Derrière, c'est l'enfer ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 2652 du 25/11/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2652 du 25/11/2006
 

ENQUÊTE - BACK-OFFICE

Cahier spécial

L'annuel

Il existe encore un moyen peu utilisé pour améliorer la rentabilité d'une officine : l'optimisation du back-office. Voici quelques pistes et des données chiffrées issues de la première enquête menée sur le sujet par Néo Pharma pour « Le Moniteur des pharmacies ».

Comment jugez-vous votre organisation générale ?

Un tiers des officinaux interrogés par Néo Pharma constatent que leur back-office est « très désorganisé » et six sur dix se disent « débordés » par la gestion des commandes. Pourtant, seuls 3 % ont effectué une démarche qualité au niveau de cet espace. « Cela fait 20 ans maintenant que le pharmacien et les prestataires de services qui l'assistent ne se préoccupent que de la partie marchande de la pharmacie, constate Philippe Levy (Néo Pharma). L'amélioration a été considérable en matière d'accueil, de présentation des produits, de création d'espaces attractifs, de circulation des flux de clientèle. Mais nous avons atteint un seuil que personne ne parvient vraiment à dépasser. Dorénavant, l'augmentation de la rentabilité ne se fera plus vraiment sur la zone publique mais plutôt sur la rationalisation du back-office. Une logistique défectueuse, c'est une perte annuelle de 15 % de CA. »

Comment jugez-vous votre organisation arrière ?

Un ratio bien connu des experts en qualité et qui s'applique à tous les secteurs d'activité.

Autrement dit, l'officine, pour trouver de nouvelles sources de développement, va devoir se pencher sur sa chaîne logistique et s'appuyer sur une démarche qualité qui inclura la rationalisation de son back-office : aide au rangement, assistance au déstockage, automatisation, aménagement de zones dédiées aux différentes tâches logistiques, exploitation complète des outils logiciels mis à disposition par les SSII... « Tout reste à faire dans le domaine, ne serait-ce que de rassembler des données, de disposer de normes et de repères qui permettent à chacun de mesurer de manière fiable son degré de désorganisation et donc de perte potentielle de CA », poursuit Philippe Levy.

Etes-vous limité dans vos achats par manque de place ?

La logistique, le parent pauvre de l'officine

« On ne s'intéresse à la logistique que lorsque l'on ne peut plus gagner d'argent ailleurs !, renchérit Manuel Servio, directeur associé chez Goodwill, société spécialisée en développement durable et capital immatériel des entreprises. La pression économique en officine et le fait que la qualité de service au client n'ait cessé d'être optimisée expliquent ce phénomène. »

Temps d'attente avant traitement des caisses grossistes

Pour lui, c'est une erreur de penser que seules les GMS et les grandes entreprises sont concernées par la rationalisation de la chaîne logistique : « Lorsque je n'ai pas 100 % de produits disponibles à l'instant t, je suis en situation de perte potentielle de CA. Tout produit non délivré sur une ordonnance - et non commandé par le client - sera acheté ailleurs. Le logiciel métier du pharmacien devrait lui permettre de connaître cette perte potentielle. Le surstock doit lui aussi être évité. »

Temps de traitement des commandes directes

Dans le secteur de l'agroalimentaire par exemple, un projet logistique mené à son terme (stockage, obsolescence, coût de gestion des commandes, encombrement...) permet d'établir en 6 mois un « service avant » (disponibilité permanente des produits) efficace à 99 %, reposant pourtant sur une gestion logistique en flux tendu. « Le coût logistique devra être maîtrisé et connu par les pharmaciens », affirme Manuel Servio.

Comment jugez-vous l'évolution du traitement des commandes ?

Il recouvre différents paramètres : moyens humains, coût des surfaces mobilisées, charges fixes (électricité, informatique, téléphone...), coût de livraison (inclus le plus souvent dans le prix des produits : à se faire préciser par les fournisseurs mais qui représentent 6 à 10 % du prix du produit), coût d'immobilisation du stock, coût des périmés, des produits non repris, coût de gestion des fournisseurs (temps de négociation, préparation des commandes, temps de facturation...).

Vos employés affectés au rangement sont-ils appelés au comptoir lors de la phase de traitement ?

Un moyen de reconquérir la clientèle

Pour Bernard Durand, titulaire de la Pharmacie Saint-Fargeau à Paris, la problématique du back-office est directement proportionnelle au volume d'activité de l'officine. « Le pharmacien ne devrait pas perdre de vue que du bon fonctionnement du back-office dépend la qualité de la délivrance et l'efficacité de l'équipe ». Le réagencement de sa pharmacie il y a deux ans a été pour lui l'occasion de simplifier le protocole de réception des commandes de manière à traiter les produits en un minimum de temps, selon un processus strictement identique pour un maximum d'efficacité. Deux réceptionnistes, sur les trois que compte la pharmacie, sont notamment présents en permanence pour gérer, l'un les commandes, l'autre le direct. « Nous avons aussi fait du bon de promis un véritable outil de communication qui nous permet de suivre l'avancée d'une délivrance : nom, date et heure de la promesse, date et heure de livraison, raison de non-livraison... » Bernard Durand a également agrandi et rationalisé son sas de livraison (affichage du nombre de cartons par laboratoire, heure et jour d'arrivée, bons signés...) et dédié un poste informatique à la gestion des commandes directes.

Jean-Michel Deleplace, installé dans le centre commercial de l'Agora à Evry (Essonne), estime lui aussi avoir atteint les limites du « développement avant », faute de rationalisation de sa partie arrière. « Devoir s'occuper du back-office est la rançon de la prospérité : plus le chiffre augmente, plus le stock augmente et plus la gestion des volumes traités pose problème. Tout doit alors être réfléchi, y compris la suggestion de notre groupement, Forum Santé, qui préconise des entrepôts décalés, ce qui a un coût. » Son officine est équipée d'un robot et d'un tapis haute qualité qui monte les caisses à l'étage où deux rayonnistes sont affectées à la gestion des commandes (grossistes et direct). Cette réorganisation du back-office a, selon lui, permis la reconquête progressive de 22 % de sa clientèle perdue à la suite d'une expulsion.

Quel est le niveau de qualification des personnes affectées au rangement ?

Fluidifier la circulation à l'arrière de l'officine

Pour Thibault Charbonnier, conseil en gestion de l'espace et chargé de la coordination terrain de l'enseigne Pharmavie, le back-office est au coeur de la réflexion actuelle sur la rentabilité officinale. « Réduire l'officine au front-office et à l'architecture marchande, aussi opérationnelle et esthétique soit-elle, sans se préoccuper du back-office, ce serait comme avoir un paquebot de croisière avec des rameurs à la salle des machines », résume-t-il. Pour lui, le travail d'un groupement est de valoriser les fonds de commerce de ses adhérents par tous les moyens : le back-office en est un. « Aujourd'hui, nous travaillons sur la liaison entre ergonomie et rentabilité arrière pour une population qui, ne l'oublions pas, est à 85 % féminine. D'autre part, réduire l'espace dans le back-office, c'est perdre du temps et donc de la rentabilité. »

Ce consultant préconise de travailler sur les points noirs en matière de circulation à l'arrière de l'officine (éviter les goulets d'étranglement, les petites portes, les escaliers en colimaçon, remplacer les marches par des plans inclinés...), sur les flux de marchandises : prévoir par exemple des sas de livraison assez larges pour permettre le passage des palettes, des monte-charge ou des bandes transporteuses accessibles aux livreurs, des espaces tampons, des zones de stockage de cartons et de produits déballés pour éviter le traitement du même produit plusieurs fois, des zones de picking direct en carton pour le médicament familial notamment, etc. Il évoque également la gestion des produits réfrigérés (qui doivent être à proximité des comptoirs), des produits volatils et des MNU. « L'enjeu est de raccourcir les trajets, les process et les temps de traitement. » Mais aussi de favoriser le bien-être au travail : « Les agenceurs oublient trop souvent que ce qui coûte le plus cher aux entreprises c'est le ratio heure/homme, le capital humain. Ce ratio doit être intelligemment valorisé en donnant aussi aux salariés davantage de confort et donc de bien-être. »

Eclater le back-office en plusieurs zones

Daniel Cerf, titulaire de la Pharmacie Patton à Saint-Avold (Moselle) et bientôt à l'enseigne Pharmavie, s'est penché sur la rentabilisation de son outil de travail, et évidemment sur son back-office avec l'aide d'un comité d'experts. Résultat : on « éclate » tout en plusieurs zones : en rez-de-chaussée, la fonction administrative avec un local pour recevoir les commerciaux, un préparatoire, un petit bureau, une zone de réception des palettes a proximité d'un monte-charge pour descendre immédiatement les produits au sous-sol sans les déballer. Au sous-sol : le stockage et l'automate Pharmax. « Mon objectif face aux déremboursements qui ont lieu dans toute l'Europe, à la pression économique, à la nécessité croissante de services, était de mettre ma pharmacie en conformité pour les dix ans qui viennent. La réorganisation du back-office va aussi nous permettre de développer de nouveaux secteurs d'activité, notamment le maintien à domicile, la diététique et la nutrition », assure Daniel Cerf.

Des procédures écrites pour évaluer le temps...

Mustapha Larbaoui, pharmacien de formation et ancien de la répartition pharmaceutique, est manager d'entreprises officinales en SEL. Il travaille actuellement sur plusieurs sites officinaux en région parisienne, dont une pharmacie réalisant plus de 10 millions d'eurosÛ de CA et employant 40 salariés. « La première difficulté dont pâtit grandement le back-office officinal est l'absence de procédures. On doit passer absolument de l'oral à l'écrit et séparer le commercial - l'espace vente - du back-office. L'objectif étant un gain de productivité et donc de rentabilité. Un exemple simple : le pharmacien n'a jamais fait la démarche de quantifier le nombre d'heures et donc de personnes dont il avait besoin pour le remplissage de ses rayons. Il n'a donc aucun repère, ce qui peut aboutir à des aberrations en termes d'embauche : trois personnes dédiées au remplissage alors qu'une seule remplierait totalement cette tâche avec une moindre qualification. Il suffit pour mesurer ce paramètre de mettre en place un système de commandes internes : décider des heures d'approvisionnement des rayons, des quantités à implanter par produit en s'appuyant sur l'informatique qui autorise une traçabilité, mesurer le temps nécessaire. »

Pour Mustapha Larbaoui, la gestion du back-office implique aussi une externalisation des services, par exemple délocaliser l'administration dans des locaux réservés à cet effet, dont le coût de location est très inférieur au mètre carré en officine de centre commercial par exemple.

Des nouveaux métiers à l'officine

Thibault Charbonnier annonce parallèlement la création de nouveaux métiers à l'officine : conditionneur, logisticien pour la gestion des stocks en robot et hors robot, mais aussi des stocks de parapharmacie grâce à un système de messagerie interne front/back-office. « Il est aberrant de faire gérer par le responsable de rayon l'intégralité de la chaîne de transit du produit : commande, déballage, stockage, mise en rayon, vente. Ce système de démultiplication des tâches génère une énorme déperdition en efficacité et en rentabilité. »

L'absence de maîtrise du back-office fait aussi potentiellement courir au client un risque en termes de santé publique. « Une défaillance dans le circuit d'approvisionnement, c'est la possibilité de perdre un produit, de ne pas le retrouver, ou de délivrer le mauvais produit. C'est aussi une dilution de la responsabilité et, potentiellement, une mise en danger de la vie d'autrui ! », affirme Pierre Cabret, responsable du préparatoire et de l'administratif de la Pharmacie homéopathique de l'Europe (Paris). Sans compter les risques d'accidents de travail (transport de charges lourdes, allées et venues dans des escaliers étroits...) qui peuvent majorer les coûts d'assurance....

A la Pharmacie homéopathique de l'Europe, l'approche logistique s'inscrit dans une démarche qualité : mise en place des moyens, écriture des procédures et des fiches de poste et attribution des compétences. Concrètement, le zonage des espaces repose sur la création d'un circuit des entrées, des procédures de réception des achats directs et des achats grossiste. Ceci a impliqué la création d'un poste de responsable des achats pour mettre fin à l'incohérence d'une situation qui reposait sur l'attribution d'un laboratoire à son référent pharmacien ou préparateur. D'où un manque d'homogénéité dans la négociation, des pertes de temps dans ce travail pas toujours bien maîtrisé et une répercussion sur le travail au comptoir. « L'idée de déléguer cette tâche à une seule et unique personne est venue rapidement. Le poste a été créé et les bénéfices ont été immédiats. Mais le lien n'a pas été rompu avec le référent qui donne toujours son avis sur le référencement des nouveautés et est aussi chargé de diffuser l'information laboratoire auprès des autres membres de l'équipe. »

Dans la logique du PRAQ

Au vu de tous ces témoignages, il est clair que le travail sur le back-office est source de rentabilité, améliore les conditions de travail et s'inscrit parfaitement dans la démarche qualité. Une démarche qui fait elle-même écho aux recommandations de l'Ordre qui rendra bientôt indispensable la nomination d'un PRAQ, ou pharmacien responsable assurance qualité dans chaque officine.

La méthodologie

L'étude réalisée par Néo Pharma, en collaboration avec le département logistique de l'université d'Evry, s'est déroulée du 1 er mars au 8 septembre 2006. Les étudiants en logistique chargés de l'enquête ont notamment observé la mesure du temps de traitement des commandes et leurs implications en termes de mobilisation du personnel. L'enquête a permis un relevé de données sur l'ensemble du territoire, dans des pharmacies de différents types (de centre-ville, de centre commercial, rurale, de quartier) et d'analyser 608 livraisons grossistes et 105 livraisons directes, soit en tout 240 heures d'observation effectuées en présentiel.

Les dix conseils de base

- Prenez conscience que la désorganisation coûte cher.

- N'interrompez pas les tâches de contrôle et de traitement des commandes (+ 40 % de temps en plus).

- Travaillez vos seuils de commande grossiste afin de les regrouper.

- Négociez plusieurs livraisons avec vos fournisseurs directs (pour limiter l'encombrement et diminuer les risques).

- Créez un environnement de travail propice à la concentration.

- Envisagez l'automatisation, même partielle, de votre stockage (amélioration des temps de rangement et de sortie des produits).

- Faites-vous accompagner par des spécialistes de l'organisation.

- Etudiez avec la même rigueur la partie avant et la partie arrière de votre pharmacie.

- Formez vos équipes à la gestion des réserves et à l'organisation.

- Changez vos critères de recrutement pour les tâches de gestion des réserves.

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