Donations et successions - Le Moniteur des Pharmacies n° 2682 du 16/06/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2682 du 16/06/2007
 

Cahier Entreprise

Comment transmettre l'officine familiale à un enfant pharmacien ? Comment éviter les sources de tensions entre héritiers ? Comment bénéficier des avantages fiscaux attachés aux donations ? Ce cahier vous permettra de profiter pleinement des dispositions de loi du 23 juin 2006 et d'en tirer le meilleur parti pour organiser, comme vous l'entendez, la transmission de votre patrimoine à vos enfants et petits-enfants. Une loi qui concerne toutes les successions et donations ouvertes à partir du 1er janvier 2007.

votre profil

Quelle succession pour vos héritiers ?

Une succession, ça se prépare, même si le sujet est déplaisant et complexe. Vous ne vous êtes pas penché sur la question ? Voyez ce qu'il en coûtera à vos héritiers... Puis étudiez ce que vous leur ferez économiser en prenant quelques précautions. Et si vous êtes définitivement sensibilisé, pensez à la transmission de l'outil de travail via la donation.

1. Vous n'avez pas pensé à votre succession

Vous n'avez absolument pas réfléchi à votre succession en cas de décès. L'Etat sera ravi... D'autant plus si aucun de vos héritiers n'est susceptible de reprendre l'officine s'il vous arrive malheur. Ou si votre conjoint n'a aucune envie d'engager son diplôme dans la pharmacie où vous exercez. Gare au coup d'assommoir fiscal pour vos enfants et votre conjoint en cas de coup dur ! Rendez-vous page 4

Pour améliorer la situation

On le sait, la mort est taboue. Mais parlez au moins de l'éventuelle reprise de l'exploitation officinale par votre conjoint s'il est pharmacien, même si celui-ci a trouvé sa voie à l'hôpital ou dans l'industrie ! Au-delà du « passage de témoin » de l'entreprise familiale, le cadeau fait à l'Etat en sera considérablement réduit. Exemple page 5

Vous vous interrogez sur l'incidence fiscale de votre décès

Si vous n'y aviez pas pensé, souscrivez au moins une assurance au profit des héritiers avec délégation à la banque. Vous verrez que l'incidence fiscale en sera presque divisée par trois. Rendez-vous page 7

Et si jamais votre conjoint pharmacien décidait, après votre disparition, de poursuivre l'exploitation de l'officine, c'est 93 % d'économies qui seront réalisées par celui-ci et vos enfants. Rendez-vous page 7

2. Vous réfléchissez d'ores et déjà à la transmission de l'officine via une donation de l'officine

A votre (vos) enfant(s) : la donation partage, en particulier, est un outil prévu pour transmettre ses biens, et notamment l'entreprise familiale, dans les meilleures conditions. Et ceci de son vivant. C'est un bon moyen, aussi, d'épargner tensions et difficultés à vos enfants. Mais pour éviter les mauvaises surprises au moment de la succession, prenez toutes les précautions nécessaires dès maintenant. Rendez-vous page 14

A votre (vos) petit(s)-enfant(s) pharmacien(s) : la loi du 23 juin 2006 a introduit dans notre droit la donation-partage avec « saut de génération ». Une manière de passer le flambeau, sous réserve de respecter la part des biens réservée à vos enfants. A moins que ceux-ci ne renoncent à leur part réservataire dans le cadre d'un pacte successoral... Rendez-vous page 16

cas pratique n° 1

Une succession non préparée

Jean P., 48 ans, pharmacien d'officine, et Sylvie P,. 47 ans, pharmacienne hospitalière, sont mariés sous le régime de la séparation de biens. Ils ont 3 enfants. Louis, 26 ans, ingénieur, est marié et a deux enfants. Julie, 25 ans, préparatrice en pharmacie, est mariée et a trois enfants. La benjamine, Pauline, 20 ans, est trisomique.

Le patrimoine du couple est le suivant :

Bien propre de Jean P. : pharmacie acquise en 1999 au prix de 1,4 MEuro(s) (valeur actuelle : 2,5 MEuro(s)).

Biens indivis achetés 50/50, résidence principale : 400 kEuro(s) (dont solde emprunt : 100 kEuro(s)) + valeurs mobilières de 400 kEuro(s).

Assurance vie : 100 kEuro(s) par M. et Mme P. au bénéfice de Pauline.

Meubles et autres : 100 kEuro(s) (meubles meublants, bijoux, voitures, etc.). Une donation entre époux a été faite en 1995 lorsqu'ils ont acheté leur résidence principale.

Jean P. décède accidentellement le 4 février 2007.

Patrimoine de la famille P.

Avis de l'expert

François Maiques, notaire à Tours (Pharmétudes)

« D'une manière générale, les statuts des sociétés (SNC, SARL, SELARL, SELAS) comprennent des dispositions prévoyant le cas du décès d'un associé. Ces dispositions s'imposent aux héritiers. La rédaction appropriée des statuts est donc essentielle. Il faut à ce sujet proscrire les statuts types qui ne sont jamais adaptés à la situation personnelle, ni à la stratégie ou la volonté du pharmacien. »

Les conséquences du décès pour la famille

Les héritiers doivent accepter ou renoncer à la succession.

L'indivision doit être gérée.

Le partage des biens est à préparer rapidement.

Accepter ou renoncer à la succession

Depuis le 1er janvier 2007, l'héritier a 10 ans (contre 30 auparavant) pour prendre sa décision. Mais un créancier ou un cohéritier pourra quatre mois après le décès (pas avant) exiger de l'héritier silencieux qu'il prenne parti. Celui-ci disposera alors de deux mois pour s'exécuter. Faute de réponse, il sera considéré comme acceptant pur et simple (lire « L'ABC »).

L'indivision

Les enfants et le conjoint se retrouvent en indivision, cela signifie qu'ils ont des droits de même nature sur l'ensemble des biens. Les héritiers vont devoir s'entendre pour gérer ces biens dans l'attente du partage (un mandataire peut être désigné). Concernant la famille P., le conjoint survivant (Sylvie) opte pour 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit. Chacun des 3 enfants est donc héritier du quart en nue-propriété.

Le partage

L'indivision prend fin par le partage. La réforme des successions de juin 2006 a encouragé le partage amiable qui nécessite l'accord de tous les héritiers. En présence d'un héritier mineur ou incapable, il peut être autorisé par le juge des tutelles ou le conseil de famille. La réforme a supprimé l'obligation de faire homologuer les partages amiables. En cas d'échec du partage amiable, il faut procéder à un partage judiciaire pour sortir de l'indivision. Sa procédure a été simplifiée. Quant aux modalités du partage, la loi pose le principe de l'égalité en valeur.

Calculs des droits de succession

Dans les six mois, il faut payer les droits de succession.

Le total de la succession, suite au décès de M. P., est de 2 930 000 Euro(s) (voir tableau ci-dessus).

Le cas le plus défavorable

Celui d'une succession non préparée et d'un emprunt de la pharmacie garanti par un contrat d'assurance groupe, où la banque est désignée comme le bénéficiaire de l'indemnité d'assurance en cas de décès du titulaire. Le montant du prêt remboursé devient alors un bénéfice de l'année qui est imposable comme tel, sans compter que les héritiers de Jean P. devront également acquitter dessus des droits de succession. Pour échapper à cette lourde fiscalisation, la solution est d'avoir un contrat d'assurance individuel avec un bénéficiaire désigné que l'on va donner en délégation ou en garantie à la banque. Inconvénient : le titulaire, de son vivant, ne pourra pas passer le montant des cotisations dans ses frais généraux (voir tableau ci-contre).

Une situation moins défavorable

Madame P., étant diplômée et ayant fait son stage en officine, quitte sa fonction hospitalière pour reprendre la pharmacie dont elle demandera l'attribution préférentielle. L'attribution préférentielle permet à un héritier ou au conjoint survivant (ici madame Sylvie P.) de se faire attribuer prioritairement l'entreprise du défunt, à condition que le demandeur participe ou ait participé effectivement à l'exploitation, en ait été déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès.

Depuis la réforme de 2006, l'attribution préférentielle est également possible pour les entreprises familiales et pour les professions libérales. La fiscalité de la succession est alors déjà plus douce (voir tableau ci-dessous).

L'emprunt de l'officine est garanti par une assurance au profit de la banque - L'officine est vendue

- Le remboursement par l'assurance constitue un profit imposé sur le revenu

(tranche #gt; 40 %) et à la CSG + CRDS (11 %).

- Les héritiers ne peuvent pas poursuivre l'exploitation s'ils ne sont pas pharmaciens, et donc ne peuvent pas bénéficier d'un sursis de paiement des plus-values, ni des droits de successions réduits (abattement de 75 %).

- La part du conjoint en usufruit est importante et donc les droits sont d'autant plus élevés pour lui.

- La succession doit supporter un impôt de 1 053 000 + 414 005 = 1 467 005 Euro(s).

- Dans ce calcul simplifié, il n'est pas tenu compte de l'abattement global ni des droits de jouissance du logement au profit du conjoint.

L'emprunt de l'officine est garanti par une assurance au profit de la banque - Mme P. poursuit l'exploitation de l'officine

- La succession économise le paiement immédiat de la plus-value et les droits sont réduits par l'abattement de 75 % sur la valeur de l'officine attribuée à Sylvie P.

- Elle acquitte des droits fiscaux réduits calculés sur la seule valeur de l'usufruit, évaluée selon le barème fiscal tenant compte de son âge au jour du décès de son mari (60 % à 47 ans).

L'économie globale d'impôt réalisée est de 542 205 Euro(s) (1 467 005 - 924 800) par rapport au cas précédent.

A RETENIR

Un héritier qui remplit les conditions d'exercice de la profession de pharmacien et qui détient une partie du capital de la SEL peut demander à activer sa participation et se transformer en exploitant. Pour prévenir tout problème, il faut que cette possibilité soit prévue dans les clauses d'agrément portées dans les statuts ou dans le règlement intérieur. Rappelons que pour être gérant d'une SEL, il faut être pharmacien en exercice et majoritaire au sein de la SEL.

cas pratique n° 2

Une succession préparée

Rappel du cas : Jean P., 48 ans, pharmacien d'officine, et Sylvie P., 47 ans, pharmacienne hospitalière, sont mariés sous le régime de la séparation de biens (voir leur patrimoine p.4). Ils ont 3 enfants. Louis, 26 ans, ingénieur, est marié et a deux enfants. Julie, 25 ans, préparatrice, est mariée et a trois enfants. La benjamine, Pauline, 20 ans, est trisomique.

Souscription d'une assurance au profit des héritiers

La seule disposition prise de son vivant par Jean P. est d'avoir souscrit une assurance au profit des héritiers, avec obligation de délégation à la banque. Cette simple attention suffit à réduire considérablement la fiscalité de la succession (voir tableau ci-contre).

Le dernier cas ci-contre est idéal puisqu'il cumule les avantages des deux dispositions précédemment étudiées (attribution de l'officine au conjoint survivant pharmacien et assurance souscrite par délégation).

Améliorer encore la situation

La réforme a prévu de nouvelles mesures destinées à mieux préparer les successions. Pour avantager un enfant handicapé (Pauline), ou régler le sort de l'entreprise, la loi du 23 juin 2006 permet les mesures suivantes :

Le mandat posthume (nouveauté 2007)

C'est un contrat qui permet de désigner, de son vivant, une ou plusieurs personnes afin de gérer sa succession, pour le compte et dans l'intérêt d'un ou plusieurs héritiers identifiés. Il prend effet au décès de celui qui le donne. Ce type de mandat est utile s'il y a une entreprise dans le patrimoine du défunt ou si l'un des héritiers n'a pas les compétences requises. Ainsi, ce mandat peut être limité à l'officine familiale dans l'attente, par exemple, que l'un des enfants, étudiant en pharmacie, puisse en reprendre l'exploitation. Ainsi, Jean P. aurait pu, devant notaire, confier un mandat posthume à son épouse pour gérer la pharmacie (entreprise individuelle), ce mandat pouvant comporter les pouvoirs pour vendre l'officine. La durée de validité du mandat part à compter du décès du mandant. Elle est de deux ans au maximum avec une possibilité de prorogation par décision de justice, et de cinq ans prorogeables dans les mêmes conditions, dans trois cas précis : l'inaptitude de l'héritier, son âge, la nécessité de gérer des biens professionnels (par exemple : mandat prorogé le temps que l'enfant étudiant en pharmacie termine ses études). Ce mandat est gratuit sauf convention contraire. Il relève d'un acte authentique.

Une assurance a été souscrite au profit des héritiers - L'officine est vendue

- Jean P. ayant pris une assurance décès auprès d'une compagnie indépendante de la banque, avec pour bénéficiaires ses héritiers et délégation au profit de la banque, le versement de l'assurance est exonéré de droits de succession. La dette subsiste au décès, il y a donc une économie de droits à payer (490 680 Euro(s)).

- Les droits de succession à la charge des héritiers augmentent (193 680 Euro(s) à payer) mais ils sont compensés par l'absence de CSG et d'impôt sur le revenu (seul l'impôt sur les plus-values est exigible).

- Même si madame P. ne reprend pas la pharmacie, un bon montage de l'endettement professionnel impliquerait, dans notre exemple, une économie d'un million d'euros (IR, CSG et droits de succession).

Une assurance a été souscrite au profit des héritiers - Mme P. poursuit l'exploitation de l'officine

- Les bénéficiaires des assurances décès sont les héritiers (pas d'IR exigible).

- Madame Sylvie P. reprend la pharmacie et poursuit l'exploitation (pas d'impôt immédiat sur les plus-values exigible). L'incidence décès est alors la plus faible possible, d'où l'importance d'une succession préparée.

- Entre le cas n° 1 (succession non préparée) et ce cas, l'économie en termes de coût fiscal est de 1 467 005 Euro(s)Euro(s)- 94 370 Euro(s) = 1 372 635 Euro(s), soit 93,5 % d'économie !

Le pacte successoral

Rien n'empêche, si la succession envisagée risque d'empiéter sur la réserve héréditaire (part des biens libre de charges réservée à certains héritiers dits « réservataires ») d'un ou de plusieurs enfants, de conclure à l'avance un pacte successoral. Par ce pacte, un héritier réservataire renonce à tout ou partie de sa réserve légale afin de favoriser d'autres héritiers ou un tiers. Ce pacte va permettre aux frères et soeurs d'un enfant handicapé de consentir par avance à ce qu'il soit avantagé au-delà de ce qui est normalement autorisé par la loi. Ainsi, M. et Mme P. auraient pu faire une donation à Pauline supérieure à la quotité disponible (pour lui assurer une sécurité future). Et les deux frères auraient pu renoncer à demander la réduction de la donation pour atteinte à leur réserve.

Le pacte successoral est un acte authentique solennel établi du vivant de l'div de la donation en présence de deux notaires (le notaire de famille et un notaire extérieur désigné pour éclairer l'héritier lésé sur les conséquences de sa renonciation).

Quant à l'enfant avantagé (nommément désigné dans le pacte), il est censé recevoir les biens directement du disposant et non du renonçant, d'où une économie de droits.

Les nouvelles donations

La donation résiduelle

Ici, le bénéficiaire (par exemple l'enfant handicapé) est tenu de transmettre à son décès à un second gratifié (par exemple ses frères et soeurs) ce qui subsistera de la donation.

La donation graduelle

Le bénéficiaire a l'obligation de conserver en nature les biens donnés et de les transmettre à son décès à un gratifié en second.

Au regard du droit fiscal, la donation faite par des parents au profit d'un de leurs enfants (A), à charge de transmettre à un autre enfant (B), sera taxable dans les conditions de droit commun et après application des abattements entre parents et enfants puis des droits entre parents et enfants. Si cet enfant gratifié doit transmettre les biens à son frère ou sa soeur B, au décès de A, les biens donnés seront transmis de plein droit à B, étant présumé, selon la nouvelle loi de juin 2006, recevoir les biens des parents. Les droits de donation seront perçus une nouvelle fois selon le barème entre parents et enfants mais non entre frères et soeurs, sous déduction des droits payés lors de la première donation.

Le testament et le testament-partage

A propos du testament, la nouveauté concerne l'exécuteur testamentaire qui a désormais un délai de deux ans au maximum (contre un précédemment) après l'ouverture du testament pour accomplir sa mission (celle de veiller ou de procéder à l'exécution des dernières volontés du défunt), sauf prorogation par le juge. Avec la réforme des successions, son rôle demeure le même mais ses pouvoirs sont étendus. Par exemple, Jean P. aurait pu par testament nommer son épouse exécuteur testamentaire en lui donnant mission de gérer l'officine pendant un certain délai et de la vendre.

Le testament-partage est particulièrement indiqué pour régler le sort de l'entreprise. Jean P. aurait pu faire un testament (devant notaire) par lequel il décidait du partage de tous ses biens entre ses héritiers, en évitant ainsi l'ouverture d'une indivision.

LE PIÈGE A ÉVITER

L'héritier ne doit pas se précipiter pour déposer sa déclaration au greffe du tribunal de grande instance. En effet, il ne dispose ensuite que de deux mois pour dresser l'inventaire de la succession. A défaut de le donner dans les temps, l'héritier devient automatiquement acceptant. Si l'inventaire requiert plusieurs mois, il est conseillé de différer la déclaration au greffe.

En matière d'assurance décès, il ne faut pas souscrire une assurance groupe au profit de la banque.

Il ne faut pas accepter une succession sans savoir si le défunt s'était porté caution en faveur d'un tiers.

Avis de l'expert

Georges Dintras, notaire à Paris (Pharmétudes)

« Un pacte successoral peut être couplé à une donation graduelle ou résiduelle. Dans le cas de la famille P., il peut être envisagé de donner plus à Pauline que ce qu'il peut lui revenir, par exemple un immeuble de rapport (géré par son tuteur). De son vivant, elle encaissera les loyers. A charge à son tuteur, au moment de son décès, de rendre cet immeuble à son frère Louis et à sa soeur Julie (donation graduelle).

M. et Mme P. auraient pu aussi faire donation à Pauline d'un portefeuille de titres (géré par son tuteur). A charge pour Pauline (son tuteur) de transmettre à ses deux frères ce qui restera des titres lors de son décès (donation résiduelle). »

L'abc... L'essentiel pour mieux comprendre

Les points clés de la loi de juin 2006

La réforme

La loi « portant réforme des successions et des libéralités » a été adoptée le 23 juin 2006. Cette réforme est l'une des plus importantes enregistrées par le Code civil depuis sa création en 1804 (200 articles changés). Elle est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2007. Elle prend en compte l'évolution de la société et de la composition des familles, simplifie et accélère le règlement des successions, privilégie les solutions amiables et offre plus de libertés à chacun pour organiser sa succession.

L'héritage

Quand une succession est ouverte, il faut d'abord déterminer qui sont les héritiers. La loi se charge de répartir les biens du défunt entre ses héritiers, selon un classement par ordres et par degrés. Ses enfants d'abord, puis ses petits-enfants sont prioritaires. C'est seulement si le défunt n'a pas de descendant que les autres membres de sa famille (parents, frères et soeurs, cousins...) ont vocation à hériter. Si le défunt était marié, une partie reviendra à son conjoint survivant. Plusieurs cas peuvent se rencontrer :

En présence d'un conjoint survivant :

Le défunt laisse uniquement des descendants communs aux deux époux : le conjoint survivant peut choisir entre l'usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart de ces biens.

Le défunt laisse des enfants d'une première union : le conjoint recueille la propriété du quart des biens

Le défunt ne laisse pas d'enfant, mais ses père et mère : chacun d'eux recueille un quart des biens de la succession, tandis que le conjoint survivant hérite de l'autre moitié. Le conjoint hérite des trois quarts des biens s'il ne reste qu'un seul parent (qui recueille le quart restant).

En présence d'autres héritiers : le conjoint les écarte de la succession. Mais si la succession comprend des biens que le défunt avait reçus de ses père et mère ou d'autres ascendants, ils seront partagés par moitié entre le conjoint et les frères et soeurs du défunt.

En l'absence de conjoint survivant :

Les héritiers sont appelés à succéder selon l'ordre suivant :

- 1° les enfants et leurs descendants ;

- 2° les père et mère, les frères et soeurs et les descendants de ces derniers ;

- 3° les ascendants autres que les père et mère ;

- 4° les collatéraux autres que les frères et soeurs et les descendants de ces derniers.

Accepter ou renoncer à la succession

Acceptation

En acceptant expressément la succession sans réserve, l'héritier s'engage à payer toutes les dettes du défunt y compris sur ses biens personnels. La solution est la même lorsque, sans prendre expressément parti, l'héritier accomplit des actes qui laissent présumer qu'il accepte (acceptation tacite). Par exemple, il décide de vendre la maison familiale.

L'héritier peut encore accepter à concurrence de l'actif net. Dans ce cas, il n'est tenu des dettes successorales qu'à concurrence de la valeur des biens qu'il a recueillis, et non sur tous ses biens. Cette option nécessite une déclaration de l'héritier au greffe du tribunal de grande instance. Cette forme d'acceptation ne peut être tacite et la déclaration fait l'objet d'une publicité.

Renoncement

Si un héritier renonce à une succession pour nuire à ses créanciers, ces derniers peuvent être autorisés par le tribunal à l'accepter à la place de leur débiteur à hdiv de leur créance. Le renonçant est exonéré du paiement des dettes et des charges de succession. Toutefois, il doit acquitter à proportion de ses moyens le paiement des frais funéraires de son ascendant ou descendant.

Indécision

L'héritier peut tout de même accomplir certains actes qui ne l'engageront pas en qualité d'héritier mais éviteront l'aggravation des dettes successorales. La loi nouvelle liste différents actes qui ne valent pas acceptation tacite (actes conservatoires). Pour les autres actes non visés par la loi mais qui seraient néanmoins nécessaires à la conservation des biens, une autorisation judiciaire devra être obtenue.

La protection du conjoint

La donation entre époux

La donation au dernier vivant, simple à mettre en oeuvre et peu onéreuse, demeure la formule la plus employée. Elle permet de donner à son conjoint des droits plus importants, jusqu'au maximum de la quotité disponible entre époux.

En l'absence de donation entre époux

Le conjoint survivant a droit :

en présence d'enfants du défunt,

- soit à l'usufruit de la totalité des biens dépendants de la succession,

- soit à la pleine propriété du quart desdits biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux ;

en présence d'un ou de plusieurs enfants non communs, il ne peut recevoir qu'un quart en pleine propriété.

Le droit au logement

Le conjoint survivant bénéficie d'un droit temporaire qui lui permet d'occuper gratuitement pendant un an son habitation principale au moment du décès. On ne peut l'en priver. Ce droit temporaire au logement vient d'être étendu au partenaire pacsé survivant. Il profite aussi d'un droit viager qui est un droit d'occuper gratuitement sa vie durant la résidence principale au moment du décès de son conjoint, à condition que ce logement appartienne aux deux époux ou personnellement au défunt. Le conjoint survivant dispose d'un an à compter du décès pour réclamer le bénéfice de ce droit. Il peut aussi en être privé par testament de son conjoint.

Les autres dispositions en faveur du conjoint

Depuis le 1er janvier 2007, la procédure de changement ou de modification du régime matrimonial est considérablement assouplie (procédure moins onéreuse, délais réduits).

La réversion d'usufruit assure à l'époux survivant l'usufruit des biens.

Le testament est particulièrement adapté lorsqu'il y a des enfants d'un premier lit.

L'assurance vie est un excellent moyen de transmettre un capital important en payant peu de droits (jusqu'à 152 500 Euro(s) au 31 décembre 2006 en toute franchise d'impôt).

Réserve et quotité disponible

La réserve et la quotité disponible varient en fonction du nombre d'enfants. La réserve se partage à parts égales entre les enfants.

Nouveauté 2007

Un héritier qui renonce à la succession n'est pas pris en compte pour déterminer la réserve, sauf s'il est représenté. Jusqu'à présent, les atteintes à la réserve étaient sanctionnées par la « réduction » : au moment du décès, les héritiers lésés pouvaient obtenir la reconstitution de leur part minimale s'ils le souhaitaient. Désormais, ils pourront du vivant de leur parent renoncer à recueillir tout ou partie de leur part réservataire.

Exemple : Catherine est décédée le 3 avril 2007. Elle laisse trois enfants : Christine, Sarah et Florence. Elle a légué sa quotité disponible à son neveu Philippe. Sarah renonce à la succession. Elle a deux enfants, Valérie et Sandrine, qui acceptent la succession de leur grand-mère.

La solution est la suivante : La réserve est de 3/4 : Valérie et Sandrine viennent à la succession de leur grand-mère en représentation de leur mère renonçante. Christine et Florence recevront chacune 1/4 de la réserve. Valérie et Sandrine se partageront le 1/4 de réserve restant. Le reste de la succession (la quotité disponible) reviendra à Philippe (par donation). La réserve serait de 2/3 si Sarah n'avait pas eu d'enfant.

La réduction des donations

Les donations (libéralités) ne peuvent excéder la quotité disponible (part des biens qui n'est pas réservée par la loi à certains héritiers). Peu importe que la donation soit faite en avancement de part successorale ou hors part successorale, l'excédent est toujours soumis à réduction. Cette réduction est de droit et le donateur ou le testateur ne saurait y déroger. Les libéralités excessives sont réduites en valeur par le biais d'une indemnité (argent) versée par le gratifié aux héritiers réservataires et correspondant à la portion excessive.

Fiscalité et calcul des droits

Les abattements sur la succession

Un abattement global de 50 000 Euro(s)(montant au 1er janvier 2006) s'applique sur l'actif net successoral recueilli : soit par les enfant vivants ou représentés ou les ascendants du défunt, et, le cas échéant, le conjoint survivant, soit exclusivement par le conjoint survivant.

L'abattement se répartit entre les bénéficiaires au prorata de leurs droits dans la succession. Il s'impute sur la part de chaque héritier déterminée après application des abattements personnels. La fraction de l'abattement non utilisée par un ou plusieurs bénéficiaires est répartie entre les autres bénéficiaires au prorata de leurs droits successoraux.

Les abattements personnels :

- conjoint survivant : 76 000 ? ;

- héritier direct : 50 000 ? ;

- hériter handicapé : abattement supplémentaire de 50 000 ? ;

- frère ou soeur : 5 000 ? ;

- frère ou soeur ayant vécu avec le défunt : 57 000 ?, à condition d'être seul, de plus de 50 ans ou infirme au moment du décès ;

- personne liée par un PACS (sauf si le PACS est rompu l'année civile de sa conclusion ou l'année suivante) : 57 000 ? ;

- autre cas : en l'absence de tout autre abattement, l'héritier en bénéficie d'un de 1 500 ? sur chaque part.

Les abattements sur les donations

En cas de donation, est effectué un abattement :

de 76 000 ? entre époux,

de 50 000 ? pour les enfants et héritiers handicapés,

de 30 000 ? par petit-enfant,

de 5 000 ? sur la part de chacun des arrière-petits-enfants.

En cas de donations entre frères et soeurs, un abattement de 5 000 ? est appliqué sur la part de chaque frère et soeur (pour les donations consenties depuis le 1er janvier 2006).

Pour les donations aux neveux et nièces, un abattement de 5 000 ? est appliqué sur la part de chacun des neveux et nièces (pour les donations effectuées depuis le 1er janvier 2006).

Le don exceptionnel pour favoriser la création d'entreprise

Depuis le 1er janvier 2006, les dons familiaux consentis pour favoriser la création d'entreprise sont exonérés, sous certaines conditions, dans la limite de 30 000 ?. Cette mesure s'applique aux sommes versées du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2010.

Donations entre concubins

Les concubins ne bénéficient d'aucun abattement. Une taxation de 60 % est appliquée sur la valeur du bien ou des sommes données.

Les différentes réductions sur les droits à payer

Réduction pour charges de famille

Cette réduction est valable pour les successions et donations : 610 ? par enfant à partir du troisième enfant pour les donations en faveur des enfants, petits-enfants ou du partenaire lié par un PACS, 305 ? par enfant à partir du troisième enfant pour les autres donations.

Réductions applicables en matière de donation

Pour les donations consenties en nue-propriété (le donateur conservant le droit d'usage du bien), les taux de réduction s'élèvent depuis le 1er janvier 2006 à 35 % si le donateur est âgé de moins de 70 ans, de 10 % si le donateur a 70 ans révolus et moins de 80 ans.

Pour les donations consenties en pleine propriété et les donations d'usufruit, la réduction des droits est de 50 % pour le donateur âgé de moins de 70 ans et de 30 % pour le donateur âgé de plus de 70 ans et de moins de 80 ans.

La transmission par donation de la pharmacie à un enfant pharmacien

Sur le plan fiscal, la donation de l'entreprise, individuelle ou exploitée en société, fait l'objet de nombreuses mesures d'incitation qui se sont multipliées récemment (exonération partielle des droits de donation, réduction de droits, facilités de paiement des droits...).

Une donation d'entreprise est exonérée de droits de donation à hdiv de 75 % de la valeur de l'entreprise, sans aucun plafond (loi Dutreil). Les droits de donations sont donc calculés sur la base de 25 % de la valeur de l'entreprise. Cette exonération est soumise à des conditions récemment assouplies. Ainsi, pour une pharmacie exploitée en entreprise individuelle, l'exonération suppose que le donataire s'engage à conserver l'entreprise pendant 6 ans à compter de la donation et à l'exploiter personnellement pendant 5 ans en y exerçant son activité principale.

Lorsque la pharmacie est exploitée en société (SNC, SARL, SEL), l'abattement de 75 % de la valeur des titres sociaux est subordonné à l'engagement du donateur de conserver avec d'autres associés un certain pourcentage des titres sociaux (portant sur au moins 34 % du capital de la société), pour une durée de 2 ans au moins. Il suffit que cet engagement destiné à assurer la stabilité du capital soit en cours au jour de la donation. Il peut donc avoir été conclu et enregistré auprès des services fiscaux, la veille seulement de la donation. Cet engagement est complété d'un engagement individuel de conservation d'au moins 6 années pris par les donataires, héritiers ou légataires. Ces héritiers, légataires ou donataires, doivent exercer des fonctions dirigeantes au sein de la société. Ce régime de faveur n'est pas remis en cause par le partage successoral, avec ou sans soulte. La plupart des engagements de conservation sont signés devant notaire, l'acte notarié conférant la date certaine.

Exemple de donation/donation-partage de l'officine à un enfant

À NOTER

En cas de donations antérieures, les abattements sont diminués de ceux dont la personne a bénéficié lors de donations antérieures qui lui ont été faites par le défunt de son vivant et depuis moins de 6 ans.

POUR EN SAVOIR PLUS

Le « Guide de la chambre des notaires de Paris, Seine-Saint-Denis/Val-de-Marne sur la réforme des successions », destiné à découvrir et comprendre la loi du 23 juin 2006, est disponible sur simple demande auprès de Pharmétudes.

Conséquences pour les héritiers non diplômés

Le décès du pharmacien pose en particulier le problème de la gérance après décès pour les héritiers. Le tableau ci-dessous résume les conséquences du décès du pharmacien selon son statut d'exercice professionnel.

cas pratique n° 3

La donation-partage de l'officine

Jeanne Mortier, 61 ans, pharmacienne, et Jules, 65 ans, retraité, sont mariés sous le régime de la séparation de biens. Ils ont 2 enfants. Pierre, 34 ans, médecin est marié et a 2 enfants dont 1 en 6e année de pharmacie (Paul). Jacques, 32 ans, pharmacien installé, est marié et a 3 enfants dont 1 en 6e année de pharmacie (Julie).

Leur patrimoine :

Biens propres de Jeanne : pharmacie acquise en 1987 au prix de 350 kEuro(s), valeur actuelle 2 MEuro(s) sans dettes + environ 500 kEuro(s) d'économies (dans un PEA).

Biens propres de Jules M. : 1,5 MEuro(s) (immobilier hérité de famille).

Patrimoine indivis entre les époux : résidence principale de 500 kEuro(s) + liquidités de 400 kEuro(s) + 100 kEuro(s) de meubles et autres (meubles meublants, bijoux, voitures, etc.). Assurance-vie : 150 kEuro(s) par Jules M. au bénéfice de son conjoint ou à défaut de ses enfants.

Patrimoine de la famille M.

De nombreux parents choisissent d'anticiper la transmission de leur patrimoine pour aider leurs enfants au moment où ils en ont le plus besoin. En présence d'enfants pharmaciens, cela peut se traduire par la donation de l'officine familiale. Mais celle-ci pose de nombreuses difficultés juridiques qui surgissent souvent lors du règlement de la succession du donateur. Des précautions particulières doivent donc être prises pour les anticiper, sachant que les possibilités de donation-partage ont été étendues par cette réforme de 2006. Sur le plan fiscal, la donation de l'entreprise, individuelle ou exploitée en société, fait l'objet de nombreuses mesures d'incitation qui se sont multipliées récemment (exonération partielle des droits de mutation, réduction de droits, facilités de paiement des droits...) et rendent ce mode de transmission attractif.

Comparaisons entre donation et donation-partage

Transmettre l'officine à l'enfant pharmacien et bien préparer la retraite

Première hypothèse

La pharmacie est transmise à Jacques, l'enfant diplômé, via une donation-partage, avec versement d'une soulte à son frère Pierre.

Seconde hypothèse

La transmission de l'officine de madame M. est réalisée dans le cadre plus global de la gestion et transmission du patrimoine familial. C'est-à-dire que Jacques reçoit la l'intégralité de l'officine et que son frère, Pierre hérite d'autres biens.

Donation-partage avec versement d'une soulte

- Madame M. (et elle seule) fait donation de sa pharmacie à Jacques qui doit donc libérer son diplôme.

- L'exonération de 75 % propre aux donations d'entreprise est cumulable avec l'abattement personnel de 50 000 Euro(s) et avec les réductions dont bénéficient les donations classiques en raison de l'âge du donateur. Ainsi, la donation de la pharmacie en pleine propriété par Mme M., âgée de moins de 70 ans (61 ans), bénéficie d'une réduction de droit de 50 %.

- Jacques doit financer une soulte de 1 000 000 Euro(s) à son frère pour rétablir l'égalité au niveau des parts nettes reçues.

A noter : les donations d'entreprise bénéficient également, sur option, d'un régime avantageux de crédit de paiement des droits. Par ailleurs, en prenant l'engagement d'exploiter la pharmacie pour plus de 5 ans Jacques sera exonéré totalement des plus-values.

Donation-partage intégrale + autres biens

- La donation-partage aux enfants est plus large, elle concerne la pharmacie et d'autres biens appartenant en propre à monsieur M. Là aussi, le respect de l'égalité des parts conduit Jacques à verser une soulte à Pierre (250 000 Euro(s)).

- L'exonération de 75 % est cumulable avec les réductions de droits.

Jacques doit prendre le même engagement d'exploiter la pharmacie pendant plus de 5 ans pour bénéficier du régime d'exonération totale des plus-values.

A noter : la donation-partage peut parfaitement être inégalitaire, sans que Jacques ne soit contraint de payer une soulte à son frère.

cas pratique n° 4

La donation de l'officine aux petits-enfants

Jeanne Mortier, 61 ans, pharmacienne, et Jules, 65 ans, retraité, sont mariés sous le régime de la séparation de biens. Ils ont 2 enfants. Pierre, 34 ans, médecin est marié et a 2 enfants dont 1 en 6e année de pharmacie (Paul). Jacques, 32 ans, pharmacien installé, est marié et a 3 enfants dont 1 en 6e année de pharmacie (Julie).

Leur patrimoine :

Biens propres de Jeanne : pharmacie acquise en 1987 au prix de 350 kEuro(s), valeur actuelle 2 MEuro(s) sans dettes + environ 500 kEuro(s) d'économies (dans un PEA).

Biens propres de Jules M. : 1,5 MEuro(s) (immobilier hérité de famille).

Patrimoine indivis entre les époux : résidence principale 500 kEuro(s) + liquidités 400 kEuro(s) + 100 kEuro(s)de meubles et autres (meubles meublants, bijoux, voitures, etc.). Assurance vie : 150 kEuro(s) par Jules M. au bénéfice de son conjoint ou à défaut de ses enfants.

Patrimoine de la famille M.

Les donations-partages dites transgénérationnelles

Les grands-parents peuvent désormais effectuer une donation-partage au profit de petits-enfants si les enfants des donateurs y consentent et renoncent à leurs propres droits. Attention, les petits-enfants n'étant pas des héritiers réservataires, les grands-parents doivent, comme dans le cadre d'une donation classique, limiter leur générosité à la quotité disponible (part des biens dont il peut disposer librement au profit de tel ou tel héritier), sauf en présence d'un pacte successoral. La signature de ce document devant deux notaires permet à des héritiers d'abandonner par avance leur part réservataire au profit de leurs propres enfants. Une donation-partage transgénérationnelle demande également que tous les petits-enfants aient participé, c'est-à-dire aient reçu un lot de même valeur. Comme la donation-partage classique, la donation transgénérationnelle peut comprendre des biens antérieurement donnés par le donateur. Ainsi, par exemple, on peut prévoir qu'un bien autrefois donné à un enfant soit finalement attribué à son fils ou à sa fille... Ce saut de génération peut favoriser la transmission de l'officine familiale à des petits-enfants diplômés déjà préparés à la relève, évitant une transmission intercalaire aux parents également pharmaciens et déjà âgés.

Conséquences fiscales

La renonciation des parents au profit de leurs propres enfants n'est pas considérée comme une donation indirecte. La part de chaque petit-enfant est taxée comme s'il recevait une donation directe de ses grands-parents. Chaque petit-enfant a bien droit à l'abattement de 30 000 Euro(s) (tous les 6 ans) prévu pour les donations aux petits-enfants, mais pas à celui de 50 000 Euro(s) réservé aux enfants. Au décès du parent renonçant, lors du partage de sa succession, ce que les petits-enfants avaient reçu de leurs grands-parents sera traité comme si leur parent leur avait consenti lui-même une donation-partage. Ce montant n'aura donc pas à être réévalué à ce moment-là. Et ils bénéficieront néanmoins de l'abattement de 50 000 Euro(s) au titre des successions entre parents et enfants, même si le décès du parent survient moins de 6 ans après la donation-partage.

Avis de l'expert

Hubert Mathieu, notaire à Nîmes (Pharmétudes)

- Plusieurs enfants

« Lorsque la famille comporte plusieurs enfants, la transmission de l'entreprise est toujours compliquée dans la mesure où les parents souhaitent conserver un équilibre des biens donnés à chacun d'eux. Dans ces situations, il est rarement possible d'envisager l'entreprise isolément : il faut préparer la transmission de l'ensemble du patrimoine en y intégrant toutes les données personnelles. A chacun sa situation, il n'y a pas deux exemples semblables ! Il faut noter par ailleurs que si vous n'avez pas d'héritier diplômé, vous pouvez néanmoins faire une donation-partage par exemple au bénéfice de votre principal adjoint qui reprendra l'officine moyennant une soulte à vos héritiers. L'économie fiscale peut être là aussi très importante ! Avant toute décision, il faut consulter votre notaire et chiffrer cette solution. »

À NOTER

Depuis le 1er janvier 2007, la donation n'est plus limitée aux transmissions entre parents et enfants (outre grands-parents et petits-enfants) mais étendue à toutes les successions. Ainsi, une donation-partage peut inclure : descendants et conjoint, frères et soeurs ou neveux et nièces (en l'absence d'enfants), ascendants ou père et mère et conjoint, cousins, oncles et tantes en l'absence d'autres héritiers.

La pharmacie est donnée à deux des cinq petits enfants

- Il est nécessaire d'intégrer dans la donation-partage d'autres biens de famille pour les allotir partiellement. Il est souhaitable que la donation soit faite conjointement par les deux époux M.

- La donation ne doit pas porter atteinte à la réserve des petits-enfants dans la succession de leur parent. Par exemple, Pierre a deux enfants dont Paul. La part versée à Paul est rapportable à la succession future de Pierre (sauf à faire intervenir tous les petits-enfants à la donation-partage : la sécurité juridique commande que la soeur de Pierre intervienne dans la donation-partage, même si elle ne reçoit qu'une très faible somme de ses grands-parents).

- Tous les enfants de Pierre et Jacques devront donc concourir à la donation-partage qui devient un véritable pacte familial.

- Chaque grand-parent a le droit de donner en franchise d'impôt 30 000 Euro(s) à Paul et à Julie. Au-delà de cet abattement et de celui de 75 % pour donation d'entreprise, les droits de transmission sont calculés de la même façon que pour les enfants (ils sont ensuite réduits selon l'âge du donateur).

- Le coût fiscal par rapport au patrimoine transmis (2,12 %) est légèrement supérieur au coût fiscal dans le cas d'une donation à Jacques (1,92 %). En fait, ce petit différentiel est énorme car le fait d'avoir sauté une génération a permis de réaliser une économie fiscale de 20 % !

- Enfin, si madame M. choisit de prendre en charge les droits de mutation et les frais de notaire (normalement acquittés par le bénéficiaire), cette prise en charge est défiscalisée et constitue un aide supplémentaire hors taxes.

10 recommandations importantes

1. Ne pas faire de la mort un tabou. La communication est le maître mot d'une transmission réussie. Expliquez vos motivations en cas de donations inégalitaires.

2. Avoir des intentions claires. Voulez-vous donner à vos enfants, privilégier l'un d'entre eux, protéger votre conjoint ? La stratégie tiendra compte de ce que vous voulez pour vos héritiers.

3. Ne pas donner par intérêt : la fiscalité ne doit pas être la seule motivation d'une donation. Mal préparée, elle peut se révéler désastreuse.

4. Respectez un équilibre familial. La succession ne doit pas être pour vos héritiers l'occasion de régler des comptes. Préférez les donations-partages aux donations simples.

5. Ne pas donner trop, ni trop tôt. Faites un bilan patrimonial (crédits à payer...) et social (retraite, prévoyance...) avant de donner.

6. Allez voir régulièrement un notaire pour les grands moments de la vie. Un mariage, une naissance, un divorce, la création d'une entreprise, la retraite, une donation à vos petits-enfants... Toutes ces situations changent la donne.

7. Conservez assez de liquidités pour régler la succession. Les héritiers doivent souvent vendre des biens de famille pour payer les droits.

8. Pour mieux protéger votre conjoint, faites évoluer votre régime matrimonial s'il n'est plus adapté à votre situation patrimoniale.

9. Pour éviter les soucis liés à l'indivision, construisez un patrimoine fractionnable si vous prévoyez une mésentente entre vos héritiers.

10. Tenez compte des différences d'âge au sein des familles. Un héritage en démembrement entre une belle-mère et de beaux-enfants du même âge peut ne pas être pertinent.

Ce qu'il faut retenir des nouveautés de la loi de juin 2006

En acceptant l'héritage, on peut être déchargé en justice du paiement d'une dette tardivement connue obérant gravement son patrimoine.

La gestion courante des biens indivis ne requiert plus une décision unanime.

Les opérations courantes nécessaires à la continuation de l'entreprise peuvent être accomplies par les héritiers sans entraîner acceptation de la succession du chef d'entreprise.

Vous pouvez donner à une personne le pouvoir de gérer à son décès tout ou partie de l'entreprise pour le compte et dans l'intérêt d'un héritier.

Un enfant peut renoncer par anticipation à exercer son action en réduction contre une libéralité consentie à un frère ou à une soeur qui porterait atteinte à sa part réservataire.

Un enfant peut recevoir une donation comportant l'obligation de conserver le bien donné et de le transmettre, à son décès, à ses propres enfants ou à une autre personne désignée.

Toute personne (plus seulement les ascendants) peut consentir des donations-partages.

La donation-partage avec « saut de génération » est introduite dans notre droit.

Le régime matrimonial des pacsés devient la séparation de biens et les biens acquis ne sont plus présumés indivis.

Un changement de contrat de mariage n'a pas besoin d'être homologué en présence d'enfants majeurs. Sauf opposition des héritiers et des créanciers à ce changement, l'acte notarié portant modification du contrat de mariage est suffisant.

Avertissement

Les mécanismes décrits ici resteront d'actualité après la réforme, purement fiscale, annoncée. En revanche, certaines valeurs pourraient changer. Les deux mesures phares sont l'exonération pour le conjoint marié ou pacsé (une révolution) et l'augmentation des abattements en ligne directe. Si le chiffre de 150 000 euros est retenu, c'est plus de 95 % des successions qui seront exonérées. Pour les 5 % non exonérés, il suffira de s'y prendre à l'avance par donations tous les 6 ans. Concernant les abattements figurant dans les tableaux de ce cahier, nos calculs tiennent compte de la fiscalité à mars 2007 car nous ne savons pas encore quand prendra effet la loi.

Pour approfondir : L'acceptation à concurrence de l'actif net

Le régime actuel de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire est remanié et dénommé « acceptation à concurrence de l'actif net ». Cette nouvelle appellation met en avant le fait que l'héritier ne sera tenu des dettes successorales qu'à concurrence de la valeur des biens qu'il a recueillis et non sur tous ses biens comme c'est le cas pour l'héritier acceptant purement et simplement. Par ailleurs, cette acceptation évite la confusion des biens personnels de l'héritier avec ceux de la succession. Elle préserve les droits que cet héritier avait antérieurement sur les biens du défunt (article 791 du Code civil).

L'héritier qui accepte la succession à concurrence de l'actif net a un rôle important dans la mesure où il règle le passif successoral, paye les créanciers (article 796 du Code civil) et administre les biens qu'il recueille dans la succession (article du Code civil). De même, il peut vendre les biens qu'il n'entend pas conserver mais il doit en faire déclaration dans les 15 jours au tribunal.

Pour approfondir : Le règlement de l'indivision

De nouvelles règles assouplissent la prise de décision concernant les biens indivis : l'unanimité n'est plus la seule règle. Certaines décisions peuvent être prises par les héritiers représentant les deux tiers des droits indivis (actes d'administration, nomination d'un mandataire pour gérer les biens indivis, vendre des biens meubles pour régler les dettes, conclure ou renouveler certains baux). Toutefois, l'unanimité est toujours requise pour vendre des biens immobiliers. Ces règles s'appliquent aux indivisions déjà existantes au 1er janvier 2007.

En cas d'inertie d'héritiers ou de mésentente, le juge peut désigner un mandataire successoral. Il fixe la durée de sa mission et l'étendue de ses pouvoirs. Nul ne peut être contraint de demeurer dans l'indivision. Mais celle-ci peut être maintenue dans les conditions fixées par le juge en dépit de la demande de partage faite par un ou plusieurs indivisaires. Plusieurs conditions sont requises pour le maintien forcé de l'indivision d'une entreprise. Quoi qu'il en soit, la durée de l'indivision ne peut excéder 2 ans (5 ans pour une entreprise).

Pour approfondir : Donation-partage d'entreprise

La distribution et le partage de biens comprenant une entreprise individuelle à caractère industriel, commercial, artisanal, libéral ou agricole sont autorisés au profit des enfants mais également au profit d'une autre personne dans la mesure où cette dernière ne reçoit que l'entreprise. Ce tiers peut être un « non-parent» ou un parent à un degré plus ou moins éloigné, et cette donation a le caractère d'une donation hors part successorale.

Le législateur étend ce dispositif aux donations-partages des parts ou actions de la société exploitant une entreprise à caractère industriel, commercial, artisanal, agricole ou libéral à condition que le tiers attributaire des droits sociaux y exerce une fonction dirigeante (article 1075-2 du Code civil). Par ailleurs, en raison de l'extension du champ d'application des donations-partages, l'opération pourra intervenir non seulement entre des parents et des enfants et un tiers (par exemple un neveu ou un non-parent) attributaire de l'entreprise, mais aussi entre un oncle et ses neveux et nièces et un tiers.

Pour approfondir : Les donations-partages pour les familles recomposées

Après un divorce et une nouvelle union, la gestion du patrimoine doit concilier les besoins des enfants d'un premier lit et ceux de son nouveau conjoint. La réforme des successions autorise désormais la donation-partage dans les familles recomposées. Le donateur peut consentir une donation-partage aux enfants nés d'une précédente union et à ceux nés de l'union présente. Les enfants non communs ne pourront cependant recevoir des biens personnels ou communs que de leurs seuls parents. Les règles de la réserve héréditaire ne sont pas modifiées. Les enfants demeurent les héritiers réservataires de leurs parents.

Le beau-parent ne donne donc rien directement à ses beaux-enfants mais doit consentir à ce que son conjoint leur donne un bien commun. Au décès du premier époux (ou en cas de divorce), le beau-parent sera dédommagé de la part du bien commun qui aurait dû lui revenir et qui a été donné à ses beaux-enfants.

Exemple : Marie et Jean-Pierre ont 2 enfants communs : Amélie et Alexandre. Jean-Pierre a un fils issu d'une première union, Guillaume. Marie a également un enfant, Sylvain, issu d'un précédent mariage.

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