60 ANS DANS LE RÉTRO - Le Moniteur des Pharmacies n° 2702 du 24/11/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2702 du 24/11/2007
 

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Spécial anniversaire 60 ans de pharmacie

passé

Jacqueline Gavini a quitté sa pharmacie en janvier 2007. A 85 ans, dont 62 passés à l'officine ! Derrière de larges lunettes, le visage est jovial et le regard vif. L'avis, lui, est tranché. « Je vois très mal l'avenir de l'officine, c'est d'ailleurs pour ça que je suis partie. »

L'histoire professionnelle de Jacqueline démarre à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à 23 ans. Sa première prise de fonction la parachute à Ceilhes, 300 habitants, dans l'arrière-pays héraultais. L'officine, petite, est désertée par sa titulaire partie à Paris. Son mari, qui n'est pas pharmacien, tente d'assurer un relais. C'est dans ce condiv que Jacqueline est recrutée comme salariée. « Le mari m'a laissée seule assez vite en me disant : "Vous vous débrouillerez." A l'époque, il n'y avait pas encore beaucoup de produits, ce n'était pas trop compliqué. Mais il y avait des moments cocasses car les gens étaient peu informés et il y avait parfois de la confusion dans l'utilisation de ce que je vendais », se rappelle-t-elle.

L'expérience dure quatre ans. Lorsque la pharmacie est mise en vente, Jacqueline s'en va. Elle débarque à Pérols, bourg de 900 habitants situé près de Montpellier. Nous sommes en 1949. « Franchement, c'était vilain. Quand je suis arrivée, je me suis dit que je n'y resterais pas huit jours. » Jacqueline achète alors une pharmacie « minable et en piteux état » dans la Grand-Rue. Son titulaire était plus préoccupé par son cheval que par ses affaires.

Seule, sans préparateur, Jacqueline se sentait « petite pharmacienne dans une petite pharmacie ». A l'époque, Pérols ne comptait qu'un médecin. « Je ne travaillais pas beaucoup. Côté consommation de médicaments, c'était plutôt basique. On prescrivait peu. J'ai beaucoup galéré. » Jacqueline Gavini, qui a eu cinq enfants, s'en sort avec la droguerie qu'elle a créée à côté et où elle vend cirage, détachant, lessive... A la maison, le soir, elle développe des photos pour ses clients. Cela dure dix ans.

« Le métier a avancé très lentement. On faisait tout ce qu'on pouvait pour contenter les gens. Ce qu'on n'avait pas on allait le chercher à Montpellier. » Entre-temps, la population de Pérols augmente pour atteindre 3 000 habitants au début des années 70. D'autres médecins arrivent. La titulaire veut agrandir et achète près de l'église un local où elle ouvre sa Pharmacie des Olivettes. « Avec l'essor de la population, un autre pharmacien s'est installé. On travaillait en harmonie, c'était plutôt bien. Les représentants aussi étaient vraiment gentils, ils avaient du temps. C'était familial. Maintenant, il y a beaucoup trop de choses, on ne sait plus où l'on en est. »

Aujourd'hui, à Pérols, il y a huit médecins et trois pharmacies, dont une dans le centre commercial tout proche. « Au fil du temps, les ordonnances sont devenues très longues. Les gens aiment prendre des médicaments, ça les rassure. Mais ça va devenir difficile pour eux de se soigner, car on va les faire payer. Beaucoup de médicaments ne sont déjà plus remboursés... »

Lorsque Jacqueline quitte la Pharmacie des Olivettes, début janvier, c'est sans regret. « Je me suis régalée pendant toute cette vie d'officine. J'ai tout assumé. Mais je ne veux pas voir tout ce qui arrive. Je crains que l'officine ne devienne un supermarché où la parapharmacie tiendra une place de plus en plus grande. La parapharmacie n'est pas de la pharmacie, ça ne me plaît pas. Mais les officinaux sont pris au piège. C'est le prix de leur survie. »

Le jour de son départ, il faisait un temps radieux. Jacqueline a tout de suite pensé à la tâche immense qui l'attendait dans le jardin tout aussi grand autour de sa maison. Sa pharmacie ? A peine si elle y retourne pour acheter quelques médicaments.

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