Le client à la loupe - Le Moniteur des Pharmacies n° 2652 du 25/11/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2652 du 25/11/2006
 

Entreprise

Enquête

Le géomarketing permet de connaître la clientèle de sa zone d'influence pour mieux la satisfaire, la fidéliser voire la conquérir. Indispensable a priori. Pourtant l'officine ne s'est encore guère convertie à cette méthode.

Sa définition est on ne peut plus claire : le géomarketing est une association d'indicateurs géographiques, socio-économiques et sociodémographiques afin de disposer d'une analyse pointue de son environnement. « Quasiment aucune activité économique ne peut s'en abstraire totalement, que ce soit le magasin de détail, pour lequel l'adage veut que les éléments essentiels de réussite soient l'emplacement, l'emplacement. Et encore l'emplacement. Ou, à l'extrême opposé, le distributeur de musique sur Internet qui devra concevoir son site en fonction des prospects qu'il souhaite atteindre et dont l'attente sera différente selon qu'ils sont localisés en Italie ou en Nouvelle-Zélande », estime Philippe Latour, consultant chez Spatialist.

Penser local.

Nombreuses sont les enseignes (grande distribution, chaînes de sport...) à utiliser cet outil qui permet de définir le potentiel de chacun de leurs points de vente, d'identifier leur zone d'attraction tout en affinant le référencement de leurs produits. Un outil indispensable avec l'évolution de la concurrence, les projets multiples d'ouvertures et d'implantations d'enseignes nouvelles, la volatilité des consommateurs. Les méthodes d'« analyse spatiale » peuvent également porter sur « le maillage commercial et l'optimisation des points de vente d'un réseau par rapport au potentiel d'une région et de la concurrence, les opérations de marketing direct pour cibler les populations qui recevront des mailings et, dans le cadre du géomerchandising, connaître la population locale pour proposer une offre qui soit en adéquation avec ses besoins », détaille Gaëlle Albou, responsable marketing de la société Axicom.

Le géomarketing permet de visualiser différents indicateurs sociodémographiques (nombre d'habitants, âges, catégories socioprofessionnelles, taille des familles, types d'habitat...) et économiques (niveaux de revenu, typologie de la consommation...) dans une zone définie autour d'une entreprise ou d'un commerce pour identifier son potentiel de clientèle. On parle le plus souvent de « zone de chalandise ». « Classiquement, on la définit en fonction du temps d'accès, c'est-à-dire le temps que le consommateur ou le client est prêt à perdre pour se rendre dans tel ou tel commerce, rappelle Laurent Lepiller, directeur général d'Axciom. Les gens sont prêts à consacrer en moyenne 10 minutes de temps de trajet pour se rendre dans une pharmacie donnée, même si l'on doit faire un distinguo selon qu'elle soit rurale ou urbaine. »

Seulement 23 % d'adeptes chez les titulaires.

On peut agréger aux données générales de population des chiffres plus spécifiques au secteur d'activité. Dans son offre géomerchandising (en partenariat avec la société Géocible, couplé à un accompagnement merchandising), Alliance Santé a notamment intégré « des données de consommation de produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques par personne, par âge et par an », précise Stéphanie Bazin, responsable merchandising. Mais Franck Pelegrin, de la société Proscop, prévient : « Dire que le géomarketing se résume à de la cartographie, c'est réducteur. Les outils de cartographie ne sont qu'un support de représentation d'un phénomène. Une étude marketing compte 3 à 4 cartes accompagnées de graphiques ou d'histogrammes sur une soixantaine de pages. » Comme le souligne Gaëlle Albou, d'Axicom, « on ne peut pas de toute façon représenter plus de deux informations par carte, même en utilisant des couleurs ou des formes différentes, afin qu'elle reste lisible ».

L'idée de base de l'outil étant de connaître la clientèle de sa zone d'influence pour mieux la satisfaire, la fidéliser voire la conquérir, on pourrait imaginer que l'officine s'est largement convertie à cette méthode de marketing. C'est loin d'être le cas, comme le souligne le sondage réalisé pour Le Moniteur par Direct Medica (voir graphiques) : seuls 23 % des sondés ont réalisé eux-mêmes ou demandé à une société d'études de faire une analyse de la zone de chalandise de leur officine. Le meilleur moyen de qualifier une clientèle reste pour près de la moitié d'entre eux la connaissance qu'ils ont acquise avec l'expérience.

2 000 à 2 500 euros minimum d'investissement.

Reste que l'environnement économique de la pharmacie a changé à cause des derniers plans concernant le médicament mais également de l'arrivée d'une concurrence multiple et montante. Mieux répondre aux besoins de la clientèle, voire les anticiper, devient un impératif. « Les pharmaciens ont une bonne connaissance de leur clientèle car ils sont très impliqués dans l'officine, constate Rafaël Grosjean, président du groupement Pharmodel, mais cette connaissance empirique ne suffit pas toujours. Il faut passer à un moment donné à une démarche plus scientifique. »

Faut-il pour autant avoir recours, au moins une fois, à une société d'études spécialisée pour faire évoluer son chiffre d'affaires ? Tout dépend de l'objectif recherché et de l'investissement financier que le titulaire est prêt à consentir. Le recours à une société coûte a minima 2 000 à 2 500 euros. « Le trafic d'une officine est trop faible, comparativement à celui d'un centre commercial, pour que l'utilisation du géomarketing soit pertinente, estime Gérald Aitmedhi, responsable merchandising du groupement Evolupharm, qui réalise des audits clientèle directement au sein des points de vente. Mais le titulaire peut utiliser certaines données comme le taux de mortalité et de naissance domiciliées. Une pharmacie vraiment pointue devrait se rendre à la mairie tous les deux mois pour obtenir ces informations et faire des moyennes d'âge des habitants qui ont des enfants ou des personnes qui décèdent pour mesurer si l'âge moyen de la population augmente. Cela donne une première idée sur la correspondance de la clientèle de la pharmacie avec celle de l'environnement. Le titulaire devra se poser des questions et réorienter son offre vers une population de jeunes mères de famille si son officine draine 80 % des plus de 60 ans, alors qu'on compte près de trois fois plus de naissances que de décès dans le département. Les catégories socioprofessionnelles, l'âge, la répartition homme-femme sont aussi des indicateurs à prendre en compte. »

Interroger l'INSEE, la mairie, la DDE.

Avant de faire appel à une société spécialisée, Valérie Brun, titulaire au Havre, a elle-même procédé à une collecte d'informations. Pour elle, le pharmacien doit connaître de son environnement quelques données de base essentielles : la démographie, les prescripteurs (leur nombre, leur âge, voire leurs projets), les projets urbanistiques et commerciaux, surtout lors de l'achat éventuel d'un point de vente. « Pour la démographie, vous pouvez utiliser les données de l'INSEE et vous rendre à la mairie, qui dispose de chiffres plus actualisés. Pour les informations sur les projets de construction ou les modifications de voirie, les services municipaux ainsi que la direction départementale de l'équipement peuvent fournir des indicateurs précieux pour éviter de mauvaises surprises. Enfin, pour les prescripteurs, il peut être assez simple, en s'informant auprès des commerçants de proximité, de savoir qui ils sont, où ils sont installés, leur âge pour déterminer si leur cabinet risque bientôt de fermer. »

L'exercice a ses limites, et notamment « le temps passé à ce travail », souligne Valérie Brun. Autre écueil : la difficulté de répondre à des problématiques pointues. Exemples, cités par Franck Pelegrin, de Proscop : « Mon chiffre d'affaires n'évolue plus. Est-ce normal ou non ? Seul, le pharmacien ne pourra pas avoir d'éléments de réponse. La question posée à une société peut être : « Je souhaite faire une extension, est-ce possible ? », « Est-il important de procéder à une rénovation de mon officine ? », « Dois-je référencer des gammes bébé ou orienter mes différentes gammes de parapharmacie vers un positionnement plus haut de gamme ?... »

En cas de transfert, de rachat.

Valérie Brun a finalement décidé de recourir à une société d'études dans plusieurs cas de figure bien précis. « Le premier concernait une officine dans un gros bourg. Nous voulions connaître l'impact de l'implantation d'un Champion de 1 400 m2 en périphérie et si cette création pouvait être une opportunité pour transférer l'officine près de cet hypermarché. La seconde fois, il s'agissait de connaître le potentiel du chiffre d'affaires d'une officine dans le cadre d'un éventuel rachat. L'officine concernée était située dans une zone fortement concurrentielle et en pleine mutation, avec des projets d'aménagement du territoire, d'infrastructures. Il s'agissait d'un investissement financier important. L'étude nous a permis de définir notre business plan à 5 ans et de fixer le prix que nous pouvions proposer. La troisième intervention concernait un projet de transfert dans une galerie marchande, l'objectif étant de mesurer l'impact sur les pharmacies à proximité. »

Particulièrement intéressant dans le cadre d'un projet d'installation ou de transfert, l'étude de géomarketing permet de limiter les risques. Car la méconnaissance de certains paramètres, urbanistiques voire routiers, peut avoir des conséquences désastreuses. Cette situation a été vécue par une pharmacienne installée à côté de Toulon (Var), derrière une zone industrielle. Trois ans après son arrivée, la voie rapide qui passait à proximité a été agrandie. L'officine n'est plus visible de la route aujourd'hui que dans un seul sens de circulation et il n'existe pas d'embranchement pour sortir de la voie de ce côté.

Autre exemple, des travaux prévus dans une rue contiguë peuvent entraîner une interruption voire une modification de la circulation et contribuer à réduire le flux de clientèle quotidien, une fois le chantier bouclé. Il est donc important d'avoir une vision sur le plus long terme possible des modifications environnementales éventuelles. Le prestataire peut également définir le ou les meilleurs lieux possibles d'implantation si le pharmacien n'a pas trouvé de local à acheter.

Repères : Géomarketing

C'est l'ensemble des outils marketing (sous forme de cartographies, d'infographies, de tableaux) qui permettent d'avoir une meilleure connaissance environnementale, sur le plan social, économique et géographique, d'un point de vente et, pour une entreprise, de son marché, de ses clients et des concurrents au niveau local.

Repères : Zone de chalandise

C'est l'aire géographique d'influence d'un point de vente d'où provient l'essentiel de sa clientèle et d'où est issu 80 % de son chiffre d'affaires. Sa taille dépend des caractéristiques du point de vente (surface, assortiment, enseigne), de la concurrence, du tissu socio-économique et de la géographie des lieux. Une officine de zone rurale disposera a priori d'une plus grande zone de chalandise qu'une officine urbaine.

L'INSEE actualise ses données

Les données sociodémographiques locales reposent en bonne partie sur le recensement de la population par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Mais les enquêtes exhaustives (taille du foyer, âge de ses membres, catégorie socioprofessionnelle, type d'habitat...) n'étaient jusqu'ici réalisées, et donc publiées, que tous les 8 à 9 ans. Un rythme qui permettait d'avoir surtout des tendances d'évolution plutôt que des indicateurs précis, surtout dans des zones en voie d'urbanisation comme Marne-la-Vallée, près de Paris, qui a connu un fort développement.

Depuis 2004, la méthode de recueil des données a changé : pour aboutir à un recensement « permanent », l'INSEE a décidé de décortiquer tous les cinq ans les communes de moins de 10 000 habitants par roulement, et, chaque année, les communes de plus de 10 000 habitants selon des échantillons regroupant 8 % de la population. Les premiers résultats annuels exhaustifs seront présentés à partir de 2009.

« On sait déjà que le rythme de croissance des communes de moins de 10 000 habitants a presque doublé en 6 ans et triplé pour celles de moins de 500 habitants entre 1999 et 2005 », précise la société Asterop, qui propose un éclairage sur les dynamiques sociodémographiques sur cette période ainsi qu'un dispositif d'extrapolation des indicateurs, pour les communes n'ayant pas encore fait l'objet du recensement.

Repères : IRIS

Les îlots regroupés pour l'information statistique (IRIS) sont des zones géographiques définies par l'INSEE. Les IRIS-2000 correspondent à un nouveau découpage du territoire urbain par îlots de 2 000 habitants afin de « mieux lire la ville ». Ils sont destinés à remplacer les quartiers de 1990, dits « quartiers 5 000 » (pour 5 000 habitants), jugés trop grands et trop hétérogènes.

Sur le net :

- http://www.insee.fr (indicateurs sociodémographiques)

- http://www.sante.gouv.fr (statistiques et indicateurs de santé et sociaux)

- http://www.ordre.pharmacien.fr/fr/bleu/index3.htm

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