Nicolas Sarkozy provoque une réaction en chaîne - Le Moniteur des Pharmacies n° 2692 du 15/09/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2692 du 15/09/2007
 

L'ÉVÉNEMENT

Actualité

L'été fut pourri, le temps est maintenant orageux. Les propos de Nicolas Sarkozy, qui a taxé l'officine de « rente de situation », déclenchent un torrent de réactions. Comment, sur le terrain, vivez-vous cette sortie présidentielle ? Nous vous avons tendu le micro.

On avait entendu un candidat à la présidentielle rétorquer à son adversaire qu'il n'avait pas le monopole du coeur. Verra-t-on un chef de l'Etat annoncer aux pharmaciens qu'ils n'ont plus le monopole du tout ? La semaine dernière, éberlué par le discours de Nicolas Sarkozy lors de l'installation de la « commission pour la libération de la croissance », Jean-Pierre Lamothe, vice-président de la FSPF, nous avouait avoir été « choqué ». Il n'est pas le seul. Hélène Roy, présidente du syndicat de Côte-d'Or, s'est fendu d'un courrier au Président : « Les enjeux auxquels la France doit faire face méritent mieux que des propos d'estrade. [...] Profondément blessés par vos propos et sans revenir sur certaines propositions de la campagne électorale, nous attendons très rapidement un démenti. » Claude Japhet, président de l'UNPF, a quant à lui été reçu mardi par le conseiller du Président en charge de la santé. Pour s'entendre dire que, face au problème de croissance, « l'ensemble des secteurs se devait de participer à l'effort ». « Si on n'est pas dans cette mouvance il y aura un couac. Soit on le fait et on gagne les marchés de demain, soit on les perdra comme on en a déjà perdu, analyse Claude Japhet. L'évolution de la profession est aujourd'hui urgente, au risque de se voir imposer des modèles ultralibéraux inacceptables. » Gilles Bonnefond, secrétaire général de l'USPO, renchérit : « Le discours du candidat et du Président sont diamétralement opposés. En outre, je ne pense pas que l'on relancera l'économie en déstabilisant le réseau. Cela va seulement mettre 23 000 pharmaciens en colère. »

Sont-ils vraiment en colère, ces pharmaciens, ou offrent-ils le bénéfice du doute à Nicolas Sarkozy ? Les avis semblent partagés. « S'attaquer au monopole, ce n'est pas envisageable. C'est une phrase qui a sans doute été lancée un peu vite, commente le pharmacien d'un village du Finistère Sud. Je reste inquiet, mais c'est de la politique, c'est toujours un peu provocateur. Cela étant, on se dit que les GMS sont derrière. » Avis que ne partage pas Michèle Briard, à Stains (Seine-Saint-Denis) : « Ces propos me choquent beaucoup. On va aller vers de grosses structures puis des chaînes. » « Il est trop tôt pour en juger. On touchera sans doute au monopole dans 10 ans, pas maintenant, estime Christine Lavirotte, installée à Lyon (Rhône). En attendant, on va attaquer notre marge. »

Dans la mouvance de Bruxelles ?

D'autres pharmaciens pensent au contraire qu'on est loin d'une formule à l'emporte-pièce de la part de Nicolas Sarkozy. Comme Christophe Cuvelle, titulaire en centre commercial à Saint-Etienne (Loire) : « Je ne suis pas du tout surpris. On savait qu'il était le grand ami de Leclerc. On va tout droit à l'ouverture du capital et aux chaînes. J'ai voté pour lui en me doutant qu'il y aurait un retour de bâton. Le voilà... » « Je ne trouve pas que notre métier soit si menacé », nuance Christine Hébrard, installée à Royère-de-Vassivière (Creuse). « Cela fait 50 ans qu'on nous casse du sucre sur le dos et, à chaque fois, la profession a su s'adapter. Je réfute la notion de profession protégée. Semi-protégée serait plus exact », précise-t-elle non sans ironie.

Pour Noëlle Davoust, titulaire à Rennes (Ille-et-Vilaine), « si notre Président pense que l'officine peut trouver sa place dans un cadre ultralibéral c'est qu'il n'a rien compris à notre métier ». « Il y a des promesses qui rendent les fous joyeux, je n'en étais pas, renchérit Jean-Marc Chavoix, installé à Toulouse (Haute-Garonne). Nous sommes ici face à une réelle menace compte tenu du poids croissant de l'Europe, additionné au côté ultralibéral de Nicolas Sarkozy. Mais c'est quand même fort de café. Nous sommes la seule profession qui tient ses engagements en faisant faire 600 millions d'euros d'économies à la Sécu... »

Quelle capacité de mobilisation ?

Les officinaux seraient-ils prêts à se mobiliser ? « Nous préférons soigner les gens plutôt qu'être dans la rue », constate laconiquement notre officinal finistérien. Christophe Cuvelle, lui, est prêt à aller dans la rue et à baisser son rideau. « Moi aussi je serais prête à le faire, mais pour être crédibles, nous devons tous nous mobiliser », fait remarquer Christine Hébrard. Noëlle Davoust est plus pessimiste. « Notre gros problème, c'est notre individualisme. » Jean-Marc Chavoix serait aussi prêt à se mobiliser, tout en faisant des propositions constructives : « Proposons nous-mêmes une évolution de notre rémunération. Non pas en fonction des boîtes vendues. Il faut passer au paiement à l'acte. Nous avons été trop attentistes. Il ne nous reste qu'à sensibiliser l'opinion publique. »

Pharmacienenscolere.com reprend du service

C'est justement sur l'opinion publique que compte s'appuyer Pharmaciensencolère.com pour réagir. Ce mouvement issu d'un blog, créé à l'initiative du syndicat des pharmaciens de l'Hérault (FSPF) début 2007, mais se voulant hors de toute mouvance syndicale, était devenu un phénomène au moment de la présidentielle. Au point d'être reçu par le candidat Sarkozy... qui lui avait exprimé son attachement aux règles en vigueur. Eh bien, le blog reprend du service avec un millier de visites par jour, à en croire Philippe Pistre, porte-parole du mouvement. « Nous avons doublé les entrées. Non seulement les confrères sont très en colère, mais ils veulent agir. Nous nous structurons pour avoir une assise nationale et influer sur les élus en vue du PLFSS. Nous ne sommes pas là pour créer ou concurrencer un syndicat, mais pour les appuyer. » Il reste que le mouvement va appeler les pharmaciens « à la mobilisation générale » : « Nous comptons pousser les confrères à communiquer auprès des clients, d'abord sous forme d'une lettre à diffuser, pour casser notre image de nantis. Et pour expliquer ce que Nicolas Sarkozy veut faire. Sur les danger de l'ultralibéralisme appliqué à la santé. Nous sommes pratiquement le seul pays sans contrefaçons, par exemple. Alors que le Président se positionne sur le système de soins : veut-il un système à l'américaine ? »

Le libéralisme appliqué à la santé a ses défenseurs. Tel François Sestier, titulaire à Vitry-le-François (Marne) : « Il faut arrêter avec l'attentisme et les couplets antilibéraux. La pharmacie n'a pas changé depuis 1950. Regardez ce qui s'est passé dans d'autres commerces comme les opticiens : ça bouge. L'immobilisme ne profitera à personne. »

Alors, la profession a-t-elle jusque-là bénéficié d'une « rente de situation », comme le pense Nicolas Sarkozy ? « Oui, elle a peut-être jadis bénéficié de protectionnisme, répond Christophe Cuvelle. Mais je suis titulaire depuis 20 ans et je n'ai pas connu ce qu'ont connu nos anciens. Juste des baisses de marge. Maintenant, je me demande ce que vaudront nos fonds et ce qui restera pour la retraite. » « La rente de situation, elle a existé, concède aussi Jean-Marc Chavoix. D'ailleurs, certains confrères doivent admettre qu'on ne peut plus se permettre de tenir une officine sans y être tout le temps Les jeunes l'ont compris, or ce sont eux qui vont payer l'addition ! »

En tout cas, l'officine semble condamnée à une véritable mutation, pour ne pas parler de restructuration. Qu'elle le veuille ou non. Elle aura donc intérêt à être proactive. L'UNPF transmettra d'ailleurs prochainement un ensemble de propositions à la présidence.

en direct du Net

Enquête flash*

Pensez-vous que Nicolas Sarkozy remettra en cause le monopole pharmaceutique ?

Oui

74,16 %

Non

25,84 %

Paroles de bloggeurs

"Seuls les pharmaciens naïfs croient que Nicolas Sarkozy et Roselyne Bachelot veulent les défendre.

"Pourquoi avoir voté à 80 % pour Nicolas Sarkozy alors que tout cela était prévu ? Cela s'appelle se tirer une balle dans le pied. Et maintenant il faut assumer.

"Notre Président maîtrise les rapports de force et il a bien pris la mesure de la faiblesse de notre corporation.

"C'est une mise en danger des malades.

"Pourquoi croyez-vous que l'Ordre a lancé le dossier pharmaceutique ? Pour avoir un argument pour conserver le monopole.

"Lorsque le monopole sera brisé et la libre concurrence installée, les prix baisseront... dans un premier temps. Puis, après avoir écrasé tout le monde, les hypermarchés les remonteront bien haut.

"Le Président est sous l'influence des multinationales et elles auront gain de cause. Si nous ne voulons pas devenir des caissiers de grandes surfaces, il faut nous manifester et prouver que seul notre monopole peut garantir un acte pharmaceutique de qualité [...]. Les pharmaciens, par leur indépendance et leur transversalité, sont les garants de la qualité du système de santé français. Dans la volonté actuelle de diminution du coût des soins, la perte du monopole serait une catastrophe à terme pour la pérennité de notre système de santé. Si Nicolas Sarkozy met fin au monopole pharmaceutique français, il supprime le verrou de sécurité que constitue le contrôle pharmaceutique. L'industrie a déjà actuellement trop d'influence négative sur la qualité des soins médicaux dans le monde. S'il donne raison aux géants de l'industrie pharmaceutique, nous pouvons conclure tout simplement que notre Président préfère assurer son prestige au détriment de la qualité du système de soin français !

"Comme d'habitude, la profession part battue d'avance. S'il y a perte du monopole et instauration du forfait, les fonds de pharmacie ne vaudront plus que 60 % du CA. Candidats à l'installation, titulaires actuels, [...] demandons à nos représentants de défendre notre savoir-faire devant les politiques et de proposer de redéfinir l'acte pharmaceutique [...]. Justifions notre monopole devant les politiques !

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