Hypertension artérielle du sujet âgé - Le Moniteur des Pharmacies n° 2659 du 13/01/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2659 du 13/01/2007
 

Cahier formation

l'essentiel En France, plus d'une personne sur deux entre 65 et 74 ans souffre d'hypertension artérielle (HTA). Les chiffres retenus pour définir une hypertension chez le sujet âgé sont les mêmes que chez l'adulte plus jeune : il y a hypertension dès 140/90 mmHg. Chez la personne âgée, l'élévation de la seule pression artérielle systolique est fréquente. En 2005, les recommandations de la Haute Autorité de Santé sur l'HTA de l'adulte préconisent la mesure de la pression artérielle hors du cabinet médical en complément de la mesure conventionnelle. Côté traitement, les patients âgés doivent être traités en 1re intention par les diurétiques thiazidiques ou les inhibiteurs calciques de type dihydropyridines de longue durée d'action. Des mesures hygiénodiététiques et une activité physique régulière ne doivent pas être écartées. La tolérance des traitements, le risque iatrogène et l'atteinte d'organes cibles sont régulièrement réévalués.

ORDONNANCE : Un patient âgé souffrant d'hypertension artérielle

Victor A. est un retraité actif et svelte. Il fait deux footings par semaine. Il est suivi depuis longtemps par son généraliste pour de l'hypertension artérielle. Lors de sa dernière consultation, un appareil d'automesure tensionnelle a été prescrit pour que le patient surveille sa tension artérielle chez lui.

LA PRESCRIPTION

Dr Jacques Legrand

Généraliste

46 rue Dugué

28612 Alouest

Tél. : 02 66 55 44 22

28 1 99999 1

Le 12 janvier 2007

Mr Victor A.,

76 ans, 71 kg

- CoAprovel 300 mg/12,5 mg :

1 comprimé le matin

- Xatral LP 10 mg : 1 comprimé le matin

- Un autotensiomètre pour surveillance à domicile. Une mesure 3 fois par jour pendant trois jours. Communiquer les chiffres tensionnels par téléphone au médecin.

Traitement pour 1 mois.

- Hyperium : 1 comprimé le matin. Débuter le traitement après accord du médecin si les chiffres n'ont pas baissé.

LE CAS

Ce que vous savez du patient

- Monsieur Victor A. est âgé de 76 ans. Il y a deux ans environ, le CoAprovel 150 mg/12,5 mg a été remplacé par du CoAprovel 300 mg/12,5 mg.

Victor A. a une bonne hygiène de vie. Actif et svelte, il pèse 71 kg, il fait un jogging deux fois par semaine. Il ne fume pas et ne présente visiblement aucun problème de surpoids. Il fait tout ce qui est en son pouvoir pour paraître et rester jeune. Il se dit en parfaite santé avec « juste ma prostate pour me rappeler mon âge ».

Ce dont le patient se plaint

- « Je vieillis. A la longue les médicaments deviennent inefficaces chez moi » dit-il en tendant aujourd'hui sa nouvelle ordonnance au pharmacien. « Je vais peut-être avoir un médicament de plus à prendre, et je dois acheter un appareil électronique cher ».Ce que le médecin lui a dit

- « Je ne suis pas satisfait de vos chiffres tensionnels. Déjà, il y a six mois, votre pression artérielle était un peu trop forte. Je ne vous ai rien dit pour ne pas vous alerter. Mais aujourd'hui ces chiffres se confirment. Avant d'ajouter un autre médicament antihypertenseur à votre traitement, je vous prescris un appareil pour que mesuriez vous-même votre tension, chez vous, au calme. En effet, je voudrais vérifier que votre pression artérielle n'augmente pas particulièrement en ma présence. Téléphonez-moi pour me communiquer vos résultats. Si votre tension reste trop haute, vous prendrez un comprimé d'Hyperium en plus de votre traitement habituel. »

Ses analyses

- Pression artérielle mesurée chez le médecin : 158/95 mmHg.

- Clairance de la créatinine : 72 ml/min.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

L'interaction issue de l'association CoAprovel/Hyperium/Xatral LP est à prendre en compte, en particulier chez la personne âgée. Elle majore l'effet hypotenseur et le risque d'hypotension orthostatique. Tous les antihypertenseurs et les alphabloquants même à visée urologique peuvent entraîner une hypotension orthostatique. Chez la personne âgée, ces hypotensions sont à l'origine de chutes.

ANALYSE DES POSOLOGIES

Les posologies de l'ordonnance sont correctes car la fonction rénale de monsieur A. est peu altérée.

AVIS PHARMACEUTIQUE

-> On ne connaît pas tous les facteurs de risque du patient, ni ses antécédents familiaux, mais le fait qu'il soit un homme de plus de 50 ans constitue déjà un facteur de risque cardiovasculaire. L'objectif thérapeutique consiste à faire baisser sa pression artérielle pour obtenir une PAS/PAD inférieure à 140/90 mmHg.

Les principaux buts du traitement antihypertenseur sont de réduire la morbidité et la mortalité cardiovasculaire et d'éviter l'évolution vers l'insuffisance rénale, notamment chez les sujets à risque (diabétique, personne âgée). Chez le sujet âgé, la réduction de la pression artérielle diminue le risque de démence.

L'association synergique diurétique thiazidique-antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II (CoAprovel) fait partie des associations efficaces et recommandées dans la prise en charge générale de l'HTA.

-> Les objectifs tensionnels souhaités par le médecin ne sont plus atteints. C'est pourquoi celui-ci prescrit un autotensiomètre afin que le patient surveille lui-même sa pression artérielle à la maison.

L'automesure tensionnelle (AMT) à domicile permet d'éviter « l'effet blouse blanche » et de mieux s'affranchir des variations tensionnelles d'un jour sur l'autre. Ces deux phénomènes étant assez fréquents chez la personne âgée, l'automesure permet de corriger les erreurs de diagnostic, donc de minimiser le risque de chutes iatrogènes par excès de traitements antihypertenseurs.

Cette chronologie peut aussi permettre au généraliste de contrôler si Monsieur A. est bien observant.

-> Selon les résultats que Victor A. lui communiquera dans quelques jours, le médecin lui donnera son aval pour aller chercher à la pharmacie le troisième antihypertenseur qu'il a prescrit d'avance.

-> Hyperium ne fait pas partie des cinq classes d'antihypertenseurs à prescrire en 1re intention dans l'HTA essentielle non compliquée. Chez le sujet âgé, bien que le consensus de la HAS oriente plutôt vers une association comprenant un inhibiteur calcique de la classe des dihydropyridines à longue durée d'action, les prescriptions de rilménidine sont dans la pratique fréquentes. Cependant, les antihypertenseurs centraux n'ont pas démontré leur efficacité sur la morbimortalité cardiovasculaire.

-> La problématique est différente pour Xatral LP. Monsieur A. connaît bien au quotidien la gêne occasionnée par l'hypertrophie bénigne de la prostate. En revanche, Xatral LP est prescrit le matin. Or, il est recommandé de le prendre le soir pour minimiser les hypotensions. Une prise le matin associée aux trois antihypertenseurs majore inutilement ce risque. Le pharmacien doit proposer de déplacer l'heure de prise du Xatral LP au soir.

MISE EN PLACE DU TRAITEMENT

Délivrance de l'autotensiomètre

-> Il faut prendre le temps, dans le calme, d'expliquer à Monsieur A. pourquoi le généraliste lui prescrit un appareil d'automesure tensionnelle, quel appareil choisir et comment bien réaliser la mesure à domicile (éducation).

-> La délivrance d'un autotensiomètre avec un brassard est un modèle à préférer par rapport aux autotensiomètres s'adaptant au poignet. Choisir un autotensiomètre figurant sur la liste des appareils validés par l'Afssaps.

-> Sur l'ordonnance de Victor A., le généraliste ne respecte pas les modalités de mesures recommandées par l'HAS à savoir la « règle des 3 ». C'est donc au pharmacien qu'il revient d'expliquer la marche à suivre : Victor A. doit prendre 3 mesures le matin, entre le lever et le petit-déjeuner avant la prise de ses médicaments, à quelques minutes d'intervalle et 3 mesures le soir, entre le dîner et le coucher, à au moins une minute d'intervalle, et ce pendant 3 jours de suite (1).

-> Le patient doit donc effectuer 18 mesures. Il faut qu'il note tous les chiffres affichés par son appareil, sans éliminer les valeurs qu'il juge trop basses ou trop élevées. Le pharmacien peut proposer à Victor A. une feuille de relevé d'automesure tensionnelle téléchargeable sur le site de l'Ordre des pharmaciens.

-> Expliquer au patient que les résultats s'affichent sur l'écran en millimètres de mercure alors que le langage courant utilise les centimètres de mercure.

-> Il faut enfin signaler à Monsieur A. que les seuils définissant l'hypertension sont différents dans le cadre de l'automesure : 135/85 mmHg. Mais en aucun cas, il ne doit adapter son traitement lui-même.

-> Il ne débutera le traitement par Hyperium que si les chiffres de sa pression artérielle demeurent élevés, avec l'accord de son médecin.

Hyperium

Hyperium est globalement bien toléré. Une somnolence diurne, des vertiges, des troubles gastro-intestinaux et une sécheresse buccale font partie des effets indésirables les plus fréquemment rapportés en début de traitement.

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

-> CoAprovel 300 mg/12,5 mg (irbésartan, hydrochlorothiazide)

- Association d'un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II, l'irbésartan, et d'un diurétique thiazidique, l'hydrochlorothiazide.

- Indiqué dans l'hypertension artérielle essentielle, lorsque la pression artérielle n'est pas suffisamment contrôlée par l'irbésartan seul ou par l'hydrochlorothiazide seul.

- La posologie est de 1 comprimé par jour. La présence de l'hydrochlorothiazide limite l'utilisation du CoAprovel en cas d'insuffisance rénale. En effet les diurétiques thiazidiques ne sont pleinement efficaces que si la fonction rénale est normale ou peu altérée. Ils sont contre indiqués si la clairance de la créatinine est inférieure à 30 ml/min.

-> Xatral LP 10 mg (alfuzosine)

- Alpha-1-bloquant sélectif des récepteurs génito-urinaires.

- Indiqué dans le traitement des symptômes fonctionnels de l'hypertrophie bénigne de la prostate et comme traitement adjuvant au sondage vésical dans la rétention aiguë d'urine liée à l'hypertrophie bénigne de la prostate.

- La dose recommandée est de 10 mg d'alfuzosine par jour, juste après le dîner.

-> Hyperium 1 mg (rilménidine)

- Antihypertenseur central, sélectif des récepteurs des imidazolines situés dans le bulbe, et également dans le rein, au niveau du tube contourné proximal.

- Indiqué dans l'hypertension artérielle.

- La posologie recommandée est de 1 comprimé par jour, en une prise le matin. En cas de résultats insuffisants après un mois de traitement, la posologie peut être portée à 2 comprimés par jour, en 2 prises (1 matin, 1 soir). Chez l'insuffisant rénal, si la clairance de la créatinine est supérieure à 15 ml/min, il n'y a pas de modification posologique.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ -> CoAprovel 300 mg/12,5 mg : avaler le comprimé avec de l'eau pendant ou en dehors du repas, après les mesures de la tension. -> Xatral LP 10 mg : il doit être avalé entier avec un verre d'eau. La prise doit avoir lieu immédiatement après le dîner pour améliorer la tolérance digestive et diminuer le risque d'hypotension orthostatique. -> Hyperium : avaler le comprimé avec un verre d'eau, le matin.

SUIVI DU TRAITEMENT

Quand le traitement de Victor A. sera bien équilibré, une consultation tous les 6 mois suffira, accompagnée d'un contrôle biologique annuel : recueil d'urines pour rechercher une protéinurie, dosages sanguins (kaliémie et créatininémie).

La surveillance de la natrémie complète ce bilan en raison du risque d'hyponatrémie liée aux thiazidiques.

La recherche d'une hypotension orthostatique s'impose à chaque consultation.

CONSEILS AU PATIENT

Observance

Trouver les mots justes pour faire comprendre à Monsieur A. qui s'estime en parfaite santé les enjeux de la prise en charge de l'hypertension. Les traitements antihypertenseurs doivent être poursuivis indéfiniment en respectant des règles précises : une administration quotidienne sans oubli, une prise le matin, un suivi biologique et des consultations médicales réguliers.

Règles hygiénodiététiques

-> Manger moins salé. L'excès de sel provient de certains aliments : charcuterie, fromage, conserves...

-> Rappeler les circonstances majorant les symptômes de l'adénome prostatique : les excès d'aliments irritants (vin blanc, bière, moutarde, poivre, piment et tous les plats épicés), les longs voyages en voiture, la retenue trop longue des urines entre deux mictions.

-> Maintenir un apport hydrique suffisant (1,5 l/j) pour éviter la stase des urines déconseillée en cas d'adénome prostatique.

-> Eviter la consommation de boissons alcoolisées et de médicaments contenant de l'alcool car l'effet sédatif d'Hyperium peut être majoré (association déconseillée).

Les mesures en pratique

-> Eviter la caféine avant la mesure.

-> Enlever sa montre, les vêtements serrant les bras.

-> S'installer confortablement.

-> Se reposer au moins 5 minutes en restant assis et au calme.

-> Pour le brassard, toujours choisir le bras opposé au bras dominant.

-> Placer l'autotensiomètre brassard dans le bon sens, tuyau vers le bas, à 2 cm au dessus du pli du coude.

-> Eviter de bouger et de parler pendant le gonflage et le dégonflage de l'autotensiomètre.

Hypotension orthostatique

-> Eviter tout lever précipité.

-> Le lever et la période postprandiale sont des périodes à risque d'hypotension orthostatique. Attention après un repas copieux, en cas de consommation d'alcool (vasodilatation).

Par Vanessa Bloch, maître de conférences en pharmacie clinique à la faculté de pharmacie de Paris-V, et Marie-Claude Guelfi, pharmacien chef à l'hôpital Sainte-Périne à Paris, responsables du DU gérontologie et pharmacie clinique à Paris-V

PATHOLOGIE : Qu'est-ce que l'hypertension artérielle du sujet âgé ?

Chez le sujet âgé, comme chez l'adulte jeune, l'hypertension artérielle (HTA) se définit par une pression artérielle systolique (PAS) supérieure ou égale à 140 mmHg ou une pression artérielle diastolique (PAD) supérieure ou égale à 90 mmHg, lors de mesures répétées au cabinet médical.

L'augmentation de la pression artérielle avec l'âge a longtemps été considérée comme un effet physiologique du vieillissement. Mais aujourd'hui, la relation linéaire entre le niveau de pression artérielle (PA) et le risque cardiovasculaire à partir de 115/75 mmHg est bien établie, quel que soit l'âge. L'HTA est définie par une PAS supérieure ou égale à 140 mmHg et une PAD supérieure ou égale à 90 mmHg.

EPIDÉMIOLOGIE

Environ 7 millions de personnes sont hypertendues en France, tous âges confondus. Entre 65 et 74 ans, la prévalence de l'HTA est d'environ 55 %.

La PAS et la PAD s'élèvent de façon simultanée jusqu'à 55-60 ans, âge à partir duquel seule la PAS poursuit son ascension, la PAD se stabilisant ou diminuant peu à peu. C'est ce que l'on appelle « l'hypertension artérielle systolique ». Ainsi, 60 % des hommes et 74 % des femmes de plus de 80 ans ont une HTA avérée (PA 3 140/90 mmHg), 75 % d'entre eux ayant une HTA systolique pure.

PHYSIO-PATHOLOGIE

Au niveau des grosses artères

Au niveau des gros troncs artériels, deux types de modifications peuvent s'observer chez le sujet âgé :

-> les premières sont d'ordre structural : rigidification artérielle avec remplacement des fibres élastiques par du collagène, dilatation, épaississement des parois artérielles ;

-> les secondes sont d'ordre fonctionnel : diminution de la compliance artérielle c'est-à-dire de la qualité de la fonction élastique du vaisseau.

La baisse de la fonction élastique altère la capacité des gros troncs artériels à se distendre et à « absorber » le volume sanguin éjecté par le coeur lors de la systole. Parallèlement, l'état de dilatation permanente dans lequel ils se trouvent laisse au volume sanguin une plus grande « place » lors de la diastole.

En résulte une augmentation de la PA systolique et une diminution (ou au moins une stabilisation) de la PAD, ce qui correspond précisément à la forme d'HTA communément observée chez le sujet âgé. Conséquence : la pression pulsée - différence entre PAS et PAD - augmente, ce qui élève de façon indépendante le risque cardiovasculaire.

Au niveau des artères de petit calibre

Par ailleurs, on observe une augmentation des résistances au niveau des petites artères et des artérioles, induisant une hyperpression du fluide sanguin présent à l'intérieur de ces vaisseaux. Ce phénomène trouve son origine dans la réduction du diamètre des artères de petit calibre et dans la raréfaction du réseau artériolaire (capillaire). Cette vasoconstriction périphérique et cet appauvrissement capillaire entraînent non seulement une élévation de la PA moyenne mais diminuent également la qualité de la perfusion au niveau des tissus, source potentielle d'ischémie.

La baisse de diamètre des petites artères est en rapport avec le remodelage des parois, mais provient aussi d'une augmentation du tonus vasoconstricteur, lui-même causé par de multiples facteurs : hypertonie du système sympathique, hyperréactivité vasculaire par rétention hydrosodée et excès de calcium dans les cellules musculaires lisses pariétales, activation du système rénine-angiotensine, dysfonctionnement des processus vasodilatateurs se déroulant au niveau de l'endothélium vasculaire.

Les complications de l'HTA

-> L'augmentation de la pression pulsée est un facteur d'hypertrophie ventriculaire gauche.

-> L'épaississement pariétal des grosses artères est source d'athérosclérose, dont on connaît les effets délétères au niveau coronaire, cérébral et sur le risque d'artérite.

-> La vasoconstriction périphérique peut entraîner une hypoperfusion des tissus (myocarde, reins, cerveau).

DIAGNOSTIC

Le plus souvent silencieuse

-> L'HTA essentielle (non liée à une cause identifiée) est généralement une affection asymptomatique.

Pour des valeurs élevées de PA, on peut observer des céphalées pulsatiles ou survenant lors d'efforts physiques. La présence d'une épistaxis évoque une HTA lorsque aucune cause ORL ou hématologique n'est retrouvée. Certains patients décrivent des sensations vertigineuses ou des acouphènes.

-> Très exceptionnellement, lorsque les chiffres de PA sont très élevés (> 250/150 mmHg) et font craindre une HTA maligne (urgence hypertensive), les symptômes sont parlants : troubles neurologiques avec céphalées, troubles de la vision, signes méningés ; altération de l'état général ; soif et pollakiurie nocturne ; décès rapide par insuffisance rénale.

-> L'interrogatoire et l'examen clinique ne doivent pas négliger de rechercher des éléments d'orientation vers une HTA secondaire (voir Facteurs de risque et étiologies p. 8) : par exemple des antécédents d'infections urinaires itératives ou de lithiase urinaire peuvent faire suspecter une néphropathie ; un souffle abdominal ou lombaire peut évoquer une sténose de l'artère rénale...

-> Le retentissement de l'HTA au niveau des différents organes est évalué (voir Complications p. 8).

Mesure et automesure

-> Pour être fiable, la mesure de la PA doit être répétée plusieurs fois dans des conditions précises : mesure au niveau des deux bras, chez un patient au repos depuis 5 minutes, en position couchée ou assise, en utilisant un appareil étalonné et un brassard adapté à la taille du bras (pour en savoir plus, Cahier Conseil sur les autotensiomètres à paraître le 20 janvier 2007).

-> En effet la PA est éminemment variable, d'un sujet à l'autre et chez le même sujet. La variabilité tensionnelle de la personne âgée est bien connue, avec des chiffres de PA susceptibles de changer d'un instant à l'autre et un effet « blouse blanche » fréquent (chiffres plus élevés au cabinet médical qu'à domicile). Le risque est donc grand de porter à tort le diagnostic d'HTA, et d'instaurer inutilement un traitement antihypertenseur, avec tous les risques d'effets iatrogènes potentiels. C'est pourquoi la mesure de la PA en dehors du cabinet médical, par automesure tensionnelle (AMT) à domicile ou par MAPA (mesure ambulatoire de la PA grâce à un Holter tensionnel : il enregistre la pression artérielle grâce à un déclenchement automatique du brassard à intervalles réguliers sur 24 heures), est mise en avant dans les dernières recommandations de la Haute Autorité de santé, particulièrement chez le patient âgé. En outre, l'AMT reflète plus fidèlement le pronostic cardiovasculaire que ne le fait la mesure traditionnelle.

-> Au cours du protocole d'AMT, la répétition de la mesure est la règle, ce qui rend très fiables les valeurs obtenues. Le patient doit être assis et se reposer 5 minutes avant de procéder à la mesure selon la « règle des 3 » : 3 mesures le matin avant le petit déjeuner et la prise de médicaments, à au moins 1 minute d'intervalle, puis 3 mesures le soir avant le coucher, pendant 3 jours consécutifs. Soit 18 mesures au total, dont on calcule la moyenne. Les appareils les plus récents calculent eux-mêmes cette moyenne sur les 3 jours. C'est là-dessus que le médecin se base pour confirmer ou infirmer le diagnostic d'HTA et adapter la stratégie thérapeutique. Attention, le seuil servant à définir l'HTA est plus bas en AMT : on est hypertendu à partir de 135/85 mmHg en AMT (140/90 en mesure conventionnelle lors d'une consultation).

-> Une liste d'appareils validés est éditée par l'Agence française de Sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Les modèles huméraux sont d'un usage plus fiable et recommandés par la HAS. Toutefois, de nombreux patients disposent déjà d'appareils « de poignet », plus maniables. La condition avec ce type d'appareil est de placer le poignet exactement à la hdiv du coeur, le sujet étant assis les bras croisés, chaque main posée sur le bras controlatéral. Un appareil situé trop haut minore les chiffres mesurés, et inversement.

-> La MAPA est intéressante pour évaluer les variations nocturnes de la PA : en particulier, les patients dont la PA ne baisse pas la nuit présentent un risque majoré d'événements cardiovasculaires. On peut aussi rechercher une variabilité inhabituelle de la PA (dysautonomie diabétique). La MAPA est également utile en cas d'apnée du sommeil, d'insuffisance rénale chronique. Les seuils définissant l'HTA en MAPA sont les suivants :

135/85 mmHg en MAPA éveil, 120/70 mmHg en MAPA sommeil, 130/80 mmHg en MAPA 24 heures.

Apprécier le risque cardiovasculaire global

L'HTA n'est qu'un des éléments qui déterminent le risque cardiovasculaire, et c'est sur une évaluation globale de ce risque que se basent la décision de traitement et la stratégie thérapeutique.

-> La HAS recommande un bilan biologique (voir tableau p.7). Associé à l'examen clinique, il permet d'accéder à trois informations :

- la liste des différents facteurs de risque cardiovasculaire (en dehors de l'HTA) : âge > 50 ans chez l'homme, > 60 ans chez la femme ; tabagisme actuel ou depuis moins de 3 mois ; antécédents familiaux (parents du 1er degré) précoces d'infarctus du myocarde, de mort subite ou d'AVC ; diabète ; dyslipidémie ;

- la recherche d'une atteinte des organes cibles : hypertrophie ventriculaire gauche et microalbuminurie ;

- la recherche d'une maladie cardiovasculaire ou rénale : coronaropathie, accident vasculaire cérébral (AVC) ou accident ischémique transitoire (AIT), artériopathie des membres inférieurs et aorto-iliaque, insuffisance rénale, protéinurie.

-> Ensuite, les chiffres de PA et les éléments obtenus sont croisés, pour définir trois niveaux de risque cardiovasculaire (voir encadré ci-dessous).

-> Chez le sujet âgé, la notion de « pression pulsée » est importante. Elle s'obtient en calculant la différence entre PAS et PAD. Plusieurs études ont confirmé l'association entre pression pulsée et niveau de risque cardiovasculaire, sans qu'une valeur seuil soit clairement déterminée pour l'instant. Certains proposent la valeur de 65 mmHg.

FACTEURS DE RISQUE

L'HTA essentielle n'est reliée à aucune pathologie causale identifiable.

On sait que l'obésité, la sédentarité et la consommation excessive d'alcool favorisent l'HTA.

ÉTIOLOGIES

Dans seulement moins de 5 % des cas, une étiologie peut être retrouvée : l'HTA est dite « secondaire ».

Parmi les principales pathologies causales retrouvées chez le sujet âgé, citons : le syndrome d'apnée du sommeil, les affections rénales chroniques, l'hyperaldostéronisme. Sans oublier les causes iatrogènes : AINS, corticoïdes, ciclosporine, sympathomimétiques (vasoconstricteurs nasaux), érythropoïétine, ou toxiques (réglisse).

ÉVOLUTION

La prise en charge de l'HTA vise à réduire la fréquence des complications cardiovasculaires. Comme chez l'adulte jeune, l'efficacité du traitement antihypertenseur est bien établie chez l'hypertendu âgé. Point essentiel : lorsqu'on traite un hypertendu âgé, le bénéfice à court terme de l'action thérapeutique est beaucoup plus probable que chez un hypertendu plus jeune (50 ans par exemple) chez qui le bénéfice du traitement n'est à envisager qu'à moyen ou long terme.

COMPLICATIONS

-> La recherche des complications doit être répétée régulièrement.

-> L'HTA peut retentir au niveau :

- cardiaque : hypertrophie ventriculaire gauche et/ou insuffisance cardiaque gauche (dyspnée d'effort, oedème pulmonaire) ou droite (oedèmes des membres inférieurs, reflux hépatojugulaire...) ; insuffisance coronaire (angor, infarctus) ;

- cérébral : AVC ischémique (au cours de la phase initiale d'un AVC ischémique, l'HTA doit être respectée) ; AVC hémorragique ; troubles cognitifs et démence ; encéphalopathie hypertensive (rare) ;

- vasculaire : artériopathie des membres inférieurs ; sténose athéromateuse des artères à destinée cérébrale, des membres inférieurs, de l'aorte ; anévrisme de l'aorte abdominale ;

- rénal : diminution du débit de filtration glomérulaire, protéinurie, microalbuminurie ; insuffisance rénale (par néphroangiosclérose) ;

- ophtalmologique : rétinopathie hypertensive.

Par le Dr Pascale Naudin-Rousselle, avec la collaboration du Pr Olivier Hanon, service de gérontologie à l'hôpital Broca à Paris

Thérapeutique : Quel est le traitement de l'HTA chez le sujet âgé ?

L'âge et l'hypertension artérielle augmentent la probabilité de survenue d'accidents cardiaques ou vasculaires. Le traitement antihypertenseur doit être correctement conduit. La Haute Autorité de Santé a émis des recommandations sur le traitement de l'hypertension du sujet âgé en 2005.

L'efficacité du traitement antihypertenseur est parfaitement établie chez le patient âgé. Le bénéfice à court terme de l'intervention thérapeutique est probable. Il est démontré que la réduction de la pression artérielle diminue l'incidence des événements cardio-vasculaires, l'insuffisance cardiaque, les accidents vasculaires cérébraux ainsi que le risque de démence chez les patients âgés de 60 à 80 ans. Au-delà de 80 ans, les bénéfices du traitement antihypertenseur sont en cours d'évaluation ; les données actuelles justifient cependant l'intervention thérapeutique même dans cette tranche d'âge car il y a un bénéfice en terme de prévention des accidents vasculaires cérébraux.

MÉDICAMENTS DU SUJET ÂGÉ

Les médicaments employés pour traiter l'hypertension artérielle systolique isolée (ou pure), plus fréquente chez le sujet âgé, sont les mêmes que ceux utilisés pour traiter l'hypertension systolodiastolique.

-> Les classes thérapeutiques recommandées par la Haute Autorité de Santé (HAS) en première intention chez le patient âgé sont les diurétiques thiazidiques ou les inhibiteurs calciques de type dihydropyridine de longue durée d'action. Toutefois, des situations particulières peuvent faire privilégier d'autres classes d'antihypertenseurs.

-> Les inhibiteurs calciques non dihydropyridiniques (diltiazem, vérapamil) sont très bradycardisants. Il importe d'en tenir compte lors d'éventuelles associations (notamment avec la clonidine ou les anticholinestérasiques utilisés dans le maladie d'Alzheimer).

-> A dose élevée, les antihypertenseurs centraux et notamment la clonidine, peuvent entraîner des troubles de l'automatisme cardiaque et une bradycardie.

Ils doivent donc être administrés avec prudence, en surveillant, tout particulièrement au début du traitement, la fréquence cardiaque et, si besoin, l'électrocardiogramme.

-> Chez le patient âgé, le recours à certaines classes thérapeutiques - les diurétiques notamment les thiazidiques, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC), les ARA II (antagonistes de l'angiotensine II ou sartans) - impose une surveillance régulière de la fonction rénale.

Principales interactions des traitements antihypertenseurs *

LES STRATÉGIES DE TRAITEMENT

Le traitement antihypertenseur suit évidemment les mêmes règles quel que soit l'âge du patient. Chez la personne âgée, il est recommandé d'adapter la prise en charge tensionnelle en tenant compte de l'importance des comorbidités, de l'atteinte éventuelle d'organes cibles, du risque iatrogène, de la tolérance du traitement mais aussi de l'espérance de vie et de la qualité de vie des patients.

Avant l'instauration du traitement

-> L'objectif théorique du traitement (chez un sujet non diabétique) varie selon l'âge :

- jusqu'à 80 ans, il s'agit d'obtenir une PAS #lt; 140 mmHg et une PAD #lt; 90 mmHg. Cet objectif est modulé en fonction du niveau de pression artérielle initiale : par exemple, si la pression systolique est initialement particulièrement élevée (> 180 mmHg), il est déjà avantageux de la réduire de 20 à 30 mmHg.

- après 80 ans, l'objectif est d'atteindre une PAS #lt; 150 mmHg en l'absence d'hypotension orthostatique.

-> Le traitement non médicamenteux est efficace chez le sujet âgé. Les mesures hygiénodiététiques préconisées pour tous les hypertendus comprennent la limitation de la consommation de sel (chlorure de sodium) et d'alcool, l'arrêt d'un tabagisme, la perte de poids s'il existe une surcharge pondérale, un régime alimentaire (légumes, fruits, peu de graisses saturées) et la pratique régulière d'une activité physique. Ces mesures restent délicates à faire mettre en oeuvre chez les patients de plus de 80 ans. La restriction sodée n'est pas recommandée au-delà de 80 ans.

-> Une évaluation de la fonction cognitive est recommandée chez l'hypertendu de plus de 75 ans au moyen d'une échelle spécifique (MMSE : minimental state examination) en raison du risque d'apparition d'une démence et dans le but d'évaluer le risque de mauvaise observance du traitement. En présence d'un score inférieur à 24, le patient âgé doit être adressé à un spécialiste (neurologue, gériatre) car il y a suspicion de démence.

-> Une éventuelle hypotension orthostatique est recherchée.

-> La créatininémie, la kaliémie, la natrémie sont vérifiées lors de l'initiation du traitement.

A l'instauration du traitement

-> Le traitement antihypertenseur doit être initié par une monothérapie à faible dose, notamment au-delà de l'âge de 80 ans. De fait, il est préférable de ne pas utiliser a priori les associations fixes chez le sujet âgé, du moins en première intention.

Au-delà de l'âge de 80 ans, trois médicaments antihypertenseurs peuvent être prescrits au maximum. Il faut se contenter de la baisse tensionnelle obtenue, même si elle ne correspond pas rigoureusement aux objectifs recommandés.

-> Le traitement antihypertenseur est instauré par paliers successifs d'augmentation de doses. Les posologies doivent être adaptées à des objectifs tensionnels souhaitables mais réalistes : il faut tenir compte de la tolérance et en particulier du risque d'hypotension orthostatique. Ce risque peut être fortement augmenté en cas d'association des antihypertenseurs avec les dérivés nitrés et les alphabloquants (même ceux à tropisme urinaire).

-> La baisse de la pression artérielle doit être obtenue progressivement.

Pendant le traitement

-> Rappeler le risque de vertiges associés à l'hypotension orthostatique : une grande prudence s'impose en cas de conduite automobile.

-> La tolérance clinique (recherche d'une hypotension orthostatique) et la tolérance biologique (créatininémie, kaliémie, natrémie notamment) sont vérifiées régulièrement, au minimum deux fois chaque année ainsi qu'à l'occasion de pathologies intercurrentes.

-> D'une manière générale, la surveillance du traitement doit être renforcée en cas d'insuffisance rénale ainsi qu'en cas de déshydratation et/ou de troubles hydroélectrolytiques (par exemple en cas de fièvre ou de troubles digestifs type diarrhées, de canicule).

LES ANTIHYPERTENSEURS RECOMMANDÉS CHEZ LE SUJET ÂGÉ EN 1ÈRE INTENTION

Cas particuliers

Certaines classes imposent des précautions plus particulières chez l'hypertendu âgé.

- Diurétiques

Tous les diurétiques peuvent induire une insuffisance rénale fonctionnelle ou majorer une insuffisance rénale.

-> Lorsque la clairance à la créatinine est supérieure à 60 ml/min, une association de diurétiques peut prévenir le risque d'hypokaliémie car celle-ci est à l'origine d'une asthénie parfois importante et favorise, par ailleurs, les troubles du rythme.

-> Si la clairance à la créatinine est supérieure ou égale à 30 ml/min mais inférieure à 60 ml/min, il faut prescrire en première ligne un diurétique thiazidique ou apparenté à faible dose (inférieure ou égale à 12,5 mg d'hydrochlorothiazide).

-> Quand la clairance à la créatinine est inférieure à 30 ml/min, le furosémide est privilégié malgré ses effets indésirables (hypotension orthostatique, hyponatrémie, hypokaliémie, aggravation de troubles urinaires).

Les diurétiques épargneurs de potassium sont déconseillés car ils induisent un risque d'hyperkaliémie.

Les diurétiques thiazidiques sont déconseillés car leur efficacité est alors insuffisante.

Le rapport bénéfice/risque des diurétiques doit être réévalué lors d'épisodes de fièvre ou de troubles digestifs (vomissements, diarrhées).

-> Il importe de surveiller particulièrement :

- le risque d'hypokaliémie en cas d'association d'un diurétique avec des laxatifs ou des corticoïdes ;

- le risque d'hyperkaliémie en cas d'association avec des médicaments hyperkaliémiants (diurétiques épargneurs de potassium, inhibiteurs de l'enzyme de conversion, antagonistes de l'angiotensine II) ;

- le risque d'insuffisance rénale fonctionnelle en cas d'association avec les AINS, les IEC ou les ARA II ;

- les médicaments susceptibles d'altérer la fonction rénale (sulfamides, aminosides).

- Inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC), antagonistes de l'angiotensine II (ARA II)

La prescription d'un IEC ou d'un sartan impose, avant toute administration, puis 7 à 15 jours après le début du traitement, d'apprécier la kaliémie et la fonction rénale du patient afin d'adapter la dose initiale en raison du risque d'insuffisance rénale et de dyskaliémie. Si la créatininémie augmente de plus de 20 à 30 %, il est recommandé d'arrêter l'IEC ou le sartan et de demander un avis spécialisé.

-> Pendant le traitement, l'hydratation, la kaliémie, la fonction rénale doivent être surveillées. La posologie est adaptée en fonction de la réponse tensionnelle.

-> Il faut surveiller le risque d'hyperkaliémie en cas d'association avec les diurétiques épargneurs de potassium aux posologies indiquées dans le traitement et le risque d'insuffisance rénale en cas d'association avec un diurétique hypokaliémiant ou un AINS.

- Bêtabloquants

Les bêtabloquants exposent à un risque de bradycardie, de ralentissement de la conduction auriculoventriculaire, de décompensation d'une insuffisance cardiaque, d'aggravation d'une artérite ou d'une bronchopneumopathie obstructive. Ces risques s'accroissent avec l'âge.

-> Le traitement doit être entrepris à une posologie faible sous surveillance stricte de la tension et de l'électrocardiogramme.

-> Les interactions avec les digitaliques, les antiarythmiques, les inhibiteurs calciques non dihydropyridiniques (vérapamil, diltiazem) sont responsables de troubles de la conduction cardiaque.

-> L'association d'un bêtabloquant avec l'amiodarone ou avec un anticholinestérasique expose à une aggravation de la bradycardie.

Par Denis Richard, pharmacien hospitalier, et Corinne Charpentier, externe AHU, à Poitiers

L'AVIS DU SPÉCIALISTE : « Ne pas mollir après 80 ans »

Pr Jean-Jacques Mourad, chef de service à l'unité de médecine interne-hypertension artérielle au CHU Avicenne à Bobigny

Quelle est la prise en charge des hypertensions artérielles résistantes chez le sujet âgé ?

Au-delà de 80 ans, on parle de résistance quand la pression artérielle systolique dépasse 150 mmHg malgré trois médicaments. Dans cette tranche d'âge, l'évaluation de la pression artérielle est la plus difficile car il y a beaucoup de variabilité individuelle. Il faut donc répéter les mesures au cabinet médical et surtout en ambulatoire grâce à l'automesure tensionnelle. Un quart des hypertensions mesurées par le médecin ne sont que d'apparentes résistances. Les pharmaciens doivent conseiller des autotensiomètres validés. Face à une HTA réfractaire, il faut rechercher un effet blouse blanche. Il faut aussi regarder si le patient prend des médicaments inducteurs d'une élévation de la pression artérielle : des anti-inflammatoires ou des antidépresseurs. Il faut enfin vérifier l'observance. Le contrôle de la pression artérielle systolique est capital pour éviter des AVC et des insuffisances cardiaques après 80 ans. Il ne faut pas mollir au prédiv de l'âge !

Pr Jean-Jacques Mourad, interrogé par Véronique Pungier

CONSEILS AUX PATIENTS

Rappeler les objectifs

-> Si l'hypertension est souvent asymptomatique, l'intérêt du traitement réside dans la prévention des maladies cardiovasculaires. De 60 à 80 ans, il réduit l'incidence des infarctus du myocarde, de l'insuffisance cardiaque et/ou rénale, des accidents vasculaires cérébraux et le risque de démence. Au-delà de 80 ans, le bénéfice est surtout reconnu sur la prévention des accidents vasculaires cérébraux.

-> Quels chiffres atteindre ? En l'absence de diabète, jusqu'à 80 ans, l'objectif est d'obtenir une PAS/PAD #lt; 140/90 mmHg. Toutefois, si la pression artérielle initiale était très élevée, une diminution de 20 à 30 mm de Hg est acceptable. Au-delà de 80 ans, l'objectif est une PAS #lt; 150 mmHg.

Manger mieux

-> Moins salé : limiter la consommation de sel à 6 g/j (la consommation moyenne courante est de 8 à 12 g/j). Eviter les sels cachés dans les plats préparés, certaines eaux, le pain, la charcuterie, les conserves, le fromage...

Toutefois, chez les plus de 80 ans, la restriction sodée n'est plus recommandée.

-> Eviter les sels de régime. Ils contiennent du potassium qui n'est pas indiqué avec certains traitements ou en cas d'insuffisance rénale.

->Limiter le café et la réglisse, incriminés dans la hausse de la pression artérielle.

-> La consommation quotidienne d'au moins cinq fruits et légumes et de trois laitages favorise la réduction de la tension.

Le trio perdant

Alcool, tabac et obésité sont des facteurs favorisant de l'hypertension artérielle.

-> Limiter l'alcool : maximum deux verres par jour pour la femme, trois pour l'homme.

-> Arrêter le tabac, éventuellement à l'aide de substituts nicotiniques.

-> Perdre du poids si besoin est. Une baisse de 10 % du poids initial est recommandée et peut parfois suffire à rétablir une hypertension.

Se dépenser... selon ses possibilités

L'activité physique contribue à abaisser la tension.

Elle est limitée par les capacités de chacun et doit répondre à quelques conditions :

-> après un infarctus, reprendre une activité sous contrôle médical ;

-> pratiquer une activité physique régulièrement, 2 à 3 fois par semaine, par séance de 30 minutes au moins ;

-> préférer les activités d'endurance comme la marche, la natation, le vélo, le jardinage, les jeux avec ses petits-enfants ;

-> ne jamais aller jusqu'à l'essoufflement : stopper dès qu'il n'est plus possible de parler pendant l'effort.

Précautions pendant le traitement

- Des règles incontournables

-> ne jamais arrêter brutalement le traitement ;

-> prendre ses médicaments tous les jours à la même heure. Eviter les oublis en couplant la prise à une activité quotidienne comme le repas, le brossage des dents...

-> se méfier des conditionnements de 28 comprimés et renouveler l'ordonnance en conséquence ;

-> en cas d'oubli, ne pas doubler la dose. Prendre normalement son traitement si l'oubli date de moins de 12 heures.

- Apprendre à reconnaître les effets secondaires

L'apparition de bouffées de chaleur, de somnolence, d'oedèmes, de toux sèche ou d'hypotension orthostatique (étourdissements lors du passage à la station debout) nécessitent parfois une adaptation du traitement et doivent être signalés au médecin.

- Des bilans réguliers

Les prises de sang (créatininémie, natrémie, kaliémie) vérifient que la fonction rénale n'est pas altérée par le traitement : elles sont rapprochées en début de traitement puis sont pratiquées au moins deux fois par an. La tension doit être vérifiée souvent, au début ou après un changement de traitement, puis tous les 6 mois au moins, voire tous les 3 mois en cas de risques cardiovasculaires élevés.

Pas d'adaptation sans avis médical

-> Les régimes hyposodés et les diurétiques favorisent l'élimination d'eau et le risque de déshydratation des personnes âgées. En période de canicule, discuter avec le médecin de l'opportunité de diminuer certains médicaments comme les diurétiques ou de relâcher ponctuellement le régime pauvre en sel.

-> Il est dangereux de stopper son traitement quand on se sent moins stressé : si le stress peut provoquer une hausse ponctuelle des chiffres tensionnels, il n'est pas la cause d'une hypertension artérielle vraie. Le dysfonctionnement des artères ne disparaît pas quand la cause du stress est évitée (retraite...).

Les dangers de l'automédication

-> Les AINS peuvent augmenter la pression artérielle en favorisant la rétention sodée et peuvent interférer avec le mécanisme d'action de certains traitements comme les diurétiques et les IEC dont ils augmentent le risque d'effets indésirables rénaux. Demander conseil avant de prendre tout médicament.

-> Eviter les formes effervescentes qui contiennent une quantité non négligeable de sel. A posologie maximale journalière, certains antalgiques apportent plus de 2 g de sel par jour.

Par Anne-Gaëlle Harlaut, pharmacienne

POUR EN SAVOIR PLUS

INTERNET

L'hypertension artérielle

http://www.ordre.pharmacien.fr, rubrique « Documents de référence », onglet « Fiches techniques du Cespharm »

Un dossier synthétique sur l'hypertension artérielle. Le Cespharm résume ce qu'est l'hypertension, comment on mesure la pression artérielle, le traitement et les rôles du pharmacien.

Les recommandations de l'HAS

http://www.has-sante.fr, rubrique « Institutionnels », onglet « Recommandations professionnelles »

Retrouvez l'intégralité des recommandations de la Haute Autorité de Santé sur la prise en charge des adultes atteints d'hypertension artérielle. Actualisées en 2005, elles détaillent les stratégies thérapeutiques en fonction de l'âge et de profils particuliers. Elles sont enrichies de nombreux arbres décisionnels.

Examens complémentaires

Ils ont pour but de rechercher les facteurs de risque autres que l'HTA, une atteinte des organes cibles, une maladie cardio-vasculaire associée, une cause d'HTA secondaire.

Le bilan initial comporte :

- la créatininémie avec calcul du débit de filtration glomérulaire (formule de Cockcroft et Gault),

- la recherche d'une protéinurie et d'une hématurie à la bandelette, avec quantification si positivité,

- la kaliémie sans garrot,

- la glycémie à jeun,

- le bilan lipidique,

- un ECG de repos.

Les autres examens (échocardiographie, échographie rénale, Doppler vasculaire, épreuve d'effort, etc.) sont réalisés selon le condiv propre à chaque patient.

Bien utiliser l'automesure tensionnelle

L'automesure tensionnelle est particulièrement utile chez le sujet âgé chez qui l'effet « blouse blanche » (augmentation de la tension au cabinet médical) et les variations ponctuelles de la tension sont fréquents.

Quel appareil choisir ?

-> Brassard (usage plus fiable) ou poignet (plus pratique mais aux règles d'utilisation strictes). Dans tous les cas, veiller à ce que l'appareil appartienne à la liste des appareils homologués (http://www.afssaps.sante.fr).

Quand mesurer la tension ?

-> Après un repos de 5 minutes, en position assise.

Comment effectuer la mesure ?

-> Brassard : placé dans le bon sens (tuyau vers le bas) sur l'avant-bras dénudé, fléchi sur la table.

-> Poignet : une fois le tensiomètre placé au poignet, plier le bras pour amener le poignet à la hdiv du coeur.

-> Pendant le gonflage et le dégonflage, ne pas bouger, ne pas parler, rester détendu et ne pas serrer le poing.

A quel moment de la journée ?

-> Le matin entre le lever et le petit-déjeuner, avant de prendre les médicaments.

-> Le soir, avant le coucher, avant la prise des médicaments.

A quelle fréquence ?

-> Quand la tension n'est pas équilibrée, en cas de modification de traitement, avant une visite chez le médecin.

-> En suivant la règle des trois : trois mesures le matin et trois mesures le soir à au moins une minute d'intervalle, trois jours de suite.

Si l'appareil n'a pas de mémoire électronique, noter chaque mesure sur le relevé d'automesure en précisant la date, l'heure et le traitement en cours. Les communiquer au médecin lors de la visite.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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