Il se met en frais pour ses confrères

Il y a 15 ans, je m'étais déjà penché sur le problème des portes automatiques tant les prix étaient faramineux ! », explique Ronan Le Hénaff, installé à Rennes et également président du syndicat d'Ille-et-Vilaine. L'idée de faire baisser les frais généraux de son officine s'est alors nichée dans un coin de sa mémoire, pour resurgir l'année dernière. A cela s'ajoutait un constat : en tant que dirigeants de PME, les pharmaciens ne font pas souvent face à leurs obligations. Faire vérifier l'installation électrique chaque année, avoir des documents uniques de sécurité à jour, vérifier la climatisation font partie des oublis les plus courants. « Des oublis dus à la non-connaissance de nos obligations de chefs d'entreprise, mais le jour où il y a un pépin, c'est la catastrophe ! »

Dans ce condiv, l'appel téléphonique de la société Immergences Productive (spécialisée dans la logistique industrielle et la gestion de production) à Ronan Le Hénaff aura suffi à faire mûrir l'idée : « Je leur ai demandé s'ils pouvaient nous négocier toutes ces contraintes. Ils se sont pris au jeu et ils ont créé la société Immergences Achats en 2006. »

Peu d'adhésions au début

En tant que syndicaliste, Ronan Le Hénaff avait depuis longtemps entendu parler de contentieux pour des motifs aberrants. Par exemple des confrères payant jusqu'à 800 euros par mois pour avoir des écrans plats dans leur officine. Ou d'autres, liés à un prestataire trop gourmand, qui souhaitent s'en séparer mais qui ont oublié de lire les clauses de rupture du contrat et qui se retrouvent avec deux contrats en cours pour une même prestation... Ces exemples, ajoutés à l'augmentation globale et significative des frais généraux des PME et à l'érosion des marges de l'officine, auront donc convaincu Ronan Le Hénaff.

Il déploiera une énergie sans limites pour présenter Immergences Achats aux pharmaciens. En plus de son travail en officine et de sa charge de président, il estime aujourd'hui qu'il a passé plus de trois mois à expliquer et réexpliquer la démarche : « Je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi long de mettre en place une stratégie gagnante ! » Au bout de 9 mois, Immergences Achats ne récolte que l'adhésion d'une centaine de pharmacies, au grand étonnement de l'initiateur du projet. « C'est incompréhensible ! Pour des honoraires fixes, annuels, on peut avoir toutes les prestations que l'on désire, mais il faut comprendre qu'elles ne monteront en charge qu'en fonction du nombre d'adhérents... »

L'union fera la force

La collaboration se révélera pourtant efficace. « Les premiers contrats que je leur avais demandé de négocier (les vérifications d'extincteur et les portes automatiques) ont démarré très fort. Rien que sur la dernière prestation, je payais auparavant 232 euros et je n'en paye plus que 145 parce qu'on s'est regroupés... » Dans un bruissement de papier, Ronan Le Hénaff montre ses factures : « Tenez, regardez, pour la vérification de l'installation électrique, 150 euros (tarif négocié par Immergences Achats) au lieu de 460 euros avant. Je crois que l'un des problèmes du pharmacien est qu'il n'a pas l'habitude de cotiser pour des services... »

Ce que ne précise pas Immergences Achats, c'est que devant le peu de réactivité des pharmaciens, elle s'est aussi tournée vers d'autres professions (biologistes, boulangers, avocats, industriels...). « Moi, c'est simple, je ne suis plus obligé de prospecter pour trouver le moins cher, je gagne du temps qui me permet de me consacrer à la pharmacie et, surtout, je fais des économies de 30 à 50 % ! Les grandes surfaces se regroupent, elles ont compris... Peut-être que les pharmaciens ont peur de ne plus être libres, alors que pour une cotisation fixe ils peuvent choisir les prestations qui les intéressent..., suppose Ronan Le Hénaff. Mon idée de faire baisser les frais généraux avait aussi un but : celui de pousser les pharmacies, qui sont des petites entreprises, à se structurer en grosses entreprises. »

Les derniers chiffres de 2006 sont tombés. Déception, mais pas découragement. L'homme a un don certain pour bien communiquer. Alors l'initiative fait des petits. Véronique Prie, installée à Pont-de-Buis-lès-Quimerch et coprésidente du syndicat du Finistère, explique qu'elle a « tout de suite marché » quand on lui a demandé de diffuser ce projet par le biais du syndicat. « Pour moi, ça a été tout bénef tout de suite, reconnaît-elle en riant. J'ai fait diminuer de moitié mes factures sur la porte et sur la bureautique ! Ce que les pharmaciens doivent comprendre, c'est que plus il y aura d'adhérents, plus ce sera pérenne ! » Du côté d'Immergences Achats, l'idée de Ronan Le Hénaff séduit : « A partir du moment où on savait négocier des tarifs pour les pharmaciens d'Ille-et-Vilaine, il est évident que l'on pouvait le faire sur d'autres départements. Rapidement, on s'est étendus au Grand Ouest et, cette année, on démarre sur le Sud-Ouest. Puis on pense s'étendre au territoire national. »

D'autres projets trottent dans la tête de Ronan Le Hénaff : « J'ai horreur de m'ennuyer, j'ai besoin que les choses bougent... » Juste un bémol, glissé avec malice : « Il paraît que c'est un peu fatigant pour les proches... » Mais c'est aussi la preuve que toutes les contraintes qui se cumulent pour la TPE officine ne sont pas une fatalité pour qui sait être entreprenant.