Le marché flambe - Le Moniteur des Pharmacies n° 2671 du 31/03/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2671 du 31/03/2007
 

Actualité

Enquête

Une augmentation de deux points du prix moyen de cession a été observée en 2006, malgré les prévisions baissières des experts et contre toute logique. Les belles affaires s'achètent même à 110 % tandis qu'un tiers sont sous les 75 % ! Si cette inflation continue, qui rachètera demain les officines des futurs retraités ?

Le marché des ventes de pharmacies en 2006 entretient les paradoxes : selon Interfimo, les prix de cession montent - le prix moyen France entière a gagné deux points par rapport à 2005, à 90 % du CA TTC - alors que l'offre progresse sous le poids des départs en retraite. Le chiffre d'affaires des officines stagne, la marge régresse en valeur, et pourtant les fonds n'ont jamais été autant valorisés. Résultat, les prix sont de plus en plus disproportionnés au regard de la rentabilité dégagée. Bon nombre d'entre eux s'affichent à plus de 8 fois l'excédent brut d'exploitation (EBE), contre 6 ou 7 fois au début des années 2000, lorsque tous les indicateurs économiques étaient au vert. « Le marché ne réfléchit pas », confirme Luc Fialletout, directeur général adjoint d'Interfimo, qui s'étonne que les fonds soient survalorisés dans une période où l'économie chancelle. Manifestement, les prix se fondent davantage sur les potentialités de développement des officines que sur leur activité constatée.

Le ticket d'entrée augmente plus vite que la rentabilité

« Depuis 1999, le prix de cession des fonds en valeur a progressé presque deux fois plus vite que les profits de l'officine : + 55 % en 7 ans, soit 6,5 % par an. Contre + 30 % pour l'EBE, soit + 3,8 % par an », note Interfimo. 2006 ne déroge pas à la règle : le prix de cession moyen augmente de 5 % tandis que dans le même temps l'EBE marque un coup d'arrêt.

L'an dernier, les fonds de pharmacies se sont négociés en moyenne à 1,3 million d'euros environ. Les deux tiers des cessions se sont faites à des prix compris entre 400 000 Û et 1,6 MÛ. Celles à 2,4 MÛ et plus représentent près d'une sur dix (8,2 %). C'est incontestablement ces dernières, dont le volume progresse, qui expliquent la hausse du prix moyen. Les ventes à un prix inférieur à 400 000 euros régressent et ne représentent plus que 7,5 % du marché.

Concernant les disparités de prix autour de la moyenne nationale, « la tendance est encore plus marquée que les années précédentes », relève Serge Gilodi, directeur adjoint marketing et communication chez Interfimo. « Ces disparités s'affirment en fonction de la taille des officines et, dans une moindre incidence, de leur typologie. » Le niveau de chiffre d'affaires apparaît plus que jamais comme un critère déterminant, avec un prix de cession moyen de 94 % pour les officines les plus importantes, corroboré par un niveau de prix équivalent pour celles de centre commercial (93 %). Celles de quartier sont moins valorisées : 88,7 %.

Après 4 années d'une stabilité apparente à 88 %, le prix de cession moyen France entière atteint 90 % du CA TTC.

« L'écart ne cesse de s'accroître entre petites (moins de 800 000 Û) et grandes officines (plus de 2 MÛ), poursuit Serge Gilodi. Il était de 5 points en 2004, de 8 en 2005 et atteint maintenant 10 points en 2006. » Conséquence : près de 30 % des officines se vendent en dessous de 75 % du CA TTC. Une pharmacie de 700 000 euros a même été vendue à 26 % de son CA (cette cession n'a pas été prise en compte dans les moyennes). Mais 15 % des cessions se sont faites au-delà de 105 % et 20 % au-delà de 100 %.

Le marché francilien s'est nettement dispersé l'an dernier, en particulier à Paris, où « une pharmacie sur cinq s'est négociée en dessous de 69 % et autant au-delà de 100 % du chiffre d'affaires », souligne Interfimo.

Avec un nombre de mutations (1 550) en progression de 14 %, on se rapproche du record historique de 1988 (1 600). Principale explication : les départs à la retraite de la génération du baby-boom.

5 000 SEL en 2010 !

L'exploitation individuelle et la SNC continuent à perdre du terrain. La première reste le choix d'un quart des acquéreurs, contre 34 % en 2005. La seconde s'est réduite comme peau de chagrin de 14 % à 9 %. La tendance actuelle est bien le choix de plus en plus fréquent de l'exploitation de l'officine reprise à l'IS, si l'on en juge par l'essor confirmé des SEL adoptées en 2006 par la moitié des acquéreurs, contre 39 % en 2005 et seulement 6 % en 2000. A rapprocher de la remontée significative des SARL et EURL qui passent de 13 % des acquisitions en 2005 à 19 % en 2006.

Le rachat en société devient la règle et l'achat en nom propre l'exception. Au 1er janvier 2007, 46 % des officines sont exploitées sous une forme sociétaire (+ 8 %), dont 27 % en SEL. « On dénombre aujourd'hui environ 2 800 SEL. En 2010, il y aura 5 000 SEL soit plus de 20 % du marché », prédit Serge Gilodi.

Avec une moyenne nationale de 12,4 % d'officines en SEL, cette structure se développe dans toutes les régions. La plus forte proportion est toujours constatée en Normandie et dans le Nord-Est avec des densités dépassant 25 % en Alsace et en Basse-Normandie. Midi-Pyrénées et les Pays de la Loire ont des ratios plus faibles (respectivement 6,5 % et 7,4 %).

L'écart de prix ne cesse de croître entre les petites officines (moins de 800 000 Euro(s)) et les plus importantes (plus de 2 000 000 Euro(s)).

Le développement des SEL est un des facteurs majeurs d'augmentation des prix. « Les acquéreurs qui investissent dans de telles structures appartiennent à la nouvelle génération des pharmaciens entrepreneurs, explique Serge Gilodi. Ils ciblent des pharmacies performantes et sont prêts à les acheter plus cher. Cette logique économique n'est pas forcément celle d'autres acheteurs plus classiques et qui subissent, de fait, les prix du marché. Ils risquent dans l'avenir d'être sous tension. » Pour ces investisseurs qui savent ce qu'ils font, « le surprix est vite rayé grâce à l'effet levier de la croissance », ajoute Luc Fialletout.

« On comprend la logique des vendeurs. Cette inflation du prix moyen signifie que les pharmaciens récupèrent à la cession du fonds, par capitalisation, la baisse des revenus de leur outil de travail », fait remarquer Hubert Mathieu, notaire du réseau Pharmétudes. « Le capitalisme actuel de la pharmacie accentue les inégalités entre pharmaciens », constate de son côté Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet ArythmA.

En 2006, 706 SEL se sont constituées. Au 1er janvier 2007, 27 % des officines étaient exploitées sous cette forme, soit environ 2 800 SEL.

Baissera ou baissera pas ?

La pharmacie est-elle en proie à une nouvelle bulle spéculative ? Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs associés, ne le croit pas. Il s'attend à une correction du marché en 2007. « Les chiffres ne reflètent pas la réalité car il y a toujours un temps de décalage avec l'économie de l'officine. Car les acheteurs de 2006 se sont basés, pour fixer leurs prix, sur les résultats des bilans de l'année 2005. Ceux de l'année 2006, clôturés au 31 décembre, auront une incidence sur les prix dans les trois prochains mois », affirme-t-il. Pour lui, la dégradation des indicateurs économiques en 2006 et les perspectives de maîtrise des dépenses de santé vont peser sur la demande et la décision de financement du banquier.

« On peut craindre que beaucoup de jeunes pharmaciens ne puissent plus suivre cette escalade dans les prix. La baisse en 2007 ne fait aucun doute », conclut-il. Olivier Delétoille n'est pas aussi catégorique : « Il n'est pas certain que le marché baisse car la demande de pharmacies et d'installation à tout prix reste active. »

« Les prix baisseront mais on ne sait pas à quel horizon, confie Luc Fialletout. Concernant la demande, on ne peut pas mesurer le réservoir des acquéreurs potentiels ni leur capacité à apporter des fonds propres ! » Indépendamment de l'évolution des prix, il souligne qu'une évolution du cadre d'exploitation de la profession est indispensable afin de prévenir une crise de liquidité pouvant survenir le jour où les SEL aujourd'hui constituées seront mises en vente. En effet, le problème de la déductibilité des intérêts de l'emprunt ayant servi à l'acquisition de parts sociales à l'IS n'est en rien résolu. « Il faut doter les pharmaciens d'outils de transmission en rapport avec la fiscalité qu'ils adoptent aujourd'hui », appelle-t-il de ses voeux.

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