Les pharmaciens espagnols sur la défensive - Le Moniteur des Pharmacies n° 2680 du 02/06/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2680 du 02/06/2007
 

L'ÉVÉNEMENT

Actualité

Face aux pressions de la Commission européenne, les pharmaciens espagnols veulent démontrer les périls que supposeraient une libéralisation du marché et l'ouverture du capital des officines aux non-pharmaciens. Un combat que les pharmaciens français vont suivre de très près.

Notre modèle de distribution pharmaceutique doit être exporté, non transformé, et notre obligation est de le défendre dans l'intérêt général. » Le 18 mai dernier, Isabel Vallejo n'a pas mâché ses mots lors du congrès syndical de la Federación Empresarial de Farmacéuticos Españoles (FEFE), qu'elle préside. Elle a même appelé à une initiative auprès du Parlement européen, par le biais des partis politiques, afin d'élaborer un rapport qui comparerait les modèles existants en termes de service, d'assistance et de satisfaction des usagers. Le modèle « à la norvégienne », où il existe, selon elle, une pharmacie pour 8 000 habitants et où trois chaînes se partagent le marché, est bien sûr sa hantise.

En Espagne, la densité d'officines est quatre fois supérieure (1 pour 2 011 habitants) et le taux de satisfaction des usagers bat des records : sur 37 services analysés en 2005 par la Direction générale de la consommation, la pharmacie était celle qui enregistrait le moins de plaintes, à peine 0,22 % du total. « Notre modèle est exemplaire à plus d'un titre : il est économique, proche des citoyens et nous oblige à situer la concurrence sur le terrain des services vu que nous ne pouvons le faire sur celui des prix », estime la présidente de la FEFE.

Ce modèle est néanmoins dans la ligne de mire de Bruxelles qui, par un avis motivé de juillet 2006, a demandé à l'Espagne un changement de législation. Aux yeux de la Commission, qui veut faire sauter le verrou d'un quorum de 2 800 habitants par pharmacie nouvelle et d'une distance minimale de 250 mètres entre établissements, la Navarre est la seule des 17 communautés autonomes à satisfaire à ces exigences.

Lier « titularisation » et « propriété »

L'interdiction de posséder plusieurs pharmacies, rempart à l'apparition de chaînes, est aussi sur la sellette. Autre menace, la loi sur les sociétés professionnelles, approuvée récemment par le Congrès des députés de Madrid. Bien que cette loi ait été pensée à l'origine pour les sociétés de professionnels libéraux, le ministère de la Santé n'a pas réagi lorsque celui de la Justice a inclus dans son périmètre d'application les pharmacies, avec le risque de permettre une ouverture de leur capital aux non professionnels à hdiv de 25 %. Tentative masquée de libéraliser le secteur ? Le gouvernement s'en défend. Echaudés, les pharmaciens ont réussi à faire introduire in extremis dans le div un amendement liant titularisation et propriété, lequel les protège a priori. « Mais cet amendement est contesté par certains groupes de pression et il faudra être très attentif lorsque la loi entrera effectivement en vigueur, début 2008 », avertit Isabel Vallejo.

L'ambiguïté de la position du gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero et les vents de libéralisation soufflant de Bruxelles créent un climat d'inquiétude. Au point que José Luis Gomis, directeur de la pharmacie et des produits sanitaires de la Communauté autonome de Valence, a tenu à rappeler à la tribune du Congrès que l'officine était un « établissement sanitaire d'intérêt public » et qu'il s'agissait là « d'un principe intangible. »

Au-delà de ce principe, l'intérêt économique de la profession est aussi en jeu. Ces deux dernières années, la croissance du secteur a été légèrement inférieure à celle du PIB nominal (PIB plus inflation) : 6 % contre 7 %. 45 % des pharmacies réalisent moins de 350 000 Û de chiffre d'affaires. La FEFE a encouragé l'implantation de micro-officines (où n'exerce que le seul titulaire) dans des zones rurales aux populations fragilisées. « Nous ne pourrons continuer à travailler dans de bonnes conditions que si le modèle actuel est défendu », insiste Isabel Vallejo.

La grande distribution lorgne sur les médicaments

Mais jusqu'à quand ? Les initiatives de la grande distribution pour entrer sur le marché du médicament donnent des sueurs froides. Au siège d'Anged, l'Association nationale des grandes entreprises de distribution, qui regroupent des poids lourds tels que El Corte Inglés ou Carrefour, on se contente de réclamer « le respect des divs européens ». Sur le terrain, ces enseignes concurrencent déjà les officines en parapharmacie (activité qui représente entre 10 et 15 % des ventes de celles-ci). El Corte Inglés (plus de 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires) a ouvert sa première parapharmacie en 1997 et ce service est aujourd'hui disponible dans sa centaine de grands magasins et hypermarchés. Carrefour Espagne a lancé en 2004 un plan visant à installer des parapharmacies dans 142 hypermarchés et en est à 50 implantations. Chez El Corte Inglés, comme chez Carrefour, l'équipe de vente inclut un pharmacien diplômé.

« Nous nous sommes préparés à vendre des médicaments sans ordonnance dès que la législation espagnole évoluera suivant les critères et les directives de l'Union européenne. Notre goût du service et notre engagement envers les consommateurs l'exigent », affirme-t-on depuis plusieurs mois chez El Corte Inglés. Une menace prise très au sérieux par les pharmaciens qui savent que leur principal avantage compétitif face aux grandes surfaces, le service justement, ne sera pas rétribué avant de longues années, l'obsession de l'administration étant de réduire les coûts.

En attendant des jours meilleurs, et face au risque d'une double concentration économique et géographique, les responsables de la profession font flèche de tout bois. La FEFE a présenté en avril un rapport commandé à la société de consultants Gladius Real Estate selon lequel la libéralisation voulue par Bruxelles conduirait à la fermeture des pharmacies dans les municipalités de moins de 5 000 habitants. Or, précise ce div, « actuellement, il existe des officines dans des municipalités de moins de 500 habitants. 99 % des Espagnols disposent d'une pharmacie à moins de dix minutes de chez eux. Sans compter que, dans de nombreux villages, le pharmacien est seul à pouvoir apporter une première attention sanitaire ».

Concernant la vente de médicaments sans ordonnance (600 millions en 2005), le Portugal est cité comme l'exemple à ne pas suivre. Dans ce pays, la libéralisation de ce marché, à l'automne 2006, aurait conduit à une augmentation des prix d'au moins 5 % en un an et à des différences tarifaires importantes entre zones géographiques. « Le principe d'égalité des citoyens devant les soins a été rompu, ce que nous voulons éviter ici à tout prix », affirme Isabel Vallejo, titulaire d'une pharmacie en Galice. L'avis motivé dont l'Espagne fait l'objet ne s'explique selon elle que par la pression des lobbies à l'oeuvre à Bruxelles. « Sinon, nous ne comprenons pas pourquoi la Commission n'a pas attendu l'élaboration d'une loi sanitaire par le Parlement européen ; la Commission est là pour protéger les citoyens, pas les intérêts des entreprises. »

L'Office européen des brevets demande une protection accrue des princeps !

L'Office européen des brevets estime que le gouvernement espagnol devrait accorder une protection jusqu'en 2012 à une liste de 12 produits représentant 20 % des dépenses de médicaments. Les fabricants de génériques contestent ce choix en raison de la législation antérieure à 1992 qui établissait une distinction entre la protection de l'élaboration du médicament et le médicament proprement dit. En tout cas, la décision de l'Office apporte de l'eau au moulin des laboratoires qui ont proposé voici peu d'investir 300 millions d'euros dans la recherche sur les maladies rares en échange d'une protection accrue des 12 produits en question. Leurs ventes annuelles se montent à 1,6 milliard d'euros.

Chiffres clés

20 700 pharmacies

22 500 pharmaciens propriétaires

35 000 pharmaciens non propriétaires travaillant dans des pharmacies

120 pharmacies ouvertes en 2006

500 pharmacies en phase d'ouverture

550 à 660 000 euros de CA moyen

24% de marge moyenne sur les médicaments (27,9 % moins un discount de 3,9 % récupéré par les Communautés autonomes)

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !