L'anémie du patient cancéreux - Le Moniteur des Pharmacies n° 2633 du 17/06/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2633 du 17/06/2006
 

Cahier formation

l'essentiel L'anémie chronique est une complication habituelle chez les patients traités pour un cancer. Elle résulte soit d'une hypoproduction des globules rouges, soit d'une trop grande destruction de ces derniers. Les causes sont le plus souvent d'origine centrale. L'anémie se traduit rarement par des signes cliniques tant que le taux d'hémoglobine demeure supérieur à 8 g/dl. Néanmoins la perception du patient peut être différente et l'altération de la qualité de vie plus importante que ne le laissent supposer les symptômes. Le traitement de l'anémie repose sur la transfusion de culots de globules rouges en présence de diminutions importantes et rapides de l'hémoglobine. Les érythropoïétines recombinantes assurent la prévention et le traitement des anémies de grades 1 et 2 de l'OMS (taux d'hémoglobine supérieur à 8 g/dl). Ces médicaments d'exception sont délivrés en ville depuis un an.

ORDONNANCE : Une femme souffrant d'une anémie chimio-induite

Sylvie A. souffre d'un adénocarcinome de l'endomètre. Elle a subi une hystérectomie puis une chimiothérapie a été initiée. Lors de la 4e cure, elle présente une anémie en partie chimio-induite. Elle arrive avec une ordonnance d'érythropoïétine visant à diminuer l'intensité de son anémie afin que la chimiothérapie puisse être poursuivie.

LES PRESCRIPTIONS

Dr Jean Bontier

Hôpital Albert-Pompidou

Service d'oncologie

4 place de la Bastille

96500 Lamballe

Tél. : 08 41 55 44 22

96 1 99999 1

Le 14 juin 2006

Mme Sylvie A.,

1,58 m, 44 kg

Di-Antalvic : 1 à 2 gélules 3 fois par jour en cas de douleur

Séroplex 10 mg : 1 comprimé par jour qsp 1 mois.

LE CAS

Ce que vous savez de la patiente

- Sylvie A., 52 ans, souffre d'une insuffisance rénale chronique modérée et d'une hypertension artérielle équilibrée par un 1/2 comprimé de Detensiel 10 mg. Elle est en invalidité pour dépression.

Après la découverte d'un adénocarcinome de l'endomètre il y a six mois, elle a subi une hystérectomie qui a révélé une atteinte ovarienne secondaire. Sylvie A. reçoit à présent une chimiothérapie en hôpital de jour associant Taxol (paclitaxel, réserve hospitalière) et du carboplatine (réserve hospitalière). Elle vient de recevoir la 4e cure malgré la découverte d'une anémie récente. Il lui reste encore deux cures, la 5e étant prévue dans 3 semaines sous réserve que les paramètres cliniques et biologiques se soient normalisés.

Ce dont la patiente se plaint

- En plus de l'alopécie, Mme A. se plaint de douleurs musculaires et articulaires. Elle est pâle et se sent très fatiguée. Elle a parfois des vertiges, s'essouffle rapidement et éprouve des difficultés de concentration.

Ce que le médecin lui a dit

- Il a d'abord expliqué à Sylvie A. que les douleurs étaient provoquées par la chimiothérapie. La fatigue intense découle d'une anémie induite également par la chimiothérapie. Il n'a cependant pas été nécessaire de décaler la 4e cure. C'est pourquoi il prescrit à Mme A. une érythropoïétine qu'une infirmière viendra lui injecter chez elle dans un premier temps mais qu'ensuite elle pourra s'injecter elle-même si elle s'en sent capable. L'oncologue l'a rassurée : il existe un nouveau système d'injection en stylo prérempli qui simplifie le geste. Elle doit poursuivre régulièrement ses analyses biologiques à la veille de chaque séance de chimiothérapie.

Ses analyses

- Hémoglobine : 9,2 g/dl, lors de la 4e cure.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

Ces ordonnances ne présentent pas d'interaction médicamenteuse.

ANALYSES DES POSOLOGIES

Les posologies sont correctes.

AVIS PHARMACEUTIQUE

-#gt; Le traitement de l'anémie chimio-induite est un objectif prioritaire car l'anémie altère la qualité de vie de Sylvie A. Elle peut retarder la 5e cure et diminuer la récupération entre deux cures. Les sels de platine sont fortement anémiants.

-#gt; La darbepoetin alfa est une forme retard d'érythropoïétine (EPO) humaine recombinante glycosylée. Elle permet de diminuer le nombre de transfusions de concentrés érythrocytaires (culots).

-#gt; Lors de la délivrance d'Aranesp, la patiente réalise que l'oncologue lui avait parlé d'un stylo injecteur (Aranesp Sureclick). Or, si l'EPO est bien prescrite sur une ordonnance de médicament d'exception, la mention « Sureclick » n'apparaît pas sur cette ordonnance, ni le terme de stylo injecteur. Il est cependant possible de délivrer Aranesp Sureclick 300 µg à la place d'Aranesp 300 µg en seringue préremplie. Il faudra signaler à l'oncologue qu'il prescrive sur les ordonnances suivantes Aranesp Sureclick 300 µg, sans modifier le schéma posologique.

-#gt; Aranesp Sureclick comme Aranesp nécessitent une prescription initiale hospitalière, valable un an. Lors de la délivrance, il faut donc vérifier la validité de la PIH et apposer sur l'ordonnance de médicament d'exception (ordonnance à 4 volets) le cachet de l'officine, les quantités délivrées, la date de délivrance et le numéro d'ordonnancier. Les volets 2 et 3 sont envoyés à la caisse d'assurance maladie. Le volet 4 se conserve à l'officine.

-#gt; Le laboratoire met à la disposition des patients des sacs isothermes et des récupérateurs de seringues usagées.

-#gt; Expliquer à Sylvie A. qu'Aranesp Sureclick est un stylo à usage unique, prêt à l'emploi pour une injection sous-cutanée. L'aiguille est déjà fixée sur le stylo mais non visible et reste protégée durant toute la manipulation.

-#gt; Di-Antalvic prend en charge les myalgies et les arthralgies rebelles induites par la chimiothérapie. Il faut espacer les prises de 8 heures en raison de l'insuffisance rénale de la patiente.

-#gt; Séroplex traite une dépression antérieure au diagnostic du cancer. Sylvie A. poursuit ce traitement.

INITIATION DU TRAITEMENT

-#gt; Aranesp Sureclick est initié immédiatement après la 4e cure alors que Sylvie A. présente des signes cliniques d'anémie associés à une hémoglobinémie basse. La prescription porte sur 9 semaines, car il y a encore deux cures de chimiothérapie à réaliser à 21 jours d'intervalle. L'oncologue prévoit l'arrêt d'Aranesp Sureclick 3 semaines après la dernière cure.

-#gt; L'objectif thérapeutique est de réduire les symptômes de l'anémie et de restaurer une bonne qualité de vie. L'objectif biologique est une hémoglobinémie comprise entre 11 et 13 g/dl.

-#gt; Sylvie A. ne présente pas de contre-indication à Aranesp puisque son hypertension artérielle est contrôlée.

-#gt; La Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer recommande, pour une hémoglobine comprise entre 8 et 10 g/l, « que l'anémie chimio-induite soit corrigée par EPO recombinante, éventuellement après une transfusion compensatrice si une correction rapide est nécessaire ».

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

-#gt; Aranesp (darbepoetin alfa)

- Erythropoïétine humaine recombinante glycosylée.

- Indiqué pour le traitement de l'anémie liée à l'insuffisance rénale chronique chez l'adulte et l'enfant de plus de 11 ans et dans l'anémie symptomatique chez les adultes atteints de pathologies malignes non myéloïdes et recevant une chimiothérapie.

- En oncologie, la posologie initiale est de 6,75 µg/kg administrés en une injection sous-cutanée toutes les 3 semaines. Après 9 semaines de traitement, si la réponse clinique reste insuffisante, la poursuite du traitement peut s'avérer inefficace. La dose de 2,25 µg/kg peut aussi être administrée en une injection par semaine, dose à doubler en cas d'augmentation insuffisante du taux d'hémoglobine. La poursuite du traitement peut s'avérer inefficace si la réponse n'est pas satisfaisante 4 semaines après le doublement de posologie.

Une fois l'objectif individuel atteint, une diminution de 25 à 50 % de la dose permet de maintenir l'hémoglobinémie à sa valeur optimale. Aranesp est arrêté 3 à 4 semaines après la fin de la dernière cure de chimiothérapie.

-#gt; Di-Antalvic (dextropropoxyphène, paracétamol)

- Antalgique opioïde central (palier II) associé à un antalgique périphérique.

- Indiqué dans le traitement symptomatique des affections douloureuses d'intensité modérée à intense ne répondant pas à l'utilisation d'antalgiques périphériques seuls.

- La posologie moyenne est de une gélule 1 à 4 fois par jour en prises espacées d'au moins 4 heures. En cas d'insuffisance rénale, l'intervalle entre deux prises passe à 8 heures.

-#gt; Séroplex (escitalopram)

- Antidépresseur, inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine.

- Notamment indiqué dans le traitement des épisodes dépressifs majeurs.

- Dans ce cas, la posologie usuelle quotidienne est de 10 mg. Elle peut être augmentée jusqu'à 20 mg en fonction de la réponse individuelle.

SUIVI DU TRAITEMENT

Les contrôles sont calés sur les cures de chimiothérapie.

- Surveillance clinique

-#gt; La surveillance de l'état général consiste à évaluer l'asthénie, l'anorexie, l'amaigrissement de Sylvie A.

-#gt; Aranesp majore le risque d'hypertension artérielle et de thrombose veineuse profonde. Le traitement par 5 mg de bisoprolol par jour sera réévalué en cas d'événements cardiovasculaires.

-#gt; La fonction respiratoire (évolution de la dyspnée d'effort) doit s'améliorer.

-#gt; La chimiothérapie peut aussi retentir sur la sphère digestive (nausées et vomissements chimio-induits, troubles du transit intestinal) et engendrer d'autres myalgies et arthralgies.

- Surveillance biologique

-#gt; La numération-formule sanguine (NFS) est contrôlée l'avant-veille ou la veille de chaque cure. L'oncologue regarde le taux d'Hb pour évaluer l'anémie et la réponse à la darbepoetin alpha afin de réaliser les adaptations posologiques adéquates. Dès que le taux d'hémoglobine revient entre 11 et 13 g/dl, une diminution de 25 à 50 % de la dose d'Aranesp permet de maintenir l'hémoglobinémie à sa valeur optimale. Sont vérifiées la formule leucocytaire et les plaquettes en raison de la toxicité hématologique des cytotoxiques et du risque thromboembolique potentiel lié à Aranesp.

-#gt; Le statut martial peut être contrôlé pendant le traitement en vue d'une éventuelle supplémentation en fer si l'anémie ne se corrige pas. Mme A. n'en a pas besoin pour le moment.

-#gt; Un bilan hépatique peut être nécessaire étant donné le métabolisme hépatique du Di-Antalvic, du Séroplex et d'Aranesp.

-#gt; L'ionogramme est contrôlé à cause de la chimiothérapie, en sachant que la natrémie peut être diminuée par Séroplex et qu'Aranesp peut augmenter la kaliémie chez l'insuffisant rénal.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ -#gt; Aranesp Sureclick : la première injection sera faite par une infirmière qui apprendra à Sylvie A. et/ou à son entourage l'utilisation du stylo à usage unique. Les injections suivantes pourront être effectuées par la patiente. L'injection se fait sur le haut de la cuisse en position assise en respectant les règles d'asepsie. Alterner à chaque administration le site d'injection. -#gt; Di-Antalvic : avaler la ou les gélules avec un verre d'eau en milieu de repas ou avec une collation. L'insuffisance rénale de la patiente implique un espacement des prises d'au moins 8 heures. -#gt; Séroplex : avaler le comprimé avec un verre d'eau pendant ou en dehors des repas.

CONSEILS A LA PATIENTE

Un traitement bien suivi

- Les effets indésirables de la chimiothérapie sont désagréables mais ils ne signifient pas que la maladie s'aggrave. Rassurer la patiente, déjà inquiète.

- Aranesp a peu d'effets indésirables. Il s'agit surtout d'arthralgies, de douleur au point d'injection, d'oedème périphérique.

- Le calendrier des examens cliniques et biologiques doit être scrupuleusement suivi.

- Contacter le médecin en cas de signes d'infection ou d'apparition de symptômes inhabituels.

- Eviter toute automédication.

Des injections réussies

- Aranesp se conserve entre 2 et 8 °C. Il peut être placé à température ambiante sur une période unique maximale de 7 jours.

- Sortir le stylo du réfrigérateur 30 minutes avant l'injection.

- Aucun réglage de dose préalable n'est nécessaire.

- Décapuchonner le stylo, appliquer celui-ci fermement sur la peau pour le déverrouiller. Appuyer ensuite sur le bouton rouge au sommet du stylo à l'aide du pouce et relâcher la pression aussitôt. Le 1er clic correspond au début de l'injection. Maintenir ainsi le stylo pendant 15 secondes jusqu'au 2e clic. L'injection est terminée.

Attention aux interactions médicamenteuses !

- Avec Séroplex, inhibiteur de l'isoenzyme du cytochrome P450 2D6, il faut faire attention aux interactions avec les médicaments à marge thérapeutique étroite.

- Eviter l'association de Di-Antalvic à d'autres dépresseurs du système nerveux central. Il peut générer une constipation ou accentuer celle fréquemment provoquée par la chimiothérapie.

Gestion de la fatigue

- Hiérarchiser l'importance des activités à réaliser, répartir les tâches sur la semaine, prévoir des pauses, recourir à une aide ménagère...

- Avoir une alimentation équilibrée et suffisante : les besoins énergétiques sont augmentés lors de traitement anticancéreux.

- Prévenir la constipation par des mesures hygiénodiététiques.

Par A. Barrak, V. Groussin, L. Chorfa-Bakir-Khodja, K. Song Xiao Fan et le Pr J. Calop, CEEPPPO, CHU de Grenoble

PATHOLOGIE : Qu'est-ce que l'anémie du patient cancéreux ?

L'anémie chronique est une complication habituelle chez le patient souffrant de cancer, surtout lorsque la maladie est en phase avancée ou après des chimiothérapies agressives. Du fait de sa grande fréquence, l'anémie est considérée comme banale, et rarement décrite de façon précise dans les études.

L'anémie est définie par la diminution du taux d'hémoglobine en dessous des valeurs normales de 12 g/dl pour la femme et de 13 g/dl pour l'homme. Elle se traduit par une fatigue intense qui se répercute à la fois sur l'état physique et sur l'état mental. Cette fatigue découle de l'apport insuffisant en oxygène vers les divers organes. Le patient est moins actif, sa vie sociale se ralentit. Dans certains cas, il a même besoin d'aide pour se lever du lit, monter un escalier ou s'alimenter. L'anémie devient alors invalidante et pénalise le pronostic global.

La gravité de l'anémie est évaluée selon le taux d'hémoglobine et classifiée par l'OMS en 4 grades (voir tableau ci-dessous).

ÉPIDÉMIOLOGIE

-#gt; L'incidence mais aussi la sévérité de l'anémie varient selon la pathologie et les traitements mis en oeuvre. Si environ 40 % des patients traités pour une affection néoplasique sont anémiques avant tout traitement, ils sont environ 60 % après deux cycles de chimiothérapie.

-#gt; La fréquence des anémies est aussi plus importante lorsque la chimiothérapie comporte des sels de platine (cisplatine, carboplatine). Si 40 % des patients sans chimiothérapie sont anémiés, 50 % le sont sous chimiothérapie sans sels de platine, proportion atteignant 70 % lorsque cette dernière en comporte.

-#gt; D'après la Commission de la transparence, le nombre de patients cancéreux susceptibles de recevoir des facteurs de croissance par an varie globalement entre 160 000 et 200 000.

-#gt; Les cancers bronchiques sont plus souvent accompagnés d'anémie, alors que les cancers du sein et du rectum sont réputés moins anémogènes.

-#gt; Chez les enfants, les chiffres sont tout autres : la présence d'une affection néoplasique s'accompagne d'une anémie dans 80 % des cas voire 97 % en cas de leucémie.

-#gt; L'anémie observée chez le patient cancéreux retentit de façon multiple sur la dynamique de la maladie et son évolution. Elle participe en effet au diagnostic du cancer par ses conséquences cliniques propres, perturbe de façon importante la qualité de vie des patients, constitue en elle-même un facteur pronostic, influence le choix des thérapeutiques et peut même diminuer les effets des traitements ainsi que leur tolérance.

PHYSIO-PATHOLOGIE

-#gt; Les cancers, notamment au stade avancé, s'accompagnent fréquemment d'une hypervolémie induisant tout d'abord une fausse anémie, se traduisant par le fait qu'en amont de tout traitement 60 % des patients présentent un taux d'hémoglobine inférieur à 80 % de la valeur normale.

-#gt; Ensuite, l'anémie vraie est causée soit par une hypoproduction, soit par une hyperdestruction des globules rouges.

-#gt; Le phénomène est complexe car les causes de l'anémie dans un condiv de tumeur solide ou d'hémopathie maligne sont multifactorielles et le plus souvent associées.

-#gt; Les causes les plus fréquentes sont d'origine centrale : un envahissement médullaire lié à la maladie hématologique, une toxicité médullaire érythrocytaire de la radiothérapie et/ou de la chimiothérapie, ou une incapacité de la moelle à augmenter suffisamment la production de globules rouges du fait de la séquestration du fer par les macrophages. La durée de vie des globules rouges est réduite, passant de 120 à 75 jours en moyenne. Mais il a également et surtout été mis en évidence une sécrétion inadaptée d'érythropoïétine par rapport au degré de l'anémie, que l'on peut rattacher à une atteinte des cellules fibroblastiques tubulaires rénales productrices de l'érythropoïétine. Il s'agit alors plus d'une réponse inadaptée que d'un réel déficit quantitatif.

-#gt; Les autres causes centrales sont la carence martiale ou vitaminique (B9, B12) dans un condiv de saignement au long cours, une dénutrition importante ou une entéropathie exsudative.

Les causes périphériques sont beaucoup plus rares mais sont systématiquement recherchées dans la mesure où elle peuvent bénéficier d'un traitement spécifique. Ce sont les saignements aigus, les hémolyses et l'hypersplénisme.

-#gt; En pédiatrie, la cause de l'anémie est essentiellement centrale, principalement due à un envahissement médullaire à la phase initiale, ou à la toxicité hématologique de la chimiothérapie ou de la radiothérapie. Les autres facteurs sont rarement à prendre en compte sur le plan thérapeutique compte tenu de l'évolution aiguë des cancers pédiatriques.

SIGNES CLINIQUES

-#gt; Chez les patients présentant une insuffisance médullaire, l'installation de l'anémie est rapide mais survient après la neutropénie et la thrombopénie du fait de la demi-vie plus longue des érythrocytes. Elle s'installe d'autant plus rapidement que la chimiothérapie reçue est lourde.

-#gt; En revanche, l'installation est beaucoup plus progressive dans les hémopathies malignes chroniques d'évolution prolongée avec des traitements moins agressifs.

Dans les deux cas, les mécanismes d'adaptation de l'hématopoïèse font défaut et ne permettent pas d'observer spontanément une remontée rapide de l'hémoglobine.

-#gt; L'anémie est généralement durable et s'aggrave progressivement au fil des cycles de chimiothérapie.

-#gt; Elle n'a que rarement un retentissement organique perceptible lorsque le taux d'hémoglobine est au-dessus de 8 g/dl, ce d'autant qu'il s'agit d'une anémie chronique.

-#gt; En dessous de 8 g/dl, la symptomatologie habituelle de l'anémie associe une asthénie, des vertiges, une anorexie, un ralentissement cérébral, des troubles de l'humeur, une dyspnée et des problèmes cardiovasculaires. Peuvent aussi apparaître des manifestations en rapport avec les localisations cancéreuses, comme une accentuation des douleurs ou des troubles métaboliques.

-#gt; Enfin, l'anémie peut aggraver certains effets indésirables des chimiothérapies, comme les nausées et les vomissements, la perte du goût et de l'appétit, ou encore les myalgies.

-#gt; Il convient cependant de distinguer le retentissement clinique de l'anémie tel que le perçoit le médecin et l'altération réelle de la qualité de vie du patient, appréciée par l'intermédiaire de questionnaires et qui semble montrer que le retentissement fonctionnel débute parfois dès 13 g/dl. Il semble que l'impact d'un seul point perdu soit le plus important dans la tranche 10 à 13 g/dl.

-#gt; Quant à la tolérance de l'anémie chez l'enfant, elle est bonne et sa correction n'est le plus souvent pas urgente.

-#gt; L'anémie n'est pas vécue de la même manière par le sujet jeune et en bon état général chez qui l'anémie causée par la chimiothérapie adjuvante est temporaire, et par le sujet âgé polymétastatique dont l'état général est précaire et pour qui l'anémie ne va qu'en s'aggravant du fait de l'évolution de sa maladie et de la toxicité des traitements. Dans ce dernier cas, le support transfusionnel est très important voire vital.

IMPACTS DES TRAITEMENTS

-#gt; La toxicité hématologique est la plus précoce et la plus fréquente des toxicités aiguës iatrogènes.

Elle est due à la destruction des cellules-souches hématopoïétiques en voie de différenciation.

Cette toxicité est le plus souvent réversible, non cumulative et dose-dépendante.

-#gt; Qu'il s'agisse de la chimiothérapie ou de la radiothérapie, les deux thérapeutiques comportent un potentiel anémiant, mais dont l'intensité est différente.

-#gt; La radiothérapie peut entraîner une anémie de façon retardée si les champs d'irradiation ont comporté une zone importante de moelle osseuse hématopoïétique. C'est le cas des irradiations abdominopelviennes, des aires ganglionnaires sus- et sous-diaphragmatiques au cours des lymphomes, voire des irradiations corporelles totales. L'intensité de l'anémie générée par la radiothérapie est généralement modérée.

-#gt; La chimiothérapie induit une anémie de façon beaucoup plus fréquente. Trois mécanismes peuvent être en cause :

- soit une toxicité médullaire directe sur les progéniteurs érythroïdes médullaires, ce qui est le cas de la plupart des antimitotiques ;

- soit un déficit en érythropoïétine lié à l'insuffisance rénale induite par les sels de platine. Il existe un effet dose au niveau de la toxicité érythrocytaire, sans supériorité d'un des deux médicaments dérivés du platine par rapport à l'autre.

En pratique, cela se traduit généralement par une moyenne de sept culots globulaires transfusés pour une chimiothérapie contenant du cisplatine, la première transfusion intervenant à la 4e cure ;

- soit une anémie hémolytique, ce qui est beaucoup plus rare et observé essentiellement avec les agents alkylants. Elle peut être soit isolée, soit associée à des microangiopathies, à une insuffisance rénale et à une hémolyse intravasculaire, comme c'est le cas avec la mitomycine C utilisée à des doses supérieures à 50 mg/m2. Mais d'autres antimitotiques peuvent aussi provoquer un syndrome hémolytique et urémique, comme le cisplatine, le carboplatine et la bléomycine.

-#gt; L'anémie iatrogène induite par les anticancéreux s'observe en général entre 8 et 21 jours après le début de la chimiothérapie. La régénération spontanée s'observe quant à elle en général en 36 jours, mais peut parfois nécessiter plusieurs mois d'autant plus que l'anémie a tendance à devenir plus sévère au fur et à mesure des cycles de chimiothérapie.

ÉVOLUTION

-#gt; Plusieurs études s'accordent à démontrer que la survie du malade anémique est diminuée.

-#gt; Le taux d'hémoglobine avant traitement est un facteur pronostique majeur influençant le contrôle local du cancer et la survie sans récidive des patients porteurs de tumeurs de la sphère ORL, avec un taux de survie à 5 ans de 28 % pour les patients anémiques versus 58 % pour les non anémiques. Il semble aussi que les patients non anémiques en début de traitement puis le devenant aient un pronostic aussi péjoratif que ceux initialement anémiques.

-#gt; Cependant il est très difficile de déterminer si l'anémie est la cause directe de la diminution de la survie ou la conséquence d'autres facteurs adverses.

-#gt; L'hypoxie tumorale, conséquence importante de l'anémie, explique en partie la moins bonne réponse à la radiothérapie et à la chimiothérapie de plusieurs types de cancers par la diminution de la sensibilité des cellules cancéreuses à la chimiothérapie et à la radiothérapie. Une anémie avec un taux d'hémoglobine inférieur à 10 g/dl joue un rôle péjoratif sur le contrôle tumoral des tumeurs solides traitées par radiothérapie, et plus particulièrement pour les tumeurs du col utérin, les tumeurs ORL, bronchiques et vésicales. En effet, l'oxygène tissulaire est l'un des paramètres de contrôle tumoral les plus importants en radiothérapie. Par ailleurs, l'hypoxie peut aussi induire une néoangiogenèse et ainsi favoriser la progression tumorale. L'impact de l'hypoxie sur le risque métastatique est évoqué, de même qu'elle pourrait influencer de manière négative la cicatrisation postopératoire.

-#gt; Il est clairement établi que l'anémie est délétère pour le respect des délais et des séquences thérapeutiques ultérieures.

Par Frédéric Chauvelot, pharmacien hospitalier

L'AVIS DU SPÉCIALISTE : « Les usages détournés d'érythropoïétine sont difficiles à détecter »

Claire Ancolio est pharmacien assistante dans le service du Dr Bongrand et du Pr Timon-David au CHU de la Conception à Marseille

Comment repérer les cas d'usage détourné d'EPO à l'officine ? Quelle attitude adopter ensuite ?

Il est très difficile de détecter les usages détournés d'EPO car les protagonistes connaissent bien la réglementation de ces médicaments. Devant une ordonnance d'érythropoïétine, il est judicieux de procéder par étapes. Il faut d'abord s'assurer que l'ordonnance est bien une ordonnance de médicament d'exception, puis vérifier que l'identité du patient sur l'ordonnance correspond aux papiers de Sécurité sociale. Il faut être particulièrement vigilant quand le patient n'est pas connu de l'officine et ne pas hésiter à appeler la pharmacie habituelle d'un malade en vacances.

La nature du prescripteur importe ensuite : s'il s'agit d'un médecin hospitalier, le fait de vérifier sa spécialité oriente vers l'indication de l'EPO, donc vers une posologie. En cas de renouvellement, il faut vérifier la PIH, sa validité et le report des mentions initiales : un généraliste ne peut modifier que la posologie et la durée du traitement. Une adresse inconnue ou lointaine incite à redoubler d'attention. Vient ensuite la vérification de la posologie - il faut connaître le poids du patient - et du rythme d'administration : chaque spécialité répond à un schéma précis selon l'indication dans laquelle elle est prescrite. Enfin, méfiance en cas d'injections rapprochées : le délai d'adaptation de la posologie en oncologie est de quatre ou de neuf semaines selon les spécialités. En cas de doute, d'anomalie, la conduite à tenir consiste à appeler le prescripteur. Il ne faut pas hésiter à se faire préciser une indication, un calcul de dose. Il est aussi possible d'interroger la Sécurité sociale.

Claire Ancolio, interrogée par Véronique Pungier, pharmacienne

THÉRAPEUTIQUE : Comment traiter l'anémie du patient cancéreux ?

Le traitement de l'anémie passe d'abord par le traitement spécifique du cancer. Si, avant les années 1980, le traitement passait par des transfusions sanguines, la survenue du virus du sida a modifié les pratiques. La transfusion reste aujourd'hui le traitement de choix pour des diminutions importantes et rapides de l'hémoglobine. La prévention et le traitement des anémies de grades 1 et 2 reposent sur l'utilisation des érythropoïétines recombinantes.

TRANSFUSIONS DE GLOBULES ROUGES

Les transfusions sont peu étudiées car considérées la plupart du temps comme traitement symptomatique, au même titre que les hydratations, les supplémentations caloriques, etc.

Seuils transfusionnels

-#gt; La transfusion de culots de globules rouges est indiquée lorsque la compensation spontanée de l'anémie ne peut être espérée à court terme.

-#gt; En l'absence d'études randomisées, il est difficile de déterminer de manière rigoureuse les règles de transfusion chez le sujet cancéreux, sachant que chez ce type de patient la durée de vie des globules rouges transfusés est réduite.

-#gt; Le seuil de 8 g/dl est habituellement retenu. Il est porté à 10 g/dl en présence de facteurs de gravité (#gt; 65 ans, anémie symptomatique). Les transfusions sont rapprochées en cas de facteurs de comorbidité respiratoires ou de localisations bronchopulmonaires. En revanche, il ne semble pas nécessaire de fixer un seuil plus élevé en l'absence de facteurs de risque cardiovasculaire dans la mesure où, au cours de l'anémie, l'organisme s'adapte par diminution de l'affinité de l'hémoglobine pour l'oxygène.

-#gt; Ensuite, il existe des arguments en termes de bénéfice pour maintenir l'hémoglobine à une valeur supérieure à 12 g/dl.

-#gt; Chez le patient en fin de vie, la finalité de la transfusion étant de participer au maintien optimal d'un certain degré de qualité de vie, il convient d'évaluer son impact sur l'asthénie physique, les efforts de la vie courante et sur les capacités intellectuelles, puis de le mettre en balance avec les inconvénients liés aux déplacements imposés par la transfusion et aux réactions transfusionnelles.

-#gt; En pédiatrie, hormis quelques rares situations, le support transfusionnel est systématique chez tout enfant atteint d'hémopathie maligne ou de tumeur solide, des chimiothérapies intenses n'étant réalisables que grâce à ce support.

Modalités

Le traitement doit suivre les règles de sécurité transfusionnelle : la vérification du groupe sanguin au chevet du malade, une surveillance tensionnelle, thermique et clinique stricte tout au long de la transfusion, et une numération de contrôle en fin de séance afin de valider l'efficacité de la transfusion.

- Chez l'adulte

-#gt; En fonction des indications, les culots globulaires transfusés doivent être phénotypés RH et KELL, voire irradiés.

-#gt; Le phénotypage RH et KELL est indispensable chez la femme, dès sa naissance jusqu'à la fin de la période procréatrice. Mais il est également indiqué chez les porteurs d'alloanticorps antiérythrocytaires afin de prévenir les accidents transfusionnels hémolytiques et l'apparition de nouveaux alloanticorps, ainsi que chez les malades atteints d'aplasie médullaire ou d'hémoglobinurie paroxystique nocturne.

-#gt; L'irradiation du culot est indispensable lorsque la transfusion intervient dans les 8 à 10 jours précédant un recueil de cellules-souches hématopoïétiques autologues, lorsque les culots globulaires sont issus de dons dirigés intrafamiliaux quel que soit le degré de parenté, et en situation de greffe de cellules-souches hématopoïétiques du fait du risque de survenue de GVH posttransfusionnelle. Ce risque s'accroît avec l'intensité des chimiothérapies, incitant l'extension des indications d'irradiation des culots globulaires à certains traitements très immunosuppresseurs et certaines hémopathies malignes. Si ce risque est rare, sa survenue se traduit par une mortalité supérieure à 90 %.

-#gt; Quant aux culots globulaires CMV négatifs, ils sont indiqués chez les patients CMV négatifs ou candidats à la greffe de cellules-souches hématopoïétiques de donneurs CMV négatifs.

-#gt; Le volume transfusé est calculé à partir du volume sanguin total du patient et du taux d'hémoglobine souhaité. Il est généralement de 2 à 3 culots globulaires, renouvelés dans certains cas le lendemain afin d'atteindre le seuil souhaité.

-#gt; La vitesse de transfusion dépend de la tolérance hémodynamique du patient, sachant qu'en cas de surcharge volémique difficile à contrôler ou d'insuffisance cardiaque, le schéma est d'un seul culot par jour deux jours de suite, la transfusion se pratiquant en position semi-assise avec adjonction d'un diurétique.

-#gt; Chez le patient régulièrement transfusé et dont le « projet de vie » est supérieur à deux ans, il est indispensable de mettre en place un traitement chélateur (déféroxamine, Desféral) afin de prévenir l'hémochromatose posttransfusionnelle par surcharge martiale et les complications hépatiques, cardiovasculaires et pulmonaires qu'elle entraîne.

- Chez l'enfant

-#gt; Les enfants étant à la fois polytransfusés et immunodéprimés voire très immunodéprimés, il est indispensable que les culots globulaires soient phénotypés RH et KELL et irradiés.

-#gt; Le caractère phénotypé RH et KELL est justifié par l'âge des patients, donc leur espérance de vie, et le risque théorique d'une immunisation avec un impact à long terme.

-#gt; Les résultats globaux des traitements sont en effet bons, plus de 2 enfants sur 3 atteints d'hémopathie maligne ou de tumeurs solides étant survivants à long terme. Par ailleurs, les possibilités de fécondité sont préservées dans la majorité des cas malgré les traitements cytotoxiques, et en particulier pour les filles qui sont ainsi exposées à un risque théorique d'immunisation foetomaternelle lors d'une future grossesse.

-#gt; Quant au caractère irradié des culots globulaires, il est justifié par le risque de GVH posttransfusionnel.

-#gt; Chez l'enfant, le volume à transfuser est donné par l'équation : V = P (kg) x D [Hb] x 3 ou 4, où D [Hb] est l'élévation souhaitée de la concentration en hémoglobine donnée en g/dl.

LES ÉRYTHROPOÏÉTINES

Trois érythropoïétines sont actuellement commercialisées. Il y a d'abord deux EPO recombinantes dites « humaines » que sont l'époïétine alpha (Eprex) et l'époïétine bêta (Neorecormon). Leur structure primaire est similaire à celle de l'érythropoïétine humaine, avec quelques différences au niveau des hydrates de carbone. En revanche, la darbepoetin (Aranesp, Aranesp Sureclick) diffère de l'érythropoïétine endogène par une augmentation de la fraction glucidique et une élévation de la partie protéique, lui conférant une demi-vie plus longue.

Indications

En cancérologie, les érythropoïétines sont indiquées, chez l'adulte, dans le traitement de l'anémie du patient sous chimiothérapie dans le cadre de tumeurs solides, et, chez le patient atteint de myélome multiple, de lymphome non hodgkinien ou de leucémie lymphoïde chronique.

Schémas thérapeutiques

Les EPO doivent être administrées par voie sous-cutanée dès le début de la chimiothérapie, l'objectif thérapeutique étant d'amener le taux d'hémoglobine au-delà de 12 g/dl.

-#gt; La dose initiale est de 450 UI/kg/semaine d'époïétine en 1 ou 3 injections, durant toute la chimiothérapie et jusqu'à 3 semaines après la dernière cure.

-#gt; S'il s'agit de darbepoetin, la dose initiale est de 6,75 µg/kg toutes les 3 semaines, ou bien de 2,25 µg/kg toutes les semaines.

-#gt; La posologie peut être doublée si le taux d'hémoglobine a augmenté de moins de 1 g/dl sur 4 semaines.

-#gt; Le traitement est jugé inefficace et arrêté si ce taux a insuffisamment augmenté malgré 4semaines de doublement de dose.

-#gt; Le potassium est régulièrement contrôlé tout au long du traitement, les érythropoïétines pouvant causer des hyperkaliémies inexpliquées.

Résultats attendus

-#gt; L'intérêt des érythropoïétines réside dans la réduction du nombre de transfusions (de l'ordre de 25 à 60 %) et dans l'amélioration de la qualité de vie.

-#gt; Il peut s'agir d'une réponse complète, avec disparition des besoins transfusionnels, ou d'une réponse partielle.

-#gt; Il est néanmoins indispensable de tenir compte d'un délai minimal d'obtention d'un début de réponse de l'ordre de 2 à 3 semaines.

-#gt; L'intérêt des érythropoïétines est clairement établi quand le taux d'hémoglobine est inférieur à 10 g/dl. Il reste discuté lorsqu'il se situe entre 10 et 12 g/dl. Il n'a pas lieu d'être envisagé si le taux est supérieur à 14 g/dl.

-#gt; En revanche, même s'il existe des arguments pour penser que l'érythropoïétine est efficace chez l'enfant tout comme chez l'adulte, son intérêt n'a pas été clairement démontré en pédiatrie.

En pratique, le taux d'érythropoïétine endogène peut permettre de prévoir une éventuelle réponse au traitement, sachant que son taux chez le sujet non anémique est compris entre 5 et 30 mU/ml. Les érythropoïétines entraînent peu d'effets indésirables mais présente un risque théorique in vitro de pouvoir se comporter comme facteur stimulant la croissance tumorale.

In vivo, elle pourrait favoriser l'angiogenèse et la survie des cellules tumorales.

Tolérance

-#gt; Les effets indésirables les plus fréquents des érythropoïétines sont des réactions au point d'injection, des douleurs articulaires, des sensations de faiblesse, des vertiges et des asthénies, des céphalées.

-#gt; Côté interactions médicamenteuses, il existe un risque potentiel avec les médicaments ayant une forte affinité avec les globules rouges tels que la ciclosporine ou le tacrolimus.

SUPPLÉMENTATION EN FER

-#gt; La mise en oeuvre d'un traitement par érythropoïétine stimule l'érythropoïèse, induisant rapidement une augmentation importante des besoins en fer. Fixé sur la transferrine, le fer est rapidement épuisé, entraînant une mobilisation lente de la ferritine (réserve) qui se traduit par une carence fonctionnelle et une diminution de la réponse érythrocytaire.

-#gt; L'utilisation d'érythropoïétine devrait s'accompagner d'une supplémentation en fer dès que le coefficient de saturation de la transferrine est inférieur à 20 %, mais en pratique aucune attitude standard n'est définie à ce jour.

-#gt; Ce traitement substitutif se pratique à la posologie de 200 mg par jour per os ou en intraveineux. La voie parentérale permet un gain supérieur en hémoglobine mais ajoute une contrainte supplémentaire, d'autant que l'hydroxyde ferrique (Venofer) est réservé à l'usage hospitalier.

L'efficacité de la supplémentation est contrôlée par le suivi de l'augmentation du taux de réticulocytes qui s'observe entre 7 et 10 jours après l'initiation du traitement et/ou par l'augmentation du taux d'hémoglobine après un mois environ.

LE TRAITEMENT VARIE SELON LE TAUX D'HÉMOGLOBINE

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

-#gt; Les risques comparatifs de la transfusion et de l'administration d'érythropoïétine sont différents.

La transfusion présente des risques d'accidents immunologiques, allergiques ou infectieux, qui sont bien connus et chiffrés si l'on excepte le risque pathogène d'agents mal connus ou non détectables chez le donneur.

-#gt; Si la transfusion permet une élévation rapide du taux d'hémoglobine et une amélioration significative des signes cliniques dans les situations d'urgence, l'érythropoïétine recombinante permet d'obtenir une aire sous la courbe du taux d'hémoglobine (donc une biodisponibilité) bien plus importante. Toutefois, les modifications hématologiques n'apparaissent qu'après deux semaines sur la NFS, le temps médian d'obtention de la réponse (+ 2 g/dl) étant de 40 à 50 jours. De plus, certaines réponses sont très progressives et ne sont effectives qu'à 90 jours.

Chimiothérapie

-#gt; En cas d'aplasie chimio-induite, il est important de tenir compte de la cinétique de la chimiothérapie anticancéreuse et de la date attendue de la sortie d'aplasie.

-#gt; Lorsque le taux d'hémoglobine est situé entre 8 et 10 g/dl et en cas de nécessité d'une correction rapide, il faut commencer par une compensation par transfusion.

-#gt; Si une chimiothérapie est programmée ou en cours, le traitement par érythropoïétine doit alors être instauré.

-#gt; Si aucun traitement n'est en cours ou envisagé, le traitement est possible dans le cadre des tumeurs hématologiques, mais hors AMM.

-#gt; Enfin, si le taux d'hémoglobine est compris entre 10 et 12 g/dl, il est possible d'instaurer d'emblée un traitement par érythropoïétine ou bien d'attendre que le taux chute sous les 10 g/dl.

-#gt; En revanche, son utilisation chez le sujet qui présente un taux d'hémoglobine supérieur à 12 g/dl n'est envisageable que s'il s'inscrit dans le cadre d'un essai clinique ou d'une autotransfusion pour chirurgie lourde.

-#gt; Dans le cas particulier de l'oncologie pédiatrique, l'utilisation de l'érythropoïétine peut être envisagée lorsqu'il existe une contre-indication relative ou absolue à la transfusion, telle que des facteurs culturels ou religieux, des groupes sanguins exceptionnels, ou chez des patients immunisés. Dans ce cas, son utilisation se pratique dans le cadre d'un essai clinique et l'utilisation de la voie IV est privilégiée.

Radiothérapie

-#gt; Dans le cadre de la radiothérapie, aucune attitude standard n'est définie.

-#gt; S'il s'agit d'un traitement par radiothérapie seule à visée curative, il est conseillé de compenser toute anémie inférieure à 10 g/dl par transfusion. Afin d'en préciser l'impact éventuel sur le contrôle local et la survie, il est recommandé d'inclure les patients dans un des essais cliniques en cours. Si le taux d'hémoglobine est compris entre 10 et 12 g/dl, le recours à l'érythropoïétine d'emblée est envisageable si la chimiothérapie associée est très anémiante ou l'anémie très symptomatique, ou encore en cas de recours à la transfusion à éviter.

En fin de vie

-#gt; Enfin, lorsque le patient est rendu en fin de vie, il est confiné au lit mais conserve une vie relationnelle avec son entourage. L'indication transfusionnelle est importante à poser, les transfusions permettant de lutter contre la dyspnée et de poursuivre les échanges verbaux. Les transfusions de culots globulaires peuvent être nécessaires à un seuil d'hémoglobine propre au patient, mais généralement situé autour de 8 g/dl.

Par Frédéric Chauvelot, pharmacien hospitalier

CONSEILS AUX PATIENTS

Il est indispensable de rappeler au patient qu'il doit respecter le calendrier des bilans sanguins prescrits et éviter de s'automédiquer.

En cas de supplémentation martiale

-#gt; Prévenir le patient de la survenue de la coloration noire des selles lors d'un traitement per os et de troubles digestifs potentiels de type constipation ou diarrhées.

-#gt; Si le fer est prescrit sous forme orale liquide, recommander l'utilisation d'une paille pour boire le médicament afin d'éviter le noircissement des dents. Mais rassurer aussi le patient car cette coloration est réversible à l'arrêt du traitement.

-#gt; La biodisponibilité du fer per os est augmentée lors d'une prise en dehors des repas. Mais une mauvaise tolérance digestive doit faire fragmenter les doses quotidiennes de fer et demande d'administrer le traitement juste avant le repas.

-#gt; Une forte consommation de thé peut inhiber l'absorption du fer.

En cas d'auto-injections d'érythropoïétine

-#gt; Indiquer au patient devant s'autoadministrer une érythropoïétine par voie parentérale l'ensemble des conseils concernant les injections sous-cutanées : les grilles d'auto-injection (abdomen, bras, cuisse), le respect des règles d'asepsie (lavage des mains, nettoyage du point d'injection à l'alcool), l'utilisation de conteneurs à aiguilles et la technique de l'injection sous-cutanée.

-#gt; Vérifier avant d'injecter la solution d'EPO qu'elle est transparente ou légèrement opalescente, incolore, et qu'elle ne comporte pas de particule en suspension.

-#gt; Ne pas agiter la seringue ou le stylo avant de pratiquer l'injection.

-#gt; Expliquer clairement le schéma thérapeutique prescrit, en indiquant que le traitement sera poursuivi jusqu'à 3 à 4 semaines après la dernière cure de chimiothérapie.

En cas d'effets indésirables sous EPO

-#gt; Consulter un médecin rapidement si surviennent des maux de tête intenses, un état confusionnel, des troubles moteurs, des troubles de l'élocution ou de l'équilibre. Ces symptômes peuvent être dus à une hypertension artérielle. Une surveillance régulière de la tension artérielle est d'ailleurs préconisée.

-#gt; Consulter également un médecin en cas d'apparition de signes d'infection : fièvre, frissons, maux de gorge, ulcérations buccales.

-#gt; La survenue de bleus ou de saignements inexpliqués, la présence de sang dans les selles ou des vomissements nécessitent une consultation médicale.

Bien conserver les érythropoïétines

-#gt; Les érythropoïétines se conservent au réfrigérateur entre + 2° et + 8 °C, mais pas au congélateur.

-#gt; Elles se gardent à l'abri de la lumière, dans l'emballage d'origine.

-#gt; Si le médicament est destiné à rester un moment plus ou moins long dans un véhicule entre la venue à la pharmacie et le retour au domicile, recommander l'utilisation d'une sacoche isotherme et de packs réfrigérants (fournis par les laboratoires). Sinon, insister pour que le patient remette au plus vite le médicament au réfrigérateur.

-#gt; Aranesp tolère néanmoins une période unique de conservation de 7 jours à température ambiante (#lt; 25 °C) ; les seringues préremplies de Neorecormon se conservent à température ambiante durant une période unique de 3 jours, tandis que la forme cartouche se conserve à température ambiante durant une période unique de 5 jours (avant insertion dans le stylo Recopen) et est stable durant 1 mois au réfrigérateur après reconstitution.

En revanche, Eprex ne doit être sorti du réfrigérateur qu'avant de réaliser l'injection pour une durée maximale de une heure.

Utiliser le stylo Aranesp Sureclick

Il est indispensable d'expliquer en détail le mode d'utilisation des stylos Aranesp Sureclick (toutes les étapes de sa manipulation).

-#gt; Le stylo ne nécessite aucune manipulation d'aiguille, ni de sélection de dose.

-#gt; Le stylo se prend à pleine main et s'applique fermement contre la cuisse ou le bras afin de libérer la sécurité. Le patient appuie ensuite avec le pouce sur le bouton rouge et relâche. Une fois le bouton rouge enfoncé, le stylo doit être maintenu en place jusqu'à ce qu'un clic se face entendre, indiquant que la totalité du produit a été injectée. Le patient peut alors retirer le stylo sans aucun risque de se piquer.

-#gt; Jeter le stylo dans son intégralité dans un conteneur à aiguilles.

Par Frédéric Chauvelot, pharmacien hospitalier, et Véronique Pungier, pharmacienne

POUR EN SAVOIR PLUS

INTERNET

Des référentiels de prise en charge

http://www.oncolor.org

Le site du réseau Oncolor propose sur sa page d'accueil le chapitre « Référentiels ». Il regroupe des documents de synthèse d'aide à la décision visant à présenter les modes de prises en charge des tumeurs ou des symptômes. Deux classements des organes atteints et des symptômes sont accessibles : un classement anatomique et un classement alphabétique. Y figurent les traitements de support dont les facteurs de croissance hématopoïétiques ainsi qu'un arbre de prise en charge de l'anémie du patient cancéreux.

Clinique de l'anémie, transfusions

http://www.grasspho.org/html/clin_anemie.htm

Le Grasspho est un groupe de réflexion sur l'accompagnement et les soins palliatifs en hématologie et en oncologie. Sur son site, il propose notamment deux onglets susceptibles d'intéresser les pharmaciens. Au sein du chapitre « Clinique », une partie est consacrée à l'anémie et aux transfusions de concentrés érythrocytaires chez des sujets atteints d'hémopathies malignes. A consulter également, des informations sur les transfusions plaquettaires, les effets indésirables tels que la dyspnée, la mucite, la douleur, la fièvre... Autre chapitre intéressant, les soins de support. Il s'agit des soins et des soutiens apportés aux malades pour leur fatigue, leurs douleurs, leurs problèmes nutritionnels...

Transfusion des globules rouges homologues

http://agmed.sante.gouv.fr/pdf/5/rbp/glarg3.pdf

L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a édité des recommandations sur les transfusions des globules rouges en cas d'anémie chronique. Tout dépend de la gravité de l'anémie. L'Afssaps énumère les alternatives à la transfusion sanguine et s'attache aux situations particulières que sont l'enfance, la vieillesse, la grossesse, les pathologies associées.

Le diagnostic

Les symptômes classiquement observés dans l'anémie chez le patient cancéreux sont, par ordre décroissant de fréquence, une fatigue (78 %), une anxiété, un sentiment dépressif, des troubles du sommeil, des nausées, une perte de poids, une perte des cheveux, des troubles de la concentration et des douleurs (42 %).

Pour affirmer l'anémie, il est nécessaire de mesurer le taux d'hémoglobine. Toute anémie doit faire l'objet d'une enquête étiologique pour en appréhender le mécanisme.

Les caractéristiques biologiques varient avec l'étiologie. Le plus souvent, l'anémie est normo- ou microcytaire, normochrome, volontiers arégénérative, sauf dans le cas d'une anémie hémolytique. Elle se caractérise par une hypoplasie de la lignée rouge médullaire avec une baisse des réticulocytes.

La contamination transfusionnelle

En France, le risque de transmission d'infections virales a considérablement chuté depuis la sélection rigoureuse des donneurs. Le risque est actuellement estimé à 1/450 000 pour l'hépatite B, 1/6 500 000 pour l'hépatite C et 1/2 500 000 pour le VIH. De plus, il faut considérer la transfusion de globules rouges chez le patient cancéreux : elle s'adresse le plus souvent à des patients métastatiques dont le pronostic est souvent fatal à court terme et chez qui la transmission éventuelle d'agents infectieux viraux n'a pas les mêmes conséquences à long terme qu'au cours des pathologies bénignes.

Contre-indications

- Les érythropoïétines sont contre-indiquées en cas d'hypertension artérielle non contrôlée.

- Les cartouches de Neorecormon sont contre-indiquées chez les enfants et les nourrissons.

- Aranesp n'est pas indiqué avant 11 ans.

Médicaments d'exception

- Les érythropoïétines sont des médicaments d'exception : elles doivent être prescrites sur des ordonnances à quatre volets pour leur prise en charge.

- De plus, il s'agit de médicaments nécessitant une prescription initiale hospitalière, valable un an. Les médecins exerçant dans un service de dialyse à domicile sont également habilités à prescrire les EPO (indication dans l'insuffisance rénale chronique).

- Le renouvellement des prescriptions initiales peut être effectué par tous les médecins.

- Les érythropoïétines sont inscrites sur la liste I et remboursables à 65 % par la Sécurité sociale.

Facteurs prédictifs positifs

L'efficacité des érythropoïétines est d'autant plus probable qu'il existe les facteurs suivants :

- une anémie avec Hb #lt; 12 g/dl et lymphocytose sanguine #lt; 0,7 g/l ;

- une concentration en EPO sérique basse par rapport au degré de l'anémie, synonyme de production inadéquate ;

- une ferritinémie #lt; 500 ng/ml ;

- une chimiothérapie contenant du cisplatine ;

- un myélome ;

- une augmentation précoce de la concentration en hémoglobine et des réticulocytes dès les 2 à 4 premières semaines de traitement ;

- une élévation précoce du taux de récepteur soluble à la transferrine.

Mieux gérer la fatigue

es patients souffrant de cancer et d'anémie doivent « s'autoriser » à être fatigués et à prendre du repos dès qu'ils en ressentent le besoin. Mais ne rien faire du tout n'est pas non plus recommandé. Il s'agit en fait de hiérarchiser l'importance des activités et de les planifier.

- Pratiquer modérément des exercices respiratoires chaque jour.

- Faire des pauses et/ou des petites siestes au cours de la journée.

- Marcher un peu, faire de petites promenades à vélo, prévoir des bains de mer courts.

- S'obliger à aller à la rencontre des autres (groupes de soutien par exemple).

- Manger correctement, suffisamment et de façon équilibrée. Consommer plus de calories qu'en temps normal.

- Lors de la toilette, prévoir un tabouret sous la douche et un peignoir en éponge pour se sécher doucement. Se laver les cheveux sous la douche plutôt que par-dessus la baignoire ou le lavabo.

- Avant de s'habiller, préparer ses vêtements sur le lit pour pouvoir s'asseoir. Préférer les vêtements qui se ferment sur le devant. Penser à porter des chaussures confortables, plates, sans lacets.

- Répartir les tâches ménagères sur la semaine. Aller dans les magasins aux heures creuses.

- Placer des chaises dans toute la maison et le jardin.

- Utiliser un fauteuil roulant pour faire des trajets longs.

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