Pharmaciens lobbyistes - Le Moniteur des Pharmacies n° 2700 du 10/11/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2700 du 10/11/2007
 

HÉRAULT

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En lançant le blog http://www.pharmaciensencolere.com, Frédéric Abécassis et Philippe Pistre ne se doutaient sans doute pas que le lobbying deviendrait leur principale activité en 2007 ! Mais ce qui est bon pour défendre la profession est bon pour eux, estiment-ils.

On a tout sacrifié pour ça. » Depuis début 2007, Frédéric Abécassis, pharmacien à Roujan (Hérault), président du syndicat de pharmaciens de son département, et Philippe Pistre, installé à Juvignac, se donnent « à corps perdu » pour Pharmaciensencolere.com. Car ce qui n'était au départ qu'un simple blog est devenu un véritable phénomène dans la profession : 400 à 500 connexions par jour dès son démarrage, le 29 janvier 2007, 12 000 cumulées en un mois, 30 à 40 000 fin mars, près de 91 000 aujourd'hui.

« Casser la baraque ! »

Le « click power » ! C'est grâce à lui qu'une délégation du mouvement a pu être reçue en janvier par la chargée de communication de Nicolas Sarkozy. Il faut dire qu'entre-temps, les officinaux fédérés autour du blog avaient fait « exploser » celui du candidat en le saturant à deux reprises d'un millier de messages. S'ensuivra la lettre du futur Président à la profession, couchant noir sur blanc un certain nombre d'assurances, en particulier concernant le monopole... Depuis la volte-face des « rentes de situation », les connexions quotidiennes ont doublé ! Un millier de pharmaciens se sont enregistrés depuis mi-septembre en apportant un soutien financier, le plus souvent de l'ordre d'une centaine d'euros. Les compteurs ont été remis à zéro avec la version 2 du site, il y a un mois et demi, et, depuis, 14 000 personnes différentes s'étaient connectées au 20 octobre.

C'est dans ce condiv, et avec la perspective du PLFSS 2008 et des municipales, que Frédéric Abécassis et Philippe Pistre décident, en septembre, avec le soutien de leurs « adhérents », de se structurer nationalement. Objectif : 5 000 membres. « C'est une taille critique pour être crédible et pouvoir vraiment lancer des mots d'ordre , estime Frédéric Abécassis. Des appels à la grève ou au boycott, c'est difficile à concevoir tant que nous ne sommes qu'un millier d'inscrits. » « Dans la région, nous sommes désormais contactés par France 3 dès qu'il y a une actualité liée à la profession. Que 5 000 confrères s'inscrivent et apportent leur soutien financier, et on casse la baraque !,lance Philippe Pistre : passage à la télévision, communication aux médias grand public, lobbying renforcé et opérations coup de poing. Regardez ce qu'on a déjà réussi à faire avec 20 000 Euro(s)[1], imaginez avec dix ou vingt fois plus !... »

L'essentiel des coûts a été jusque-là constitué de développements informatiques (environ 70 % du budget) et de déplacements, notamment pour être reçu au ministère de la Santé en janvier, puis par le ministre du Travail à propos de la loi Dutreil ou, il y a un mois, par le conseiller technique à l'Elysée Raphaël Radanne... Et à la mi-novembre, ce sera la commission Attali ! Désormais, toutes les tendances syndicales (et non syndicales) sont représentées parmi la dizaine d'« animateurs » répartis sur le territoire qui secondent les deux fondateurs et parmi les personnes-relais présentes dans chaque département (2). Alors, « simple » lobbying ou politique, voire néosyndicalisme ? « On nous a dit pro-Sarko, anti-Sarko, socialos ou corporatistes de droite, pro-Bayrou puis anti-Bayrou ! s'amuse Philippe Pistre. Par ailleurs, nous ne faisons pas de syndicalisme. Nous sommes juste complémentaires avec tous les syndicats qui font un gros boulot, même si la base n'en est pas toujours consciente. »

Ces « pharmaciens en colère » sont-ils devenus incontrôlables ? « Nous sommes des gens responsables, modère Frédéric Abécassis. Mais personne ne peut nous faire taire... »

Des actions plein les cartons

Le mouvement (appelez-le « blog », « forum », « coordination » ou « collectif » !) a préparé une lettre ouverte au président de la République (qui doit être diffusée au format mp3 à partir du 10 novembre), des projets d'affichage dans les officines... Une opération vient d'être lancée auprès des députés, tous interrogés par e-mail sur leur volonté de maintenir le monopole. « Quand j'aurai 300 réponses favorables, j'écrirai au président de la République pour lui dire que, s'il veut faire passer une loi qui démantèle le monopole, nous avons une majorité contre à l'Assemblée nationale, prévient Frédéric Abécassis. Nous publierons les noms des députés qui se sont prononcés. Histoire de les mettre devant leurs responsabilités en cas de vote au Parlement et de jouer ensuite au "Il a dit, il a menti"... » Si les marges arrière sont supprimées, au 1er janvier, les « pharmaciens en colère » lanceront un mot d'ordre d'arrêt de la substitution, assure-t-il par ailleurs.

Enfin, il y a aussi l'idée d'affichages en 4 par 3 et de communication dans les médias grand public, même si Frédéric Abécassis préfère « ne pas en parler tant que nous n'en avons pas les moyens ».

Débattre entre pharmaciens

Reste que tout fait débat entre nos deux militants. « Nous sommes souvent d'avis contraires mais nous avons beaucoup de respect et d'écoute pour ce que pense l'autre, raconte Philippe Pistre. Du coup, cela crée un équilibre, qu'on retrouve sur le blog, je pense. C'est ce débat d'idées qu'il faut trouver au sein de la profession à un moment décisif de son évolution. » Et c'est là l'autre ambition du blog : faire débattre un maximum de pharmaciens, y compris (surtout ?) sur les sujets chauds. « Ça ne suffit pas de se faire son opinion dans son coin. Il faut accepter de tout entendre, continue-t-il. Et pour cela, le blog est le plus rapide et le plus pratique des outils. Et puis, ce n'est pas donné à tout le monde de prendre un micro lors d'une réunion. Alors que, via Internet, tout peut être dit, sauf si les termes sont diffamants ou insultants, bien entendu. »

Cette forme de « démocratie participative » devrait se traduire par des motions afin de soumettre les meilleures idées proposées sur le site au vote des pharmaciens inscrits. Les modules sont déjà prêts...

Emploi du temps plus que plein

Comment nos deux Héraultais mènent-ils de front cette action avec la gestion de leur officine ? « J'ai un associé en or, explique Frédéric Abécassis. Sinon, je ne pourrais pas. Ainsi mon entreprise n'a pas été pénalisée. Mais des clients me lancent : "Ah, vous êtes toujours là ?" Le comptoir, je vous avoue y être encore surtout le samedi. Sinon, je suis plutôt dans le back-office, avec une quinzaine d'appels par jour pour le syndicat ou le blog... » D'où l'abandon de son poste d'administrateur de la FSPF. L'élu se pose aussi des questions sur son mandat à la tête du syndicat de l'Hérault. « C'est vrai qu'au niveau emploi du temps, nous ne touchons pas terre », acquiesce Philippe Pistre. Au départ, j'ai fait la mise en page du site chez moi sur le logiciel Publisher. Nous voulions une interface simple qui corresponde au mode de pensée du pharmacien, très universitaire et analytique. Un informaticien a ensuite travaillé sur la technique. Il faut aussi modérer les messages laissés sur le blog, jusqu'à 200 par jour. Quant aux articles, nous les rédigeons conjointement avec Frédéric. C'est la figure emblématique du mouvement. »

Honneur que le principal intéressé réfute. En tout cas, ils ne lâcheront pas le blog. « Cela peut conditionner notre avenir et il restera donc essentiel pour moi au moins jusqu'aux municipales », explique Frédéric Abécassis. « Nous ne nous laisserons pas tondre sans nous battre ! Maintenant, le mouvement deviendra ce que les confrères voudront en faire, continue Philippe Pistre. Pour passer la vitesse supérieure dans notre lobbying, nous avons besoin de leur adhésion et de leur soutien. A eux de voir. » « Ceci sans ambition personnelle, insiste Frédéric Abécassis. Je n'ai pas la moindre envie d'apparaître un jour dans la rubrique faits divers comme l'ordre des médecins de Paris », conclut-il en riant.

(1) Dont la moitié financée par le syndicat local.

(2) A l'exception de la Guyane, au 20 octobre

Envie de bloguer ?

les Avantages

- Selon Philippe Pistre, « le blog est un formidable outil de communication que les pharmaciens pourraient utiliser à des fins très diverses dans leur exercice ».

- Toujours selon Philippe Pistre, « utilisé comme outil de communication professionnelle, le blog s'avère être un formidable moyen de lobbying vers l'extérieur, comme une boîte à idées et un espace de débats sans équivalent à l'intérieur de la profession ».

- Pour Frédéric Abécassis, « l'implantation nationale de Pharmaciensencolere.com, avec un relais dans chaque département, permet maintenant une très intéressante centralisation d'informations, y compris sur ce que font les laboratoires ».

les Inconvénients

- « L'idée du blog, où chacun confronte ses idées et se lâche, est semble-t-il une bonne chose, puisque ça marche. En revanche, la multiplication de telles initiatives aboutirait à une dilution de son impact et des idées », estime Philippe Pistre.

- « Un tel investissement peut conduire à des difficultés au plan personnel », ajoute Frédéric Abécassis.

Leurs conseils

- « Confrontez toujours vos idées, et vous vous apercevrez que d'autres ont les mêmes problèmes que vous, qu'ils ont des solutions et que vous pouvez faire évoluer les mentalités », suggère Philippe Pistre.

- « S'il s'agit d'exprimer votre ras-le-bol et vos idées, ne créez pas votre propre blog, rejoignez-nous. L'union fait la force », exhorte-t-il encore.

- « Si vous vous lancez dans une activité aussi dévoreuse de temps et d'énergie, il est nécessaire d'être extrêmement bien organisé à l'officine, d'être bien avec son associé, de ne pas se lancer en période de doute ou de difficulté financière, et d'être stable au plan familial ! », conclut Frédéric Abécassis.

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