La maladie de Crohn - Le Moniteur des Pharmacies n° 2648 du 28/10/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2648 du 28/10/2006
 

Cahier formation

l'essentiel La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire chronique de l'intestin atteignant surtout l'adulte jeune. Les poussées se manifestent par des douleurs abdominales accompagnées de diarrhée. Des manifestations extradigestives comme des douleurs articulaires ou des atteintes cutanéomuqueuses sont classiques. Le traitement fait appel aux dérivés aminosalicylés et aux corticoïdes, en particulier au budésonide à libération locale en cas d'atteinte de l'iléon ou du côlon ascendant. Les immunosuppresseurs ont tendance à être prescrits plus largement et précocement qu'auparavant, même chez l'enfant. L'infliximab, anti-TNF-alpha réservé à l'usage hospitalier, est utilisé dans le traitement des formes actives et sévères de la maladie. En dehors des poussées, aucun régime alimentaire ne s'impose.

ORDONNANCE : Une patiente de 28 ans atteinte d'une poussée de maladie de Crohn

Anne C., 28 ans, souffre depuis 3 ans d'une maladie de Crohn peu sévère. Suite à une nouvelle poussée modérée de la maladie à localisation iléocolique droite, elle est depuis un mois sous traitement par un corticoïde topique, Entocort. Fivasa 800 mg (mésalazine) prendra le relais du traitement dans un mois. Par ailleurs, Anne C. souhaite planifier une grossesse dès que possible.

LA PRESCRIPTION

Pr L. Brière

Hépatogastroentérologue

4, place de la Bastille

96500 Lamballe

Tél. : 08 41 55 44 22

96 1 99999 1

Le 26 octobre 2006

Mme C., 28 ans,

Entocort 3 mg : continuer 3 le matin pendant un mois, puis 2 le matin pendant 2 semaines puis 1 le matin pendant 2 semaines et arrêt.

Fivasa 800 mg : à commencer dans un mois. 1 matin, midi et soir pendant 1 mois. AR.

Smecta : 3/jour pendant 1 mois.

LE CAS

Ce que vous savez de la patiente

- Mme C., 28 ans, 60 kg pour 1,77 m, est une de vos clientes habituelles. Une maladie de Crohn a été diagnostiquée il y environ 3 ans. Un traitement d'entretien par Pentasa avait à l'époque été initié mais non poursuivi (manque d'observance de la patiente). Une nouvelle poussée de la maladie au début du mois avec diarrhées et douleurs abdominales a nécessité une endoscopie, qui a révélé des lésions aphtoïdes iléocoliques droites. Il y a un mois, le gastroentérologue a prescrit un corticoïde à délitement local, Entocort. Les douleurs abdominales étaient traitées par Spasfon-lyoc (6 comprimés/j) et les diarrhées par Smecta (3 sachets/j).

Ce dont se plaint la patiente

- D'après elle, son état s'est amélioré grâce au traitement (disparitions des douleurs abdominales, amélioration de son état général), hormis de rares épisodes diarrhéiques non fébriles lors des écarts alimentaires. Elle a profité de la consultation pour demander au médecin s'il était envisageable de planifier une grossesse compte tenu de sa maladie et du traitement.

Ce que le médecin lui a dit

- Suite à l'amélioration des symptômes, le médecin a décidé de poursuivre Entocort encore un mois à pleine posologie puis de le remplacer par Fivasa 800 mg, en traitement de fond, à commencer lors de la décroissance de posologie de l'Entocort.

- En ce qui concerne une grossesse, il l'a rassurée mais souhaite qu'elle attende la fin du traitement par Entocort pour s'assurer d'une réelle rémission. Le traitement par Fivasa pourra être maintenu si nécessaire mais en diminuant les doses. Il souhaite la revoir dans 3 mois pour faire un bilan, sauf phénomène intercurrent.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

Il n'y a pas d'interaction médicamenteuse significative, mais il faut tenir compte des propriétés adsorbantes du Smecta pour établir le plan de prise.

ANALYSE DES POSOLOGIES

Toutes les posologies sont conformes aux AMM.

AVIS PHARMACEUTIQUE

La prescription

- Entocort (budésonide) est un corticoïde topique dont la formulation galénique (gélules de microgranules gastrorésistants) permet une libération sélective dans la région iléocolique droite. Son métabolisme rapide en métabolites inactifs lors du premier passage hépatique explique sa faible biodisponibilité, voisine de 10 % au lieu de 80 % pour la prednisone ou la prednisolone. De ce fait, Entocort a peu d'effets indésirables comparé à la corticothérapie conventionnelle. Il est prescrit pour trois mois de façon dégressive pour éviter une corticodépendance et un rebond des symptômes de la poussée.

- Fivasa (mésalazine) est la fraction active de la salazosulfapyridine. Chez l'homme, le délitement du comprimé a lieu dans la partie distale de l'iléon ou dans le côlon ascendant et non dans l'estomac, même après un temps de séjour prolongé, assurant une délivrance du 5-ASA aux sites préférentiels de l'inflammation. Elle est prescrite de façon à relayer le traitement par budésonide, en traitement d'entretien de la maladie de Crohn.

- Smecta : les atteintes organiques du côlon sont à l'origine des diarrhées glaireuses de Mme C. La diosmectite a un effet essentiellement symptomatique, antidiarrhéique qui repose sur trois fonctions : elle possède un pouvoir couvrant de la muqueuse digestive grâce à sa structure en feuillet, elle fixe des micro-organismes responsables des diarrhées et absorbe l'excès hydrique, et, enfin, elle augmente la résistance du gel muqueux en se couplant aux glycoprotéines du mucus.

Le désir de grossesse

- La grossesse doit être débutée en période de rémission et donc programmée à distance de la poussée. Une grossesse conçue au cours d'une période de poussée présente un risque d'arrêt spontané précoce ou de grande prématurité du bébé. Il est donc impératif de différer tout projet de grossesse tant que la maladie n'est pas spontanément en rémission ou tant que le traitement de la maladie n'est pas efficace de façon stable.

En pratique, lors des poussées, un espacement des règles voire un arrêt transitoire des cycles menstruels est possible.

En cas de grossesse

- D'après l'AMM de Fivasa et le CRAT (Centre de renseignement sur les agents tératogènes), la mésalazine peut être prescrite pendant la grossesse si la posologie n'excède pas 2 g par jour. Au-delà, les concentrations plasmatiques de mésalazine, anti-inflammatoire intestinal salicylé, peuvent exposer le foetus à des effets indésirables, notamment rénaux. Il conviendra donc, une fois la poussée jugulée, de stopper le traitement de fond, si l'état de la patiente le permet, ou de limiter la posologie de Fivasa à 5 comprimés à 400 mg par jour.

- En cas de nouvelle poussée de la maladie pendant la grossesse, la corticothérapie conventionnelle (prednisolone) peut être utilisée.

Avertir la patiente

Rappeler à la patiente qu'une grossesse ne doit pas débuter tant que la maladie n'est pas en rémission et tant qu'elle est traitée avec 2,4 g de Fivasa par jour.

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

- Entocort 3 mg (budésonide)

- Glucocorticostéroïde topique.

- Gélules contenant des microgranules gastrorésistants libérés dans l'iléon et le côlon ascendant.

- Entocort est indiqué notamment dans le traitement d'attaque de la maladie de Crohn d'intensité légère à modérée affectant l'iléon et/ou le côlon ascendant.

- Il est aussi indiqué mais non remboursé en traitement d'entretien et prolongation de la rémission de la maladie de Crohn.

- La posologie journalière recommandée est de 3 gélules (9 mg) en une seule prise le matin pendant 8 semaines. La réponse thérapeutique optimale est généralement atteinte en 2 à 4 semaines. L'arrêt du traitement doit être progressif.

- Fivasa 800 mg (mésalazine, acide 5-aminosalicylique ou 5-ASA)

- Anti-inflammatoire intestinal.

- Comprimés enrobés gastrorésistants (délitement dans la partie distale de l'iléon ou dans le côlon ascendant).

- Indiqué notamment dans le traitement d'entretien de la maladie de Crohn.

- La posologie recommandée est de 3 comprimés à 800 mg par jour (2,4 g par jour), soit 1 comprimé à chaque repas.

- Smecta (diosmectite)

- Pansement digestif.

- Indiqué dans le traitement symptomatique des douleurs liées aux affections oesogastroduodénales et coliques.

- La posologie recommandée est de 3 sachets par jour à distance des repas mais, dans les diarrhées aiguës, la posologie quotidienne peut être doublée en début de traitement.

INITIATION DU TRAITEMENT

Au moment de la poussée de la maladie, un bilan biologique a été réalisé : hépatique (transaminases), rénal (clairance de la créatinine et protéinurie) et hémogramme. Ce bilan est normal pour Mme C. qui ne présente pas de contre-indication à la prise du traitement :

- pas de galactosémie congénitale ou de malabsorption du glucose et galactose, fréquentes chez les patients souffrant de la maladie de Crohn. La prise de Fivasa, qui comporte du galactose, est possible ;

- pas d'infection en cours. La prise de corticoïde n'est pas contre-indiquée.

SUIVI DU TRAITEMENT

Le but est de :

- contrôler de façon efficace et rapide la poussée ;

- maintenir la patiente en rémission le plus longtemps possible ;

- surveiller l'apparition éventuelle d'effets indésirables.

- Effets indésirables attendus

Ce sont surtout ceux des corticoïdes (HTA, ulcères, ostéoporose, risque d'insuffisance surrénale...). Toutefois, la faible biodisponibilité sanguine d'Entocort diminue les effets indésirables corticodépendants.

Les effets indésirables de Fivasa sont rares : augmentation des transaminases, hépatite, pancréatites aiguës, néphrites tubulo-interstitielles...

- Suivi clinique

Mme C. doit revoir son médecin dans 3 mois. Ce contrôle clinique de la maladie de Crohn repose essentiellement sur les différents points de l'indice CDAI de Best (voir page 7).

- Nombre de selles liquides.

- Douleurs abdominales avec présence d'une masse.

- Prise d'antidiarrhéique.

- Arthrite, arthralgie.

- Etat général.

- Surveillance endoscopique

D'après les recommandations de la Société française d'endoscopie digestive (SFED), elle ne doit pas être systématique à chaque poussée de la maladie. Elle est réalisée surtout en cas de poussée sévère et/ou de suspicion de complication.

- Surveillance biologique

- Dosage du fer : le syndrome inflammatoire peut entraîner une éventuelle diminution de l'absorption du fer à l'origine d'une anémie par carence en fer.

- Dosages de la kaliémie, de la glycémie et bilan phosphocalcique : ils peuvent être modifiés par la prise d'Entocort.

- Evaluation de la fonction rénale deux fois par an : clairance de la créatinine et recherche d'une protéinurie si l'utilisation du Fivasa est prolongée.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ - Entocort : à avaler en une prise le matin avec un verre d'eau, sans croquer ni mâcher les gélules. - Fivasa 800 mg : prendre les comprimés avec un verre d'eau au cours des repas. - Smecta : diluer le contenu des sachets dans un grand verre d'eau. A prendre à distance de tout autre médicament.

CONSEILS À LA PATIENTE

Attention à l'automédication !

- Proscrire toute prise d'AINS en automédication : ils peuvent provoquer une poussée.

- Ne pas administrer de vaccins vivants atténués : risque de maladie vaccinale généralisée sous Entocort.

- Noter dans le dossier patient les demandes d'automédication.

Mesures hygiénodiététiques

- S'assurer que Mme C. ne fume pas. Le tabac aggrave l'évolution de la maladie.

- Lors des poussées, suivre un régime pauvre en résidus en supprimant les fibres (fruits, légumes, céréales) et le lactose (essentiellement le lait), souvent mal toléré (les yaourts peuvent être conseillés). Dès que l'état clinique s'améliore, arrêter le régime sans résidus et diversifier autant que possible l'alimentation pour éviter le risque de dénutrition ou de carences.

- Boire beaucoup car la maladie de Crohn provoque une déshydratation. Augmenter les apports en sel et en eau en cas de forte diarrhée.

Désir de grossesse

- Eviter absolument une grossesse tant que la poussée n'est pas jugulée.

- Rassurer Mme C. : la maladie de Crohn n'influe pas sur la fertilité. La grossesse en dehors d'une poussée de la maladie ne présente pas de risque particulier de fausse couche ou de malformation. Le risque de transmettre la maladie est faible.

- Donner les coordonnées de l'Association François-Aupetit à la patiente (voir page 15). Elle pourra obtenir d'autres informations ou des témoignages de femmes souffrant de maladie de Crohn.

Par Delphine Bourneau, Lilia BakirKhodja-Chorfa, Gaëlle Desaméricq et le Pr Jean Calop,Service de pharmacie clinique, CEEPPPO, et le Pr Bruno Bonaz, hépatogastroentérologue

PATHOLOGIE : Qu'est-ce que la maladie de Crohn ?

La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire chronique de l'intestin (MICI), siégeant sur une ou plusieurs parties du tube digestif et évoluant le plus souvent par poussées.

ÉPIDÉMIOLOGIE

En France, l'incidence de la maladie de Crohn est de 5 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants. On estime à 60 000 le nombre de Français concernés par la maladie. Cette dernière peut débuter à tout âge mais reste rare chez l'enfant et exceptionnelle chez le nourrisson. C'est une maladie du sujet jeune, avec un pic d'apparition à 27 ans. Après 30 ans, la probabilité de développer la maladie décroît progressivement. On retrouve une légère prépondérance de l'affection chez les femmes.

Touchant le plus souvent les milieux urbains, la maladie de Crohn est aussi plus fréquente dans l'hémisphère Nord que dans l'hémisphère Sud (à l'exception des populations blanches d'Australie, d'Afrique du Sud et de Nouvelle-Zélande). Cette disparité Nord/Sud se retrouve en Europe (6,3 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants dans le Nord contre 3,6 cas dans le Sud) mais n'est pas clairement mise en évidence en France.

LOCALISATIONS DE LA MALADIE

PHYSIO-PATHOLOGIE

Le mécanisme de la maladie de Crohn n'est à ce jour pas élucidé, mais les études suggèrent que l'inflammation chronique et excessive de la muqueuse intestinale serait due à l'activation anormale du système immunitaire local. Sous l'influence de facteurs environnementaux et/ou génétiques (voir le chapitre « Etiologie »), il y aurait une augmentation de la perméabilité intestinale, d'où l'infiltration d'antigènes étrangers dans la muqueuse et la stimulation des systèmes de défense (macrophages et lymphocytes T). La sécrétion de cytokines inflammatoires (tel le TNF-alpha) serait à l'origine des lésions. Ces dernières se manifestent sur les parois de l'intestin sous forme de pertes de substance de profondeur variable (érosions, ulcérations ou ulcères).

Les lésions peuvent atteindre toutes les parties du tube digestif, avec une prédilection pour :

- l'iléon (partie terminale de l'intestin grêle),

- le côlon,

- l'iléon et la première partie du côlon (atteinte iléocolique).

SIGNES CLINIQUES

Les manifestations cliniques ne sont pas spécifiques à la pathologie (ce qui rend son diagnostic difficile), elles se révèlent lors des poussées inflammatoires de la maladie. L'indice CDAI de Best permet de classer les poussées en 4 stades : maladie de Crohn inactive, poussées minimes à modérées, poussées plus sévères, poussées très sévères.

Manifestations intestinales

Elles dépendent de la localisation des lésions.

- Les douleurs abdominales : elles apparaissent après les repas en cas d'atteinte du grêle et se manifestent plutôt sous forme de spasmes en cas d'atteinte colique.

- La diarrhée : elle correspond à l'évacuation quotidienne de plus de deux selles molles ou liquides. Il s'agit d'une diarrhée hydrique ou accompagnée de glaires et de sang en cas d'atteinte colique. Les émissions de glaires (type blanc d'oeuf cru) et de sang peuvent aussi survenir en dehors des défécations, dans le cadre d'un syndrome dysentérique observé lors d'atteinte du rectum.

La symptomatologie digestive varie aussi en fonction de la gravité des lésions.

- En cas d'ulcération peu profonde : diarrhée et douleur prédominant après les repas.

- En cas d'abcès : douleur permanente et circonscrite associée à de la fièvre.

- En cas de sténose : gonflement abdominal dû au blocage alimentaire avec vomissements en fin de journée.

Manifestations périanales

L'atteinte de l'anus touche près d'un patient sur deux au cours de la maladie. Les ulcérations initiales peuvent donner naissance :

- à des fissures très douloureuses,

- à des abcès qui donnent lieu à des douleurs permanentes et à une fièvre parfois élevée,

- à des fistules : trajet anormal reliant l'abcès à deux orifices (partie interne de l'anus et zone de peau autour de l'anus).

Manifestations générales

- L'altération de l'état général peut être due à une fatigue d'intensité variable, à une anorexie plus ou moins marquée ou à la présence de fièvre.

- La restriction des apports alimentaires, mais aussi les problèmes de malabsorption liés aux lésions entraînent une perte de poids et peuvent aboutir à un état de dénutrition. On observe aussi des carences (en fer, en vitamine B12...).

- Chez l'enfant et l'adolescent, le retard de croissance est fréquent.

Manifestations extradigestives

- Manifestations associées aux poussées

Atteintes articulaires périphériques : présentes chez près d'un patient sur cinq, elles induisent des douleurs fugaces au niveau des chevilles, genoux, poignets, épaules et coudes.

Atteintes cutanéomuqueuses : la plus fréquente d'entre elles est l'érythème noueux (nodosités rouges et douloureuses au niveau des jambes). Beaucoup plus rare, le pyoderma gangrenosum (ulcérations violacées) siège au niveau des cuisses. Des poussées d'aphtose buccale (3 aphtes ou plus) peuvent aussi apparaître.

Atteintes oculaires : conjonctivite, intolérance à la lumière.

- Manifestations indépendantes des poussées

- Atteinte articulaire axiale : l'inflammation douloureuse concerne la colonne vertébrale et le bassin.

- Atteinte hépatobiliaire : il s'agit d'une déformation des canaux biliaires ou d'une stéatose latente (révélée par des examens biologiques).

- Atteinte urinaire : elle se traduit par des calculs rénaux (dépôt d'oxalates) ou par une fistule entérovésicale (communication entre intestin et vessie).

INDICE CDAI DE BEST

ÉTIOLOGIES

La cause exacte de la maladie demeure mystérieuse mais l'hypothèse plurifactorielle est retenue.

Les facteurs génétiques

La maladie de Crohn n'est pas héréditaire mais il existe des facteurs génétiques de prédisposition à la maladie. Le risque de transmettre la maladie à son enfant est de l'ordre de 1 %.

Les facteurs environnementaux

Le mode de vie occidental des pays industrialisés est associé à un risque accru de développer la maladie.

- Le tabac : il est prouvé que le tabagisme actif augmente (multiplication par 2) le risque d'apparition de la maladie, surtout chez les femmes. L'effet nocif du tabac, encore hypothétique, passerait par des troubles de la microcirculation dans la paroi intestinale.

- L'alimentation : beaucoup d'enquêtes ont mis en cause le mode d'alimentation (pauvre en fibres et riche en sucres raffinés), mais les résultats se sont révélés contradictoires. A l'heure actuelle, il n'y a pas d'argument scientifique en faveur de la responsabilité d'un aliment particulier.

Les facteurs infectieux

On a notamment accusé les mycobactéries atypiques ou le virus de rougeole, mais leur rôle initiateur est très contesté. Aujourd'hui, les résultats expérimentaux penchent en faveur du rôle de la flore intestinale résidente.

Les facteurs déclenchant les poussées

- Le tabagisme : en période d'accalmie, le fait de fumer augmente le risque de développer une prochaine poussée.

- Les AINS : leur rôle, quoique faible, dans la réactivation d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin (MICI) les jours suivant leur prise est établi.

- Le stress : des études chez l'animal montrent que certains stress peuvent aggraver voire déclencher une inflammation intestinale. Les deuils ou les fortes contradictions pourraient donc influencer l'apparition des poussées, même si dans les faits cette relation de cause à effet n'est pas systématique.

- Les infections intestinales : leur responsabilité dans le déclenchement de certaines poussées est probable.

ÉVOLUTION

La maladie de Crohn est une pathologie chronique qui évolue.

- De façon intermittente dans 90 % des cas : le cours de la vie est émaillé de poussées (traduisant l'activité inflammatoire de la maladie) espacées de périodes de rémission plus ou moins longues. La fréquence et l'intensité des poussées varient d'un patient à l'autre et d'une période à une autre chez un même patient. Selon une récente enquête (« Regards sur les MICI ») menée par l'Association François-Aupetit, les poussées surviennent en moyenne tous les 17 mois pour une durée de 3 mois.

- De façon quasi continue dans 10 % des cas : les symptômes omniprésents sont cependant plus ou moins marqués selon les périodes.

La maladie de Crohn ne diminue pratiquement pas l'espérance de vie des patients. La plupart poursuivent leurs activités professionnelles et sportives, malgré une altération notable de la qualité de vie au cours des phases d'activité de la maladie.

COMPLICATIONS

Parfois révélatrices de la maladie, les complications rendent le diagnostic encore plus difficile.

- La sténose : elle est due à l'évolution cicatricielle des lésions qui entraîne un rétrécissement fibreux au niveau de l'intestin grêle. Cette sténose fait obstacle au passage de l'alimentation et risque de conduire à une occlusion intestinale.

- Les abcès intra-abdominaux : ils sont consécutifs à l'extension en profondeur des ulcérations de la paroi intestinale qui provoquent des perforations. L'issue des matières fécales et des germes forme alors une collection pleine de pus.

- Les fistules : sans traitement, l'abcès a tendance à s'évacuer par une communication anormale le reliant à un autre organe. Il peut se vider vers la peau (fistule externe) ou dans un organe creux (tube digestif, vessie, vagin), formant une fistule interne. Par ailleurs, une fistule peut survenir en l'absence d'abcès, résultant de l'aggravation en profondeur des ulcérations, et conduisant aussi à une communication anormale avec un autre organe. Ainsi peut survenir une péritonite aiguë, liée à l'écoulement des matières fécales dans la cavité péritonéale.

- La résection chirurgicale : l'ablation d'un segment de l'intestin grêle et/ou du côlon devient nécessaire lorsque le traitement médicamenteux ne suffit pas. Une stomie temporaire ou définitive est parfois nécessaire. Le recours à la chirurgie peut aussi avoir lieu en urgence en cas d'occlusion ou de péritonite. Le pourcentage de patients opérés est estimé à 37 % dans les 5 premières années de la maladie. Le risque de résection passe à 60 % au bout de 10 ans et à 80 % au bout de 20 ans.

- Le cancer du côlon et de l'intestin grêle : après plus de 10-15 ans d'évolution, la maladie de Crohn favorise la survenue du cancer de l'intestin grêle. Le risque de cancer du côlon augmente chez les patients atteints depuis plus de 7 à 10 ans, lorsque la maladie touche plus de la moitié du côlon.

Par Myriam Loriol, pharmacienne, en collaboration avec le Pr Laurent Beaugerie, gastroentérologue

ThÉrapeutique : Comment traiter la maladie de Crohn ?

La maladie de Crohn, inflammation chronique de l'intestin, est traitée par quatre groupes de médicaments : les dérivés aminosalicylés, utilisés en première intention, la corticothérapie systémique ou locale, les immunomodulateurs, plus spécifiquement prescrits dans les formes corticorésistantes mais donnant une réponse clinique retardée, et les anticorps monoclonaux prescrits en dernière ligne.

AMINOSALICYLÉS

Les aminosalicylés sont administrés dans le traitement des poussées légères à modérées ainsi que dans le traitement d'entretien de la maladie de Crohn. Leur action anti-inflammatoire est due à leur structure chimique voisine de celle des salicylés : ils inhibent localement la production de prostaglandines et de leucotriènes.

- Sulfasalazine

Le chef de file des aminosalicylés est la sulfasalazine (Salazopyrine), dont l'administration orale est bien tolérée mais qui n'est indiquée que dans les formes coliques de la maladie de Crohn car son action implique la scission de la molécule par les bactéries coliques, avec libération de la fraction salicylée seule active. La plupart des effets indésirables observés, bénins (céphalées, nausées), sont dose-dépendants. Les réactions immunoallergiques potentiellement induites par la sulfapyridine sont plus graves (cytopénies, allergies cutanées, hépatites...). La salazosulfapyridine n'est pas contre-indiquée chez la femme enceinte.

- Mésalazine (5-ASA)

La fraction active de cette molécule, l'acide 5-aminosalicylique (5-ASA = mésalazine), sous forme orale (Fivasa, Pentasa, Rowasa) est indiquée dans la maladie de Crohn, toutes formes confondues. Son administration limite la survenue des effets indésirables allergiques liés à la sulfapyridine (sans exclure des allergies croisées avec la salazosulfapyridine liée à la fraction salicylée de la molécule). Il est possible de la prescrire sans risque à la femme enceinte à condition de ne pas dépasser une posologie de 2 g par jour.

L'olsalazine (Dipentum), constituée de deux molécules de 5-ASA scindées au niveau colique, ne bénéficie pas d'une indication dans la maladie de Crohn, même si elle est efficace dans ce condiv.

- Formes locales

Les formes locales d'aminosalicylés (Fivasa ou Rowasa suppositoires, Quadrasa solution pour lavement rectal) ne bénéficient d'une AMM que dans la rectocolite hémorragique ; cependant leur prescription dans les formes basses de la maladie de Crohn est fréquente.

CORTICO- THÉRAPIE

La corticothérapie constitue l'une des stratégies les plus efficaces pour réduire les poussées évolutives de la maladie de Crohn.

- Corticoïdes ayant un fort passage systémique

En France, la posologie la plus fréquemment administrée dans la maladie de Crohn est de 1 mg/kg/j d'équivalent de prednisone par voie orale pendant une durée de 3 à 7 semaines. Ce schéma permet d'obtenir une rémission clinique dans 90 % des cas. La dose de prednisone (ou équivalent) est ensuite diminuée par paliers jusqu'à arrêt total. Ce traitement impose une supplémentation orale en potassium, une surveillance du poids, de la glycémie et de la tension artérielle.

La corticothérapie est plus efficace que la Salazopyrine pour contrôler les poussées de la maladie de Crohn et l'association des deux traitements n'améliore pas de façon nette le résultat thérapeutique par rapport à une corticothérapie isolée. En revanche, l'association corticothérapie/immunosuppresseur peut accélérer les rémissions.

De 20 % à 60 % des patients, selon les études, ne peuvent être sevrés de leur corticothérapie sans que l'on observe une reprise évolutive de la maladie, immédiate ou dans un délai de moins de trois mois : chez ces patients atteints d'une forme corticodépendante de la maladie de Crohn, il faut envisager de maintenir un traitement corticoïde de fond à faible posologie ou de recourir à un traitement immunosuppresseur.

La corticothérapie n'a pas d'indication pendant les phases de rémission, exception faite, précisément, des sujets corticodépendants.

- Corticoïdes ayant un faible passage systémique

Le budésonide est un corticoïde dont l'affinité pour les récepteurs intracellulaires aux corticoïdes est supérieure à celle de la prednisolone. Il est présenté notamment sous forme de gélules à libération iléocolique droite contrôlée (Entocort), indépendante de l'alimentation, indiquées dans le traitement d'attaque de la maladie de Crohn légère à modérée affectant l'iléon et/ou le côlon ascendant. Son activité thérapeutique est globalement équivalente à celle des corticoïdes d'action systémique, mais la spécificité de son administration permet de limiter les effets indésirables stéroïdiens.

- Formes locales de corticoïdes

Le lavement à base de corticoïde peut être prescrit dans les formes coliques de la maladie. Le passage systémique est, en ce cas, limité mais néanmoins des effets secondaires identiques à ceux décrits après administration par voie orale sont parfois rapportés.

La bêtaméthasone (Betnesol), environ dix fois plus puissante que la prednisolone, est présentée en poche permettant de réaliser des lavements. Elle est indiquée dans les poussées coliques de la maladie et en traitement d'entretien.

La prescription des formes locales est généralement de courte durée : en cas d'échec du traitement, on a recours à une corticothérapie par voie orale aux doses habituelles.

IMMUNO-SUPPRESSEURS

Ces médicaments sont indiqués en seconde ligne en raison d'un profil de tolérance plus défavorable que les précédents, mais la tendance actuelle est de les prescrire plus largement et précocement. La plupart d'entre eux sont aujourd'hui prescrits hors AMM.

- Azathioprine (Imurel)

Cet antimétabolite, proche de la 6-mercaptopurine (Purinéthol, administré parfois hors AMM dans la maladie de Crohn, tout comme la thioguanine : Lanvis), bénéficie d'une AMM dans les formes corticorésistantes ou corticodépendantes de la maladie de Crohn ou en cas d'intolérance aux corticoïdes, y compris chez l'enfant, à la posologie de 1 à 3 mg/kg/j. Son efficacité, significative chez 60 % à 70 % des patients, ne se manifeste que plusieurs mois après l'instauration du traitement. Ses effets indésirables en limite la maniabilité : pancréatite d'origine immunoallergique, risque de leuconeutropénie (qui implique la surveillance régulière de l'hémogramme toutes les semaines pendant les deux premiers mois de traitement, puis au moins tous les trois mois). Des signes d'immunosuppression excessive émaillent globalement 5 à 10 % des traitements et peuvent nécessiter une réduction de la posologie. La survenue de lymphomes ou d'infections opportunistes reste exceptionnelle.

- Méthotrexate

Prescrit (hors AMM) dans les maladies inflammatoires de l'intestin, son efficacité a été notamment démontrée (70 % des cas) lors des poussées évolutives de la maladie de Crohn. Des sujets atteints d'une forme modérée à sévère ont été mis en rémission après administration d'une dose hebdomadaire de 25 mg en intramusculaire pendant 16 à 24 semaines. Le schéma posologique une fois en rémission à été de 15 mg en intramusculaire chaque semaine. Le recours au méthotrexate a permis de réduire la prescription de corticoïdes.

Les effets indésirables peuvent exceptionnellement limiter l'usage du méthotrexate en traitement d'entretien (risque de toxicité hépatique cumulée notamment). Cette molécule est formellement contre-indiquée en cas de grossesse.

- Ciclosporine

Elle peut être administrée quelques jours (hors AMM) par voie intraveineuse (Sandimmun), dans les épisodes aigus sévères de la maladie de Crohn, avec relais par la forme orale (Néoral) ou par un immunosuppresseur. Le rapport bénéfice/risque d'une prescription à long terme, en prévention des crises, reste défavorable.

ANTICORPS MONOCLONAUX

Le TNF-alpha est une cytokine pro-inflammatoire produite par les monocytes, les macrophages et les lymphocytes T. La surexpression de cette cytokine explique les phénomènes inflammatoires observés dans la maladie de Crohn.

La voie des anti-TNF-alpha est exploitée en gastroentérologie avec l'infliximab (Remicade), un anticorps monoclonal chimérique humanisé à 75 % qui se lie fortement au TNF-alpha humain. C'est un médicament réservé à l'hôpital.

- Indications

Neutralisant l'effet cytotoxique du TNF-alpha, l'infliximab (immunosuppresseur sélectif)est indiqué :

- dans le traitement de la maladie de Crohn active et sévère, chez des sujets ne répondant pas ou plus aux corticoïdes et aux immunosuppresseurs ou chez lesquels un traitement par corticoïde et immunosuppresseur est contre-indiqué ou non toléré ;

- dans le traitement des formes évolutives fistulisées chez les patients qui n'ont pas répondu à un traitement conventionnel (comprenant antibiothérapie, drainage et thérapie immunosuppressive).

- Efficacité

L'infliximab a permis d'obtenir en quatre semaines une rémission clinique complète chez 33 % des sujets (versus 4 % pour le placebo). La posologie est de 5 mg/kg en perfusions intraveineuses de 2 heures réitérées par cycles.

- Tolérance

Le traitement par l'infliximab bénéficie d'une tolérance satisfaisante à court terme compte tenu de la sévérité de son indication : les effets indésirables, faibles à modérés, se traduisent essentiellement par un syndrome grippal, des céphalées, des étourdissements, de l'hypertension, des troubles respiratoires, gastro-intestinaux ou cutanés.

L'effet indésirable à moyen ou long terme le plus fréquent est la survenue d'une tuberculose active, avec évolution parfois fatale. De même, l'administration d'infliximab peut aggraver une insuffisance cardiaque. Ces risques justifient les recommandations particulières de surveillance des patients pendant et après le traitement par infliximab. Aux Etats-Unis, où l'AMM du médicament est plus large, des lymphomes hépatospléniques ont été décrits chez des enfants et de jeunes adultes traités par infliximab associé à des médicaments immunosuppresseurs, dont la responsabilité ne peut être écartée.

LES INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

STRATÉGIE MÉDICAMENTEUSE

Le but du traitement médicamenteux de la maladie de Crohn est le contrôle des poussées inflammatoires cliniques comme la prévention des rechutes. Compte tenu de la variabilité des situations, il importe d'adapter le traitement à la gravité de la pathologie, à sa topographie et à son évolutivité appréciée notamment par le suivi de l'indice de Best. Le choix de la stratégie thérapeutique relève de l'intervention spécialisée.

L'arrêt du tabac est un impératif absolu dans tous les cas.

- Episodes aigus sévères

Une corticothérapie systémique à la posologie de 1 mg/kg/j d'équivalent prednisone donne une efficacité supérieure à 90 % en six semaines. Une résistance peut faire indiquer une chirurgie d'exérèse si la forme est localisée ou, à défaut, l'administration d'immunosuppresseurs ou d'infliximab.

- Episodes aigus légers à modérés

Si nombre de spécialistes préconisent dans cette situation une corticothérapie orale à la même posologie que précédemment, une tendance s'affirme en faveur de posologies moindres, d'une alternative par les aminosalicylés ou de la prescription d'un corticoïde à libération iléocolique (budésonide) lorsque les lésions sont limitées à l'iléon et/ou au côlon droit.

La pratique anglo-saxonne privilégie dans cette situation des médicaments tout autres : métronidazole, ciprofloxacine, voire méthotrexate.

- Traitement d'entretien

Il repose sur l'administration d'aminosalicylés, dont l'efficacité est parfois réduite dans la maladie de Crohn mais qui bénéficient d'une excellente tolérance, ou d'immunosuppresseurs, plus efficaces mais moins maniables.

- Signes extradigestifs

La présence chez un patient de signes extradigestifs d'une maladie entérale inflammatoire chronique ne modifie pas la stratégie thérapeutique de la maladie. Ces signes cèdent au traitement symptomatique (voir encadré page 12) et, dans le cas contraire seulement, font recourir à un traitement spécifique.

PERSPECTIVES

Après l'infliximab, d'autres anticorps humains anti-TNF se révèlent efficaces dans le maintien en rémission de la maladie de Crohn, comme l'adalimumab (Humira).

Les MAP-kinases, des protéines pro-inflammatoires, pourraient à (long) terme constituer des cibles pour de nouveaux anticorps.

Une autre piste de recherche est constituée par la protéine CCR9 exprimée à la surface de lymphocytes particuliers, dont la présence est particulièrement importante au niveau des lésions intestinales des patients atteints par la maladie de Crohn. A plus court terme, les anticorps inhibiteurs des molécules d'adhésion des leucocytes (intégrines), comme le natalizumab, font l'objet de nombreux travaux.

Par Denis Richard, pharmacien hospitalier

CONSEILS AUX PATIENTS

Repérer les signes

Les symptômes n'étant pas spécifiques, il faut penser à la maladie de Crohn quand le patient se plaint d'une diarrhée depuis au moins une semaine, en l'absence d'infection. Signe évocateur d'une lésion du rectum ou de l'anus : la perte de sang rouge dans les selles. Egalement, les douleurs abdominales chroniques (depuis plus d'un mois) doivent orienter vers une consultation spécialisée, surtout si elles sont associées à un retard de croissance chez l'enfant.

Limiter les poussées

- Inciter au sevrage tabagique : le tabagisme aggrave l'évolution de la maladie de Crohn, et ce à partir d'une cigarette par jour.

- Attention aux AINS ! : leur utilisation est déconseillée en raison d'un risque (faible) de réactiver la maladie dans les jours qui suivent leur prise.

Dédramatiser la maladie

L'annonce de la maladie est une étape toujours difficile à passer pour les patients qui s'imaginent déjà avec une stomie. Il est important de leur expliquer que si l'ablation d'une partie de l'intestin peut se révéler nécessaire (dans 60 % des cas au bout de 10 ans d'évolution), elle ne nécessite pas de poche définitive dans la majorité des cas. L'occasion aussi de rassurer en signifiant que la prise régulière d'un traitement médicamenteux peut juguler les poussées.

Précautions d'emploi

- Avec les aminosalicylés : surveillance régulière hépatique et rénale.

- Avec les corticoïdes au long cours : supplémentation en calcium et en vitamine D (risque d'ostéopénie). Surveillance glycémique, pondérale et de la tension artérielle. Une prise de potassium s'envisage en fonction du bilan sanguin. En revanche, un régime sans sel ne se justifie pas - sauf cas d'hypertension artérielle et d'insuffisance cardiaque -, il n'a pas d'effet sur la prise de poids et le gonflement du visage.

- Avec l'azathioprine : surveillance hématologique rapprochée. Pas de vaccins vivants en cours de traitement.

- Avec le méthotrexate : contraception rigoureuse, tant chez la femme que chez l'homme. Les vaccins vivants sont à éviter et une surveillance biologique s'impose (bilan sanguin et hépatique).

- Avec l'anti-TNF-alpha : alerter le médecin en cas de signes évocateurs d'infections (fièvre, toux...).

Régime alimentaire

- Durant les poussées : éviter les aliments riches en fibres (qui augmentent le volume des selles) et en lactose (mal toléré par les intestins enflammés). Boire suffisamment pour compenser les pertes en eau dues à la diarrhée.

- En dehors des poussées : aucune restriction particulière. L'équilibre et la diversification sont les mots d'ordre de façon à éviter toute carence et à prévenir la dénutrition. Certains patients sont intolérants au lactose et doivent limiter les aliments concernés (principalement le lait).

- En cas de sténose intestinale, éviter tous les aliments susceptibles d'augmenter l'obstacle : les aliments filandreux (poireaux, noix de coco...) et les oléagineux (noix de cajou, cacahuètes...).

- En cas de malabsorption des graisses : réduire les apports en oxalates (épinards, betteraves, chocolat, thé et Coca-cola) pour éviter la formation de calculs urinaires d'oxalate de calcium.

- La supplémentation : l'absorption en acide folique étant souvent diminuée, une supplémentation se révèle utile. L'administration de vitamine B12 ne se justifie en revanche qu'en cas d'atteinte ou de résection de la partie terminale de l'iléon.

Assurer la qualité de vie

- Le soutien psychologique : douleurs, diarrhées invalidantes, maigreur ou stomie sont autant d'éléments qui peuvent nécessiter une prise en charge psychologique. Le contact avec des associations de malades (Association François-Aupetit) donne accès à des groupes de paroles souvent bénéfiques.

- Atténuer la gêne des poussées : les diarrhées importantes peuvent justifier une prise de lopéramide quotidienne (l'Association François-Aupetit met à disposition des patients une « Carte Urgence Toilettes », envoyée sur demande, pour leur donner la priorité dans les lieux publics).

- Vivre avec une poche : le liquide grumeleux qui s'écoule (500 à 700 ml par jour) n'a pas d'odeur. Sa richesse en sel demande un apport sodé suffisant, des solutés de réhydratation sont conseillés en été. Sinon, aucun régime n'est nécessaire. Après le temps d'adaptation, la pratique de la natation ou d'un sport d'endurance est possible. Seuls les sports violents sont déconseillés.

Désir de grossesse

Attendre une période où la maladie est stabilisée. La grossesse n'a pas de répercussion sur le cours de la maladie. Le risque d'avoir un enfant touché par la maladie est de 1 % si l'un des parents est atteint.

Par Myriam Loriol, pharmacienne

L'AVIS DU SPÉCIALISTE : « Objectif 0 mg de cortisone chez l'enfant »

A quel âge peut apparaître une maladie de Crohn ?

Elle semble de plus en plus précoce, se révélant même chez l'enfant avant deux ans, ce qu'on n'observait pas il y a 20 ans.

Quels sont les signes d'appel ?

Chez l'enfant, les symptômes digestifs ne sont pas toujours au premier plan. Un simple retard de croissance avec quelques aphtes peuvent être les seuls signes, entraînant parfois un retard du diagnostic de plusieurs années. Devant une cassure de la courbe de croissance, il faut y penser systématiquement.

Quel est le traitement chez l'enfant ?

Le traitement nutritionnel par une nutrition entérale est aussi efficace que la corticothérapie pour obtenir une rémission tout en préservant la croissance. Notre objectif doit et peut être 0 mg de Cortancyl jusqu'à la fin de la puberté, pour atteindre ou dépasser la taille cible génétique. Ce qui est nouveau, c'est l'anticipation thérapeutique. Alors qu'autrefois on attendait la rechute pour introduire un immunomodulateur, on prescrit actuellement de l'azathioprine de plus en plus tôt, pour prévenir les rechutes. Le Remicade ne doit pas être utilisé systématiquement et/ou en première intention. C'est un traitement de « sauvetage » dans les formes résistantes, très coûteux et dont on ne connaît pas bien les conséquences à long terme.

Olivier Goulet, gastroentérologue, interrogé par Florence Bontemps.

POUR EN SAVOIR PLUS

ASSOCIATIONS

Association François-Aupetit

http://www.afa.asso.fr - tél. : 0826 625 220

Preuve de son dynamisme, l'Association François-Aupetit vient de lancer, le 7 octobre 2006, la première journée nationale consacrée aux MICI, sur le thème « Mobilisons-nous dans le combat contre les MICI, pour faire connaître et reconnaître nos maladies ». Parallèlement à un large programme de conférences sur les MICI ouvertes à tous, 150 diététiciens libéraux, spécialement formés sur la maladie de Crohn et la RCH, ont proposé sur toute la France des consultations gracieuses, des idées de menus et une aide au retour à une alimentation adaptée. Depuis le 1er septembre, l'AFA met également à disposition des malades, de leurs proches et des professionnels de santé, en plus de son site Internet, une ligne téléphonique « MICI Infos ».

LIVRES

Maladie de Crohn et rectocolite hémorragique

Pr Laurent Beaugerie, éditions Medi-TextCe livre, destiné aux patients et à leur famille, peut être utile aux pharmaciens désirant avoir des réponses claires et pratiques sur les manifestations et l'évolution des MICI. L'ouvrage comprend une série de questions telles que les patients peuvent se les poser : « Quel est le risque d'être opéré au cours de la maladie ? », « Comment venir à bout d'une poussée ? », « Quelles précautions prendre avec la cortisone ? »... Les informations données sont scientifiques, concises et didactiques.

Examens complémentaires

La difficulté du diagnostic de la maladie de Crohn tient à la non-spécificité des symptômes, à leur multiplicité et à leur variété d'un patient à l'autre. Outre l'examen clinique, d'autres explorations s'avèrent nécessaires.

- L'endoscopie : elle révèle des lésions érythémateuses, boursouflées, mais surtout discontinues, laissant des intervalles sains.

- L'histologie (biopsie) : les granulomes épithélioïdes (groupements de cellules) et les fissures traversant l'épaisseur de la paroi évoquent la maladie.

- La radiographie de l'intestin grêle (transit baryté du grêle) permet d'identifier les zones atteintes.

- La biologie : il n'existe aucun marqueur de la maladie de Crohn (on retrouve une augmentation de la vitesse de sédimentation et de la protéine C réactive), mais les examens sanguins permettent d'évaluer l'état nutritionnel et de dépister certaines carences (notamment en vitamine B12). Des anticorps anti-Saccharomyces cerevisiæ sont présents dans 50 à 60 % des cas.

- L'échographie et la tomodensitométrie sont utiles lorsqu'une complication est suspectée.

Diagnostic différentiel : la RCH en premier lieu

Devant les premiers symptômes et avant les explorations digestives, plusieurs diagnostics différentiels sont souvent évoqués :

- trouble fonctionnel digestif,

- gastroentérite infectieuse,

- appendicite, adénolymphite mésentérique, occlusion sur bride,

- abcès, fistule ou fissure anale non spécifique.

La différenciation avec une rectocolite hémorragique (RCH), autre maladie inflammatoire chronique de l'intestin (MICI), qui évolue la plupart du temps par poussées et rémissions successives n'est pas toujours facile. Les caractéristiques de la rectocolite hémorragique sont les suivantes :

- l'intestin grêle n'est jamais atteint ;

- la RCH touche systématiquement le rectum ;

- elle se manifeste surtout par des rectorragies, de la diarrhée et des évacuations afécales (composées de minimes quantités de glaires et de sang). Les douleurs sont rares ;

- l'endoscopie présente des lésions continues ;

- à la biopsie, les granulomes épithélioïdes sont très rares.

Le problème de diagnostic différentiel se pose lorsque la MICI touche uniquement le côlon. Dans 5 à 15 % des cas le classement initial en maladie de Crohn ou en RCH n'est pas possible. On parle alors de « colite indéterminée », que seule l'évolution de la maladie permettra d'identifier.

Contre-indications absolues

Corticothérapie locale et générale

- Infection bactérienne, virale ou mycosique non contrôlée.

- Herpès, zona, varicelle.

- Goutte.

- Ulcère gastrique ou duodénal évolutif.

- Hépatite aiguë virale.

- Etat psychotique non contrôlé.

- Cirrhose alcoolique avec ascite.

- Vaccination par un vaccin vivant.

Aminosalicylés

- Déficit en G6PD : risque de déclenchement d'hémolyse (Salazopyrine).

- Prématurés et nouveau-nés en raison de l'immaturité de leurs systèmes enzymatiques (Salazopyrine).

- Porphyrie intermittente aiguë et porphyrie variegata (Salazopyrine).

Azathioprine (Imurel)

- Allaitement.

Infliximab (Remicade)

- Tuberculose ou autres infections sévères telles que sepsis, abcès et infections opportunistes.

- Insuffisance cardiaque modérée ou sévère.

Traitement des troubles symptomatiques

Les troubles symptomatiques ou iatrogènes doivent être pris en charge par des traitements appropriés.

- Poussée avec diarrhées importantes : lopéramide pendant une courte période et régime sans lactose.

- Douleurs : antispasmodiques et/ou antalgiques.

- Lésions anopérinéales : administration hors AMM d'antibiotiques (nitro-imidazolés, fluoroquinolones) dont l'action est bien établie mais mal expliquée.

- Dénutrition : nutrition entérale indiquée lors des phases évolutives chez l'enfant ou chez l'adolescent, dans les situations de résistance à la corticothérapie, chez les patients dénutris. Nutrition parentérale indiquée dans les formes très sévères.

- Résection iléale excédant 30 cm : injections de vitamine B12.

- Corticothérapie : alimentation hyperprotidique, hypolipidique et sans sucres à absorption rapide. Sauf facteur de risque particulier, le régime sans sel et la supplémentation potassique ne sont pas indiqués.

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