquelles « des dispositifs d'inviolabilité des conditionnements », nous informe encore le ministère.

Certains médicaments remboursables franchiraient le comptoir

Rassurant, le leitmotiv reste la sécurité. « La FSPF sera attentive à l'élaboration de cette liste qui doit relever d'une approche scientifique, de santé publique, mais également économique », affirme cependant Philippe Gaertner.

La FSPF demande aussi « fermement » que, en cas de cohabitation de produits non remboursables et remboursables ayant la même DC, le même dosage, la même forme, il y ait possibilité d'avoir du remboursable également devant le comptoir. « La notice ne pourra être la seule raison d'une mise à l'écart du produit vigneté », insiste Philippe Gaertner, soulignant l'intérêt - conformément à la promesse du gouvernement de donner du pouvoir d'achat aux Français -, que le public ait accès au produit identique le moins cher... donc au vigneté ! Eh bien, la Fédération a, semble-t-il, été entendue puisque le ministère nous informe que « les médicaments remboursables ne seront pas exclus dès lors qu'ils remplissent les critères ».

Reste que l'accompagnement du patient, le bon usage du médicament et un réel souci de pharmacovigilance animent les débats. Des fiches seront d'ailleurs remises aux patients par les pharmaciens au moment de la dispensation. Des messages d'éducation thérapeutique et de prévention - « ou concernant une pathologie ou un type de produit » - sont d'ores et déjà prévus pour être mis à la disposition du patient. « En particulier, des fiches spécifiques sur les précautions à prendre pour éviter les interactions ou surdosages liés au paracétamol, à l'ibuprofène et à l'aspirine seront élaborées », prévient le ministère. Une information à intégrer dans l'élaboration de l'aménagement consacré à l'accès libre.

Aménagement : une zone identifiée près du comptoir

Le second groupe de travail s'était en effet concentré sur l'aménagement. Fruit des conclusions : une zone réservée bien identifiée à proximité des postes de délivrance des ordonnances, sous la surveillance et le contrôle du pharmacien. Différentes configurations ont été envisagées pour tout type d'officine, de la plus grande à la plus petite, assure le ministère de la Santé. « On veut organiser un parcours de soins et non un parcours de consommation, insiste Gilles Bonnefond, pour éviter tout dérapage et toute tentation. » Dans cette perspective, il précise que « le libre accès n'est qu'un moyen qui permettra d'avoir un conseil dans un espace spécifique qui pourra aussi être une zone de confidentialité ». « C'est tout à fait satisfaisant que ce soit un espace bien spécifique et exclusif pour ne pas tromper les patients », complète Claude Japhet.

Le Code de la santé publique modifié fin mars

Concernant les modifications réglementaires nécessaires, tâche qui revient à l'Ordre, trois articles du code de déontologie seront concernés : la modification des articles R. 4235-55 (qui interdisait l'accès direct aux médicaments) et R. 5125-9 (contraintes d'aménagement des locaux vis-à-vis du médicament) du Code de la santé publique ; l'ajout d'un article (R. 5121-51) concernant le libre accès. Evidemment, il apparaît que selon les différents intervenant, comme la Direction générale de la santé (ministère, la DGCCRF, l'AFIPA, le Leem...), l'approche de ces modifications est différente. Les divs doivent être finalisés fin mars pour que le libre accès soit opérationnel, théoriquement, donc, en avril.

Les prix devront baisser

Le quatrième groupe de travail, et pas des moindres, intervient sur l'aspect économique. Le ministère est sur une base extrêmement simple : il faut que les prix baissent. Il s'agit aussi d'un objectif fondamental pour les pharmaciens, face à d'autres circuits de distribution par l'odeur alléchés. Si le ministère n'a pas donné aussi clairement un objectif de baisse des prix, il va néanmoins monter au premier semestre un observatoire des prix. Il nous indique que « les officines doivent s'intégrer dans l'objectif national d'amélioration du pouvoir d'achat des citoyens ». Question en suspens : que se passera-t-il si l'on observe dans quelques mois un maintien voire un dérapage des prix ?...

« Effectivement, les prix catalogue sont trop élevés, renchérit Gilles Bonnefond. Le marché doit devenir mature sur les conditions commerciales. Il faut réduire les écarts de prix entre les pharmacies, il faut une offre homogène sur tout le territoire à travers des outils permettant aux pharmacies de pouvoir s'approvisionner en quantités raisonnables. »

Claude Japhet s'insurge lui aussi : « Le prix catalogue, forcément démesuré, n'a plus aucune raison d'être à partir du moment où les conditions commerciales sont de façon inconsidérée basées sur des remises. »

Un décret en préparation pour des centrales d'achats

Ce chantier du libre accès pourrait donc voir l'avènement des structures intermédiaires : centrales d'achats, coopératives... C'est pour être en mesure de proposer des prix attractifs que les syndicats le réclament. Cela permettra aux pharmaciens des achats groupés au meilleur prix. « Il est important que les grossistes aient également les mêmes possibilités d'achats aux mêmes conditions [que ces coopératives] », insiste Philippe Gaertner, évoquant les petites officines qui n'adhéreraient pas. Sur ce point, la profession est entendue, le ministère nous confirmant « la création d'un statut de centrale d'achats ». Un projet de décret est en cours, indique-t-il.

Par ailleurs, un accord avec l'AFIPA, dans le respect des règles de la concurrence, est sur le point d'être trouvé. Et c'est tant mieux. Il n'y a qu'a voir l'image désastreuse provoquée par l'explosion des prix de produits déremboursés.

Dérapage sur les prix : passe d'arme entre l'officine et l'industrie

Pas plus tard que la semaine dernière, la FSPF s'est d'ailleurs insurgée contre l'augmentation des prix pratiquées par les industriels à la suite des déremboursements de janvier. En effet, les stocks des anciennes vignettes orange épuisés, les nouvelles boîtes de veinotoniques, arrivant à l'officine, pour ne citer que cet exemple, voient leur prix d'achat faire un bond... non négligeable. « Les augmentations constatées sur les médicaments peuvent dépasser 30 %, mettant le pharmacien dans une situation intenable vis-à-vis de ses patients », dénonce le syndicat. Et la TVA passant souvent de 2,1 % à 5,5 %, cela ajoute une seconde hausse mécanique du prix. Ce qui n'est vraiment pas bon pour l'image.

Ces pratiques ne font que « décrédibiliser le médicament ». Avec, de surcroît, des différences de prix considérables pouvant alors être constatées d'une officine à l'autre. A cet égard, le ministère de la Santé estime que des centrales d'achats permettront « de faire baisser de façon généralisée les prix de vente au public et d'éviter ces écarts de prix démesurés qu'on pouvait constater d'une officine à l'autre ».

Pour la FSPF, « il s'agit du résultat des politiques commerciales aberrantes des industriels qui placent les pharmaciens en position d'inégalité face à leurs fournisseurs en fonction de leurs circuits d'approvisionnement ». Une prise de position qui continue encore à faire des remous dans la presse grand public. « Si on veut garder ce marché, il faut qu'il garde lui-même un intérêt pour le public. Ce qui signifie un prix inférieur ou égal à celui qui avait cours lorsque les produits étaient remboursés », complète Claude Japhet.

Clé du succès : des produits innovants et adaptés au conseil, une baisse des prix, un parcours de soins cohérent encouragé par les pouvoirs publics et... la satisfaction du client. « Ce sera le juge arbitre », assure Gilles Bonnefond. Pour cela, il faudra « prendre le temps du conseil sur les produits mais aussi la pathologie, l'éducation », insiste le secrétaire général de l'USPO. Le tout sécurisé par le dossier pharmaceutique. Avec le développement de l'automédication, « nous devrons avoir un rôle d'aide à la gestion de l'armoire à pharmacie », anticipe-t-il. « Le gouvernement considère que la baisse des prix sera un argument fort pour maintenir le monopole », avance Gilles Bonnefond. Alors, si ce chantier est mené à bien, la remise en question du monopole dans les officines continuera-t-elle à être la danseuse de tous les rapports ? La santé ne vaut-elle pas mieux que cela ?

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