Vigilo-dépendantes - Le Moniteur des Pharmacies n° 2693 du 22/09/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2693 du 22/09/2007
 

NANTES

Initiatives

Côté pile, Gaela Cozian et Marylène Guerlais sont pharmaciennes adjointes. Côté face, elles exercent des vacations au Centre d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance (CEIP) au CHU de Nantes. Rencontre.

La routine de l'officine ? Marylène Guerlais et Gaela Cozian - diplômées respectivement en 2005 et 2006 - ne connaissent vraiment pas. Marylène exerce à Rezé, dans la banlieue de Nantes (Loire-Atlantique), et Gaela à Douarnenez (Finistère). Mais, deux à trois demi-journées par semaine, elles changent de décor et « abandonnent » le comptoir pour rejoindre le CHU de Nantes. Plus précisément, les locaux du centre de pharmacodépendance (l'un des dix CEIP existant en France) où elles sont praticiens attachés. Le CEIP de Nantes a en effet la particularité d'être très ouvert aux pharmaciens. La suppléante au chef de service, Caroline Victorri-Vigneau, est elle-même une ancienne officinale.

Mardi, fin de matinée, la réunion hebdomadaire du service s'achève et les deux jeunes femmes n'en finissent pas de parler de détournements médicamenteux... Elles sont particulièrement attentives aux précautions d'emploi des médicaments et à l'affût de nouvelles études ou observations montrant un risque d'abus. Toutes deux ont attrapé le virus de la pharmacodépendance durant leurs études. « J'ai découvert cette activité lors de ma cinquième année hospitalo-universitaire. J'ai fait mon stage dans le service de pharmacologie clinique, qui héberge le CEIP, et j'ai de suite été interpellée par l'intérêt du suivi des patients pharmacodépendants. Je travaillais alors dans une officine fréquentée par de nombreux toxicomanes et je me sentais impuissante vis-à-vis de ces personnes », explique Marylène. Ce n'est donc pas par hasard qu'elle choisit pour sa thèse un sujet qui place le pharmacien d'officine au coeur du système de pharmacodépendance. Quand, dès la fin de ses études, le chef de service (le Pr Pascale Jolliet) lui propose des vacations régulières, Marylène accepte sans hésiter. Même parcours pour Gaela : « J'avais envie de poursuivre le travail effectué lors de ma thèse », résume-t-elle.

Informer, enquêter, évaluer...

Comment aborder le sujet de la pharmacodépendance au comptoir ? Comment mieux connaître les substances à l'origine d'abus médicamenteux ? Comment réduire les risques de détournements ? Autant de questions auxquelles les jeunes pharmaciennes tentent d'apporter des éléments de réponse. Le réseau français des CEIP, coordonné par l'Afssaps, est notamment chargé de recueillir les cas d'abus et de dépendance liés à tout médicament ou plante. Au quotidien, il s'agit d'évaluer les risques mais aussi de mettre en place des mesures de prévention, de former et d'informer les professionnels de santé. « Une partie de notre travail consiste à répondre aux questions posées par les pharmaciens et les médecins, mais nos missions vont bien au-delà », note Marylène. Plus concrètement, Gaela et Marylène ont chacune la responsabilité d'un travail d'enquête. Pour Gaela, il s'agit de recueillir toutes les ordonnances suspectes collectées par un réseau de 80 pharmaciens sentinelles. Le CEIP de Toulouse, qui coordonne cette enquête nationale, doit évaluer précisément les taux de détournement. Quant à Marylène, elle réalise pour la Région des Pays de la Loire l'enquête nationale annuelle auprès de la Commission de la santé et de la sécurité au travail. Avec la perspective de détecter des nouvelles substances faisant l'objet d'abus et de préciser l'évolution des modes de consommation.

Le lien entre CEIP et la pratique officinale est évident ! Le CEIP de Nantes participe même à la formation des étudiants en matière de pharmacodépendance. Il a mis cette année en ligne une formation (par le biais du site Internet de l'université) à destination des maîtres de stage. « Nous essayons de donner aux officinaux les clés pour repérer une pharmacodépendance », rapporte Gaela. Des officinaux qui, rappelons-le, ont l'obligation de déclarer les cas d'abus ou de pharmacodépendance graves.

De la théorie à la pratique officinale

Fortes de leur expérience au CEIP, Marylène et Gaela savent parfaitement détecter une ordonnance suspecte. « Au moindre signe d'abus ou de dépendance, on va plus facilement dialoguer avec les patients », détaille Gaela. Aborder un sujet délicat avec des patients parfois « difficiles » ne leur pose aucun problème. « Nous avons certainement une image plus juste des patients pharmacodépendants, mais il ne faut pas entrer dans le piège de la caricature », précise Marylène.

La prévention fait aussi partie des priorités de la lutte contre la dépendance. Les deux adjointes n'hésitent pas à attirer l'attention des patients qui présentent pour la première fois une ordonnance de benzodiazépines ou de psychotropes. Et tous leurs collègues à la pharmacie sont sensibilisés à la pharmacodépendance, comme à la pharmacovigilance. Dans leurs officines respectives, le réflexe de notification est acquis, avec un classeur dédié aux fiches. Car elles le savent, le « retour terrain » est indispensable. « Il faut rester vigilant par rapport à tous les médicaments, il n'y a pas que les psychotropes, les opiacés et les médicaments d'aide au sevrage des toxicomanies qui peuvent induire des abus. Au décours d'une enquête, nous avons découvert le cas d'une personne qui prenait un bêtabloquant, à raison de 40 comprimés par jour ! », rapporte Gaela.

De la pharmacodépendance à la pharmacie clinique

Particulièrement impliquée dans le suivi des toxicomanes, Marylène a quant à elle des contacts privilégiés avec le réseau Toxicomanie de Nantes qu'elle n'hésite pas à solliciter si besoin durant son exercice à l'officine. L'activité de Marylène et Gaela au CEIP ne s'arrête pas à la pharmacodépendance et leur a ouvert le champ de la pharmacologie clinique. « Nous sommes, de fait, au courant de toute l'actualité médicamenteuse », note Marylène. Et l'avenir ? Se conjuguera-t-il sur le mode officinal ou sur celui de la pharmacodépendance ? Nul ne le sait. Mais pour elles, une chose est sûre, elles ont trouvé dans leurs activités à l'hôpital un réel équilibre. Au profit de la qualité de la délivrance au comptoir.

Envie d'essayer ?

Les plus

- Savoir repérer sans hésiter une ordonnance suspecte (médicaments détournés).

- Connaître les principaux signes témoignant d'un abus de médicaments.

- Orienter efficacement les patients pharmacodépendants.

- Aborder librement le sujet de la dépendance au comptoir.

- Avoir des relations privilégiées avec le CEIP (il existe des officines sentinelles).

- Obtenir de la part du CEIP des réponses et des conseils à partir de cas concrets.

- Participer à la lutte contre la drogue et les toxicomanies.

Les moins

- Se former prend du temps. Mais il faut avoir les clés du dialogue pour aborder les patients sur le sujet de la dépendance. Sans pour autant qu'ils se sentent « démasqués » ou montrés du doigt.

- Toute l'équipe doit être sensibilisée pour mettre en place un réel système de notification.

Les conseils de Gaela et Marylène

- « Prendre l'habitude d'appeler le CEIP au moindre doute de dépendance (coordonnées disponibles sur le site http://www.centres-pharmacodépendance.net). »

- « Notifier systématiquement les cas d'abus et de pharmacodépendance au CEIP de votre région. Soit sur papier libre, soit sur une fiche provisoire de notification disponible sur le site de l'Afssaps (http://www.agmed.gouv.fr) ou sur celui des centres de pharmacodépendance. »

- « Eviter de tomber dans le piège de la caricature des patients dépendants pour ouvrir un dialogue constructif. »

- « Oser aborder le problème de la dépendance pour des médicaments courants telles les benzodiazépines. »

- « Ne jamais être intrusif en cas de suspicion d'abus, l'objectif est de faire comprendre au patient qu'il met sa santé en danger, que le pharmacien peut l'orienter vers des structures d'aide. »

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


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