Libre accès : comment agencer votre officine ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 2709 du 05/01/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2709 du 05/01/2008
 

Le grand débat

Dans quelques semaines, des médicaments sans ordonnance seront en libre-service. Des réunions sont prévues à l'Afssaps lundi prochain et à la mi-janvier pour établir la liste des produits en OTC. Une révolution qui nécessite une nouvelle façon d'agencer la pharmacie. Agenceurs et groupements ont d'ores et déjà réfléchi à la question. Quelles solutions pour l'OTC ? Réponses d'experts.

Bientôt, le couperet. Des médicaments vont passer le comptoir. Une révolution qui fait l'objet d'une véritable levée de boucliers des pharmaciens. D'après un sondage réalisé en décembre par Direct Medica, 87 % y sont opposés. 77 % refusent de modifier leur agencement en conséquence. Pourtant, l'évidence est là. « Nous n'avons plus le choix, il faut avancer », concède Pascal Geffray, président d'Evolupharm, pourtant opposé à la mesure. Car le gouvernement l'a dit et réaffirmé : elle sera effective. Même si chaque pharmacien restera libre de l'appliquer ou non dans son officine. Cela étant, le libre accès à des médicaments à côté des dentifrices ou des compléments alimentaires, nécessite une réflexion approfondie sur l'agencement et le merchandising. Dans sa motion du 18 décembre dernier, l'Ordre estime que les spécialités devront être clairement repérables par le public mais aussi situées à la vue directe d'un pharmacien. Et l'officinal devra garder le choix : aménagement en accès direct "ou autre forme de présentation permettant une information équivalente du patient", tout en étant transparent sur les prix. Mais quels produits devra-t-on mettre en avant ? Certains prendront-ils la place d'articles de para à faible rotation ? Une chose est sûre, il sera de la responsabilité de chaque titulaire que l'officine ne se transforme pas en supermarché du médicament.

Gilles Bonnefond, secrétaire général de l'USPO

Le libre accès des produits de médication familiale ? C'est un vrai challenge pour la profession. Car, à partir de là, les patients peuvent soigner de petites pathologies en ayant recours à des produits d'automédication, sans passer par leur médecin. Une nouvelle organisation de l'officine doit en découler afin de mettre en place ce nouveau parcours de soins.

Pour ne pas galvauder le médicament, le pharmacien devra prévoir, dans son officine, un espace dédié à l'automédication, sans risque de confusion avec les autres produits. La signalétique devra alors être très claire : un marquage au sol et des panneaux pourront, par exemple, indiquer : « Ici, espace conseil, il n'y a que des médicaments ». A mon sens, c'est en mettant en garde le patient de cette manière que l'on préservera le parcours de soins et, par là, le conseil du pharmacien. Car, sinon, l'espace officinal risque fort de se réduire à de la consommation. Au contraire, avec un espace dédié, les patients sauront qu'il est important de demander conseil au pharmacien afin de connaître les effets secondaires d'un anti-tussif ou le produit d'automédication le plus adapté. Ce sont, notamment, des solutions de ce type auxquelles nous réfléchissons au sein de la commission, mise en place par la ministère de la Santé, sur l'agencement de la pharmacie.

Pascal Geffray, président d'Evolupharm

Le libre accès de l'OTC, nous nous sommes positionnés contre. En effet, à mon sens, le médicament ne doit pas être banalisé et considéré comme un produit de consommation courante. Cela dit, maintenant, nous n'avons pas le choix et devons anticiper ce mouvement en ré-agençant l'officine en conséquence. Mais de manière prudente pour éviter les dérives liées à une mauvaise utilisation des produits d'automédication.

Nous préconisons la création de deux zones devant le comptoir. La première, située à l'entrée de l'officine ou au milieu de la pharmacie, serait simplement un meuble d'information, détaillant les différentes pathologies ainsi que les indications et contre-indications des produits présentés devant le comptoir. Cette zone d'information permettrait aux patients de choisir, sans se précipiter, le produit le mieux adapté à leur cas avant d'aller dans la zone proprement-dite de médicaments OTC située, elle, juste devant le comptoir, pour prendre le produit qu'il a choisi. Cet espace OTC devra être le plus proche possible du comptoir afin d'y associer le conseil du pharmacien. En outre, cette double zone permettrait d'éviter les achats d'impulsion car le patient peut réfléchir tranquillement au produit le plus adapté à son cas.

Lucien Bennatan, président de PHR

Le libre accès est une chance offerte aux pharmaciens ! Ceux-ci vont enfin pouvoir se positionner comme acteurs de la santé et non plus comme une caisse d'enregistrement des ordonnances. Là, le pharmacien va être confronté aux choix de ses clients, qu'il pourra confirmer en ajoutant un conseil, ou, au contraire, contredire. Conséquence ? Un renforcement de l'accueil du client car, si le pharmacien ne joue pas son rôle, le médicament risque d'être galvaudé et transformé en simple bien de consommation.

Pour répondre aux interrogations de ses clients, le pharmacien va donc devoir bouleverser l'agencement de l'officine. Comment? En mettant en avant des linéaires réservés à la médication familiale à l'entrée de la pharmacie. Mais tous les produits ne pourront pas être présentés devant le comptoir, il faudra faire un tri. Nous recommandons aux officinaux de créer des étagères par pathologie et d'y présenter les produits à plus forte rotation. Quant aux autres, ils pourront rester derrière le comptoir. Mais cela ne suffit pas. Pour développer le conseil, il faut créer des comptoirs éclatés, en installant des postes de part et d'autre de l'officine. Car le pharmacien ne doit pas se cacher derrière le comptoir, mais, au contraire, avoir une démarche pro-active vis-à-vis de ses clients pour conseiller tel produit OTC.

En outre, il est inutile, à mon sens, de prévoir des signalétiques particulières afin de mettre en garde le patient sur le danger d'utilisation de la médication familiale. Cela infantiliserait les patients.

Armand Lepot, président de Media 6 pharmacie

L' annonce, par Roselyne Bachelot, de la vente de médicaments sans prescription médicale devant le comptoir va forcément bouleverser l'agencement de la pharmacie. Les plus concernées ? Les officines à l'ancienne, qui ont conservé une organisation traditionnelle fermée, avec une grande barre de comptoir. Celles-ci devront donc réagencer leur espace en organisant des linéaires OTC autour de comptoirs dissociés. Cet aménagement existe déjà dans les officines qui disposent d'un espace central dédié à la parapharmacie. Avec le libre accès, cet espace pourrait alors devenir une zone réservée aux produits OTC. Autre hypothèse : la présentation de la médication familiale dans l'espace de vente, sur cinq ou six descentes de linéaires muraux. Avec cette configuration, l'espace de parapharmacie devra forcément se réduire.

Mais le passage devant le comptoir ne peut se faire, à mon sens, sans prendre des précautions. N'oublions pas que les produits bientôt en libre accès sont des médicaments. D'où la nécessité de les différencier d'avec les compléments alimentaires et la parapharmacie. Nous suggérons donc à nos clients que les produits OTC soient, dans l'espace officinal, clairement et visuellement identifiés comme des médicaments. L'idéal ? Créer un corner « automédication » disposant d'un comptoir à proximité, afin de laisser la porte ouverte au conseil du pharmacien. Néanmoins, il faut être prudent car une incertitude demeure : la liste des produits qu'il sera possible de mettre devant le comptoir n'est pas encore définie. Cela risque de changer la donne. Car, si cette liste ne concerne peut-être qu'une centaine de produits, sera-il nécessaire de réagencer toute l'officine ?

Bertrand Morin, directeur marketing de CQFD

Le libre accès ? C'est une révolution dans les officines. Pour cela, le phamacien doit accompagner et informer le patient, dans son parcours au sein de la pharmacie, sur l'usage qu'il faut faire des produits bientôt vendus en libre-service. Ainsi, à côté des étagères d'automédication, situées à proximité d'un comptoir, nous suggérons de créer un espace conseil, dans lequel des brochures expliquent ce qu'est le libre accès et ses conséquences sur la santé du patient. En outre, l'espace OTC doit être, à mon sens, une zone clairement identifiée, intitulée « Medifast », avec un marquage au sol visuel signalant qu'il s'agit là d'une zone où se vendent des médicaments. Pour la mettre en valeur, un panneau éclairé pourrait suggérer de faire appel au conseil du pharmacien : « Nous vous proposons nos conseils pour tout type d'achat. » Cet espace pourrait être situé non loin de l'entrée de l'officine, s'il est proche d'un comptoir, afin d'y associer le conseil.

Thierry Trasbot, directeur commercial de Boursin

Depuis quelques mois, nos agencements de pharmacies se font dans la perspective du libre accès. Comment ? Les meubles derrière le comptoir sont désormais moins nombreux. Pour mettre en avant l'OTC en libre accès, l'idéal est de présenter ces produits en gondole, devant le comptoir, où l'achat spontané et impulsif est fréquent. Ce n'est pas suffisant. Pour être visible dans l'officine, nous suggérons de présenter les produits OTC sur des étagères murales hautes, avec sept à huit niveaux de tablettes.

Mais il n'est pas question de confondre ces produits, qui sont des médicaments dotés de principes actifs, avec des compléments alimentaires ou des dentifrices ! C'est pourquoi nous préconisons de créer une zone spécifique, dotée d'une signalétique claire comme « Pôle santé » ou « Espace médicament ». Afin de différencier cet espace avec le reste des produits en libre accès, nous suggérons aussi que cet espace OTC soit repéré par une couleur (le vert par exemple), au sol et sur les étagères, différente des autres zones de l'officine.

Enfin, cet espace dédié à la médication familiale devra rester à proximité du comptoir afin de vérifier que le produit choisi en libre accès soit réellement adapté au patient. Au contraire, la parapharmacie pourrait, elle, être située à l'entrée de l'officine.

Jérôme Gaubert, responsable commercial France de Mobil M

Le libre accès devrait changer radicalement l'organisation de l'espace officinal. Mais cette nouvelle configuration dépend aussi de la situation particulière de chaque officine. Dans les pharmacies situées en centre-ville ou en centre commercial, où l'affluence est importante, l'espace de libre-service permet de générer un chiffre d'affaires important. Ces officines ont donc intérêt à réaménager leur espace en fonction de la médication familiale, en créant par exemple un espace central dédié à l'OTC. En revanche, dans les pharmacies de quartier, cette nouvelle mesure ne devrait pas bouleverser la donne : l'OTC devrait rester à côté du comptoir, car il y a une dimension conseil beaucoup plus importante dans ces officines.

Quoi qu'il en soit, le pharmacien devra revoir le merchandising de l'espace officinal. En effet, il devra faire un choix entre tous les produits qu'il présente devant le comptoir : des médicaments en OTC, dont la rentabilité est souvent forte, chasseront probablement d'autres produits, comme les shampoings ou les compléments alimentaires, à la rotation plus faible. Or, les boîtes d'automédication sont plus petites, souvent visuellement moins attractives, que les compléments alimentaires ou les produits de parapharmacie. A mon sens, il faudra donc créer du mobilier sur-mesure pour l'OTC, d'abord adapté à de plus petits conditionnements. Il doit également permettre des mises en rayon fréquentes, de manière à gérer de fortes rotations.

En outre, la fréquentation de l'officine va changer, draînant des personnes venant chercher essentiellement des produits en libre accès, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Pour faire face à ce nouvel afflux de clientèle, il serait judicieux de créer de nouveaux postes de vente, à l'entrée de l'officine, exclusivement destinés aux produits sans ordonnance, mais aussi une simple caisse de paiement, comme il en existe dans la plupart des autres commerces. Il me paraît aussi judicieux de renforcer la communication, à l'intérieur de l'espace clientèle de la pharmacie, sur les produits d'automédication afin que le pharmacien continue à jouer son rôle de conseil. Il faut alors identifier clairement cette zone de libre-service, à travers des panneaux, mais aussi des notices explicatives et des fiches conseil présentées sur les linéaires.

Sondage

Sondage réalisé par téléphone du 12 au 14 décembre 2007 sur un échantillon de 127 pharmacies représentatif de la population des pharmacies françaises en fonction de la répartition géographique et du chiffre d'affaires de l'officine.

Êtes-vous pour ou contre le libre accès des produits à prescription médicale facultative comme l'a annoncé Roselyne Bachelot ?

Comptez-vous modifier l'agencement de votre officine afin de mettre des produits OTC devant le comptoir quand cette mesure sera applicable ?

Si oui, comptez-vous créer un espace exclusivement dédié au conseil sur l'OTC ?

Le libre accès va-t-il, à votre avis, permettre de vendre davantage de produits à prescription facultative ?

Pensez-vous que cette nouvelle mesure va valoriser votre rôle de conseil ?

Comptez-vous également renforcer la visibilité des prix de ces produits ?

Allez-vous baisser les prix des produits passés devant le comptoir afin d'en renforcer l'attractivité auprès de vos patients ?

Le libre accès OTC va-t-il vous conduire à moins mettre en valeur les produits de parapharmacie ?

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !