Inspection... réaction, action - Le Moniteur des Pharmacies n° 2679 du 26/05/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2679 du 26/05/2007
 

BOURBOURG

Initiatives

Parce que les habitudes s'installent, que le temps fait défaut voire, parfois, parce qu'on se laisse aller à la facilité, la ligne jaune peut être vite franchie. C'est ce qui est arrivé à Françoise Bécart, titulaire à Bourbourg (Nord), rappelée à l'ordre par l'Inspection pour manquements à la réglementation. Elle a réagi immédiatement.

Un premier contrôle, effectué 16 ans plus tôt, ne lui avait pas laissé de souvenir particulier. Mais ce mardi 30 mai 2006, un matin, Françoise Bécart s'en souvient comme si c'était hier. « J'étais dans mon bureau quand l'inspectrice est entrée dans l'officine. Elle a demandé les qualifications des salariées présentes et a suspendu immédiatement l'activité de deux d'entre elles pour enfreinte à la réglementation. L'une avait suivi des études de préparateur mais n'avait jamais obtenu son diplôme, l'autre n'avait que le statut de vendeuse. » Un paradoxe pour cette titulaire qui avais mis en place plus d'une trentaine de procédures qualité depuis 2003 un DU qualité à l'officine à la faculté de Lille en 2005-2006... Y compris sur la délivrance des ordonnances, la location de matériel, la sous-traitance des préparations, les appels téléphoniques...

Françoise Bécart, installée depuis 1989 à Bourbourg (Nord), le reconnaît mais plaide les circonstances atténuantes : « Effectivement, elles ne devaient pas être présentes au comptoir, mais toutes les deux travaillaient ici depuis longtemps, avant moi, et avaient acquis une certaine pratique du métier. Et un diplômé en pharmacie était toujours à proximité... »

Jouer franc jeu avec les clients

Dès le 31 mai 2006, Françoise Bécart doit revoir d'urgence son organisation. « Chacun des salariés, les deux pharmaciens adjoints, la préparatrice, l'aide-préparatrice et la vendeuse faisaient un peu de tout, du comptoir, du déballage des commandes... En un mois, j'ai réparti les tâches en fonction des qualifications », explique-t-elle. Des renseignements sont pris afin de chercher une solution pour la « préparatrice ». Pour valider son diplôme, elle doit refaire les deux ans de formation et, en sus, obtenir une équivalence du baccalauréat. Le système de validation des acquis de l'expérience (VAE) n'a pas été pris en compte pour ce métier. La voie se révèle sans issue. L'employée en question devra donc se cantonner au « comptoir sans ordonnance ».

Parallèlement, Françoise Bécart adapte ses procédures qualité, les multiplie et décide de formaliser un maximum de choses dans l'officine, laquelle comptait quatre comptoirs. Un cinquième est créé, consacré spécifiquement aux produits sans ordonnance, pour mieux coller aux nouvelles fonctions des salariés. « Du back-office, elles peuvent ainsi voir si un client se dirige vers ce comptoir et s'y rendre. Les clients peuvent déposer leurs ordonnances et leurs analyses médicales, acheter des produits de parapharmacie... », détaille la pharmacienne.

Il a fallu de trois à six mois aux clients pour s'habituer à cette nouvelle disposition. « Ayant joué franc jeu avec les clients, nous craignions leurs réactions au début quand nous leur avons expliqué les raisons de ce changement, alors qu'ils voyaient ces personnes depuis 15 ans. Mais ce sont à 80 % des habitués. Nous avons simplement installé un grand panneau pour les aider à s'orienter. » La gestion du tiers payant et l'animation commerciale (la gestion des vitrines, la mise en place des promotions, l'affichage des prix, le remplissage des linéaires) ont été déléguées aux non-pharmaciens. De plus un pharmacien adjoint est venu une journée par semaine compléter le reste de l'effectif.

Logique ne veut pas dire réglementaire

Mais ce n'est pas tout. Ce 30 mai 2006, l'inspectrice avait également rappelé à la pharmacienne les divs réglementaires concernant la gestion du stock de stupéfiants. L'officine disposait dans le back-office d'une armoire fermée à clef pour les produits ainsi que d'une pièce sécurisée. Insuffisant, a souligné l'inspectrice, réclamant l'acquisition d'un coffre-fort. « Nous avons dix patients sous Subutex et six sous méthadone. J'ai suivi des formations sur le sujet pour mieux connaître les produits et j'ai impliqué mon équipe. Il faut aussi savoir être à l'écoute des patients. Nous avons dû aussi, pour appliquer strictement la réglementation, faire un ordonnancier manuel alors que nous faisions une sauvegarde directement sur informatique. » Depuis le début de l'année, ce qui constituait une faute il y a encore une année est conforme à la réglementation : l'ordonnancier informatique est considéré comme valide. « Nous avons décidé cependant de conserver les deux pour disposer d'un double contrôle. On n'est jamais trop vigilant ! », souligne Françoise Bécart. La mise en rayon des produits dans l'officine a aussi fait l'objet d'un signalement. « Mais si l'on respecte stricto sensu la réglementation, cela aboutit parfois à une absurdité, observe la titulaire. Pourquoi dissocier par exemple les laits premier âge des laits deuxième âge ? » L'officinale, qui a accordé une large place aux linéaires pour bébés, visibles dès l'entrée de l'officine, a réuni les produits par pure logique. Mais, bien évidemment, ceux avec AMM ne doivent pas se trouver à portée de main. « Ainsi j'ai dû déplacer la crème Mitosyl, pourtant connue des clientes de longue date et sans risque, alors que j'ai pu laisser sur les rayons en accès libre d'autres crèmes sans AMM. Les laits premier âge sont derrière le comptoir mais pas les laits deuxième âge. » Françoise Bécart pointe d'autres étrangetés : les solutions gynécologiques disposant d'une AMM, qu'elle considère sans risque, ne doivent pas côtoyer le Lactacyd ni le Saforelle.

Attention à la routine !

Françoise Bécart apprendra plus tard qu'elle n'est pas la seule dans la région à avoir fait l'objet d'une visite. « J'ai récupéré huit compte rendus d'inspections. L'inspectrice avait relevé les mêmes anomalies, par exemple la délivrance au comptoir par des personnes non habilitées. Or elles étaient là depuis longtemps, certaines avaient été formées sur le tas. Il est difficile de les licencier comme ça. »

Le rapport d'inspection complet soulignait aussi d'autres entorses à la réglementation : « Il a fallu que je justifie l'existence de vignettes barrées dans les tiroirs, ce qui peut arriver suite à une erreur de dosage, une erreur de boîte, au fait que des clients laissent une partie de leur ordonnance. Or il aurait fallu mettre systématiquement un Post-it sur chaque boîte. » Autre exemple : « L'inspectrice nous a demandé d'acheter une sonde pour le réfrigérateur afin de remplacer le relevé manuel. Nous avons donc mis en place un enregistreur afin d'imprimer un relevé des températures tous les mois. En revanche, pas de soucis pour la traçabilité des dérivés du sang, nous avions conservé les registres, ce que ne font pas systématiquement les confrères. Nous avons dû simplement compléter des informations manquantes. »

Françoise Bécart a ainsi réagi au plus vite aux manquements à la réglementation que lui reprochait l'inspection de la pharmacie. Encore heureux, direz-vous. Mais il faut surtout noter qu'elle l'a fait en réorganisant le fonctionnement de l'officine et en accentuant les procédures qualité qu'elle avait déjà mises en place. Pas si évident...

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les avantages

- Ce type de mésaventure peut permettre de repartir sur de bonnes bases de travail. « Je suivais déjà un DU de qualité à Lille et avais déjà procédé avec mon équipe à l'établissement de procédures. Nous avons poursuivi ce travail qui oblige à repenser ses habitudes. »

- « La visite de l'inspecteur sonne comme une alarme. Elle nous rappelle qu'il faut rester vigilant sur les droits et devoirs de la profession. L'idée d'une inspection tous les deux ou trois ans sur certains points ne me dérangerait pas. »

- « Souder l'équipe car l'officine et les salariés ont dû trouver une nouvelle organisation où chacun puisse trouver sa place. »

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les difficultés

- Le stress : être contrôlé n'est jamais agréable, « surtout quand on a l'impression que les points positifs, comme le suivi et l'application de procédures qualité, qui existaient dans l'officine, ne sont pas relevés ».

- Habituer l'équipe à faire attention systématiquement et à mettre par écrit même ce qui semble relever de la routine, pour être sûr d'avoir de bonnes pratiques.

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les conseils de françoise bécart

- « Repenser au travail effectué dans la routine, au jour le jour. On peut dévier sans vouloir forcément transgresser la réglementation ».

- « Formaliser par écrit le plus d'actes possibles, de la sous-traitance des préparations aux rétrocessions aux autres pharmacies en passant par la délivrance d'une ordonnance, la gestion des retraits de périmés, la justification d'une vignette barrée... »

- « Attention à faire vivre les procédures ! Il faut les faire évoluer sinon elles tombent dans l'oubli ».

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