Préparation non grata - Le Moniteur des Pharmacies n° 2693 du 22/09/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2693 du 22/09/2007
 

L'ÉVÉNEMENT

Actualité

Les préparations déremboursées ! C'est en substance, selon la FSPF, ce qui ressort des instructions d'une circulaire CNAM publiée cet été. D'où la consigne donnée il y a une semaine par le syndicat à ses adhérents de ne plus pratiquer le tiers payant pour les préparations. Explications.

Avez-vous été informé par votre caisse primaire des nouvelles règles de prise en charge des préparations ? Non ? Elle aurait dû. Du moins, c'est l'instruction qui a été donnée aux CPAM dans la circulaire CNAM 37/2007*. Une circulaire sortie au beau milieu du mois d'août, censée définir les contours exacts du remboursement des préparations. Sa publication était prévue en application de deux divs réglementaires (décret 2006-1498 publié au Journal officiel du 1er décembre 2006 et arrêté qui a suivi). Le problème ? Elle n'était pas attendue avant la rentrée, la concertation avec les pharmaciens n'étant pas terminée...

« Plus rien n'entre dans le cadre », estime Dominique Martin-Privat, présidente de la Société des officinaux sous-traitant des préparations. Alain Jayne, membre du bureau de la FSPF et ancien titulaire d'une officine spécialisée dans la sous-traitance, ne mâche pas ses mots : « L'Assurance maladie n'a pas la franchise d'annoncer qu'elle ne rembourse plus les préparations magistrales. » Pas de doute pour la FSPF, « l'orientation donnée à cette circulaire et à ses annexes témoigne de la volonté de l'Assurance maladie d'aborder la question du remboursement des préparations magistrales uniquement sous un angle contentieux ». De fait, la circulaire CNAM donne une lecture extrêmement restrictive des divs officiellement publiés et ses annexes indiquent, notamment sous forme d'arbre décisionnel, vers qui orienter le contrôle en cas de demande de remboursement jugé indu (voir ci-dessus).

Restriction extrême

D'entrée, la circulaire ne rembourse pas les préparations magistrales préparées en série ou à l'avance. Elle refuse aussi la prise en charge des préparations officinales fournies par des sous-traitants ainsi que toutes les préparations officinales divisées (POD) fabriquées industriellement par les laboratoires. En clair, un glycérolé d'amidon, une pommade oléocalcaire ou l'alcool à 70° modifié ne seront remboursés que s'ils sont fabriqués et délivrés par la même officine. Pourquoi ces décisions, dans la mesure où les bonnes pratiques sont respectées et que les préparations officinales sont conformes au Formulaire national (critère indispensable au remboursement) ?

« La CNAM a voulu mettre un terme au remboursement sur prescription de produits fabriqués par certains laboratoires, notamment des excipients à visée cosmétique », juge Frédéric Pissot, titulaire à Paris et représentant de l'UNPF lors des échanges avec la CNAM. Voilà aussi pourquoi le pharmacien n'est donc censé facturer à l'Assurance maladie que les principes actifs, l'excipient se retrouvant exclu du remboursement, sauf s'il est à usage thérapeutique... C'est-à-dire ? Dominique Martin-Privat reste perplexe : « L'excipient fait partie intégrante de l'action d'un actif puisqu'il permet de le véhiculer. La preuve : dans les préparations dermatologiques il diffère selon le type et l'endroit de la lésion... »

Passer entre les mailles du filet des conditions de remboursement devient une véritable prouesse. Outre les exigences en matière d'excipient, du lieu et du moment de fabrication, quatre catégories de préparations sont laissées pour compte :

- Celles pour lesquelles il existe des spécialités équivalentes.

- Celles se substituant à une spécialité à SMR insuffisant ou à une spécialité remboursable.

- Celles réalisées à partir d'oligoéléments.

- Celles réalisées à partir de plantes et de préparations de plantes.

Adieu donc, le remboursement des SIPF, de l'aromathérapie et des teintures mères (alors que ces dernières sont pour la plupart vignetées). « On ne prend pas en compte l'efficacité des huiles essentielles », estime Dominique Martin-Privat. « La CNAM montre sa volonté de ne rembourser que la médecine basée sur des études cliniques de grande envergure », analyse Frédéric Pissot. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas mettre les préparations homéopathiques au même rang que la phytothérapie ? Leur prise en charge a, au passage, été réduite à 35 %, « PMH » devant figurer sur la tarification. La préparation prescrite ne fait pas partie des catégories citées ci-dessus ? Tant mieux ! Mais elle ne sera remboursée que si elle répond avec succès aux quatre critères suivants :

- Une visée thérapeutique (les préparations diététiques et cosmétiques étant directement visées).

- Il n'existe pas de spécialités (pas forcément équivalentes) ou d'ATU ayant le même usage thérapeutique. Le pharmacien est donc censé mener ses vérifications jusqu'aux produits sous ATU (en se référant au site Internet de l'Afssaps, notamment) !

- Ses matières premières doivent être inscrites et conformes à la Pharmacopée.

- Elle ne doit pas entraîner des dépenses injustifiées pour l'assurance maladie.

Ce dernier critère concerne tous les produits représentant une place mineure dans la stratégie thérapeutique (association d'un corticoïde et d'un antiseptique en dermatologie...). Pire, les préparations destinées à traiter des affections sans caractère habituel de gravité sont aussi refoulées par la CNAM ! « Allez dire à quelqu'un atteint de psoriasis que sa préparation dermatologique n'est pas remboursée car sa maladie, non mortelle, n'est pas jugée grave par l'administration ! », s'insurge Dominique Martin-Privat.

Des mentions sur l'ordonnance

Le médecin doit apposer sur l'ordonnance la mention « Prescription à but thérapeutique en l'absence de spécialités équivalentes » pour permettre toute prise en charge. Cependant, ce sésame n'ouvre pas les mannes du remboursement automatiquement. Il doit en principe être réévalué par le pharmacien.

Exercice pratique : un patient souffrant de verrues présente une prescription de pommade à l'acide salicylique à 50 %. La formule n'est pas inscrite au Formulaire national (qui valide 30 % d'acide salicylique) mais les actifs sont conformes à la Pharmacopée. La préparation entre donc dans le cadre de la PM remboursée. Sauf qu'il existe une spécialité non remboursée répondant au même usage thérapeutique (pommade Cochon) ! Un autre exemple ? « Erythromycine 2 g + glycérine 5 g + Excipial Hydrocrème » : cette formule est elle aussi recalée à l'examen du remboursement. En théorie, si l'excipent n'est pas pris en charge, les autres actifs devraient l'être. C'est sans prendre en compte l'existence de spécialités comme Eryacné ou Erythrogel, qui auraient dû être proposées au patient, même si leurs excipients diffèrent de la prescription.

Plus de tiers payant

Seules les préparations à visée pédiatrique auraient la clémence de la CNAM. Fabien Bruneau, de la Pharmacie Delpech à Paris, reste confiant : « La CNAM a toujours joué le jeu et a conscience de l'intérêt de ces préparations. Il est même prévu d'inscrire certains préparations pédiatriques hospitalières au Formulaire national. » Néanmoins, la circulaire renvoie au site de l'Afssaps qui donne la liste des préparations pédiatriques pouvant être remplacées par les spécialités.

Bref, l'ensemble des restrictions est drastique. Conséquence, la FSPF vient de communiquer auprès des présidents des syndicats la consigne de ne plus effectuer de tiers payant pour les préparations. Sous peine pour les pharmaciens d'en être de leur poche.

« Il y a sans doute une volonté de se débarrasser d'un dossier encombrant et sensible », analyse Alain Jayne. Mais les nouvelles consignes changeront-elles grand-chose sur le terrain ? Une chose est sûre, le pharmacien ne pourra plus mettre la mention « PMR » sans se poser de questions. Les CPAM auront-elles vraiment les moyens de vérifier ? Au final, il s'agit pour elles d'économiser 120 millions d'euros chaque année (coût contesté par la profession mais publié dans le rapport Deloménie). Le dossier n'est pas clos. D'autant que le Guide de bonnes pratiques de préparations est en cours de finalisation.

* La circulaire de la CNAM renvoie aux sites Internet donnant le contenu de la « Pharmacopée européenne » (http://www.edqm.eu/medias/fichiers /f_index_5th_5_8.pdf), de la « Pharmacopée française » (http://afssaps. sante.fr/htm/pharma/indpharm.htm) et du Formulaire national (http://afssaps.sante.fr/htm/pharma/indpharm.htm, rubrique « Que trouver dans la Pharmacopée française »).

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