Antidépresseurs 13 cas pratiques - Le Moniteur des Pharmacies n° 2641 du 16/09/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2641 du 16/09/2006
 

IATROGÉNIE

Cahier formation

En France, 10 % de la population a recours chaque jour à un antidépresseur, toutes indications confondues. Si la maniabilité des spécialités commercialisées depuis les années 1980 s'est significativement améliorée par rapport à celle des tricycliques et des IMAO de première génération, les antidépresseurs n'en exposent pas moins à une iatrogénie importante, demeurant probablement sous-estimée. Découvrez 13 cas grandeur nature pour tester vos connaissances sur la tolérance de ces médicaments, ainsi que 4 pages expliquant le risque iatrogénique à travers la pharmacologie de cette classe de médicaments.

CAS PRATIQUES

1 Effets indésirables : Des signes anticholinergiques

Monsieur P., 65 ans, est sous Cotareg 160 mg depuis un an. Le décès de sa femme, il y a trois mois, l'a fortement affecté. Il vient d'être accueilli chez sa fille après une tentative de suicide par ingestion de comprimés d'hypnotiques. L'interne de l'hôpital où il a été conduit inanimé lui a prescrit du Laroxyl (75 mg le soir), un antidépresseur sédatif. En l'espace de quelques jours, des signes cliniques inquiétants concourent à alarmer une fois de plus la fille de monsieur P. : manque de salive puis rapides difficultés à déglutir, troubles de la vision rendant difficile le suivi de la télévision, oeil sec, difficultés puis douleurs à la miction.

Que se passe-t-il ?

Les signes décrits par la fille de monsieur P., faisant suite à l'instauration d'un traitement par un antidépresseur tricyclique, évoquent typiquement des manifestations d'activité anticholinergique.

Analyse

L'amitriptyline (Laroxyl), comme tous les antidépresseurs tricycliques (et plus que les autres), est connue pour ses effets anticholinergiques la rendant relativement peu maniable chez le sujet âgé. Cette activité pharmacologique a pour origine l'action postsynaptique de la molécule qui se lie aux récepteurs de l'acétylcholine. Cliniquement, cet effet se traduit par des troubles de l'accommodation, des signes de tarissement des sécrétions (sécheresse buccale, sécheresse oculaire...) et une action sur les fibres musculaires lisses (constipation par atonie musculaire, troubles de la miction allant jusqu'à la rétention urinaire...).

Attitude à adopter

La prescription d'un antidépresseur tricyclique doit toujours être évaluée en fonction de son index thérapeutique. Cette classe de médicaments est souvent mal tolérée, notamment chez le sujet âgé. En plus des effets anticholinergiques, la survenue d'effets adrénolytiques, avec hypotension orthostatique, n'est pas rare et pourrait favoriser les chutes, notamment chez monsieur P. déjà sous traitement antihypertenseur.

Chez la personne âgée, le traitement doit être initié à posologie faible (moitié dose, soit environ 37,5 à 50 mg) et les doses augmentées très progressivement si nécessaire, avec surveillance clinique.

Le pharmacien décide d'appeler le médecin généraliste habituel de monsieur P. Celui-ci préfère modifier le traitement et prescrire du Seropram 20 mg (1 comprimé le soir). Cet antidépresseur inhibiteur de la recapture de la sérotonine, dénué d'action anticholinergique et globalement bien toléré, peut être prescrit chez le sujet âgé.

Attention !

Les antidépresseurs tricycliques peuvent donner lieu à des manifestations anticholinergiques, comme une sécheresse buccale, une constipation, des troubles de la miction ou des troubles de l'accommodation.

2 Effets indésirables : 39,2 °C sous Athymil

Monsieur P., 66 ans, sort d'une hospitalisation pour un trouble dépressif caractérisé et sévère faisant suite au décès de son épouse des suites d'un cancer. L'ordonnance de sortie d'hôpital comporte un antidépresseur, l'Athymil (miansérine), et un anxiolytique, le Séresta (oxazépam). Ce traitement s'ajoute à celui suivi par monsieur P. pour hypertension, hypercholestérolémie et glaucome. Quatre jours plus tard, monsieur P. repasse à la pharmacie. Il est fiévreux (39,2 °C le matin), enroué et se sent très fatigué, mais refuse d'aller voir son médecin traitant pour « un simple mal de gorge ».

D'où peut venir cette fièvre ?

Une origine infectieuse doit bien sûr avant tout être suspectée, mais il ne faut pas négliger une fièvre accompagnant une agranulocytose. L'agranulocytose aiguë correspond à la diminution du nombre des polynucléaires neutrophiles en dessous de 0,2 giga/l. Elle est le plus souvent due à un médicament, par réaction immunologique ou toxique.

Analyse

Les cas d'agranulocytoses sous Athymil ou sous Norset demeurent tout à fait exceptionnels. Leur existence n'en est pas moins réelle et demande une vigilance particulière lorsque des signes suggestifs apparaissent chez un patient traité par ces molécules, surtout s'il s'agit d'un sujet âgé car l'agranulocytose sous Athymil est plus fréquente chez les patients de plus de 65 ans.

Attitude à adopter

Le pharmacien, ayant en tête le risque d'agranulocytose décrit lors de l'administration de divers antidépresseurs, appelle le médecin pour attirer son attention. Celui-ci se montre peu inquiet mais demande à son patient de passer le voir dans la matinée. Une numération-formule sanguine est réalisée dans l'après-midi. Tout se révèle normal. Monsieur P. est en fait simplement victime d'une infection ORL banale. Il revient le lendemain avec une prescription de Doliprane et d'Hexaspray.

Attention !

Des cas exceptionnels d'agranulocytose ont été rapportés avec la miansérine (Athymil) et la mirtazapine (Norset). Toute fièvre, angine, stomatite ou autre signe d'infection doivent inciter, par sécurité, à faire contrôler l'hémogramme.

3 Effets indésirables : Monsieur N. rate le virage

Depuis longtemps, monsieur N., 39 ans, vit, en alternance, des phases d'excitation - qui le font échafauder de grandioses projets qui restent dans les cartons - et des phases de dépression - abruptes, qui le font se murer dans un silence angoissé pendant quelques semaines. Un épisode dépressif bien plus sévère que d'habitude a conduit son médecin à lui prescrire un traitement antidépresseur à base d'Effexor 50 mg (1 comprimé matin et soir).

Une semaine environ après le début du traitement, monsieur N. « renaît » à la vie. Son humeur devient joviale. Il se prend à vouloir organiser un tour du monde en voilier et multiplie en quelques jours les achats de livres spécialisés. Ne dormant plus et mangeant peu, il devient totalement obsédé par son nouveau projet. Il se rend à l'officine où il souhaite acheter un dispositif de dessalement d'eau de mer et des boîtes de nourriture hyperprotidique. Il est volubile, irrité et se perd en détails nombreux et confus. Vous comprenez que monsieur N. est passé chez son banquier pour négocier un emprunt destiné à l'acquisition d'un voilier, mais que celui-ci ne semble guère pouvoir le suivre dans son projet.

Cinq jours plus tard, vous apprenez que monsieur N. a dû être hospitalisé en psychiatrie : il s'est illustré dans un salon nautique, à l'issue d'un déjeuner arrosé, en prenant à parti des visiteurs et en agressant un délégué commercial qui lui a paru douter de ses capacités à manoeuvrer le voilier dont il souhaitait faire l'acquisition immédiate.

Comment expliquer cette hyperactivité agressive ?

Monsieur N., bipolaire, semble être brutalement passé en phase maniaque, la sévérité de celle-ci et les risque encourus (agressions, voire violence, achats inconsidérés) ayant justifié son hospitalisation.

Analyse

Monsieur N. a été traité par antidépresseur lors d'un épisode dépressif émaillant son parcours de bipolaire. Ce traitement a été à l'origine d'un brutal changement de l'humeur, avec inversion maniaque (on parle couramment de « virage »). Cette situation est assez fréquente chez les patients bipolaires de type I. Elle justifie la surveillance étroite du patient dans les premières semaines de l'instauration du traitement.

Attitude à adopter

Le pharmacien connaît souvent bien ses clients. A ce titre, il peut participer activement au suivi des traitements et de leurs conséquences possibles. Un soupçon d'inversion de l'humeur, dans un condiv bien repérable comme celui de l'administration d'un antidépresseur, doit l'inciter à évoquer cette question avec un proche du patient ou avec le médecin traitant et à faire part de ses observations (une approche plus directe avec le patient lui-même est généralement difficile sinon impossible car le sujet en phase maniaque vivra mal ce qu'il considérera comme un obstacle ou une critique de ses projets et idées de grandeur). Les épisodes maniaques suscités par un traitement antidépresseur doivent être surveillés de près car ils peuvent avoir des conséquences dramatiques : les tentatives de suicide ne sont pas exceptionnelles quand persistent, derrière l'excitation, des idées dépressives dans le cadre d'un état mixte .

A retenir

Un patient atteint de troubles bipolaires traité par antidépresseur peut rapidement virer en phase maniaque, caractérisée par un parler volubile, des projets ou des achats inconsidérés, des agressions ou des violences. Prendre contact rapidement avec le prescripteur.

4 Effets indésirables : Des mains qui tremblent

La première ordonnance de Zoloft de monsieur Hervé T., 69 ans, patient nouvellement arrivé dans le quartier, comportait Zoloft 25 mg, un comprimé matin et soir. Depuis deux semaines, le médecin généraliste a augmenté les doses et monsieur T. prend maintenant 100 mg/jour. Monsieur Hervé T. suit avec rigueur son traitement. Aujourd'hui, ce patient, dont la maigreur est frappante, se présente pour renouveler une ordonnance de Lipanthyl 200 pour le traitement d'une hypertriglycéridémie légère. Il veut en profiter pour acheter de l'Efferalgan.

Votre attention est attirée par un petit signe peu visible mais évocateur : un léger tremblement des mains. Effectivement, monsieur T. vous confirme avoir également observé ce signe dont il ne s'est pas ému spécifiquement, l'attribuant au stress et à la dépression dont il émerge peu à peu...

Que se passe-t-il ?

Le Zoloft a pour principe actif la sertraline. Il s'agit d'un antidépresseur agissant en inhibant de façon sélective la recapture de la sérotonine dans l'espace synaptique (IRS : inhibiteur de la recapture de la sérotonine). Le médicament, bien que prescrit à dose normale par rapport à l'AMM, peut se révéler à l'origine de signes frustres d'hypersérotoninergie.

Analyse

Les effets indésirables potentiels des IRS sont dominés par le syndrome d'hypersérotoninergie, observé essentiellement :

-#gt; lors de l'association de médicaments ayant la même voie métabolique hépatique que l'IRS (Flécaïne, carbamazépine, tricycliques...) ;

-#gt; lors de l'association de médicaments prosérotoninergiques (triptans, tramadol, etc.), d'autres antidépresseurs prosérotoninergiques (IMAO, autre IRS mais parfois aussi tricyclique ou molécule d'action duale) ou de lithium ;

-#gt; après un wash-out insuffisant entre deux prescriptions de produits sérotoninergiques : IRS + lithium, antipsychotique sérotoninergique (clozapine, rispéridone, olanzapine) ou triptan. Des précautions particulières doivent être prises avec les molécules à demi-vie prolongée et/ou livrant des métabolites actifs comme la fluoxétine (Prozac) ;

-#gt; en cas d'intoxication aiguë.

Ici, après vérification de l'historique médicamenteux, il n'est retrouvé aucune de ces situations particulières, mais les manifestations discrètes d'hypersérotoninergie sont évocatrices chez ce patient qui jusqu'alors ne manifestait aucune tendance au tremblement.

Attitude à adopter

Le pharmacien doit attirer l'attention du patient sur le possible caractère iatrogène des tremblements. Celui-ci, l'après-midi même, a pu revoir le médecin qui a suspendu deux jours le traitement puis l'a réinstauré à une posologie moindre, revenant à la dose de 50 mg par jour, suffisante compte tenu de la corpulence de ce patient (50 kilogrammes seulement).

A retenir

Des tremblements, un comportement agressif, des nausées chez un patient sous antidépresseur IRS peuvent être les premiers signes d'un syndrome sérotoninergique. Devant un signe clinique nouvellement apparu, toujours rechercher l'effet iatrogène, surtout chez la personne âgée.

Quels sont les signes d'hypersérotoninergie ?

- Les signes d'hypersérotoninergie peuvent survenir de façon brutale ou insidieuse, simultanée ou séquentielle.

Ces symptômes sont de trois types.

-#gt; psychique : agitation, confusion mentale, désorientation, hypomanie, rarement obnubilation voire coma ;

-#gt; moteur : tremblements, rigidité, hyperactivité, hyperréflexie ostéotendineuse, myoclonies ;

-#gt; végétatif : frissons, sueurs, troubles de la tension artérielle (hypo- ou hyper-), tachycardie, douleurs intestinales, diarrhées, hyperthermie.

- Ce tableau clinique est proche de celui du syndrome malin des antipsychotiques, avec lequel il ne doit pas être confondu en cas d'association des deux familles de psychotropes chez un même patient.

- Dans la plupart des cas, la symptomatologie hypersérotoninergique demeure réduite et l'évolution est spontanément favorable lorsque la cause (surdosage, interaction médicamenteuse) est analysée et traitée. Toutefois, ce syndrome peut nécessiter une hospitalisation et évoluer, notamment en cas d'intoxication, de façon suraiguë.

- Le traitement est curatif - suppression du traitement sérotoninergique, éventuelle prescription de propranolol (Avlocardyl) ou d'une benzodiazépine - mais, surtout, préventif : limiter la prescription d'associations de psychotropes prosérotoninergiques, adapter les posologies lors d'une monothérapie, prévoir un délai de deux semaines lors d'un relais IMAO (Moclamine) par IRS, veiller à la totale élimination d'un IRS et de ses métabolites actifs éventuels avant tout relais par un IMAO : ménager par exemple un délai de cinq semaines lors d'un relais fluoxétine par IMAO.

5 Effets indésirables : Arrêt brutal du Deroxat

Madame V., 47 ans, est sous traitement antidépresseur (Deroxat, un comprimé par jour) depuis 4 mois suite à une situation professionnelle difficile. Le Lexomil a été stoppé le mois dernier, le psychiatre n'ayant reconduit que le seul traitement antidépresseur, et madame V. est partie en vacances chez une amie. Tout allant bien et jugeant son traitement devenu désormais inutile, elle a décidé de profiter de ses vacances pour arrêter son médicament. Elle passe aujourd'hui dans votre officine, anxieuse, se plaignant de vertiges, d'une sensation d'oppression thoracique et de douleurs coliques.

Comment expliquer ces signes inhabituels ?

Madame V. a arrêté son traitement par Deroxat il y a 3 jours. L'interruption brutale du traitement antidépresseur peut induire des signes cliniques de sevrage qu'il ne faut pas mésestimer : sensations vertigineuses, anxiété, irritabilité, troubles du sommeil, syndrome pseudo-grippal, troubles sensoriels à type de paresthésies et de sensations de décharges électriques, signes digestifs... A ne pas confondre avec les signes d'une reprise éventuelle de la symptomatologie dépressive.

Analyse

Ce syndrome, souvent bénin, est spontanément résolutif en deux semaines à deux voire trois mois. Il est notamment décrit avec les tricycliques ou avec les principes actifs d'action duale, mais aussi avec des IRS dotés d'une activité anticholinergique significative. Les molécules à demi-vie prolongée ou métabolisées en produits également actifs permettent de minimiser ces signes. Ainsi, l'interruption brève de traitement par fluvoxamine, paroxétine ou venlafaxine induit plus d'effets de « discontinuité » que celle du traitement par fluoxétine (la demi-vie d'élimination de la fluoxétine est de 6 jours contre 21 heures pour la paroxétine). Les principes actifs psychostimulants (moclobémide) augmentent aussi le risque.

Attitude à adopter

Le pharmacien explique à madame V. que les signes décrits sont dus à l'interruption brusque du traitement. L'amélioration de l'humeur, observée en général au bout d'une quinzaine de jours de traitement, doit être confortée par une prescription d'entretien prolongée pendant plusieurs mois. Dans l'immédiat, il l'invite à respecter la prescription et à reprendre le Deroxat, car l'interruption de traitement est récente. Madame V. pourra, au retour de ses vacances, consulter son médecin afin d'envisager avec lui les futures modalités d'arrêt du traitement antidépresseur, mais elle ne doit pas l'arrêter d'elle-même.

A savoir

Un traitement antidépresseur ne doit être arrêté que six mois à un an après l'obtention de la rémission des signes cliniques. La réduction de la posologie doit toujours se faire de façon très progressive, sur plusieurs semaines ou mois selon l'ancienneté du traitement.

Gérer les effets indésirables d'un traitement antidépresseur

-#gt; Constipation (surtout les tricycliques) : mesures hygiénodiététiques (boissons abondantes, activité physique), prescription de laxatifs doux (huile de paraffine type LansoØl).

-#gt; Troubles de l'accommodation (surtout les tricycliques) : ils cèdent souvent à la poursuite du traitement ou à une adaptation posologique. Il faut prévenir le patient de cette évolution afin qu'il ne réclame pas de verres correcteurs.

-#gt; Sécheresse buccale (tricycliques essentiellement, mais aussi IRS et antidépresseurs d'action duale) : elle doit être traitée pour éviter ses complications (candidose, carie dentaire, glossite, stomatite). Une prise unique vespérale, lorsqu'elle est possible, en limite l'incidence. Conseiller la prise de boissons non sucrées associées ou non à des pastilles ou à du chewing-gum sans sucre. Les traitements stimulant la salivation ont une efficacité souvent relative (salive artificielle, Sulfarlem...).

-#gt; Sédation : parfois recherchée par le médecin (antidépresseurs sédatifs : Athymil, Norset...), elle cède à la poursuite du traitement. Dans ce cas, et si la somnolence diurne ne résulte pas d'une récupération encore insuffisante du sommeil nocturne, prescription d'une molécule psychostimulante (moclobémide, à une moindre échelle : fluoxétine, venlafaxine, etc.).

-#gt; Hypotension orthostatique (surtout avec les tricycliques) : ne cède pas à la poursuite du traitement et explique une fatigue intense et des vertiges fréquents, avec possibilité de complications graves (chutes chez la personne âgée notamment). Elle peut être prévenue par une hydratation abondante, l'ingestion d'eaux fortement minéralisées, le port de bas de contention, une grande prudence en cas de changements brutaux de posture (lever) et le recours à des traitements correcteurs (dihydroergotamine, heptaminol, midodrine).

-#gt; Sueurs et bouffées de chaleur : régressent après quelques semaines de traitement.

-#gt; Troubles sexuels (troubles éjaculatoires et/ou dysfonction érectile chez l'homme, anorgasmie chez la femme). Tous les antidépresseurs peuvent induire des troubles sexuels (moindre incidence avec le Stablon), composante liée également à la maladie dépressive. Ils régressent avec une adaptation posologique ou nécessitent une modification du principe actif utilisé.

6 Effets indésirables : Un patient totalement désorienté

Monsieur S., 77 ans, est l'un de vos clients réguliers car il souffre d'hypertension artérielle et est traité par Co-Renitec. Il a longtemps été traité par un anxiolytique, le Témesta, pour ses « idées noires ». L'été dernier, le médecin en charge du remplacement temporaire de son médecin de famille décide de remplacer ce traitement par Floxyfral cp 50 mg (fluvoxamine) le soir. En l'espace de quelques jours, madame S. trouve son mari de plus en plus affaibli. Ce matin même, elle est très inquiète : il paraît relativement désorienté, il a vomi son petit déjeuner et se plaint de douleurs à la tête.

D'où peut venir cette désorientation ?

Une soudaine confusion mentale tout comme la survenue de céphalées et de nausées chez un patient âgé doivent faire penser immédiatement à une hyponatrémie.

Analyse

L'hyponatrémie (natrémie #lt; 135 mEq/l) est un trouble métabolique dont l'origine est souvent iatrogène chez la personne âgée et/ou polymédiquée. Le risque induit par les antidépresseurs prosérotoninergiques (comme le Floxyfral) est établi : il a pour origine une sécrétion inappropriée d'hormone antidiurétique (SIHAD) entraînant donc une hyponatrémie par dilution. Ce risque est majoré par l'association à un diurétique : c'est le cas pour monsieur S., traité depuis plusieurs années par Co-Renitec (IEC + diurétique). La sévérité des signes cliniques est moins liée à la valeur de la natrémie qu'à la rapidité de l'effondrement du taux de sodium dans le sang et à l'importance de l'oedème cérébral expliquant la confusion mentale.

Attitude à adopter

Le pharmacien insiste pour que le patient soit très rapidement vu par son médecin, d'autant que les dernières analyses de sang semblent dater d'il y a plus de 6 mois. L'ionogramme pratiqué en urgence révèle une natrémie à 130 mEq/l.

L'hyponatrémie est induite ici par une accumulation d'eau dans l'organisme. Le patient est mis en restriction hydrique et le traitement par venlafaxine immédiatement stoppé.

Attention !

Une surveillance régulière du taux sérique en sodium s'impose chez tout sujet âgé traité par des médicaments susceptibles de le perturber, sans attendre que des signes cliniques d'hyponatrémie se manifestent.

7 Effets indésirables : Madame O. est constipée

Vous connaissez madame O., 57 ans, depuis longtemps. Cette patiente névrotique et profondément angoissée multiplie habituellement ses visites chez divers médecins. Elle vous fait régulièrement part de ses divers problèmes intestinaux. Sujette à de fréquents troubles de l'humeur émaillant son parcours de bipolaire, elle est traitée par administration de 200 mg/j de Défanyl, associé à du Lysanxia et de l'Imovane. Aujourd'hui, elle vient se confier à vous, visiblement anxieuse : elle est constipée depuis trois jours et commence à vivre cet incident de façon obsessionnelle.

Que dire à madame O. ?

Rassurez avant tout ! une petite constipation n'a rien d'objectivement alarmant dans ce cas.

Analyse

La constipation doit être rapportée à l'action anticholinergique du Défanyl, mais aussi à la dépression chez cette femme déjà sujette à des troubles coliques fonctionnels constituant une source permanente d'angoisse.

Attitude à adopter

Rappelez les règles élémentaires d'hygiène : alimentation favorisant les apports en fibres, consommation de fruits légèrement laxatifs (jus de raisin, pruneaux), d'eau fortement minéralisée, activité physique (conseil restant théorique face à cette patiente très inhibée au plan psychomoteur), éventuel recours temporaire à un laxatif doux type huile de paraffine.

Vous apprenez par votre cliente, trois jours plus tard, qu'elle est allée revoir le médecin presque sitôt sortie de l'officine. Celui-ci l'a également rassurée et lui a proposé un traitement par Forlax et Dicetel. Tout semble rentré dans l'ordre côté intestinal... mais, vous le savez, pas pour très longtemps !

A savoir

Tous les antidépresseurs tricycliques peuvent induire une constipation, à traiter par les règles hygiénodiététiques habituelles associées à des laxatifs doux.

1 Interactions médicamenteuses : Crise de migraine sous Ixel

Depuis quelques semaines, madame A., 32 ans, est déprimée. Rien de grave en fait. Cette commerçante dynamique subit le contrecoup du décès de sa mère, venant s'ajouter à des soucis avec une employée qui a traduit le couple A. devant les prud'hommes. Son médecin lui a prescrit Ixel (50 mg matin et soir) et lui a demandé de prendre rendez-vous environ trois semaines plus tard. Dix jours après le début du traitement, madame A. passe à l'officine acheter un tube de dentifrice. Elle semble déjà aller bien mieux, fait montre de cette agressivité qui la caractérise depuis toujours, et vous explique incidemment qu'elle a fait deux jours auparavant une crise de migraine très douloureuse : heureusement, il lui restait de l'Imigrane, prescrit il y a plus d'un an. Ce médicament a fait miracle ! Vous êtes cependant moins enthousiaste que votre cliente.

Pourquoi madame A. n'aurait-elle pas dû prendre d'elle-même de l'Imigrane ?

Une interaction susceptible d'avoir un retentissement clinique est tout à fait possible entre l'Ixel (milnacipran) et l'Imigrane (sumatriptan).

Analyse

Tout antidépresseur inhibant la recapture de la sérotonine - c'est le cas non seulement des IRS mais aussi des antidépresseurs d'action duale, tel le milnacipran, et des tricycliques - peut, s'il est associé à un médicament prosérotoninergique (ce qui est le cas des triptans qui sont des agonistes 5-HT1D), induire un syndrome d'hypersérotoninergie et de l'hypertension artérielle. L'association Ixel-Imigrane est contre-indiquée : risque d'hypertension artérielle, de vasoconstriction artérielle coronaire par addition d'effets sérotoninergiques.

Attitude à adopter

Il importe de toujours rappeler au patient qu'il ne doit pas s'automédiquer, sauf avis médical ou pharmaceutique, et ce quels que soient la situation et le médicament. Madame A. est étonnée par votre réaction : elle juge l'Imigrane « anodin » puisqu'il s'agit d'un médicament que l'on utilise de façon ponctuelle lors de crises de migraines, au demeurant rares chez elles. En un mot, une « sorte d'aspirine » vous dit-elle... L'occasion d'expliquer que même l'aspirine ne doit pas être utilisée inconsidérément.

A savoir

Un délai d'une semaine doit être respecté entre l'arrêt du milnacipran et un traitement par triptan.

Les interactions médicamenteuses les plus fréquentes

D'une façon schématique et pour s'en tenir aux associations les plus fréquentes.

-#gt; Sont contre-indiqués

- IMAO non sélectifs : risque de syndrome d'hypersérotoninergie (IRS, venlafaxine, milnacipran)

-#gt; Sont déconseillés

- Clonidine : inhibition de l'effet antihypertenseur de la clonidine (désipramine, imipramine)

- Sympathomimétiques alpha et bêta (voie parentérale) : hypertension paroxystique avec possibilité de troubles du rythme (tricycliques, venlafaxine, milnacipran)

- IMAO-A sélectifs : risque de syndrome d'hypersérotoninergie (IRS, venlafaxine, milnacipran)

-#gt; Nécessitent des précautions d'emploi

- Adrénaline (voie sous-cutanée) : troubles du rythme ventriculaire graves par augmentation de l'excitabilité cardiaque (tricycliques, venlafaxine, milnacipran)

- Antidépresseurs IRS + tricycliques : augmentation des concentrations plasmatiques de l'antidépresseur imipraminique avec risque de convulsions et augmentation des effets indésirables

- Anticoagulants oraux : augmentation de l'effet de l'anticoagulant et du risque hémorragique (IRS)

- Lithium : risque d'hypersérotoninergie (IRS)

-#gt; Doivent être pris en compte

- Antihypertenseurs : majoration du risque d'hypotension, notamment orthostatique (tricycliques)

- Baclofène : risque d'augmentation de l'hypotonie musculaire (tricycliques)

- Bêtabloquants (insuffisance cardiaque) : effet vasodilatateur et risque d'hypotension, notamment orthostatique - effet additif (tricycliques)

- IMAO-B sélectifs : risque de syndrome d'hypersérotoninergie (IRS)

- Tramadol : risque d'hypersérotoninergie et/ou de convulsions (IRS)

- Triptans : risque d'hypersérotoninergie (IRS)

-#gt; Attention au millepertuis (Hypericum perforatum), parfois pris en automédication pour son action antidépressive ! C'est un inducteur enzymatique qui ne doit pas être associé aux anticoagulants oraux, inhibiteurs de protéase du HIV, ciclosporine, contraceptifs oraux, digoxine et IRS

2 Interactions médicamenteuses : Deroxat et antivitamine K

M. T., 61 ans, est depuis 3 mois sous Sintrom suite à une embolie pulmonaire survenue au décours d'une prostatectomie. Depuis l'opération, M. T. a du mal à reprendre le dessus, il paraît toujours distant et triste au comptoir, et vous n'êtes pas étonné que son médecin généraliste lui ait prescrit aujourd'hui du Deroxat.

Pouvez-vous délivrer le Deroxat ?

Il existe une interaction entre paroxétine et acénocoumarol pouvant conduire à un surdosage en anticoagulant, mais cette interaction est simplement classée comme « nécessitant des précautions d'emploi », et l'ordonnance peut être délivrée à condition de renforcer la surveillance de l'INR. Il faut s'assurer que le médecin a pris en compte cette interaction, ce qui n'est pas le cas, M. T. ayant une ordonnance mentionnant « INR dans un mois ».

Analyse

- Mécanisme de l'interaction

L'antidépresseur sérotoninergique (paroxétine) entraîne une diminution du métabolisme hépatique de l'anticoagulant oral (acénocoumarol) par effet inhibiteur enzymatique sur l'isoenzyme CYP2C9 du cytochrome P450.

Il y a donc rapidement augmentation de la concentration plasmatique de l'anticoagulant oral, produit à marge thérapeutique étroite. Cette interaction se retrouverait avec tous les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine : citalopram, escitalopram, fluoxétine, fluvoxamine, paroxétine, sertraline.

- Conséquences potentielles

Cette association entraîne une augmentation de l'effet de l'anticoagulant oral et donc du risque hémorragique. Elle nécessite un contrôle plus fréquent de l'INR et une adaptation éventuelle de la posologie de l'anticoagulant en fonction de l'INR, pendant la durée de l'association et également lors de son arrêt.

Attitude à adopter

Le médecin, joint par téléphone, avoue ne pas avoir eu en tête cette interaction au moment de sa prescription de Deroxat, car monsieur T. est suivi par son cardiologue pour le Sintrom. Il approuve votre suggestion de rapprocher les contrôles de l'INR et conseille un premier contrôle dans 3 jours puis tous les 8 jours si l'INR est dans les valeurs cibles, ou tous les 3 jours si l'INR est supérieur à 3.

Monsieur T. doit lui communiquer le résultat par téléphone et passer chercher l'ordonnance pour l'INR dans la journée à son cabinet.

Attention !

Toute modification de traitement chez un patient sous anticoagulant oral nécessite un contrôle rapproché de l'INR pour éviter le risque d'hémorragie ou de thrombose. C'est en particulier indispensable avec les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, qui augmentent l'action des antivitamines K.

Pour en savoir plus sur l'iatrogénie des anticoagulants oraux, se reporter au « Cahier Iatrogénie » n° 3 du 22 avril 2006 disponible sur http://www.moniteurpharmacies.com.

Les six points clés d'un traitement antidépresseur

1. Le traitement antidépresseur est généralement conduit en monothérapie et en ambulatoire. Il est institué progressivement, par paliers de deux à trois jours, avec une surveillance étroite :

-#gt; des effets indésirables somatiques ;

-#gt; de la levée de l'inhibition psychomotrice (passage à l'acte suicidaire) ;

-#gt; d'une éventuelle inversion de l'humeur avec virage maniaque (patient bipolaire).

Il est possible d'instituer directement la posologie supposée optimale avec les principes actifs récents : IRS, molécules d'action duale, mieux tolérés.

2. Les antidépresseurs ne sont complètement efficaces qu'après 2 à 8 semaines, délai nécessaire avant de conclure à l'inefficacité du traitement. Toutefois, ils sont actifs plus rapidement sur certaines composantes symptomatologiques de la dépression (par exemple troubles du sommeil et anxiété).

3. Le traitement de consolidation est poursuivi pendant quatre à douze mois, sous surveillance clinique étroite garantissant une détection précoce des signes de récidive.

4. Le traitement peut ensuite être arrêté progressivement, sur plusieurs semaines ou plusieurs mois, en veillant à la non-survenue d'un syndrome d'interruption.

5. 50 à 80 % des sujets ayant fait un épisode dépressif dans leur vie font un nouvel accès, dont 50 % dans les deux années suivant le premier épisode.

6. L'hospitalisation s'impose dans trois situations : composante suicidaire importante ; échec du traitement ambulatoire ; besoin d'isoler le patient de son milieu familial.

Pour en savoir plus, consulter la « Mise au point sur le bon usage des antidépresseurs au cours des troubles dépressifs chez l'adulte », Afssaps, avril 2005.

3 Interactions médicamenteuses : Soigner la toux d'une dépressive

Madame P., 53 ans, travaille avec son époux boulanger. Chaque jour elle sillonne en voiture une trentaine de kilomètres de routes de campagne pour vendre ses produits. A la suite d'un épisode dépressif sévère, précipité par des difficultés financières, madame P. est traitée par du Norset. Ce traitement a été instauré il y a dix jours et madame P. a recommencé sans tarder sa tournée quotidienne. C'est précisément au cours de celle-ci qu'elle entre dans votre officine. Elle n'arrête pas de tousser : une toux sèche, exténuante, qui l'empêche de dormir. Elle souhaite que vous lui délivriez du Néo-Codion, qui lui réussit d'habitude très bien.

Que doit vous inspirer la demande de madame P ?

L'association d'un antitussif opiacé et de l'antidépresseur risque d'entraîner une sédation importante, fluctuante, et pourrait être à l'origine d'un accident de la circulation chez cette femme qui conduit sa camionnette tous les jours. La boîte de Norset comporte d'ailleurs un pictogramme d'alerte orange de niveau 2 sur le risque de somnolence au volant, avec la mention suivante : « Ne pas conduire sans l'avis d'un professionnel de santé. Soyez très prudent ».

Analyse

Le Néo-Codion est un antitussif codéiné dont les propriétés sédatives sont connues. Le Norset est quant à lui un antidépresseur d'action duale susceptible de donner lieu, avec une fréquence significative, à une somnolence pendant la première semaine du traitement. La polarité sédative de cet antidépresseur est d'ailleurs souvent appréciée car elle contribue à améliorer le sommeil altéré par le trouble de l'humeur.

La conjugaison des effets secondaires de ces deux médicaments peut donner lieu à une sédation importante.

Attitude à adopter

Vous refusez la délivrance de Néo-Codion et expliquez à madame P. que, compte tenu de ses nombreux trajets en voiture, et avec son traitement par Norset (qui, assure-t-elle, ne la fait pas dormir), la prise de codéine est contre-indiquée car elle exposerait à un risque de somnolence accru.

Vous pouvez proposer à madame P. un autre antitussif type Paxéladine (oxéladine, antitussif non opiacé, non antihistaminique), dont l'AMM ne mentionne pas de risque spécifique de somnolence. Néanmoins, recommandez-lui d'observer la plus extrême prudence pendant les premières semaines de traitement par un antidépresseur.

Attention !

Mettre en garde les patients sous antidépresseur sédatif contre le risque de somnolence au volant.

Antidépresseurs chez l'enfant

Il s'agit d'un domaine rapidement évolutif.

-#gt; L'Afssaps a diffusé en février 2006 une « Mise au point sur le bon usage des antidépresseurs au cours de la dépression chez l'enfant et l'adolescent » : elle rappelle que cette prescription est déconseillée (« les IRS et apparentés ne bénéficient pas d'une AMM dans le traitement de la dépression chez les patients de moins de 18 ans dans l'Union européenne » ) en raison du risque suicidaire important alors induit, sauf situations particulières (dépression caractérisée et sévère, échec d'une prise en charge psychothérapique).

Chez l'enfant, le traitement de première intention doit être psychothérapique.

Chez l'adolescent, dans la plupart des cas, le traitement de première intention est aussi psychothérapique. Cependant, le recours à un médicament antidépresseur peut se justifier en première intention dans les épisodes dépressifs « caractérisés » d'intensité sévère.

-#gt; L'Agence européenne du médicament a recommandé, en juin 2006, d'étendre l'indication du Prozac au traitement des épisodes dépressifs majeurs d'intensité modérée à sévère chez les enfants âgés de huit ans ou plus, pour lesquels un traitement de type psychothérapique n'est pas suffisant. Dans ce cas, la posologie initiale est de 10 mg ; elle peut être portée progressivement à 20 mg/jour.

Toutefois l'autorisation de mise sur le marché du Prozac comporte actuellement la mention suivante : « L'efficacité et la tolérance n'ayant pas été étudiées chez les enfants et les adolescents (moins de 18 ans), l'utilisation de la fluoxétine dans cette tranche d'âge est déconseillée. »

-#gt; Au total, la tendance est, sur le modèle américain, de faciliter l'accès aux antidépresseurs chez les enfants et les adolescents, en veillant à encadrer strictement le traitement.

1 Profils particuliers : Du Prozac chez un sportif

Samuel D., 20 ans, est un sportif plein d'entrain et de volonté. Il pratique plusieurs sports, dont l'athlétisme à un niveau régional, et essaye de concilier sa passion avec ses études. Connaissant bien ce jeune homme depuis de nombreuses années, vous êtes étonné de le voir produire, un peu gêné, une ordonnance émanant d'un médecin inhabituel, dont le cabinet est situé assez loin en ville, pour l'obtention de Prozac... Vous êtes d'autant plus étonné que Samuel vous a déjà demandé s'il existait des médicaments pouvant l'aider à mieux concilier sports et études...

Que vous inspire cette ordonnance ?

A vos yeux, Samuel D. ne semble pas déprimé. Vous le soupçonnez de vouloir utiliser le Prozac pour améliorer ses performances et sa confiance en lui.

Analyse

Dès le début des années 1980, la commercialisation du premier antidépresseur bénéficiant d'un index thérapeutique très favorable et d'une bonne tolérance globale a facilité la prise en charge de la dépression.

Des ouvrages grand public comme ceux du psychiatre américain Peter Kramer ont suggéré que le Prozac, puis les autres antidépresseurs récents à tonalité psychostimulante, étaient des subdopants, d'emploi d'autant plus facile qu'ils ne sont pas prohibés. Les médias ont largement relayé cette idée.

Attitude à adopter

Vous contactez le médecin afin de lui faire part de votre étonnement au vu de cette ordonnance. Ce dernier vous explique que Samuel D., qui ne fait pas partie de sa clientèle habituelle, s'est présenté à lui comme dépressif et anxieux à la suite d'une rupture amoureuse. Vous décidez d'aborder le problème directement avec votre client. Celui-ci reconnaît sans mal avoir souhaité tester l'effet du médicament. Après discussion, il renonce à son idée.

Attention !

Tout pharmacien doit obligatoirement déclarer les cas de dépendance grave ou d'abus grave de produit psychoactif, à l'exception de l'alcool et du tabac, au CEIP sur le territoire duquel le cas est constaté. Sont également concernés les médicaments détournés de leur usage thérapeutique à des fins psychoactives avérées.

Détournements d'usage

- Les IRS, et notamment les plus psychostimulants d'entre eux (Prozac, Seropram, Zoloft), administrés à des sujets non déprimés, augmentent la confiance en soi. Ils permettent d'affronter sans stress des obstacles ou des compétitions. Plus concrètement, pour les sportifs, ils permettent de lutter contre les manifestations dépressives induites par l'usage de stéroïdes anabolisants et d'atténuer les fatigues liées aux entraînements excessifs. Ceci explique que les domaines de l'athlétisme, du culturisme mais aussi des sports d'endurance comme le marathon soient les plus concernés par l'utilisation de ce type de médicaments. Ils ne figurent cependant sur aucune liste de référence d'agents dopants.

- Certains antidépresseurs ont donné lieu à des cas de dépendance reconnus, comme le Survector, retiré du marché. Des détournements d'usage ou des trafics de certaines spécialités aux effets psychostimulants (ex. : Défanyl, Effexor) sont parfois relatés par les centres d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance (CEIP).

2 Profils particuliers : Une dose de Norset par jour

Madame N. a 83 ans. Récemment endeuillée par la perte de son mari et restant désormais sans aucune famille, victime d'un accident vasculaire cérébral qui a laissé d'importantes séquelles motrices, elle s'enferme dans un état dépressif plus ou moins caractérisé. La négligence de son aspect et de son hygiène est récente et inhabituelle. Son médecin de famille a donc prescrit dans ce condiv un antidépresseur, le Norset, sous forme buvable, une dose de 15 mg par jour. Dès le lendemain, madame N. revient vous voir : elle ne comprend pas comment utiliser son médicament.

Quel est le problème de madame N. ?

Ayant « bricolé » la pompe doseuse du Norset, elle a verrouillé le système et ne peut donc l'actionner. De plus, elle ne voit pas à quoi vous faites allusion en lui demandant si elle a bien pensé à amorcer le système distributeur.

Une démonstration pratique s'impose à la pharmacie.

Analyse

Il est logique qu'un médicament tel le Norset buvable bénéficie d'un système d'inviolabilité destiné à empêcher les enfants d'actionner la pompe doseuse. Pour autant, l'emploi de cette présentation peut être délicat chez des sujets âgés, dont les mouvements sont mal coordonnés et/ou présentant des difficultés cognitives. C'est le cas de madame N. qui, depuis son AVC, ne peut pas se servir facilement de sa main droite. De plus, son état psychique l'empêche de se concentrer sur la notice explicative.

Attitude à adopter

Pour une bonne observance, il importe d'expliquer en détail à madame N. l'emploi des médicaments délivrés. En l'occurrence, le dévissage du bouchon, la mise en place de la pompe puis son mode d'usage. Il importe également de souligner la nécessité d'amorcer le dispositif en l'actionnant au préalable trois fois avant d'obtenir la dose adéquate. Si madame N. semble trop désorientée, il peut être judicieux d'appeler le médecin et de lui proposer de remplacer les gouttes buvables par un comprimé de Norset 15 mg.

Attention !

Afin de favoriser l'observance, la forme galénique doit être adaptée aux possibilités physiques et aux capacités de compréhension du patient. Ne pas hésiter à ouvrir les boîtes pour faire une démonstration lors de la délivrance.

3 Profils particuliers : Dépression en post-partum

Madame V., 27 ans, nouvelle maman, a choisi d'allaiter sa petite fille Noémie. Cependant, cette jeune femme, sujette à des troubles de l'humeur récurrents, a dû être mise sous traitement à la suite d'un épisode dépressif grave survenu en post-partum, un mois et demi après la naissance de Noémie. Son médecin de famille, en lui prescrivant du Zoloft (50mg/jour), a été rassurant.

Pouvez-vous être également rassurant quant à cette ordonnance ?

Oui, même si les mentions légales des antidépresseurs jouent la carte de la prudence en affichant « En l'absence de données suffisantes sur le passage éventuel de la sertraline dans le lait maternel, l'allaitement est déconseillé en cas de traitement par ce médicament ». Ce risque est à mettre en balance avec les avantages du traitement antidépresseur.

Analyse

Les IRS bénéficient globalement d'un index thérapeutique satisfaisant et d'un recul suffisant car il s'agit désormais de molécules relativement anciennes. Pour autant, des différences cinétiques significatives expliquent qu'il importe de privilégier certaines molécules par rapport à d'autres dans le condiv spécifique de l'allaitement. Le Centre de renseignements sur les agents tératogènes (http://www.lecrat.org) propose, si une patiente envisage d'allaiter, de prescrire de la sertraline (Zoloft), IRS dont le passage dans le lait est négligeable. Pour les autres IRS et molécules à action duale, l'attitude est à adopter au cas par cas.

-#gt; La fluoxétine (Prozac) comme son métabolite actif, la norfluoxétine, sont éliminés dans le lait maternel (3 à 11 % de la dose maternelle) et ont une demi-vie très longue (4 à 6 jours pour la fluoxétine et 4 à 16 jours pour la norfluoxétine). Ils exposent au risque d'accumulation chez l'enfant. Des événements indésirables ont été rapportés chez des enfants allaités par des mères traitées par fluoxétine. En conséquence, l'allaitement doit être arrêté ou éventuellement poursuivi à dose minimale efficace.

-#gt; Les études de pharmacovigilance n'ont enregistré aucun effet indésirable lié à la prescription de citalopram, paroxétine, fluvoxamine, même s'ils sont « déconseillés pendant l'allaitement ».

-#gt; L'escitalopram (Séroplex), pour lequel le recul manque, est déconseillé en cas d'allaitement.

-#gt; Effexor et Ixel sont contre-indiqués pendant l'allaitement (passage significatif dans le lait maternel), mais la contre-indication reste relative pour le Norset.

Dans tous les cas, il faut mettre en balance le bénéfice pour la relation mère-enfant et le risque pour le bébé, au demeurant très faible, sachant que l'allaitement constitue une modalité de relation très privilégiée entre la mère et son enfant et le mode d'alimentation idéal du nourrisson.

Attitude à adopter

Madame V. tient à allaiter son enfant et le médecin a choisi, avec elle, de privilégier cette option, tout à fait possible avec la sertraline. Vous pouvez donc rassurer la maman. Cependant, une alternative aurait été que madame V. consulte deux fois par semaine son médecin, sans qu'il soit instauré de traitement médicamenteux.

A savoir

La grossesse et l'allaitement ne sont pas des contre-indications absolues à un traitement par antidépresseur, sous réserve de choisir une molécule adaptée.

PHARMACOLOGIE : Les médicaments de la dépression

Comment agissent les principaux antidépresseurs ? Le principe fondamental de l'action thérapeutique des antidépresseurs tricycliques, IRS ou duaux est d'inhiber la recapture d'un (pour les IRS) ou de plusieurs (pour les tricycliques et les antidépresseurs duaux) neuromédiateurs, dont l'effondrement des taux dans l'espace synaptique est à l'origine de la symptomatologie dépressive. Ce sont donc les neuromédiateurs physiologiques eux-mêmes, par leur liaison aux récepteurs postsynaptiques, qui sont actifs. Un surdosage en antidépresseur ou une interaction pharmacologique explique donc naturellement les manifestations indésirables liées à un emballement de la transmission neurochimique (hypersérotoninergie en premier chef). Toutefois, les antidépresseurs ne sont pas exempts d'une action directe postsynaptique. Dans la pratique, elle concerne essentiellement les tricycliques. En se liant directement à des récepteurs postsynaptiques de nature diverse (cholinergiques, histaminergiques, adrénergiques, etc.), ceux-ci induisent des effets indésirables (notamment anticholinergiques) expliquant un index thérapeutique moins favorable que celui des IRS ou des antidépresseurs d'action duale.

Indications des antidépresseurs

Les antidépresseurs sont des médicaments psychoactifs améliorant l'humeur déprimée en agissant sur l'ensemble du syndrome dépressif : ce sont des psychoanaleptiques (ou thymoanaleptiques).

Le diagnostic de dépression ne peut être posé qu'à l'issue d'un interrogatoire recherchant tous les symptômes définis par le « DSM-IV » (« Diagnostic and Statistical Manual - Revision 4 »). La prise en charge de la dépression par un traitement médicamenteux n'est recommandée que dans les épisodes dépressifs « caractérisés » d'intensité modérée ou sévère (voir « Bon usage des antidépresseurs au cours des troubles dépressifs chez l'adulte », Afssaps, avril 2005).

Au plan biologique, la dépression résulte d'altérations complexes et simultanées des différents systèmes de neurotransmission centraux, avec diminution des taux synaptiques de noradrénaline, dopamine et sérotonine.

Les antidépresseurs tricycliques, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRS) et les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (antidépresseurs d'action duale) restaurent progressivement la dynamique de ces systèmes en inhibant la recapture d'une ou de plusieurs monoamines (noradrénaline, sérotonine ou dopamine).

Certains autres antidépresseurs agissent par d'autres moyens parfois encore incomplètement élucidés (inhibition enzymatique de la monoamine-oxydase pour les IMAO, activité hippocampique complexe pour le Stablon, etc.).

En traitement ambulatoire, il n'y a pas de différence d'efficacité significative entre les différents types d'antidépresseurs dans le traitement d'un épisode dépressif majeur caractérisé, d'intensité modérée ou sévère.

Le mauvais profil de tolérance des tricycliques est dû à leur liaison postsynaptique sur différents récepteurs.

Tricycliques

- Mode d'action

Les antidépresseurs tricycliques agissent par inhibition de la recapture soit de la noradrénaline (maprotiline...), soit de la sérotonine (imipramine, clomipramine...), soit des deux. Mais ces antidépresseurs exercent d'autres actions pharmacologiques par liaison à de nombreux récepteurs postsynaptiques (H1, alpha-adrénergiques, muscariniques, etc.), d'où leurs effets indésirables et leur profil de tolérance souvent médiocre.

- Contre-indications

Les seules contre-indications absolues concernent les tricycliques à action anticholinergique significative (amitriptyline, trimipramine...) :

- risque connu de glaucome par fermeture de l'angle ;

- risque de rétention urinaire lié à des troubles urétroprostatiques ;

- infarctus du myocarde récent.

- Effets indésirables

Ils sont dominés par les manifestations anticholinergiques (peau sèche, constipation, mydriase, troubles de l'accommodation, sueurs, troubles de la miction) et adrénolytiques (hypotension orthostatique). Un syndrome sérotoninergique ne peut être exclu (voir encadré page 4), ni la survenue de crises comitiales chez des patients ayant des antécédents neurologiques.

- Toxicité aiguë

L'intoxication aiguë par les tricycliques, toujours préoccupante, associe des troubles neurologiques (troubles de la conscience allant jusqu'au coma, convulsions précoces, signes pyramidaux, tremblements ou mouvements anormaux, hyperthermie) à des troubles cardiaques (troubles du rythme surtout, avec éventuellement chute brutale de la tension artérielle). Chaque année, un patient sur 1 750 traité par tricyclique décède par ingestion toxique.

Les IRS et les molécules d'action duale n'ont que peu d'effets postsynaptiques. En revanche, ils exposent au risque d'hypersérotoninergie.

Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine

- Mode d'action

La cible principale des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) est le site transporteur permettant la recapture de la sérotonine par le neurone présynaptique. Toutefois, chaque IRS possède un profil pharmacologique (et pharmacocinétique) particulier. D'une part, leur affinité pour les divers systèmes de recapture présynaptiques est variable et, d'autre part, ils développent une activité intrinsèque, très faible comparativement à celle des tricycliques, mais cependant réelle, à l'égard de divers récepteurs postsynaptiques.

Par exemple :

- la fluoxétine (Prozac) et la sertraline (Zoloft) peuvent inhiber à forte posologie la recapture de la dopamine et induire, de façon rare, des signes extrapyramidaux ou des épisodes diarrhéiques ;

- la sertraline (Zoloft) et la paroxétine (Deroxat) ont des effets anticholinergiques plus sensibles, d'où notamment une xérostomie (peau sèche) souvent rapportée par les patients.

Globalement, les IRS donnent lieu à beaucoup moins d'effets indésirables que les tricycliques. Aisément maniables, ils améliorent l'observance du traitement.

- Contre-indications

Il n'y a pas de contre-indications absolues.

- Effets indésirables

Les plus fréquents sont digestifs : nausées voire vomissements, banals, déclenchés par une stimulation de l'area post-rema hypothalamique. Ils cèdent à la poursuite du traitement.

Le patient peut aussi se plaindre de céphalées, de migraines, probablement induites par une action 5-HT2 centrale. Il importe plus de souligner le risque d'hyponatrémie et l'existence d'un possible syndrome sérotoninergique.

-#gt; Hyponatrémie. Décrite de façon sporadique avec les IRS, elle est potentiellement aggravée par l'âge, une fonction rénale altérée, une cirrhose et potentialisée par la prise de diurétiques. Elle peut être à l'origine de signes psychiques avec confusion mentale.

-#gt; Signes neurologiques. L'activité prosérotoninergique peut inhiber la libération de dopamine et être à l'origine de syndromes neurologiques (akathisie, dystonies, signes extrapyramidaux), notamment chez les patients âgés ou parkinsoniens.

Antidépresseurs d'action duale

- Mode d'action

Comme les tricycliques, le milnacipran (Ixel) et la venlafaxine (Effexor) inhibent la recapture de deux neuromédiateurs (sérotonine et noradrénaline) mais ils n'ont pas d'effets sur les récepteurs postsynaptiques.

- Effets indésirables

Ces principes actifs, sans action directe sur les récepteurs, bénéficient d'un profil de tolérance aussi satisfaisant que celui des IRS. Ils n'ont pas de contre-indications absolues, mis à part l'allaitement.

L'incidence des nausées est plus faible qu'avec les IRS, tout comme celle des insomnies ou de l'anxiété. Celle des dysuries chez des sujets sensibles ou prostatiques (dues à une composante noradrénergique puissante non compensée, contrairement aux tricycliques, par un antagonisme adrénergique) doit rendre la prescription prudente chez le patient porteur d'un adénome prostatique. Comme avec les IRS, une hyponatrémie peut survenir. L'augmentation du poids par effet anti-H1 résiduel est généralement équilibrée par l'activité noradrénergique.

Les IMAO inhibent les enzymes de dégradation des neuromédiateurs dans la fente synaptique.

IMAO

- Mode d'action

Le moclobémide (Moclamine) est l'unique inhibiteur de la monoamine-oxydase (IMAO) restant commercialisé en France. Il inhibe de façon préférentielle et réversible la monoamine-oxydase (MAO) de type A. Ce blocage enzymatique diminue le catabolisme de la noradrénaline, de la sérotonine et, à moindre degré, de la dopamine, entraînant une augmentation de la concentration de ces neuromédiateurs dans la fente synaptique. Le moclobémide se caractérise par sa tonalité très psychostimulante.

- Effets indésirables

Ils se traduisent par de l'agitation, des troubles du sommeil, des troubles gastro-intestinaux. Ces signes régressent le plus souvent en deux à trois semaines.

- Contre-indications

Le moclobémide est contre-indiqué dans les états confusionnels aigus et en association avec certains triptans, le dextrométhorphane, la sélégiline et le tramadol (risque de syndrome sérotoninergique).

Autres antidépresseurs

miansérine (Athymil)

Dépourvue d'activité anticholinergique, elle est bien tolérée. Son action sédative peut être recherchée chez des patients anxieux ou fortement insomniaques. Tout comme la mirtazapine (Norset) dont elle est chimiquement proche, elle peut être à l'origine d'exceptionnelles agranulocytoses, notamment chez le sujet de plus de 65 ans, justifiant une surveillance hématologique en cas de signes d'infection ou de fièvre.

mirtazapine (Norset)

L'activité clinique de la mirtazapine s'explique par l'augmentation simultanée du tonus noradrénergique et sérotoninergique. Contrairement aux tricycliques, aux IRS ou aux antidépresseurs d'action duale, la mirtazapine, si elle est bien dotée d'une « double » activité, n'inhibe pas la recapture des neurotransmetteurs. La mirtazapine peut exceptionnellement être à l'origine d'atteintes hématologiques réversibles (leucopénie, agranulocytose, neutropénie) ainsi que d'une augmentation du taux des enzymes hépatiques.

tianeptine (Stablon)

Bénéficiant d'une bonne tolérance puisque dépourvue d'action anticholinergique et de toxicité cardiovasculaire, la tianeptine est un antidépresseur adapté au traitement des sujets vulnérables (sujets âgés...). Son mode d'action est plutôt singulier puisqu'elle accélère la recapture de la sérotonine au niveau du cortex et de l'hippocampe.

Pour les posologies et des informations complémentaires, consulter le « Cahier formation » sur la dépression de la personne âgée du « Moniteur » n° 2603 (12.11.2005)

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