Avantages et inconvénients d'être deux ou trois - Le Moniteur des Pharmacies n° 2672 du 07/04/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2672 du 07/04/2007
 

SEL À PLUSIEURS POINTS DE VENTE

Entreprise

Le projet de rédaction d'un décret formulé par l'Ordre envisage la possibilité de constituer des SEL pouvant accueillir jusqu'à trois officines. Cette nouvelle donne devrait rendre plus attractive, bien au-delà des aspects financiers, la gestion des officines. Avant de se lancer, il convient toutefois de bien vérifier si ce type de structure ne contient pas plus d'inconvénients que d'avantages.

1 Des avantages

Les avantages à court, moyen et long terme que procurera une association la plus étroite possible entre plusieurs officines implantées sur le même secteur sont évidents. Tout d'abord, et c'est la nouveauté, le projet de l'ordre des pharmaciens permet de consolider, au sens juridique, plusieurs officines et de développer dans le même temps une solidarité capitalistique réelle.

Au niveau maintenant de leur fonctionnement, les SEL à trois officines pourront s'apparenter à des mini-groupements qui se suffisent à eux-mêmes. « Les officinaux qui y exerceront pourront réinventer ce que font les groupements de pharmacies depuis longtemps : achats groupés, politique de formation et de merchandising commune, etc., mais ils auront certainement une discipline de fonctionnement plus efficace », pense Philippe Becker, expert-comptable de Fiducial Expertise.

Le ferment de cette évolution est la lutte contre la baisse du taux de profit dans un condiv paradoxal de valorisation excessive des fonds et le maintien du réseau officinal de proximité.

« Sur le plan stratégique, les officines ainsi groupées seront moins concurrencées sur leur zone de chalandise, réaliseront de véritables économies d'échelle du fait d'une organisation plus efficace (adaptation des heures d'ouverture et des fermetures annuelles, conditions d'achats optimisées, communication et informatique communes, centralisation de l'administratif, de la comptabilité, etc.), à condition qu'elles se situent dans le même secteur géographique », explique Bernard Fernandes, expert-comptable à la Sapec. « L'utilisation du personnel à temps partagé est envisageable à condition de jongler avec les contrats de travail (clause de mobilité) car le prêt de main-d'oeuvre est prohibé, souligne Philippe Becker. On peut également imaginer, si les pharmacies ne sont pas très éloignées, de les spécialiser. »

« Sur le plan patrimonial, les officines seront bien mieux valorisées à terme, contrairement à la valorisation séparée d'entreprises concurrentes et moins rentables », note Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet ArythmA. La fermeture d'un point de vente pourrait même être envisagée. Une petite officine ne sera pas forcément exclue de ce groupe local. « Dans les communes où il n'y a pas d'officines en surnombre, la SEL à trois officines permet, par la reprise du fonds, de sortir une petite officine d'une situation critique sans avoir à la fermer », fait remarquer Alain Miny, expert-comptable à la Sapec.

2 Des inconvénients

La direction collégiale, c'est intéressant, mais ce n'est pas toujours possible. Il faut parfois que le titulaire dégageant réellement le leadership puisse être reconnu comme tel.

Si l'entreprise exploite des officines implantées sur plusieurs sites différents, des problèmes en termes de communication peuvent survenir. Mais, sur ce point, d'autres secteurs de la distribution ont largement expérimenté le principe de fonctionnement avec succès.

La nouvelle structure peut aussi s'exposer à des surcoûts financiers : « Trois sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés bénéficient chacune, sous certaines conditions, du taux réduit d'imposition à 15 % sur les résultats fiscaux dégagés jusqu'à 38 120 euros, au-delà la taxation est de 33,33 %, expose Olivier Delétoille. Le gain d'impôt généré par chacune des entités est de 6 988 euros. Avec la SEL à trois points de vente, la société ne bénéficiera qu'une seule fois du taux réduit, et encore faut-il que le chiffre d'affaires global de la société ne dépasse pas 7 630 000 euros (sinon le taux réduit est non applicable). Le surcoût d'impôt non déductible sera ainsi de une, deux ou trois fois 6 988 euros selon les circonstances. »

Avec cette « suprastructure », « des seuils seront vraisemblablement franchis en termes de chiffre d'affaires et d'effectifs conduisant à de nouvelles contraintes (obligations sociales en matière de représentation du personnel, en cas de franchissement de seuils de 10 ou 50 salariés) ou des coûts supplémentaires comme par exemple le franchissement du seuil des 20 salariés conduisant à de nouvelles taxes (effort de construction, formation continue notamment) ».

Pour des raisons de gestion sociale, il est peut-être préférable de continuer à cloisonner les points de vente. Le meilleur moyen d'y parvenir est de constituer une société par pharmacie, dont le capital est réparti entre des associés exploitants et investisseurs (comme pratiqué aujourd'hui).

3 Des points à débattre

Capital et droit de vote

En prônant la SEL à trois officines, l'ordre des pharmaciens réintroduit sans le vouloir une dichotomie qu'elle combat pourtant entre majorité du capital et majorité des droits de vote, telle qu'elle existe actuellement avec les SELAS. En effet, un des associés exploitants pourrait détenir jusqu'à 90 % du capital de la SEL par exemple (les deux autres exploitants engageant leurs diplômes dans deux des trois officines devant détenir chacun au moins 5 % du capital) et ainsi détenir la majorité du capital et des droits de vote.

Mais, par ailleurs, la proposition de décret donne aussi un droit de veto propre à chaque associé pour les décisions afférentes spécifiquement à l'officine où il exerce. De sorte qu'un associé « ultraminoritaire », ne détenant que 5 % du capital, pourrait paralyser le principe fondateur d'une SEL à plusieurs officines, qui doit être la mise en commun de moyens !

« Un éclaircissement sur l'étendue du droit de veto est souhaitable, celui-ci ne devant pas faire obstacle aux adaptations nécessaires face à la réalité et à l'évolution de l'économie de l'officine », estime Olivier Delétoille.

Direction

Autre problème que les futurs associés de ces SEL devront anticiper : la direction de la SEL. A l'inverse d'autres secteurs de la vie industrielle et commerciale, elle est dans la majorité des cas assurée collégialement, même si le capital est réparti de manière inégalitaire entre les associés. Cette opposition, au nom de l'indépendance professionnelle, risque de peser lourd au plan économique. Car, en cas de désaccord profond, c'est l'actionnaire ou l'associé majoritaire qui, en définitive, doit trancher sur les orientations à prendre.

Le mini-réseau va nécessiter des besoins de financement et les associés devront souvent s'engager à titre personnel pour garantir des emprunts ou du crédit-bail. Ensuite, cette organisation - centrée sur l'efficacité économique - va forcément générer des attentes. La question cruciale du partage des excédents économiques entre la rémunération du travail et du capital va se poser au quotidien. « A priori, il n'est pas réellement certain de trouver des synergies réelles entre deux ou trois officines très éloignées les unes des autres au plan géographique », met en garde Olivier Delétoille.

Sortie du réseau

Enfin, il convient de s'interroger sur la sortie des pharmaciens du réseau. En effet, on peut s'attendre à ce que certaines structures deviennent fortement capitalistiques et difficiles à transmettre si la législation actuelle n'évolue pas. Aussi, en parallèle, il conviendrait d'adopter les outils qui garantiront aux pharmaciens qui s'associeraient au sein d'une SEL à plusieurs points de vente une sortie fiscalement honorable. L'intérêt de la holding adapté au condiv particulier est évident pour faciliter l'intégration de nouveaux associés.

* Article 74 de la loi Dutreil du 2 août 2005, n° 2005-882).

repère : Le nouveau condiv d'exercice en SEL

Les SEL pourraient accueillir une (comme actuellement) à trois officines.

Chaque point de vente garderait sa propre licence et serait placé sous la responsabilité d'un pharmacien titulaire inscrit à l'Ordre, avec le nombre de diplômes prévu selon son chiffre d'affaires.

Les pharmaciens associés se partageraient le capital de la SEL, propriétaire des sites ; chaque titulaire, pris individuellement, devrait détenir au moins 5 % du capital de la SEL.

Tous les associés devraient détenir ensemble la majorité du capital.

Tous les associés exploitants devront être gérants. S'agissant d'une cogérance au sein d'une SELARL, ils auront le statut d'« indépendant » TNS (travailleur non salarié).

Il n'y pas de dispositions prévoyant une distance limitative entre les officines exploitées au sein d'une même SEL.

Sauf situation très exceptionnelle, le régime fiscal de la SEL sera l'impôt sur les sociétés.

Balance bénéfices/risques

Avantages

Synergie des ressources

Economies d'échelle

Gestion optimisée des officines

Contrôle de la concurrence

Maîtrise du potentiel de développement

Enjeu patrimonial (valorisation des officines)

Inconvénients

Dichotomie entre détention du capital et détention des droits de vote

Surcoût financier lié à la nouvelle structure

Contraintes de la vie sociétale

Risque de dérives capitalistiques

Difficultés de sortie des associés

Intérêt limité si les officines ne sont pas géographiquement rapprochées.

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