Accompagner les patients en fin de vie - Le Moniteur des Pharmacies n° 2691 du 08/09/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2691 du 08/09/2007
 

MONTPELLIER

Initiatives

Comment faciliter le quotidien d'un patient atteint d'un cancer et qui choisit de mourir à son domicile ? Comment aider les familles sur le plan logistique et psychologique ? Elisabeth Cailly, titulaire à Montpellier, l'a appris en retournant sur les bancs de la faculté de pharmacie où elle s'est formée aux spécificités du MAD et de l'oncologie et en intégrant un réseau.

Elisabeth Cailly exerce dans une pharmacie créée il y a quarante-deux ans par son grand-père au Petit Bard, un quartier de l'ouest de Montpellier (Hérault), puis transférée à deux pas, sur l'avenue de Lodève. Dans ce quartier cosmopolite, plutôt défavorisé, le rôle de proximité de cette professionnelle a pris tout son sens, quitte à s'investir dans le social depuis son comptoir. « Aider des clients qui ne savent pas remplir leur feuille de chômage, ça n'a rien à voir avec la pharmacie, c'est sûr. Mais je le fais aussi et cela crée des liens. »

Après plusieurs cas de décès de patients cancéreux dans des conditions difficiles, Elisabeth Cailly décide d'intégrer le réseau Pharmasoins, créé en 2002 à Montpellier, pour ne plus laisser des patients de son quartier seuls chez eux face à la maladie. « Quand on a reçu un client pendant quinze ans dans son officine et que l'on a suivi l'évolution de sa maladie, ce n'est pas supportable de savoir qu'il est parti dans des conditions lamentables. C'est aussi notre rôle d'être à ses côtés dans ces moments-là. »

La titulaire met ainsi en application les deux diplômes qu'elles a obtenus en retournant sur les bancs de la faculté de pharmacie. En 2000, celui de MAD lui a permis de se familiariser avec les appareillages et leurs différents modes d'utilisation (lits, matelas, pieds à perfusion, coussins...). La formation dura un an à raison de deux à trois jours par mois. Dans la foulée, en 2001, elle obtient un diplôme d'oncologie après avoir suivi des cours durant une semaine par mois pendant un an. « Dans ce type de maladie, il y a des traitements et un matériel spécifiques. Il y a aussi des effets secondaires. Si l'on ne sait rien de tout ça, comment peut-on aider le patient ? ». Elisabeth Cailly apprend à connaître les nouveaux médicaments testés à l'hôpital, leur mode de délivrance, le matériel associé, l'utilisation des chambres implantables, les conséquences de la chimiothérapie... « Ce sont des pathologies particulières, avec des gastrostomies, une nutrition parentérale, etc. On se forme également sur les repas protéinés ou hyperprotéinés, ce qu'il faut faire s'il y a des réactions de type diarrhées. »

Efficacité accrue par le réseau

Les premières coopérations de la pharmacienne avec l'hôpital ont débuté avec le centre de recherche et de soins anticancéreux du Val d'Aurelle, à Montpellier, lequel venait de mettre en place un système d'hospitalisation à domicile. « Ils nous ont contactés à l'époque pour une patiente condamnée qui habitait dans le quartier. Ils souhaitaient savoir si nous étions capables de la prendre en charge », raconte Elisabeth Cailly, qui accepte et participe dès lors aux réunions avec le corps médical (le médecin du centre anticancéreux, les infirmières, le généraliste, le kinésithérapeute, l'auxiliaire de vie). « La pathologie nous a été expliquée avec l'ensemble des risques qu'elle présentait. Nous nous sommes tous mis d'accord sur ce que nous devions faire. L'idée étant d'éviter au maximum une réhospitalisation. » La pharmacie s'organise aussi pour avoir en stock les médicaments et le matériel adéquat. « Le centre anticancéreux de Val d'Aurelle nous a conseillés au départ sur tout ce qu'il fallait détenir », explique la pharmacienne. Des aiguilles de Hubert pour remplacer celles qui se cassent, de l'héparine, des poches, différents types de sondes... « C'est aussi le matériel de l'infirmière. Elle sait qu'elle l'aura à disposition chez nous. Le plus important, ce sont les morphiniques. Nous les avons quasiment tous. »

Une assistance à tous les niveaux

Dans cette officine, la collaboration avec les différents acteurs de la chaîne de soins se double d'une assistance au chevet du patient : installer un lit médical, ranger celui qu'il remplace, prendre des mesures pour livrer la bonne chaise, expliquer l'oxygénothérapie sans se contenter de déposer le matériel, régler un problème de prise électrique ou d'alèse, livrer des médicaments ou les préparer pour l'infirmière afin d'agir le plus rapidement possible et éviter les souffrances, apporter les produits qui manquent, voire faire les courses si nécessaire ou s'assurer que la demande d'ALD permettant la prise en charge à 100 % a été faite. « C'est important de bien installer les gens, de soulager les familles lorsqu'elles sont dépassées, n'arrivent pas à gérer la situation ou paniquent. Il nous arrive de passer trois ou quatre fois par jour. C'est aussi notre rôle d'être là. Il faut le faire avec psychologie. Il y a ceux qui veulent être accompagnés, rassurés, et ceux qui ne supportent pas, alors on s'adapte. »

L'hospitalisation à domicile du Val d'Aurelle a cessé de fonctionner il y a six mois, mais, le cas échéant, le centre anticancéreux sait que la pharmacienne travaille avec les médecins de ville et les infirmières du quartier dont l'une a l'expérience des soins palliatifs. Pour le dernier cas, c'est le médecin de famille qui a appelé, le réseau s'est mis en place, une réunion a permis de caler les actions à venir.

L'équipe officinale sensibilisée

« Si le généraliste n'est pas très au courant, on fait le maximum grâce au miniréseau organisé avec l'infirmière en contact avec le cancérologue. Mais on le fait quand les patients ou leur famille sont demandeurs », précise la titulaire. L'équipe de la pharmacie, dans son ensemble, a été sensibilisée, la secrétaire est formée, les préparateurs livrent, si besoin, le matériel paramédical. « J'ai expliqué à mon équipe comment je concevais le métier, je l'ai formée différemment. » L'associé d'Elisabeth Cailly, qui a le même profil, proche des gens et très social, est engagé comme elle dans le réseau et a suivi les mêmes formations. « Cela nous permet d'aider au maximum les médecins et les infirmières. Et à deux, on peut se relayer. Nous nous sommes organisés entre nous pour assurer des tours de garde les samedis après-midi, ce qui nous permet aussi de préserver un peu notre vie de famille. »

Elisabeth Cailly retournera bientôt à la faculté pour une mise à jour de ses connaissances. « Faire les choses avec le coeur cela ne suffit pas. Tout évolue très vite dans le domaine du cancer, et il faut pouvoir rectifier le tir à tout moment, lorsqu'un traitement doit être changé, lorsque surgit un problème technique. » La pharmacienne a également appris dans d'autres langues les mots nécessaires à l'observance des traitements. Dans le quartier cosmopolite où elle travaille depuis 20 ans, cela fait aussi partie de son métier, estime-t-elle.

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Les avantages

- Avoir le sentiment de faire du bon travail en assumant pleinement son métier en tant qu'acteur du système de soins.

- Etablir des contacts avec les autres professionnels de santé et entretenir un rapport moins compartimenté avec le corps médical.

- C'est une voie pour continuer d'exercer sa profession avec humanité en aidant concrètement des gens en difficulté.

Les difficultés

- Cet engagement nécessite beaucoup de temps et d'énergie.

- Il n'y a pas suffisamment de réseaux pour travailler plus, ensemble.

- Le corps médical fait ce qu'il peut, mais il est débordé.

- Les problèmes administratifs auxquels il faut faire face sont assez fréquents.

- La nécessité de passer par le médecin traitant pour obtenir une ordonnance sécurisée alors qu'il faut délivrer le médicament au plus tôt au patient.

- Les professionnels de santé ne veulent pas tous s'investir. Il faut faire tomber certaines réticences.

Les conseils d'Elisabeth Cailly

- « Se former est primordial, notamment sur tout ce qui concerne le matériel particulier (chambre implantable, sets spécifiques...). Parfois on se trompe parce qu'on ne le connaît pas. »

- « Se réunir pour former un réseau avec les gens du quartier ou du village afin de mettre en place cette aide de manière formelle et faire en sorte qu'elle fonctionne. »

- « Former ses adjoints sur certaines spécificités (par exemple le MAD), ou les informer de votre démarche. »

- « Essayer d'avoir des relations avec l'hôpital qui a soigné le patient. »

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