Antalgiques 13 cas pratiques - Le Moniteur des Pharmacies n° 2709 du 05/01/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2709 du 05/01/2008
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

effets indésirables

Gérard, 57 ans, se plaint de crampes d'estomac

Gérard, restaurateur, est un bon vivant qui n'aime pas trop consulter les médecins. La cinquantaine, amateur de bons vins et de copieux repas, il vient régulièrement et depuis fort longtemps à la pharmacie acheter des médicaments à visée digestive : pansements gastriques type Maalox, Stomédine, ainsi que de nombreuses boîtes d'Alka-Seltzer. L'équipe de la pharmacie a bien tenté de l'encourager à aller parler à un médecin de ses crampes d'estomac, ballonnements et remontées acides, mais Gérard n'en a que faire et ne semble pas inquiet. Aujourd'hui pourtant, il paraît très ennuyé et se présente à la pharmacie muni d'une ordonnance. Il explique qu'un des clients habituels du restaurant, médecin généraliste, l'a convaincu de réaliser une fibroscopie car il s'était plaint une nouvelle fois de réveils nocturnes causés par de violentes douleurs à l'estomac. L'examen a décelé un ulcère gastrique. Le spécialiste consulté a mis en place une thérapie antiulcéreuse et l'a fermement encouragé à diminuer sa consommation d'alcool.

Quel conseil ajouter à celui du médecin ?

Parmi les facteurs favorisant un ulcère digestif, les médicaments anti-inflammatoires et la consommation d'alcool sont au premier rang. Or, il semble que le médecin ait bien pris en compte la consommation d'alcool de Gérard mais n'ait pas prêté attention à sa prise quasi quotidienne d'Alka-Seltzer pour ses problèmes d'indigestion.

Analyse du cas

La spécialité Alka-Seltzer existe depuis 1939 et ses indications anciennes faisaient état d'une action dans « les maux de tête avec inconfort gastrique passager consécutifs à des excès de table occasionnels ». Gérard ignorait la présence d'aspirine dans la formule et consommait donc ce médicament très régulièrement, parfois associé à de l'alcool.

Depuis juillet 2005, la notice a été modifiée par l'Afssaps et l'indication thérapeutique est dorénavant « traitement symptomatique des douleurs d'intensité légère à modérée et/ou des états fébriles ».

Les AINS et les salicylés sont gastrotoxiques, surtout en traitement chronique. Ils inhibent la production des prostaglandines qui protègent l'estomac.

Alka-Seltzer contient 324 mg d'aspirine par comprimé, ce qui suffit à provoquer des lésions digestives si les prises sont répétées. L'apparition de l'ulcère gastrique de Gérard peut donc être liée à sa consommation quasi quotidienne d'aspirine.

Attitude à adopter

Il convient d'expliquer à Gérard qu'un certain nombre de médicaments à base d'aspirine lui sont désormais contre-indiqués. Attention également à d'autres spécialités en contenant, comme Novacétol (300 mg/cp), Actron (267 mg/cp), Sédaspir (500 mg/cp), Polypirine (300 mg/cp) ou Céphyl (330 mg/cp) qui peut être confondu avec une spécialité homéopathique.

On pourra à l'occasion rappeler au médecin la composition de ces spécialités anciennes parfois très prisées des patients et qui renferment toutes de l'acide acétylsalicylique.

effets indésirables

Une hypoglycémie sous Di-Antalvic

Suite à une forte crise de migraine, Marie-Jeanne T., 69 ans, par ailleurs en bonne santé, a pris ce qu'elle avait sous la main pour se soulager. Les 2 comprimés de Doliprane pris le matin n'ayant rien fait, elle a avalé 2 gélules de Di-Antalvic vers 16 heures, puis 2 autres une demi-heure plus tard. Les douleurs ayant encore empiré, et ayant lu sur la boîte de Di-Antalvic « 6 par jour au maximum », elle a pris deux nouvelles gélules vers 17 heures, sans pouvoir manger à cause des nausées. Dans l'heure suivante, elle a été prise de sueurs, d'un malaise et a fait une chute dans le couloir de son appartement. Son mari a appelé les pompiers pour la transporter aux urgences. Sa glycémie était à 0,35 g/l.

D'où vient cette hypoglycémie brutale ?

Le dextropropoxyphène, principe actif opioïde présent dans le Di-Antalvic, associé au paracétamol, est un dérivé de la morphine. Il est décrit depuis longtemps avec cet antalgique des effets indésirables à type d'hypoglycémie, surtout chez les sujets insuffisants rénaux, les sujets âgés, les diabétiques ou en cas de surdosage ou d'intoxication. Le mécanisme d'action n'est pas élucidé.

Analyse du cas

Il est probable que ce malaise hypoglycémique soit la conséquence de la prise d'une forte dose de dextropropoxyphène (ici 180 mg) ayant pour origine un mésusage. La dose de paracétamol prise en une heure (2,4 g) est elle aussi très importante, mais encore inférieure aux doses toxiques.

Attitude à adopter

En France, la dose quotidienne de dextropropoxyphène à ne pas dépasser est de 180 mg en trois prises - elle est proche de 400 mg dans d'autres pays, ce qui a parfois conduit au retrait du marché de cette molécule comme en Grande-Bretagne. Les effets indésirables étant dose-dépendants, il convient de respecter la posologie et de renforcer la surveillance glycémique chez les sujets à risque.

Parmi les autres antalgiques opioïdes, le tramadol est aussi connu pour provoquer deshypoglycémies.

effets indésirables

Bruno souffre de constipation

Bruno, 35 ans, est déménageur professionnel. Il y a 8 jours, il s'est fait une double fracture du bras lors d'une chute dans un escalier, fracture qui a nécessité la pose d'une broche. L'ordonnance de l'hôpital de la semaine dernière comportait du Skenan 30 mg à raison de 1 gélule matin et soir pendant 14 jours. Bruno se présente aujourd'hui à la pharmacie en se plaignant d'une constipation tenace.

Que penser de cette constipation ?

Un traitement laxatif visant à prévenir ou traiter une constipation iatrogène doit toujours accompagner la prescription des opioïdes, a fortiori les antalgiques de palier III.

Analyse du cas

L'impact de la morphine sur le tractus gastro-intestinal aboutit à une diminution de la sécrétion intestinale et du péristaltisme, ainsi qu'à un renforcement de la contraction de certains sphincters (pylore) entraînant une diminution de la vitesse de vidange gastrique. Ces propriétés sont utilisées pour le traitement des diarrhées (élixir parégorique, analogues structuraux des opiacés comme le lopéramide). Chez les patients sujets à la constipation, comme les personnes âgées, le médecin doit éliminer tout risque de fécalome avant la mise en route d'un traitement par morphine.

Attitude à adopter

Conseiller la prise quotidienne d'un laxatif doux de type osmotique (Forlax, Movicol, etc.) avec possibilité d'associer pendant 24 à 48 heures un laxatif d'action rapide de type stimulant (à base de séné, cascara, bourdaine ou bisacodyl). La prochaine consultation chez le médecin permettra de réévaluer le traitement antalgique au regard des douleurs et des effets indésirables.

effets indésirables

Somnolence, sueurs et propos incohérents

Le fils de Bernard N. se présente à la pharmacie avec la boîte de Durogesic 25 mg/h délivrée il y a 2 jours. Son père ne l'a pas supporté. Devant des douleurs dues à des métastases osseuses, le généraliste avait d'abord initié un traitement antalgique à base de Dafalgan codéine à dose maximale (6 cp/jour). Devant l'évolution des douleurs, le rhumatologue avait proposé à M. N. des patchs de Durogesic efficaces sur 72 heures. Il avait précisé de ne pas interrompre la prise de Dafalgan Codéine avant le soulagement total de la douleur. Le premier patch de Durogesic a donc été placé la veille au soir, associé aux 2 comprimés habituels de Dafalgan codéiné. Ce matin, M. N., souffrant toujours, a repris deux comprimés de Dafalgan Codéine. En fin de matinée, sa femme l'a trouvé somnolent, en sueurs dans son lit. Elle l'a réveillé et il lui a tenu des propos incohérents. Appelé au chevet du patient, le médecin traitant s'est voulu rassurant : les effets indésirables du patch commençaient à se dissiper. La nouvelle ordonnance mentionne une prescription de Durogesic 12 mg/h avec arrêt définitif de la codéine.

Comment expliquer l'apparition de ces symptômes ?

Les deux antalgiques utilisés sont des opioïdes, l'un de niveau 2 (codéine), et l'autre de niveau 3 (fentanyl). Leurs profils d'effets indésirables sont donc proches et plus fréquents s'ils sont utilisés ensemble. Il convient d'éviter de les associer dans un traitement antalgique. En outre, les sueurs de Bernard ont pu favoriser l'absorption transcutanée du fentanyl.

Analyse du cas

Il est logique de passer à un antalgique de palier 3 en cas de persistance des douleurs malgré un traitement antalgique de palier 2 à dose maximale. Dans le cas de Bernard, deux options thérapeutiques se présentaient.

- Stopper la codéine et passer à une forme orale d'un opioïde de niveau 3 en privilégiant la morphine en première intention, d'abord avec une forme à libération immédiate, puis, en cas d'atteinte de l'objectif antalgique, avec une forme à libération prolongée.

- Utiliser la forme patch de Durogesic en garantissant pendant les premières 12 à 18 heures un relais antalgique par voie orale, le temps que la concentration sanguine de fentanyl ait atteint un plateau.

Le médecin a choisi la seconde option. Comme le patch n'est pas efficace immédiatement, il a conseillé à son patient de maintenir le Dafalgan codéiné tant que la douleur ne serait pas calmée. Bernard n'a pas supporté le cumul des deux médicaments, ou alors le dosage des patchs était trop important. Quoi qu'il en soit, les symptômes (somnolence, sueurs...) sont le signe d'une trop forte dose de morphinique. Le médecin n'a pas jugé bon de pratiquer une injection d'antidote Narcan, vraisemblablement car la fréquence respiratoire était normale au moment de l'examen clinique et que la confusion s'était dissipée, signe que la concentration sanguine de codéine avait sûrement diminué. Par précaution, il a préféré diminuer le dosage de Durogesic avec la présentation à 12 µg/h.

Attitude à adopter

Le patch de Durogesic 12 µg/h doit être appliqué immédiatement, en remplacement du patch de Durogesic 25 retiré par le médecin. Monsieur N. risque sinon un pic douloureux.

erreurs de posologie

Surdosage en paracétamol

Madame G., 74 ans, veuve, se fait livrer à domicile ses médicaments par la pharmacie. Une équipe d'infirmières libérales s'occupe des soins et du remplissage du pilulier. Aujourd'hui, une des infirmières se présente à la pharmacie avec le pilulier de Mme G., inquiète des quantités importantes de médicaments antalgiques préparés par la nièce de la patiente. La préparatrice découvre alors que depuis une semaine Mme G., 55 kilos, se voit administrer tous les jours :

- 1 comprimé d'Efferalgan 1 g matin, midi et soir prescrit par le médecin traitant et 2 comprimés de Di-Algirex le matin, prescrits sur une autre ordonnance ;

- 1 sachet de Doliprane 1000 g matin, midi et soir prescrit par le rhumatologue.

La dose quotidienne de paracétamol avoisine les 7 g par 24 heures, dépassant largement la posologie maximale de 4 g par jour.

Quel est le niveau de gravité d'une telle dose de paracétamol ?

Ce surdosage ne met pas en jeu le pronostic vital de Mme G., la dose réellement toxique pour le foie étant de l'ordre d'une dizaine de grammes par prise.

Analyse du cas

La gravité de l'intoxication au paracétamol est liée au risque de survenue retardée d'une cytolyse hépatique, pour une dose ingérée de 200 mg/kg, soit 10 à 15 g chez l'adulte (le fait d'avoir limité à 8 g la quantité maximale de paracétamol contenue dans une boîte limite notablement les issues fatales consécutives aux tentatives de suicide).

A doses thérapeutiques, une faible fraction du paracétamol est métabolisée en un composé toxique, le N-acétylparabenzoquinone-imine, détoxifié dans le foie grâce au glutathion. La toxicité du paracétamol augmente donc dans tous les états caractérisés par une déplétion en glutathion (dénutrition), en cas d'hépatopathie sous-jacente (alcoolisme chronique) ou lors de la formation accrue de métabolite toxique par induction enzymatique (antiépileptiques). A dose toxique, en raison de réserves limitées en glutathion, la capacité de détoxication cellulaire est dépassée et ne peut empêcher l'apparition de radicaux libres responsables d'une nécrose des hépatocytes.

La prise en charge thérapeutique des intoxications aiguës au paracétamol est bien codifiée. En revanche il n'existe pas de recommandations claires lors de prises répétées de doses suprathérapeutiques. En cas de doute, un avis spécialisé peut être obtenu facilement auprès d'un centre antipoison et une prise en charge sera proposée au cas par cas (le plus souvent une simple surveillance biologique).

Attitude à adopter

Le pharmacien décide de contacter le médecin traitant afin de l'informer de ce surdosage. Ce dernier souhaite par sécurité suspendre temporairement les prises de paracétamol et vérifier la fonction hépatique par la réalisation de dosages biologiques (ASAT/ALAT et taux de prothrombine).

La mise en place du Dossier pharmaceutique permettra à l'avenir d'éviter ce type de prescription redondante.

erreurs de posologie

Des interdoses mal calculées

L'ordonnance présentée par Denise R. est libellée ainsi : « Arrêt du Durogesic 100 mg ce soir. A partir de demain matin, commencer Oxycontin LP 30, 1 cp matin et soir. En cas de douleurs, ajouter 1 cp d'Oxynorm 20 mg toutes les 4 heures. Traitement pour 14 jours ». Le pharmacien se rend compte que l'interdose d'Oxynorm ne correspond pas à la posologie du traitement de fond d'Oxycontin. Pour une dose quotidienne de 60 mg d'Oxycontin LP, la posologie d'Oxynorm ne devrait pas dépasser 6 à 10 mg toutes les 4 heures. Contacté par téléphone, le médecin s'aperçoit que l'erreur ne provient pas de la dose d'Oxynorm qui est trop forte, mais de la dose d'Oxycontin LP qui est trop faible au regard de la précédente dose de Durogesic. Il s'est trompé dans son tableau d'équianalgésie.

Comment convertir la dose de Durogesic 100 ?

Lors du changement d'un opioïde par un autre antalgique de palier III, il faut se référer à un tableau d'équianalgésie qui permet de déterminer la dose et le rythme d'administration du ou des nouveaux médicaments en fonction de la quantité d'équivalent-morphine prise sur 24 heures lors de l'ancien traitement.

Analyse du cas

Pour cette nouvelle prescription de Denise R., deux vérifications doivent être faites pour valider les doses :

- Vérifier que le nouveau traitement de fond de la douleur à base d'oxycodone a le même niveau d'antalgie que la diffusion transcutanée de 100 µg/h de fentanyl. Consulter les tables d'équianalgésie des opioïdes forts. En l'occurrence, un patch de 100 µg/h de fentanyl correspond à une dose quotidienne voisine de 120 mg d'oxycodone par voie orale.

- Vérifier que les interdoses d'Oxynorm à libération immédiate sont en rapport avec la dose par 24 heures d'Oxycontin à libération prolongée. Malgré une couverture antalgique sur 24 heures avec l'Oxycontin LP, il se peut que des douleurs aiguës apparaissent lors de situations particulières (gestes paramédicaux, exacerbation momentanée d'une douleur, etc.) ou pendant la phase de titration de l'antalgie. La règle à retenir est qu'une interdose (ou bolus) doit représenter 1/6 à 1/10 de la dose totale des 24 heures. Dans le cas présent, une interdose de 20 mg d'Oxynorm aurait dû correspondre à une dose quotidienne d'Oxycontin LP située entre 120 mg et 200 mg.

Attitude à adopter

Le médecin passera à l'officine en fin de matinée pour corriger l'ordonnance et prescrire Oxycontin LP 40 mg + Oxycontin LP 20 mg, une gélule de chaque matin et soir, et Oxynorm 20 mg, un cp toutes les 4 heures en cas de douleurs. Expliquer soigneusement à cette patiente la différence entre ces deux spécialités, LP et non LP, et vérifier que la patiente a bien un traitement contre la constipation.

Les indications des antalgiques

L'Association internationale pour l'étude de la douleur définit la douleur comme une « sensation désagréable et une expérience émotionnelle en réponse à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans des termes évoquant une telle lésion ».

La douleur aiguë a souvent une fonction d'alarme salvatrice, alors que la douleur prolongée, ayant perdu sa fonction d'alarme évolue, en quelque sorte, pour son propre compte. Elle agit comme un facteur de stress et peut engendrer une dépression.

Les antalgiques de la famille des inhibiteurs des cox (AINS, aspirine, paracétamol), d'une part, et les opioïdes, d'autre part, sont l'essentiel des médicaments utilisés dans les douleurs dues à un excès de nociception.

Dans certains cas, il est possible de les associer entre eux.

En matière de douleurs cancéreuses, l'OMS a proposé une méthode de prise en charge de la douleur nociceptive en 3 paliers qui hiérarchise le recours aux antalgiques en fonction de l'intensité douloureuse (voir tableau page 12). Grâce à sa pertinence, cet outil est aujourd'hui utilisé même dans les douleurs extracancéreuses en guidant le prescripteur dans le choix de l'antalgique le mieux adapté à la situation.

De récentes avancées en matière de pharmacologie (antagonistes des récepteurs NMDA, agonistes cannabinoïdes, inhibiteurs de cytokines, etc.) laissent entrevoir des perspectives intéressantes de découvertes de nouveaux antalgiques pour l'avenir.

Comment agissent les antalgiques ?

- Les stimuli douloureux sont enregistrés par des récepteurs nociceptifs qui sont des terminaisons nerveuses libres. La conduction de la douleur est assurée par des fibres A delta et C qui pénètrent dans la moelle épinière par sa racine postérieure. Le relais sur un autre neurone se fait grâce à un neuromédiateur, la substance P, puis la voie nerveuse croise jusqu'au cordon antérieur et remonte jusqu'au thalamus.

- La sensation douloureuse est renforcée en présence de prostaglandines. Or, la synthèse de prostaglandines nécessite l'intervention d'une enzyme transformant l'acide arachidonique issu des phospholipides membranaires. Cette enzyme se décline en cyclo-oxygénase de type 1, constitutive, et cyclo-oxygénases 2 et 3, inductibles par la douleur. L'aspirine et les AINS sont des inhibiteurs des cyclo-oxygénases essentiellement périphériques tandis que le paracétamol est inhibiteur des cyclo-oxygénases à prédominance d'action centrale.

- La conduction de l'influx douloureux au niveau de la moelle est modulée par une voie descendante, qui peut inhiber la synapse substance P-ergique par l'intermédiaire d'enképhalines (opioïdes endogènes). Les opiacés exogènes agissent entre autres au niveau de ces récepteurs.

- D'autres neuromédiateurs (bradykinines, cholécystokinine, histamine...) interviennent également de façon complexe dans la transmission de la douleur.

Deux familles d'antalgiques

Antalgiques non opioïdes

Inhibant les cyclo-oxygénases

Les cyclo-oxygénases (cox) sont des enzymes qui permettent de transformer l'acide arachidonique présent dans les cellules en prostaglandines, prostacycline et thromboxane, trois médiateurs impliqués dans la douleur, la fièvre, l'inflammation et l'agrégation plaquettaire.

AINS et aspirine

Mode d'action

- L'aspirine et les AINS inhibent la cyclo-oxygénase 1 (cox-1) et la cyclo-oxygénase 2 (cox-2) entraînant principalement une chute de la synthèse des prostaglandines. Ils agissent essentiellement au niveau périphérique. La cox-1 est surtout présente dans les plaquettes, le rein, l'estomac et le muscle, tandis que la cox-2 est surexprimée dans les inflammations.

- Aspirine et AINS ont une action anti-inflammatoire, antalgique et antipyrétique. A dose faible, l'aspirine a également un effet antiagrégant plaquettaire.

Effets indésirables

- Les effets indésirables sont communs à tous. Il peut s'agir d'effets considérés comme mineurs (dyspepsie, palpitations, nausées et vomissements, anorexie, diarrhée, constipation, flatulences, épigastralgies, etc.) ou d'effets sévères (ulcère gastroduodénal, perforation, saignement, syndrome de Lyell, etc.).

- Hépatopathie et insuffisance rénale (par synthèse insuffisante de prostaglandines vasodilatatrices) peuvent apparaître à tout moment et surtout lors de traitements prolongés. Les AINS peuvent entraîner une diminution de la résistance de l'organisme vis-à-vis de bactéries, virus ou parasites.

Interactions

- L'association à un autre AINS (y compris l'aspirine), aux anticoagulants oraux et aux héparines à doses curatives est déconseillée.

- L'association au lithium peut provoquer une augmentation de la lithémie jusqu'à des valeurs toxiques. L'association au méthotrexate utilisé à des doses supérieures à 15 mg/semaine augmente sa toxicité hématologique. Ces associations sont déconseillées.

- Les associations sont plus sévères avec l'aspirine (voir tableau page 10).

Contre-indications

Outre pendant la grossesse au-delà de 5 mois révolus, les AINS et l'aspirine sont contre-indiqués en cas d'antécédent d'allergie, d'asthme déclenché par la prise d'AINS, d'ulcère gastroduodénal en évolution, d'insuffisance hépatique ou rénale sévère, d'insuffisance cardiaque sévère non contrôlée ou de lupus érythémateux disséminé.

Paracétamol

Mode d'action

- Comme les autres inhibiteurs des cyclo-oxygénases, le paracétamol agit en réduisant la production de prostaglandines impliquées dans les processus de la douleur et de la fièvre. Son pouvoir inhibiteur des cyclo-oxygénases varie selon les études. Il est moindre que celui des AINS. Des arguments pharmacocinétiques (bonne diffusion au travers de la barrière hématoencéphalique) et pharmacodynamiques (action après administration intrathécale...) plaident pour une action sur les cyclo-oxygénases centrales (cox-3), ce qui le distingue clairement des AINS, mais le mécanisme de son action antalgique n'est pas totalement élucidé.

- Il ne possède pas d'action anti-inflammatoire.

Effets indésirables

A dose thérapeutique, ils sont rares. A dose toxique, le paracétamol peut conduire à une cytolyse hépatique extrêmement grave.

Contre-indications

Insuffisance hépatocellulaire.

Autres mécanismes d'action

Floctafénine

Mode d'action

La floctafénine (Idarac) ne possède pas d'action anti-inflammatoire. Son mécanisme d'action reste obscur.

Effets indésirables et contre-indications

Accidents allergiques graves ayant limité son utilisation. Contre-indication absolue avec les bêta-bloquants.

Néfopam

Mode d'action

Le néfopam (Acupan) a un mécanisme d'action mal connu. Il n'a pas de propriété opioïde et ne possède pas d'activité anti-inflammatoire. Il n'est pas antipyrétique. Il inhibe la recapture de la noradrénaline, de la sérotonine et de la dopamine.

Effets indésirables

Il présente des effets anticholinergiques indépendants de l'antalgie.

Antalgiques opioïdes

Opioïdes forts

Mode d'action

L'organisme dispose de différents mécanismes de contrôle des messages douloureux. Un de ces mécanismes fait appel aux opioïdes endogènes, comme les endorphines qui sont les ligands naturels des récepteurs opioïdes. Les opioïdes exogènes se fixent sur ces mêmes récepteurs et miment l'action des médiateurs endogènes.

- L'activation des récepteurs mu (ou OP3) entraîne analgésie, dépression respiratoire, constipation, dépendance, myosis, hypothermie.

- L'activation des récepteurs kappa (ou OP2) provoque analgésie, sédation, myosis.

L'analgésie due aux morphiniques peut provenir de l'activation des récepteurs mu ou kappa et la dépendance de l'activation des récepteurs mu.

Les opioïdes forts sont classés en trois catégories en fonction de leurs actions sur les récepteurs.

- Les agonistes purs activent principalement les récepteurs centraux mu de façon totale et n'ont pas d'effet plafond (morphine, hydromorphone, fentanyl, oxycodone, péthidine).

- Les agonistes/antagonistes (nalbuphine) activent les récepteurs kappa et antagonisent les récepteurs mu, ce qui explique qu'ils diminuent l'effet des agonistes purs donnés simultanément. Leur efficacité antalgique est également plafonnée parce qu'ils n'activent que de façon partielle les récepteurs kappa.

Effets indésirables

- Les opioïdes partagent tous globalement les mêmes effets indésirables dont, principalement, somnolence, confusion, nausées, vomissements, constipation (à anticiper par prescription systématique de laxatif), sédation, lipothymie, excitation, cauchemars, plus spécialement chez le sujet âgé, avec éventuellement hallucinations, dépression respiratoire (surdosage), augmentation de la pression intracrânienne, rétention urinaire en cas d'adénome prostatique ou de sténose urétrale.

- Les risques de dépendance existent même sans antécédents de toxicomanie en particulier pour le tramadol.

Interactions

Les agonistes/antagonistes (buprénorphine et nalbuphine) ne doivent pas être associés aux opioïdes agonistes purs faibles ou forts, au risque de diminuer l'effet antalgique et de créer un syndrome de sevrage. Aucun opioïde agoniste ne doit être associé à la naltrexone (Revia), qui est un antagoniste pur.

Contre-indications

Les principales contre-indications sont l'insuffisance respiratoire décompensée (en l'absence de ventilation artificielle) et l'insuffisance hépatocellulaire sévère.

Opioïdes faibles

Les opioïdes faibles ont une pharmacodynamie semblable à la morphine.

- La codéine subit une biotransformation en morphine par oxydation enzymatique.

- La dihydrocodéine est une prodrogue de la codéine.

- Le dextropropoxyphène est un agoniste mu.

- Le tramadol est un antalgique principalement central, son mode d'action est original. L'effet antalgique serait dû à une activité opioïde agoniste mu préférentielle, associé à un effet monoaminergique central par inhibition de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline.

- Les agonistes partiels/antagonistes (buprénorphine) n'activent les récepteurs mu que de façon partielle tout en antagonisant les récepteurs kappa. Ce caractère agoniste partiel limite leur efficacité, d'où leur effet plafond, et contre-indique leur coprescription avec les agonistes purs, d'autant que la buprénorphine a une très forte affinité pour les récepteurs mu.

Effets indésirables, interactions et contre-indications sont, à moindre échelle, les mêmes que ceux des opioïdes forts.

erreurs de posologie

Erreur de dose de Codenfan

La maman du petit Antoine, 5 ans et 18 kg, téléphone à la pharmacie, inquiète. Une heure après la deuxième prise du sirop Codenfan, prescrit pour les nombreux aphtes dans la bouche d'Antoine, il s'est brusquement et anormalement assoupi à table, alors qu'il commençait juste à pouvoir s'alimenter. Le médecin n'est pas joignable. Il avait prescrit : Codenfan, 1 dose-poids 4 fois par jour.

Quelle est l'explication la plus plausible ?

Parmi les hypothèses possibles, on doit envisager un surdosage provoqué par l'erreur de prescription du médecin et la non-détection de celle-ci par le pharmacien.

Analyse du cas

La cuillère-mesure accompagnant le flacon de Codenfan est graduée en milligrammes de codéine, et non en dose-poids ou en millilitres. L'inscription « MG » (milligrammes) n'est pas évidente à repérer en haut du dispositif doseur.

En pratique, si le médecin prescrit par erreur une posologie en dose-poids, un enfant de 18 kg se verra administrer 18 mg de codéine, c'est-à-dire une dose de 1 mg/kg/prise. Cette posologie étant le double de la dose usuelle, et d'emblée la posologie maximale de codéine chez l'enfant, il est alors probable qu'apparaisse un certain nombre d'effets indésirables de la codéine, principalement une forte somnolence, des nausées ou des vomissements, des vertiges.

Attitude à adopter

Une suspension du traitement antalgique est le meilleur conseil à donner afin que l'enfant élimine la surdose de codéine (sa demi-vie est courte, de l'ordre de 3 heures). Il sera ensuite repris si nécessaire, à dose adéquate à savoir une dose 9 mg toutes les 6 heures si douleurs. Bien préciser à la maman que le libellé « 4 fois par jour » signifie « toutes les 6 heures » et non pas 4 prises dans la journée.

interactions médicamenteuses

Pas d'Idarac pour Pierre

Pierre C., 50 ans, souffrant d'une entorse au poignet, sort de chez son médecin avec une ordonnance de Niflugel à appliquer deux fois par jour et d'Idarac (4 comprimés par jour) en cas de douleur. L'historique médicamenteux de ce patient contient une délivrance régulière de Timoptol. Le logiciel informatique signale une interaction médicamenteuse formellement contre-indiquée.

Quelle est la cause de cette alerte ?

L'Idarac contient de la floctafénine susceptible de provoquer des hypotensions ou des chocs allergiques dans de rares cas. Or les bêtabloquants, même en collyre, réduisent les réactions cardiovasculaires de compensation dans de telles situations.

Analyse du cas

La floctafénine, antalgique non morphinique et non apparenté aux salicylés ni au paracétamol, est un antalgique de la classe des « fénines » dont plusieurs de ses représentants ont été retirés du marché suite aux allergies qu'ils produisaient (antrafénine en 1984, glafénine en 1992). Considéré comme un traitement de seconde intention, sa prescription est aujourd'hui devenue rare. Il est utile lorsqu'on ne veut pas masquer la fièvre.

Attitude à adopter

Le médecin est prévenu de cette association formellement contre-indiquée. On lui propose de prescrire un autre antalgique de palier II : association paracétamol et codéine ou dextropropoxyphène par exemple.

interactions médicamenteuses

Le dentiste peut-il prescrire du Dicodin LP à Patrice, déjà sous Subutex ?

Patrice, 38 ans, est un ancien toxicomane réinséré dans la vie professionnelle. Bien que ses dernières prises d'héroïne remontent à plusieurs années, il a toujours besoin d'un traitement de substitution. Son médecin traitant prescrit du Subutex à la dose de 4 mg par jour, que Patrice s'administre correctement par voie sublinguale. Lors d'une visite chez le chirurgien-dentiste du centre municipal de santé, ce dernier a dû procéder à des soins pour un abcès dentaire et extraire la dent concernée. Avant l'intervention, le dentiste a anesthésié la gencive. Pour prévenir la douleur postopératoire, et sans connaître les autres traitements de Patrice, il a rédigé l'ordonnance suivante : Dicodin LP (2 cp/jour), Paroex (3 bains de bouche/jour). Le pharmacien est interpellé par l'association entre Dicodin LP et Subutex.

Cette association est-elle contre-indiquée ?

Non, l'association Dicodin LP et Subutex n'est pas contre-indiquée mais elle est déconseillée car ces deux principes actifs agissent sur les mêmes récepteurs.

Dicodin LP est une spécialité à base d'un dérivé de la codéine, la dihydrocodéine, antalgique de palier II de l'OMS, tandis que Subutex (buprénorphine) est un traitement de substitution à la dépendance aux opiacés.

Analyse du cas

La coadministration d'un agoniste morphinique pur (la dihydrocodéine) et d'un agoniste partiel-antagoniste des récepteurs morphiniques (la buprénorphine) revêt un caractère différent selon la situation envisagée.

Lorsque l'agoniste pur est prescrit alors que le patient est déjà sous agoniste-antagoniste, les effets de cette deuxième molécule ne peuvent vraisemblablement pas s'exercer pleinement puisqu'une partie des récepteurs morphiniques est déjà occupée par l'agoniste-antagoniste.

De ce fait, un patient toxicomane traité par buprénorphine au long cours et nécessitant un traitement antalgique par un morphinique pur verra, d'une part, l'efficacité de ce dernier modifiée et, d'autre part, pourra réactiver des mécanismes de dépendance pouvant conduire à une déstabilisation du traitement de substitution.

Attitude à adopter

Il convient ici de se rapprocher du médecin coordinateur du traitement de substitution pour prendre en charge le syndrome douloureux chez ce patient sous Subutex.

En l'absence de recommandations officielles, les praticiens privilégient lorsque c'est possible un AINS ou un autre antalgique de palier I. Le médecin prescripteur du Subutex, joint par téléphone, propose effectivement de remplacer le Dicodin par du Doliprane 1 000 mg, 1 comprimé trois fois par jour et, si la douleur persiste, d'alterner avec du Brufen 400 mg, un comprimé trois fois par jour.

interactions médicamenteuses

Mon amie me conseille de la Prontalgine

Madame V., 53 ans, est traitée depuis plusieurs mois par Revia (naltrexone) pour l'aider à gérer sa dépendance aux boissons alcoolisées. En renouvelant son ordonnance, elle en profite pour demander à la pharmacienne une boîte de Prontalgine pour calmer ses maux de tête « car cela marche très bien chez sa collègue ». Que répondre à cette demande ?

Peut-on délivrer la boîte de Prontalgine ?

Non, Prontalgine, à base de codéine, n'est pas un bon antalgique à proposer à Mme V. déjà traitée par naltrexone, antagoniste des opiacés. Cette association est déconseillée.

Analyse du cas

Bien que le mécanisme d'action de la naltrexone chez le sujet alcoolodépendant ne soit pas complètement élucidé, on sait que la naltrexone agit par compétition stéréospécifique avec la morphine et les opiacés (dont la codéine) sur les récepteurs localisés dans le système nerveux central et périphérique. Pour obtenir un effet antalgique satisfaisant avec la Prontalgine, il est probable que madame V. soit amenée à augmenter les doses, ce qui pourrait entraîner l'apparition d'effets indésirables.

Attitude à adopter

Le pharmacien pourra conseiller du paracétamol non associé, ou bien un AINS du type ibuprofène ou kétoprofène sans ordonnance en l'absence de contre-indications. En cas de persistance de la douleur ou d'apparition de symptômes évocateurs d'une migraine, une consultation chez le médecin est nécessaire pour réévaluer le traitement.

On pourra en profiter pour mettre en garde madame V. contre les conseils de ses amies. S'ils partent d'une bonne intention, ils peuvent être inadaptés, voire dangereux !

profils particuliers

Ibuprofène et grossesse

Mylène vient demander conseil à la pharmacie : enceinte de 7 mois, elle souffre d'hémorroïdes depuis quelques jours. Un traitement local n'ayant pas apporté d'amélioration, et la douleur ne faisant qu'empirer, une amie lui a conseillé de prendre de l'Ergix. Or Mylène vient de lire, sur la notice, qu'Ergix était composé d'ibuprofène et qu'il était contre-indiqué de le prendre pendant la grossesse. Elle a avalé un comprimé ce matin et un à midi. Est-ce grave ?

Quelles sont les recommandations en matière d'utilisation des AINS pendant la grossesse ?

- Jusqu'au début du 6e mois, la prise d'ibuprofène doit être évitée même ponctuellement.

- Au-delà du 6e mois, la prise d'ibuprofène est formellement contre-indiquée. Une prise par mégarde au-delà de 24 semaines d'aménorrhée (5 mois révolus) justifie une surveillance cardiaque et rénale, foetale et/ou néonatale selon le terme d'exposition.

Analyse du cas

Au 3e trimestre de grossesse, les AINS, même en prise courte, entraînent une inhibition de la synthèse de prostaglandines foetales et/ou néonatales. Ils exposent le nouveau-né à un risque d'hypertension artérielle pulmonaire avec fermeture prématurée du canal artériel (risque d'insuffisance cardiaque, atteinte de l'arbre vasculaire pulmonaire...) et à un risque d'insuffisance rénale avec oligurie et lésions histologiques rénales...

Cette toxicité est majorée par une durée de prise longue, mais des accidents aigus (insuffisance cardiaque voire mort foetale in utero) peuvent survenir avec des prises très brèves à proximité du terme (source : http://www.lecrat.org).

Attitude à adopter

Prendre rendez-vous immédiatement avec le gynécologue qui évaluera la conduite à tenir et mettra en place une surveillance adaptée.

profils particuliers

Le Dafalgan Codéiné ne lui fait rien !

La maman d'Antoine, 17 ans, est une de vos patientes habituelles. Elle vient ce soir vous demander conseil, un peu affolée. Son fils souffre d'une crise de colique néphrétique. Elle a appelé le médecin de garde tôt ce matin car Antoine s'était réveillé à 6 heures avec des douleurs lombaires très fortes irradiant au niveau du bassin. Une heure plus tard, à l'arrivée du médecin, la douleur s'était calmé, mais le médecin avait suspecté une crise de colique néphrétique. Effectivement, la radio passée ce matin avait montré un calcul de 4 mm dans l'urètre droit. Vers midi, Antoine a eu une nouvelle crise douloureuse. Il a pris deux Dafalgan Codéiné comme l'avait prescrit le médecin, sans soulagement, et deux autres comprimés vers 16 heures, mais la douleur est toujours très forte. Le Dafalgan Codéiné semble inefficace. La maman d'Antoine se demande si c'est normal que son fils continue à avoir aussi mal.

Le Dafalgan Codéiné était-il adapté ?

Les douleurs d'une colique néphrétique sont souvent intenses, mais les antalgiques opioïdes faibles (comme la codéine) à dose maximale auraient dû les calmer. Une hypothèse vraisemblable est qu'Antoine soit un « métaboliseur lent ». Son équipement enzymatique n'est pas adapté à la biotransformation de la codéine en morphine.

Analyse du cas

Les douleurs de la colique néphrétique sont causées par la progression du calcul le long des voies excrétrices urinaires et par l'hyperpression au niveau des uretères qui en résulte.

Parmi les thérapeutiques médicamenteuses possibles, les antalgiques opioïdes faibles (codéine, tramadol, dextropropoxyphène) sont généralement prescrits en première intention avec succès, en association avec des antispasmodiques. Une fois le calcul évacué, un apport en eau d'au moins 1,5 litre par jour est conseillé pour diluer les urines. Des mesures diététiques complétent le traitement en fonction de la nature chimique du calcul.

Dans le cas présent, le médecin a choisi de prescrire en première intention une association paracétamol-codéine. La codéine (= méthylmorphine) n'est efficace que grâce à sa biotransformation partielle en morphine dans l'organisme (10 % de la dose sont transformées) grâce à une enzyme de la famille des cytochromes P450. Or, dans les populations européennes, entre 5 et 10 % des individus sont démunis de cet appareil enzymatique permettant la biotransformation en métabolite actif. Conséquence : chez ces patients, la codéine est totalement inefficace.

Attitude à adopter

Il faut encourager la maman d'Antoine à rappeler le médecin. Celui-ci va sans doute être amené à prescrire un antalgique de palier III pour soulager la douleur.

Effectivement, le lendemain matin, la patiente revient avec une ordonnance de Skenan 30 mg, une gélule matin et soir. Elle vous confirmera quelques jours plus tard que la douleur a cédé rapidement avec ce traitement.

profils particuliers

Madame D. est hospitalisée pour une intoxication à la morphine

Après plusieurs semaines d'absence, Mme J., 74 ans, revient à l'officine avec sa fille, heureuse de pouvoir enfin sortir de chez elle. Elle raconte qu'elle a été hospitalisée une semaine à la suite d'une intoxication par de la morphine. Etonné, le pharmacien, copie de la dernière ordonnance de morphine en main, ne comprend pas comment, avec une dose de 30 mg de Skenan LP matin et soir, madame J. a pu être victime d'un surdosage en morphine. Le traitement avait été initié il y a plusieurs mois pour un tassement vertébral, et était bien toléré jusque là. D'après la fille de madame J., le problème serait dû au Feldène prescrit à sa mère pour de l'arthrose. Ce dernier aurait été la cause d'« une déficience des reins » ayant entraîné un surdosage en morphine. Sa mère aurait alors été hospitalisée souffrant de vomissements, de propos incohérents et finalement d'une perte de connaissance.

Quel est le lien entre Feldène, Skenan et l'hospitalisation de madame J. ?

Les AINS sont à l'origine d'environ 35 % des insuffisances rénales aiguës d'origine médicamenteuse. Parmi les atteintes rénales possibles, l'insuffisance rénale aiguë hémodynamique est due à l'inhibition de la synthèse des prostaglandines par les AINS. On assiste alors à une vasoconstriction de l'artère rénale qui empêche le rein de fonctionner. Les facteurs de risque favorisants sont nombreux : insuffisance cardiaque congestive, cirrhose avec ascite, syndrome néphrotique, souvent aggravée par les diurétiques, surtout chez un sujet âgé.

La morphine et ses métabolites étant principalement éliminés par le rein, il s'ensuit une augmentation des concentrations plasmatiques des opioïdes avec signes de surdosage.

Analyse du cas

Mme J. est une patiente chez qui, a posteriori, on peut retrouver plusieurs facteurs de risque : âge, comorbidités associées (HTA, insuffisance rénale chronique physiologique, etc.), traitements médicamenteux pouvant altérer la fonction rénale (diurétiques qui ont été associés à un AINS), faibles apports hydriques quotidiens... Dans le cas présent, les symptômes consécutifs à l'augmentation rapide des concentrations sanguines de morphine (confusion, nausées/vomissements, somnolence, etc.) ont sans doute précédé les signes cliniques de l'insuffisance rénale aiguë et accéléré son diagnostic. Sans prise en charge précoce, le patient peut alors développer véritablement les symptômes évocateurs d'une intoxication morphinique tels que :

- dépression respiratoire,

- état de stupeur ou coma,

- myosis serré,

- troubles du rythme cardiaque avec hypotension.

En cas d'intoxication morphinique franche, la conduite à tenir est sensiblement la même que chez les toxicomanes souffrant d'une overdose d'héroïne. Elle consiste en l'hospitalisation d'urgence avec, entre autres, l'administration de naloxone, antidote des drogues morphiniques.

Attitude à adopter

En cas de prescription de morphine chez les sujets âgés ou à risque, une évaluation régulière de la fonction rénale grâce à la clairance à la créatinine est recommandée. La surveillance des premiers signes d'un surdosage est primordiale (somnolence, confusion par exemple) et doit conduire à l'adaptation des doses ainsi qu'à un dosage de la créatininémie.

Ce qu'il faut retenir

Ne pas banaliser les antalgiques en vente libre

De nombreux principes actifs sont en vente libre ou sont délistés pour des quantités ne dépassant pas un certain seuil. Il faut savoir mettre ldes garde-fous pour qu'ils ne soient pas considérés comme des produits de consommation courante par les patients.

- Aspirine et AINS (ibuprofène, kétoprofène...)

Eviter les prises répétées au long cours sans avis médical (effets indésirables digestifs et rénaux) et se méfier du cumul des doses entre spécialités contenant les mêmes principes actifs. Vérifier systématiquement que la prise n'est pas destinée à une femme enceinte (contre-indication formelle à partir de 5 mois pour les AINS et pour l'aspirine > 500 mg/jour). Attention aux patients âgés et sous AVK !

- Paracétamol

Bien toléré à doses usuelles. Risque d'allergie rare. Risque d'atteinte hépatique (parfois fatale) si dépassement de dose important.

- Codéine

Peut engendrer nausées, constipation et dépendance. Risque d'inefficacité par déficit enzymatique chez 5 à 10 % des patients.

accompagner la dispensation des antalgiques sur prescription

Les prescriptions de dextropropoxyphène et de tramadol sont parfois reconduites sans réévaluation de la douleur et de l'iatrogénie possible. Là aussi, la vigilance s'impose.

- Morphine

Vérifier la coprescription systématique d'un laxatif doux, surtout s'il s'agit d'une première prescription. Attention aux surdosages (somnolence, sueurs, hallucinations, baisse de la fréquence respiratoire...). Ils peuvent survenir en cas de cumul avec des opioïdes faibles, en cas d'insuffisance rénale, d'erreurs de calcul de doses et d'interdoses, notamment en cas de changement d'opioïde.

- Dextropropoxyphène et tramadol

Les risques sont les mêmes que pour la morphine mais ils sont plus rares et moins intenses. Attention au risque d'hypoglycémie chez le diabétique, l'insuffisant rénal et la personne âgée !

- Floctafénine

Rarement prescrit. Risque de choc anaphylactique. Contre-indication absolue chez les patients sous bêtabloquants.

Evaluez vos connaissances

1-Les AINS peuvent aggraver une insuffisance rénale par vasoconstriction.

2-Le dextropropoxyphène peut entraîner des hypoglycémies chez le patient diabétique.

3-La prescription d'un laxatif doit être systématique lors de l'initiation d'un traitement par morphinique.

4-Codenfan doit être prescrit en millilitres par prise.

5-Les antalgiques opioïdes de palier II doivent être évités chez le patient sous Subutex.

6-Les AINS sont déconseillés jusqu'à 8 mois de grossesse et contre-indiqués au cours du dernier mois.

7-La codéine est inefficace chez moins de 1 % des patients.

Evaluez vos connaissances 1 : vrai. 2 : vrai. 3 : vrai. 4 : faux. 5 : vrai. 6 : faux. 7 : faux.

À RETENIR

Les AINS et l'aspirine favorisent l'apparition d'ulcères digestifs. Attention aux spécialités comme Alka-Seltzer, Céphyl, Novacétol, Actron, Sédaspir... qui contiennent de l'aspirine sans que les patients (et les médecins) en aient toujours conscience.

Attention aux AINS utilisés comme antalgiques !

Six AINS, en plus de l'aspirine, sont indiqués comme antalgiques dans les douleurs d'intensité légère à modérée et/ou dans les états fébriles, indépendamment de leur éventuelle indication anti-inflammatoire. Certains sont non listés et peuvent être délivrés en conseil : ibuprofène à 200 mg (Advil 200, Nurofen...), kétoprofène à 25 mg (Toprec)... D'autres sont sur liste II : diclofénac à 12,5 mg (Voltarendolo), fénoprofène (Nalgésic), naproxène 220 mg (Alève), acide méfénamique (Ponstyl). L'ibuprofène à 400 mg par prise est exonéré pour les présentations jusqu'à 6 grammes par boîte, mais aucune spécialité n'existe en conseil à l'heure actuelle.

Les principaux effets indésirables communs à cette classe thérapeutique sont d'ordre digestif (toxicité gastrique et duodénale), rénal (aggravation d'une insuffisance rénale par vasoconstriction) et hématologique (allongement du temps de saignement). D'autres situations contre-indiquent leur utilisation : à partir du sixième mois de grossesse, en cas d'antécédent allergique, d'insuffisance hépatique ou cardiaque sévère, d'ulcère digestif, etc. Enfin, cette classe thérapeutique présente un grand nombre d'interactions médicamenteuses. Le pharmacien doit être vigilant, aussi bien avec les médicaments prescrits qu'avec ceux délivrés sans ordonnance (aspirine, anticoagulant, diurétique ou IEC en période de fortes chaleurs, ou deux AINS pris simultanément...).

À RETENIR

Les patients diabétiques, insuffisants rénaux et sujets âgés risquent de faire des hypoglycémies sous dextropropoxyphène ou tramadol

À RETENIR

Afin de prévenir une constipation iatrogène, la prescription d'un laxatif doux doit systématiquement accompagner celle des opioïdes antalgiques.

À RETENIR

L'initiation de traitement par des patchs de fentanyl doit s'accompagner d'une surveillance étroite des symptômes évocateurs d'un dosage trop fort : baisse de la fréquence respiratoire associée à une somnolence, confusion, nausées et vomissements, hallucinations.

Le patch Durogesic en pratique

- Présentés sous 5 dosages différents, les patchs de Durogesic diffusent du fentanyl pendant 72 heures (certains patients dits « métaboliseurs rapides » peuvent nécessiter un renouvellement du patch toutes les 48 heures). Il existe une variabilité d'un patient à l'autre qui nécessite une réévaluation fréquente de son efficacité, en augmentant les doses par paliers de 3 jours.

- Les dispositifs transdermiques ne doivent théoriquement pas être découpés : cependant la galénique matricielle de ce patch rend possible cette opération à condition de ne pas utiliser la seconde moitié du patch.

- Ils doivent être appliqués sur une peau saine, propre, sèche et sans poils, en évitant les zones de plis (torse, bras, épaule) en maintenant une pression d'une trentaine de secondes d'abord au centre puis vers la périphérie. Les poils peuvent être coupés au niveau du site d'application mais pas rasés. Veiller à varier les lieux d'application.

En cas de décollement accidentel, recouvrir le patch par un pansement type Tegaderm ou Opsite. Attention aux bains chauds ou en cas de fièvre : la vasodilatation accélère la diffusion avec un risque de surdosage.

- Après utilisation, le patch doit être plié en deux puis placé sous un des rabats autocollants du système de récupération fourni dans l'emballage. Le système sera ensuite replié et refermé par la languette adhésive. La pochette ainsi formée, contenant les dispositifs utilisés, ainsi que les éventuels dispositifs non utilisés doivent être retournés à la pharmacie.

À RETENIR

La multiplicité des médicaments contenant seul ou en association du paracétamol doit conduire à la plus grande vigilance lors de la délivrance. Le paracétamol en une prise est toxique à partir de 125 mg/kg chez l'adulte et 100 mg/kg chez l'enfant.

L'intoxication au paracétamol est grave

u À la phase précoce d'un surdosage en paracétamol, le patient est asymptomatique ou présente des manifestations digestives peu intenses. Cette symptomatologie faussement rassurante ne préjuge pas de l'évolution secondaire. Les facteurs pronostiques de l'intoxication sont la dose ingérée et la paracétamolémie interprétée sur des abaques en fonction du délai écoulé depuis l'ingestion.

u L'antidote est la N-acétylcystéine, qui se substitue au glutathion comme donneur de radicaux -SH pour détoxifier le paracétamol. Une administration d'antidote est recommandée en cas de risque possible ou probable d'hépatotoxicité. Le schéma IV est le suivant : Fluimucil IV à 150 mg/kg en 60 minutes en dose de charge, suivi de 50 mg/kg en 4 heures, puis de 100 mg/kg en 16 heures. La voie IV est indispensable en cas de troubles de la conscience, de troubles digestifs ou de prescription conjointe ou précédente de charbon activé. Le schéma per os en 72 heures est efficace, peu coûteux, facilité par la prise avec un jus de fruits, mais limité par les vomissements (le patient doit avaler une quarantaine de sachets de Mucomyst ou équivalent en une prise, puis à posologie dégressive ensuite les jours suivants).

u En cas de coma, la prudence consiste à considérer toute intoxication au paracétamol comme potentiellement grave et à administrer l'antidote. En l'absence de traitement, les formes graves évoluent vers une insuffisance hépatocellulaire et s'accompagnent d'une acidose lactique et/ou d'une insuffisance rénale par tubulopathie, voire du décès (une dizaine de morts par an en France). L'insuffisance hépatocellulaire doit faire discuter l'indication d'une transplantation hépatique, même si la régénération hépatique totale est le plus souvent de règle en quelques semaines.

À RETENIR

Chez les patients traités par antalgiques de palier III, une vérification systématique de l'historique thérapeutique et des doses est nécessaire, surtout en cas de rotation des opioïdes ou de changement de posologie. Les interdoses (ou bolus) des antalgiques de palier III visant à calmer les douleurs aiguës doivent représenter 1/6 à 1/10 de la dose quotidienne d'équivalent-morphine.

ATTENTION

Le pharmacien doit être très attentif aux prescriptions de Codenfan en exigeant une prescription en milligrammes de codéine par prise. La posologie usuelle est de 0,5 mg/kg/prise chez l'enfant avec une prise toutes les 6 heures.

À RETENIR

L'Idarac est contre-indiqué en association avec les bêtabloquants quelle que soit leur voie d'administration.

À RETENIR

Chez un patient sous buprénorphine, les antalgiques de paliers II sont déconseillés. Ceux de palier III sont contre-indiqués.

À RETENIR

L'association de naltrexone aux opiacés antalgiques est susceptible de diminuer leur efficacité. Leur association n'est pas interdite mais déconseillée.

À RETENIR

Les AINS sont formellement contre-indiqués à partir du 6e mois de grossesse. Leur emploi est déconseillé avant sans avis médical justifié. Il faut mettre en garde les jeunes femmes lors de l'achat d'une boîte d'ibuprofène.

Codéine, tramadol et cytochrome P450 2D6

- Métabolisation de la codéine et du tramadol

Chez les Caucasiens, 5 à 10 % de la population ne possède pas de CYP450 2D6. Ces patients sont appelés « métaboliseurs lents ». Parmi les médicaments utilisant cette voie de métabolisation, on trouve la codéine qui n'est active qu'une fois métabolisée en morphine, et le tramadol. Le métabolite du tramadol, qui a une affinité 200 fois supérieure pour les récepteurs morphiniques que le tramadol, ne pourra pas assurer son action antalgique opioïde. Cependant, compte tenu de la pharmacologie mixte particulière du tramadol vis-à-vis d'une part des récepteurs opioïdes mais aussi adrénergiques et sérotoninergiques, un effet antalgique moindre sera néanmoins observé avec ce médicament chez les métaboliseurs lents.

- Les métaboliseurs ultrarapides

Il est à noter qu'entre 1 et 10 % de la population est qualifiée de « métaboliseur ultrarapide » : ces personnes ressentiront tous les effets de la codéine, même à très petites doses, occasionnant parfois des effets indésirables ou de véritables syndromes de surdosage pour des posologies usuelles.

- Le traitement chronique par codéine

En traitement chronique la codéine induit une augmentation des enzymes la métabolisant, ce qui peut conduire à une diminution de son effet analgésique au long cours. Une réévaluation régulière de son efficacité est donc impérative.

À RETENIR

Chez 5 à 10 % des patients, la codéine n'est pas efficace par déficit en une enzyme de métabolisation.

Un antagoniste qui sert d'antidote

La naloxone est un antagoniste compétitif de la morphine et des morphinomimétiques, sans effet agoniste. Elle diminue ou supprime les effets de la morphine : dépression respiratoire, analgésie, euphorie, somnolence, myosis. Le Narcan (naloxone) est indiqué, entre autre, dans le traitement des intoxications par morphinomimétiques. Le chlorhydrate de naloxone est injecté par voie IV et des réinjections sont pratiquées, si nécessaire, jusqu'à normalisation des paramètres (en particulier fréquence respiratoire).

La naloxone ayant une durée d'action assez courte (30 minutes en moyenne par voie IV), le malade doit faire l'objet d'une surveillance générale attentive jusqu'à ce que tout risque de « remorphinisation » ait été écarté (certains opioïdes ont une demi-vie beaucoup plus longue que la naloxone).

ATTENTION

Le rein est le principal organe d'élimination de la morphine. En cas de baisse de la fonction rénale, la posologie doit être adaptée.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !