Infection par le VIH - Le Moniteur des Pharmacies n° 2688 du 21/07/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2688 du 21/07/2007
 

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Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

une prescription à la loupe

Une patiente africaine séropositive

Ce que vous savez de la patiente

- Il y a six mois, Mme T., originaire d'Afrique subsaharienne et âgée de 30 ans, a été hospitalisée dans le service des maladies infectieuses suite à une pneumopathie résistante à l'amoxicilline.

Lors de son hospitalisation, une pneumocystose et une infection à Cytomégalovirus ont été diagnostiquées et prises en charge. Parallèlement, une sérologie VIH a été effectuée et s'est avérée positive. Un traitement antirétroviral a été instauré. Mme T. le tolère apparemment bien. La prescription hospitalière avec laquelle elle vient à l'officine a déjà été délivrée le mois dernier. Il s'agit donc du premier renouvellement.

Ce dont la patiente se plaint

- Mme T. souffre de constipation chronique depuis de nombreuses années et prend de temps en temps des laxatifs osmotiques. Elle sait qu'elle doit enrichir son alimentation en fibres, boire 1,5 à 2 l d'eau par jour et faire quotidiennement de la marche.

Ce que le médecin lui a dit

- La constipation dont elle se plaint n'est pas liée à son traitement. Elle peut épisodiquement continuer à prendre son laxatif osmotique. Ses résultats biologiques sont bons. Malgré tout, mieux vaut continuer le traitement antibiotique par sécurité. Sa poursuite sera réévaluée à la prochaine consultation.

Ses analyses biologiques

u Après plus de six mois de thérapie antirétrovirale, la charge virale de Mme T. est désormais inférieure

à 50 copies/ml et son nombre de lymphocytes CD4 est supérieur à 500 unités/mm3.

Détection des interactions

Cette ordonnance ne comporte pas d'interaction médicamenteuse.

Analyse des posologies

Les posologies de l'ordonnance sont correctes. Mais une nouvelle forme galénique de Kaletra a été mise sur le marché en septembre 2006 pour remplacer peu à peu (d'ici fin août 2007) la forme en capsules. Il s'agit de comprimés pelliculés à 200 mg/50 mg alors que les capsules molles sont dosées à 133,3 mg/33,3 mg. Or, ce sont justement les comprimés qui sont livrés par le grossiste-répartiteur. Cela nécessite donc une adaptation posologique.

Avis pharmaceutique

Validité de l'ordonnance

Combivir et Kaletra sont deux spécialités à prescription initiale hospitalière (PIH) annuelle. La prescription de Mme T. émane bien d'un hôpital.

Objectifs thérapeutiques

- L'infection à VIH est dépistée par deux tests de diagnostic : le double test ELISA, confirmé par le test Western-Blot. Ces tests ne sont pas prédictifs de l'évolution de la maladie.

- Il existe deux marqueurs de suivi, le taux de CD4 et la charge virale.

- Le taux de CD4 témoigne de l'état immunitaire et est prédictif de l'évolution clinique : un taux inférieur à 200 unités/mm3 révèle un mauvais état immunitaire.

- La charge virale est le témoin de la réplication virale : une charge virale inférieure à 400 copies/ml est le signe d'une amélioration significative de l'état du patient et une charge virale inférieur à 50 copies/ml signifie que le virus est indétectable.

- L'instauration du traitement antirétroviral repose sur le taux de CD4.

- L'objectif thérapeutique est de diminuer la morbidité et la mortalité en restaurant un nombre de lymphocytes CD4 supérieur à 500 unités/mm3, ce qui est possible grâce à une réduction de la réplication virale inférieur à 50 copies/ml en six mois. Ceci permet une meilleure restauration immunitaire et limite au maximum la sélection de virus résistants.

- La stratégie thérapeutique de référence est la trithérapie avec deux options préférentielles :

- deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase reverse (INRT) associés à un inhibiteur de protéase (IP), ce qui est le cas ici. Combivir est une association de deux INRT, la lamivudine ou 3TC et la zidovudine ou AZT. Kaletra associe deux IP, le lopinavir et le ritonavir, ce dernier jouant le rôle de « booster » en augmentant les concentrations plasmatiques du lopinavir ;

- deux INRT et un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase reverse (INNRT).

Le choix de l'option de trithérapie doit tenir compte des effets indésirables à court et moyen terme. L'échec d'un premier traitement résulte en effet le plus souvent d'un défaut d'observance lié aux effets indésirables. Or l'observance est un facteur essentiel pour le succès d'un traitement antirétroviral.

Intervention pharmaceutique

Au moment de la délivrance de Kaletra, les spécificités de cette nouvelle présentation en comprimés sont précisées à la patiente. Principale différence, la posologie quotidienne recommandée de la nouvelle forme pharmaceutique est de deux comprimés deux fois par jour (au lieu de trois capsules molles deux fois par jour). La forme comprimé présente une moindre variabilité pharmacocinétique quel que soit le régime alimentaire par comparaison à la forme capsule molle, laquelle s'administre impérativement au cours des repas.

De plus, les comprimés pelliculés ne nécessitent pas de précaution particulière de conservation, alors que les capsules molles doivent être conservées au réfrigérateur.

Le médecin est prévenu par téléphone du remplacement des capsules par les comprimés pelliculés. Il accepte, tout en précisant que le changement de forme pharmaceutique pourra nécessiter une adaptation posologique : il souhaite donc revoir la patiente le mois prochain. Par précaution, il confirme également la poursuite du traitement antibiotique.

Sur l'ordonnance, l'intervention pharmaceutique consiste à :

- barrer « Kaletra 133 mg/33 mg, capsules : 3 capsules matin et soir » ;

- indiquer « Remplacé par Kaletra 200 mg/50 mg, comprimés pelliculés 2 comprimés matin et soir » ;

u apposer la mention « Après avis pharmaceutique et médical », dater et signer.

Pour éviter toute confusion, le pharmacien explique à la patiente qu'elle doit d'abord terminer sa boîte de Kaletra capsules avant de commencer le traitement par comprimés.

Il est rappelé à Mme T. qu'elle doit aller consulter son prescripteur hospitalier le mois prochain.

Suivi du traitement

Prise en charge des effets indésirables

Les symptômes attribués au traitement et la dépression comptent parmi les facteurs majeurs influant négativement sur l'observance.

Il est essentiel d'informer la patiente sur la fréquence et la gravité potentielle des effets indésirables. Certains, comme l'asthénie, les troubles gastro-intestinaux ou les lipodystrophies sont communs à tous les antirétroviraux.

D'autres sont des effets « de classe » : on observe ainsi des neuropathies périphériques (fourmillements, engourdissements) avec les INRT. Les inhibiteurs de protéases sont quant à eux à l'origine de myalgies ou d'arthralgies (particulièrement avec Kaletra), de troubles hématologiques, hépatobiliaires (ictère, voire hépatite) et de troubles du métabolisme glucidique (risque de diabète).

Quant aux effets « de spécialité », on note le risque fréquent de lithiase, de pancréatite sévère, de palpitations et d'hypertension artérielle avec Kaletra.

Suivi clinique

La tolérance au traitement antirétroviral est appréciée :

par le contrôle du poids et de la tension artérielle ;

- par la surveillance de l'apparition de signes généraux (fatigue et asthénie), de lipoatrophies, de troubles neuropathiques périphériques, de troubles digestifs, d'une hépatomégalie ou de douleurs abdominales.

Suivi biologique

- L'efficacité immunovirologique est évaluée par le contrôle de la charge virale et du taux de CD4, un mois puis trois mois après l'instauration du traitement, puis tous les trois mois la première année. Selon la tolérance, ces paramètres sont ensuite contrôlés tous les trois à six mois.

- La tolérance au traitement est évaluée grâce au contrôle de la NFS, de la glycémie à jeun et du bilan lipidique. Le bilan hépatique est systématique (surveillance des gammaGT et des transaminases) et le contrôle de l'amylasémie ou de la lipasémie permet de détecter une pancréatite. Le rythme est semestriel.

- Une sérologie de la toxoplasmose, de l'hépatite et de la syphilis est effectuée tous les ans ; la sérologie de l'infection à Cytomégalovirus est réalisée trimestriellement chez cette patiente.

Conseils à la patiente Favoriser l'observance

- Respecter le nombre et les modalités de prise est un facteur clé de la réussite du traitement.

En cas d'oubli, il faut prendre la dose oubliée le plus rapidement possible et ne doubler en aucun cas la prise suivante. L'utilisation d'un pilulier peut aider à limiter les erreurs de prise.

Repérer les effets indésirables

Une fièvre n'est jamais à banaliser, une douleur lombaire peut laisser suspecter une lithiase sous Kaletra et des vomissements avec diarrhée intense douloureuse doivent conduire à une consultation médicale pour éliminer tout risque d'hépatite ou de pancréatite.

Réduire les risques

- Pour diminuer les facteurs de risque liés aux maladies opportunistes, conseiller à cette patiente d'éviter les contacts avec les chats et leurs déjections (toxoplasmose) ainsi qu'avec un sujet atteint de varicelle (risque de zona) ou d'herpès.

- Eviter de consommer de la viande crue et appliquer les règles hygiénodiététiques appropriées.

- Utiliser un préservatif lors des relations sexuelles.

Se vacciner ou pas

Les vaccinations contre l'hépatite B, la grippe et le pneumocoque sont possibles quand le taux de CD4 est supérieur à 200/mm3.

Plan de prise conseillé

- Combivir et Kaletra : espacer les deux prises quotidiennes de 12 heures. Avaler les comprimés sans les écraser, indifféremment au cours ou en dehors des repas.

Les deux antirétroviraux se conservent à température ambiante dans leur conditionnement d'origine.

- Bactrim : au cours du petit déjeuner.

- Azadose : prise hebdomadaire en dose unique, théoriquement pendant ou en dehors du repas. L'administration avant le petit déjeuner peut permettre d'améliorer la tolérance gastro-intestinale. Les comprimés peuvent être écrasés si besoin.

TESTEZ VOS CONNAISSANCES

1

La charge virale : a) est le témoin de la réplication virale b) est le marqueur permettant de décider de l'instauration du traitement c) dénombre le nombre de virus dans le corps

2

Le traitement contre le VIH : a) se compose systématiquement de deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase reverse (INRT) associé à un inhibiteur nucléotidique de la transcriptase reverse. b) est instauré en fonction de la charge virale c) a pour objectif la restauration du nombre de lymphocytes T CD4 à une valeur supérieure à 500/mm3 et la réduction de la charge virale en dessous de 50 copies/ml d) peut être interrompu en cas de succès thérapeutique

3

Parmi les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse, on peut choisir pour la trithérapie : a) la zalcitabine (ddC) b) l'emtricitabine c) la zidovudine

4

La dispensation des antirétroviraux nécessite : a) une prescription hospitalière b) une prescription initiale hospitalière annuelle c) le contrôle de la surveillance particulière

5

La posologie de l'emtricitabine (Emtriva) : a) est la même pour les gélules et la solution buvable b) est de 20 mg/kg/j c) doit être adaptée chez les insuffisants rénaux

6

Le ténofovir disoproxil (Viread) : a) réduit la charge virale chez des patients en échec virologique précoce aux autres rétroviraux b) s'utilise seul en troisième intention c) entraîne une toxicité mitochondriale importante

7

Parmi les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase reverse : a) la névirapine (Viramune) et l'éfavirenz (Sustiva) doivent être inclus dans une multithérapie puissante b) la delavirdine est de plus en plus utilisée c) la névirapine et l'éfavirenz peuvent s'utiliser seuls

8

Pour les inhibiteurs de la protéase : a) le tipranavir (Aptivus) présente l'intérêt d'avoir une excellente tolérance b) le ritonavir est utilisé à faible dose comme booster en association à un autre inhibiteur de la protéase c) l'atazanavir est administré en une seule prise journalière

9

Les recommandations actuelles préconisent en première intention la trithérapie suivante : a) 2 INRT(inhibiteurs nucléosidiques de la reverse transcriptase)+ 1 IP/r (inhibiteur de la protéase + ritonavir) b) 3 INRT c) 2 INRT+ 1 INNRT (inhibiteur non nucléosidique de la reverse transcriptase) d) 1 INRT + 1 INNRT + 1 IP

10

Dans le cas de la femme enceinte, le traitement préconisé actuellement : a) est l'AZT en monothérapie b) débute un mois avant l'accouchement c) associe AZT + 3TC + IP

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

Ordonnance 1

Docteur Patrick Lafleur

Service de maladies infectieuses

Hôpital du Centre

55800 Neufchâteau

Tél. : 03 41 29 75 78

55 1 99999 8

Viread : 1 comprimé par jour.

Epivir 300 : 1 gélule par jour.

Norvir 100 : 1 gélule par jour.

Invirase : 5 gélules deux fois par jour.

Ordonnance 2

Docteur Hélène Sitruk

Généraliste

Centre de santé de la Tour

55800 Neufchâteau

Tél. : 03 41 29 75 78

55 1 99999 8

Sur rendez-vous

Reyataz 150 : 2 gélules par jour.

Norvir 100 : 1 capsule par jour.

Mopral 20 mg : 1 gélule par jour

pendant 4 semaines.

Ordonnance 1 : OUI.

Les quatre molécules bénéficiant de la double dispensation, le pharmacien de ville peut dispenser cette ordonnance.

Ordonnance 2 : NON

.

Mopral ne doit pas être délivré. L'oméprazole est susceptible de diminuer considérablement les concentrations plasmatiques de l'atazanavir (Reyataz). En l'absence de données spécifiques, la recommandation de non-association avec l'atazanavir doit être étendue à l'ensemble de la classe des inhibiteurs de la pompe à protons. On doit délivrer les antirétroviraux et appeler le médecin pour discuter d'une alternative thérapeutique au Mopral.

Réponses « Testez vos connaissances »

1 : a. 2 : c. 3 : b et c. 4 : b. 5 : c. 6 : a. 7 : a. 8 : b et c. 9 : a et c. 10 : c.

Votre pharmacien vous conseille

Vous êtes sous traitement antirétroviral

Un suivi rigoureux de votre traitement vous permet d'obtenir une charge virale indétectable (#lt;50 copies/ml) et de maintenir un taux de lymphocytes T CD4 au-dessus de 500/mm3. De plus il évite l'apparition de résistances aux médicaments.

Pour vous aider suivez ces recommandations simples

- Respectez les contraintes de prise par rapport au repas ou à jeun ainsi que les heures de prise pour une efficacité optimale du traitement.

- Pour n'oublier aucune prise et avoir toujours votre traitement sur vous en toute discrétion, utilisez un pilulier.

- Eventuellement programmez votre portable ou votre montre pour les faire sonner afin d'être sûr de ne pas oublier une prise de médicament.

- Si vous souffrez d'effets indésirables, parlez-en à votre médecin ou à votre pharmacien. Il existe des solutions pour les atténuer ou les faire disparaître.

Méfiez vous des autres médicaments, même à base de plantes : ne les prenez qu'après avis d'un professionnel de santé.

- Même si la charge virale devient indétectable, le virus reste présent dans le corps et peut donc être transmis. L'utilisation systématique de préservatifs reste indispensable.

- N'hésitez pas à vous adresser à des associations de patients. Nous tenons leurs coordonnées à votre disposition.

N'hésitez pas à nous demander un rendez-vous si vous souhaitez discuter d'une organisation personnalisée de votre traitement.

Dr Patrice MICHKA Chef du service des maladies infectieuses Hôpital de la Sauvegarde 63000 Clermont-Ferrand Tél. : 08 25 15 12 41 63 1 99999 8

- Combivir : 1 comprimé le matin et 1 le soir

- Kaletra 133 mg/33 mg : 3 capsules matin et soir

- Bactrim : 1 comprimé le matin

- Azadose : 2 comprimés le lundi matin

Ordonnance à renouveler pour 6 mois

Les médicaments prescrits

Combivir (zidovudine 300 mg et lamivudine 150 mg)

- Association de deux analogues nucléosidiques inhibiteurs de la transcriptase inverse.

- Indiqué dans le traitement de l'infection par le VIH chez l'adulte et l'adolescent de plus de 12 ans.

- Posologie : un comprimé deux fois par jour.

Kaletra (lopinavir 133 mg et ritonavir 33 mg)

- Association d'un inhibiteur de protéase, le lopinavir, responsable de l'activité antivirale, et du ritonavir qui agit en potentialisant le lopinavir.

- Indiqué pour le traitement des adultes et des enfants âgés de plus de deux ans infectés par le VIH-1 en association avec d'autres antirétroviraux.

- Posologie usuelle chez l'adulte : trois capsules deux fois par jour.

Bactrim adulte (sulfaméthoxazole 400 mg et triméthoprime 80 mg)

- Antibiotique associant un sulfamide, le sulfaméthoxazole, et une diaminopyrimidine, le triméthoprime.

- Indiqué ici en prophylaxie de la toxoplasmose cérébrale et de la récidive de pneumopathie à Pneumocystis carinii.

- Posologie : un comprimé par jour.

Azadose (azithromycine 600 mg)

- Antibiotique macrolide.

- Indiqué dans la prophylaxie des infections à Mycobacterium avium complex chez le sujet infecté par le VIH et présentant un taux de lymphocytes CD4 inférieur à 100/mm3.

- Posologie : deux comprimés en une prise hebdomadaire.

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