Les troubles du comportement alimentaire - Le Moniteur des Pharmacies n° 2627 du 06/05/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2627 du 06/05/2006
 

Cahier formation

l'essentiel Anorexie mentale et boulimie sont des troubles du comportement alimentaire d'origine psychique. Elles s'opposent au plan clinique : la première est caractérisée par une restriction alimentaire susceptible d'entraîner une cachexie fatale, alors que la seconde se traduit par l'ingestion compulsive d'aliments lors de crises entre lesquelles le comportement est normal ou plutôt anorexique. Il s'agit dans les deux cas de pathologies graves par leurs conséquences somatiques et leur retentissement psychique et social. Elles imposent une prise en charge spécialisée après un diagnostic précoce. Le traitement médicamenteux demeure souvent décevant et avant tout symptomatique. La prise en charge des patients relève essentiellement de la psychothérapie.

ORDONNANCE : Une jeune femme boulimique surconsommant des laxatifs

Myriam S. est une jeune femme dépressive. Elle souffre de troubles du comportement alimentaire à type de boulimie associée à une hyperconsommation de laxatifs irritants. Son entourage et son médecin traitant l'ont persuadée de se faire hospitaliser suite aux désordres métaboliques induits par les prises réitérées de laxatifs.

LES PRESCRIPTIONS

Docteur Antoine Dumont

Psychiatre-Psychothérapeute

1, avenue de la République

78 000 Montfort

Tél. : 01 41 55 44 22

78 1 99999 1

2 mai 2006

Mlle Myriam S.,

1,60 m, 65 kg

Deroxat 20 mg : 1 comprimé par jour

Xanax 0,25 mg : 1 comprimé dans l'après-midi et le soir

Mégamag : 2 gélules le soir au coucher

Traitement pour 15 jours.

Docteur Yves Touches

Omnipraticien

6, rue du Parc

78000 Montfort

Tél. : 01 41 55 67 86

78 1 88888 1

2 mai 2006

Mlle Myriam S., 31 ans, 1,60 m, 65 kg

Arrêter Diffu-K

Alvityl : 2 comprimés le matin

Gaviscon : 1 sachet si besoin 3 fois par jour pendant 1 mois.

LE CAS

Ce que vous savez de la patiente

- Myriam S. est une cliente occasionnelle de l'officine. Elle avait seulement l'habitude de venir acheter des laxatifs stimulants du type Sénokot, Dulcolax, Contalax. L'équipe officinale se doutait qu'elle en abusait et qu'elle souffrait d'une « maladie des laxatifs », sans penser qu'elle pouvait être boulimique. Toutes les tentatives de l'équipe pour encourager Myriam à consulter un médecin s'étaient révélées infructueuses voire contre-productives (la cliente était connue pour changer de pharmacie au moindre accrochage).

Ce dont la patiente se plaint

- Aujourd'hui, Myriam S. vient pour la première fois avec deux ordonnances en rapport direct avec ses troubles psychiatriques. Ceux-ci sont nés de problèmes familiaux. Myriam S. avoue avoir eu envie de s'en sortir. C'est ce qu'il l'a poussée à accepter une hospitalisation en unité spécialisée suite à une hypokaliémie sévère il y a deux semaines. Elle a suivi à l'hôpital un bilan complet : psychiatre, nutritionniste, gynécologue, endocrinologue, assistante sociale. Elle est désormais suivie par un psychiatre en ville, en étroite collaboration avec son médecin traitant.

Elle avoue craindre de ne plus pouvoir avoir d'enfants car elle n'a plus ses règles, ni de jamais retrouver un transit intestinal normal.

Ce que le psychiatre lui a dit

- Il l'a rassurée et lui a expliqué que dès que son état clinique se serait amélioré, elle aurait à nouveau ses règles. Quant à son transit, il redeviendra rapidement normal malgré l'arrêt des laxatifs. De plus, l'état de santé de Myriam S. autorise la reprise de son activité professionnelle à mi-temps (secrétaire). Ses consultations avec le psychiatre doivent être hebdomadaires afin de suivre pas à pas son état psychologique. La surveillance clinique (notamment le poids) et biologique est assurée par son généraliste.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

Il convient par précaution d'éviter d'administrer simultanément un pansement gastrique antiacide (Gaviscon) et d'autres médicaments pour ne pas perturber l'absorption digestive de ces molécules. Séparer les prises de deux heures.

ANALYSE DES POSOLOGIES

Les posologies des deux ordonnances ne posent pas de problème.

AVIS PHARMACEUTIQUE

-#gt; L'utilisation abusive de laxatifs dans un condiv de boulimie vise à compenser la prise alimentaire par une augmentation artificielle d'émission de selles parfois associée à des vomissements volontaires. Les médicaments utilisés à ces fins sont souvent les dérivés de l'anthraquinone dont font partie le cascara, la bourdaine, le séné (Sénokot) mais aussi le bisacodyl (Contalax, Dulcolax).

A l'examen endoscopique, on peut observer, lors d'une consommation excessive et prolongée de laxatifs, une mélanose colique : il s'agit d'une coloration particulière de la muqueuse du côlon, résultant d'une pigmentation due à des dépôts de lipofuchsine. Si sa mise en évidence prouve bien l'utilisation abusive de laxatifs, le risque de cancer du côlon ne semble pas supérieur à celui de la population générale.

-#gt; Chez Myriam S., l'achat compulsif des laxatifs a cédé la place à une volonté de se soigner. Avant son hospitalisation, son état de santé s'était dégradé : prise de poids, perte de cheveux, asthénie, crises fréquentes d'hyperphagie associées à un abus de laxatifs, hypokaliémie, détresse psychologique avec idées suicidaires et repli sur soi. Aujourd'hui, l'aide apportée à Myriam est surtout psychologique, accompagnée d'une thérapeutique médicamenteuse adaptée à son cas.

-#gt; Ce changement de comportement encourage le pharmacien et son équipe à renouer le dialogue avec Myriam S. et à la soutenir, à la motiver dans ses démarches. Une attention toute particulière est évidemment portée au traitement prescrit suite à l'hospitalisation.

INITIATION DU TRAITEMENT

-#gt; En complément de la psychothérapie, la prise en charge médicamenteuse chez Myriam S. consiste principalement :

- à traiter les manifestations dépressives avec Deroxat. Les antidépresseurs sérotoninergiques sont reconnus comme possédant également des propriétés anticompulsives, mises à profit dans ce condiv de dépression associée à des troubles du comportement alimentaire ;

- à combattre les crises d'angoisse avec de petites doses de Xanax ;

- à faciliter l'endormissement et à détendre la patiente sans avoir recours à des thérapeutiques trop lourdes en utilisant des sels de magnésium (Mégamag).

Dans un premier temps, les ordonnances du psychiatre sont rédigées pour quinze jours, non renouvelables. Ensuite, il est probable de voir la durée de traitement par certains médicaments évoluer selon l'amélioration de l'état de santé de la patiente.

-#gt; L'hypokaliémie, provoquée par l'abus de laxatifs irritants, entraînant une déplétion potassique dans les selles, a été corrigée pendant son séjour à l'hôpital. Elle ne nécessite plus de traitement. C'est pourquoi Diffu-K est arrêté.

En revanche, les déséquilibres alimentaires ont provoqué des perturbations du métabolisme des vitamines, justifiant la prescription momentanée d'Alvityl pour restaurer les réserves de l'organisme.

-#gt; Enfin, Myriam a demandé à son médecin traitant de lui prescrire du Gaviscon car ce médicament lui apporte une sorte d'aide contre l'envie de se faire vomir, ce que le médecin n'a bien sûr pas refusé.

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

-#gt; Deroxat (paroxétine)

- Antidépresseur de la famille des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine.

- Indiqué dans l'épisode dépressif majeur, les troubles obsessionnels compulsifs, les troubles anxieux (panique, anxiété sociale, phobie sociale, anxiété généralisée) et dans l'état de stress posttraumatique.

- La posologie varie entre 20 et 40 mg par jour.

-#gt; Xanax (alprazolam)

- Anxiolytique de la famille des benzodiazépines.

- Traitement symptomatique des manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes notamment.

- La posologie dépend de la réponse thérapeutique et varie de 1 à 2 mg par jour répartis en 3 prises.

-#gt; Mégamag (aspartate de magnésium)

- Supplément minéral.

- Indiqué dans les carences magnésiennes.

- Chez l'adulte, la posologie usuelle est de 6 à 10 gélules par jour.

-#gt; Alvityl (multivitamines)

- Mélange contenant des vitamines hydrosolubles (B1, B2, B5, B6, B8, B12, acide folique, PP, et C) et liposolubles (A, D et E).

- Indiqué pour prévenir ou corriger certains déficits liés à une alimentation insuffisante ou déséquilibrée à partir de l'âge de 6 ans.

- La posologie peut varier de 1 à 3 comprimés par jour.

-#gt; Gaviscon (alginate et bicarbonate de sodium)

- Antiacide et protecteur de l'estomac et de l'oesophage.

- Indiqué dans le reflux gastro-oesophagien symptomatique.

- La posologie standard est de 1 sachet (10 ml) après chacun des repas.

SUIVI DU TRAITEMENT

-#gt; L'arrêt des crises de boulimie devrait permettre un rééquilibrage du poids de Myriam S. : en effet, l'utilisation de laxatifs, même s'ils provoquent des diarrhées, n'empêche jamais une prise de poids consécutive à l'hyperphagie (contrairement aux vomissements). La normalisation de son poids fera donc l'objet d'un suivi particulier.

-#gt; Une constipation réactionnelle à l'arrêt des laxatifs peut éventuellement s'observer : de simples règles hygiénodiététiques suffisent généralement pour retrouver un transit normal.

-#gt; En ce qui concerne les médicaments, Deroxat peut être à l'origine d'un certain nombre d'effets indésirables. Parmi les plus fréquents, on peut souligner des troubles du sommeil s'il est pris trop tard dans la journée (molécule psychoactive) et des nausées.

-#gt; La prise de Xanax, quant à elle, expose à l'apparition d'effets indésirables largement dépendante de la dose ingérée et de la susceptibilité individuelle.

Principalement, il est possible d'observer une asthénie, des troubles de la mémoire, des sensations ébrieuses, une confusion, une hypotonie musculaire. Ce traitement anxiolytique sera réévalué régulièrement par le psychiatre afin de diminuer voire de suspendre le traitement pour éviter toute accoutumance au long cours.

-#gt; En ce qui concerne l'ordonnance du généraliste, peu d'effets indésirables sont à prévoir. La réalisation d'une kaliémie quelques jours après l'arrêt de Diffu-K permettrait de vérifier que le dosage de potassium reste dans les valeurs attendues.

CONSEILS À LA PATIENTE

Attention au risque de somnolence !

La conduite automobile peut être dangereuse en cas d'apparition de somnolence à cause de l'anxiolytique. Mieux vaut éviter dans la mesure du possible de prendre le volant pour de longs trajets.

Etre attentif aux autres effets indésirables potentiels

-#gt; L'initiation de traitement par Deroxat expose à un certain nombre d'effets indésirables : ne pas hésiter à signaler au médecin ou au pharmacien tout signe pouvant s'y rattacher.

-#gt; Eviter la consommation d'alcool.

-#gt; Expliquer à Myriam S. que l'efficacité du Deroxat apparaît en général au bout d'une semaine de traitement et qu'elle devient plus franche au bout de deux semaines. Encourager Myriam S. à prendre très régulièrement ses médicaments.

Pour retrouver un transit normal

-#gt; Adopter une alimentation variée comportant également des fibres. La source principale est le son des céréales, mais on trouve aussi des fibres dans les légumes verts et les fruits frais ou secs.

-#gt; S'hydrater en buvant quotidiennement entre 1,5 à 2 litres d'eau de préférence (éventuellement riche en magnésium).

-#gt; Consommer à jeun au, lever, un jus d'agrume ou un verre d'eau fraîche peut stimuler le péristaltisme intestinal.

-#gt; Faire de l'exercice.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ -#gt; Deroxat 20 mg : la prise doit se faire le matin en une fois, au cours du petit déjeuner avec un verre d'eau. -#gt; Xanax 0,25 mg : avaler le comprimé avec un verre d'eau. Prise indifférente par rapport aux repas. -#gt; Mégamag : avaler les gélules avec de l'eau après au coucher. -#gt; Alvityl : croquer, sucer ou avaler les comprimés lors du petit déjeuner. -#gt; Gaviscon : bien malaxer le sachet avant emploi. Prise à distance des autres médicaments (deux heures).

Sortir de l'isolement

-#gt; Le rythme hebdomadaire des consultations chez le psychiatre doit permettre une évaluation régulière de l'état psychologique de la patiente.

En cas de crise d'angoisse trop forte à surmonter ou d'un quelconque malaise, il est important de pouvoir disposer des coordonnées des médecins ou des associations proposant un soutien psychologique par téléphone 24 heures sur 24.

-#gt; Vérifier que la patiente a bien pris son rendez-vous suivant avec le psychiatre.

-#gt; Inciter Myriam S. à alerter son entourage, ses médecins et l'équipe officinale lorsqu'elle ne se sent pas bien, que ses idées de suicide reviennent...

Par Vivien Veyrat, pharmacien, professeur associé à la faculté de pharmacie de Paris-XI

PATHOLOGIE : Que sont les troubles du comportement alimentaire ?

Longtemps réduit à l'anorexie mentale, le champ des troubles du comportement alimentaire s'est modifié dans les années 1970 avec l'individualisation des troubles boulimiques. Ces deux expressions pathologiques du rapport à la nourriture sont d'origine psychique.

Bien qu'anorexie et boulimie puissent être rapprochées sur le plan psychopathologique, elles ont une présentation clinique différente.

-#gt; L'anorexie (grec privatif an : « sans », et oreksis : « désir ») mentale se caractérise par une réduction ou une perte de l'appétit d'origine purement psychique.

-#gt; La boulimie (grec boûs : « boeuf » et limos : « faim ») se traduit généralement par l'alternance de phases d'ingestions compulsives de nourriture hypercalorique, avec un sentiment de culpabilité, et de phases d'anorexie.

L'ANOREXIE MENTALE

Epidémiologie

-#gt; L'anorexie mentale touche essentiellement les jeunes filles ou les jeunes femmes (sex-ratio de 9/10), avec deux pics de survenue : le premier à la puberté, vers 12-13 ans, le second vers 18-20 ans. Ce sont deux périodes où la dépendance à la famille est probablement la plus importante. Des cas d'anorexie mentale sont régulièrement observés chez des filles plus jeunes, de moins de 10 ans.

-#gt; Le diagnostic de l'affection est porté plus fréquemment, du moins dans les pays occidentalisés, depuis le début des années 1980.

-#gt; Si l'expression clinique caractérisée de l'anorexie concerne entre 1 et 2 % de la population féminine âgée de 12 à 20 ans, les formes d'expression légère à modérée sont bien plus banales et pourraient concerner 10 % des jeunes filles aux alentours de 18 ans, notamment dans les classes sociales élevées. Dans le monde, 20 à 60 % des adolescentes adoptent une stratégie de contrôle du poids à un moment ou à un autre. Une étude américaine montre que 36 % des adolescentes de poids normal suivent un régime.

Evolution

-#gt; La maladie a généralement un début réactionnel et fait suite à un changement dans le mode de vie de l'adolescente : un voyage à l'étranger, un déménagement, un changement de collège ou de lycée, une observation d'un proche sur son corps ou son aspect, un deuil (réel ou symbolique : par exemple l'attachement amoureux d'un frère à une petite amie) ou, plus simplement, une déception existentielle.

A ce stade, il n'est pas rare d'observer des signes de dépression.

-#gt; La conduite de restriction alimentaire s'installe ensuite, s'accompagnant d'une amélioration de l'humeur qui devient très optimiste. La rationalité du discours de la jeune anorexique tend à rassurer l'entourage qui, souvent, devient ainsi passivement complice de la maladie.

Le sentiment de toute-puissance conféré par le pouvoir gagné sur la prise de nourriture renforce parallèlement le sentiment de contrôler l'entourage. La maladie évolue ensuite sur un mode chronique, avec une alternance de phases d'angoisse et d'excitation, et, souvent, la survenue d'épisodes boulimiques intercurrents.

-#gt; L'anorexie mentale s'associe souvent à un profil psychologique particulier, traduisant d'une façon plus large l'existence d'un conflit psychique propre au sujet.

-#gt; La patiente anorexique vit dans une relation ambiguë de dépendance et de déni vis-à-vis de sa famille. Elle refoule massivement toute sexualité et toute notion de plaisir sexuel (ce qui n'exclut pas les comportements de séduction). Elle surinvestit les activités intellectuelles, avec généralement d'excellents résultats scolaires, une avidité de connaissance, une hyperactivité et souvent un excès de vérifications.

-#gt; Des troubles anxieux sont retrouvés chez plus de 60 % des femmes anorexiques (troubles obsessionnels compulsifs, phobie sociale, etc.).

Signes cliniques

L'anorexie mentale associe trois symptômes caractéristiques (trois « A ») : anorexie, amaigrissement et aménorrhée. Il n'y a jamais de trouble mental majeur, ce qui exclut du cadre de l'anorexie mentale les restrictions alimentaires observées en cas de démence.

- Anorexie

-#gt; L'anorexie, perte de l'appétit, est le principal symptôme de la maladie. Elle annonce l'amaigrissement qui lui est consécutif. La restriction alimentaire constitue un comportement alimentaire actif, volontaire, du moins dans sa phase initiale - avec une lutte contre la faim qui n'est généralement avouée que tardivement, lors d'entretiens psychothérapiques. Elle fait souvent suite à une prise de poids ou à une modification de la silhouette, réelle ou fantasmée, contre laquelle la patiente veut réagir. A ses débuts, l'anorexie est d'ailleurs présentée par la patiente comme un simple régime alimentaire qu'elle justifie aisément (discrète prise de poids, troubles digestifs, etc.).

-#gt; La restriction alimentaire s'accompagne d'un état d'élation psychique (travail intense, absence de fatigue). Un ensemble de comportements pathologiques satellites est observé : incessantes vérifications du poids (pesées postprandiales, calcul de la valeur calorique des aliments), provocation de vomissements destinés à éliminer le peu de nourriture ingérée (consommée pour ne pas inquiéter les proches lors des repas par exemple), prise massive de laxatifs, déni de la perte de poids et des troubles associés, dissimulation plus ou moins aboutie du trouble alimentaire.

-#gt; On tend actuellement à distinguer deux types d'anorexie selon la présence ou l'absence (anorexie restrictive) de crises de boulimie suivies de vomissements provoqués et/ou de prises de purgatifs (laxatifs, diurétiques, lavements).

-#gt; Une sensation d'omnipotence face à la dénutrition et à la mort, un refus de tout signe de féminité, le port de vêtements amples masquant les formes complètent souvent le tableau.

Il n'est pas rare que la jeune anorexique manifeste un fort intérêt théorique pour la nourriture, et prenne plaisir à préparer pour ses proches des plats qu'elle ne consomme pas elle-même.

- Amaigrissement

-#gt; L'amaigrissement, spectaculaire voire dramatique, augmente rapidement. Il résulte de l'anorexie. Une perte d'au moins 10 % du poids fonde le diagnostic, mais elle peut atteindre 20 à 50 % et plus.

En général, la perte pondérale est déjà importante lors du diagnostic, car l'affection évolue longuement de façon masquée (port de vêtements amples, déni...).

-#gt; L'aspect morphologique est extrêmement évocateur : corps efflanqué et anguleux. L'épuisement des réserves graisseuses superficielles est massif : seins, hanches et fesses ne sont plus visibles, les joues sont creuses et les yeux semblent enfoncés dans les orbites.

-#gt; Les cheveux tombent, ils sont secs et cassants. Les ongles sont striés. L'apparition d'oedèmes de carence n'est pas exceptionnelle et les troubles de la circulation sont constants : pâleur du visage, rougeur et cyanose des extrémités, hypotension, bradycardie. Une hypertrichose est fréquente ainsi qu'un lanugo. La constipation est quasi de règle. L'ensemble évoque un vieillissement physique prématuré.

-#gt; Des troubles biologiques et endocriniens peuvent être mis en évidence. Le plus souvent fonctionnels et toujours réversibles en cas d'évolution favorable de la pathologie, ils sont susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital (en particulier les désordres électrolytiques).

-#gt; L'amaigrissement s'accompagne de perturbations importantes de l'image corporelle : la patiente dénie la perte pondérale, la gravité des atteintes physiques, et a une perception distordue de ses formes ou de son poids. S'y ajoutent des troubles métaboliques variés.

- Aménorrhée

-#gt; Une aménorrhée (absence des règles sur trois cycles successifs chez une patiente dont les règles étaient régulières, et sur six cycles si elles étaient irrégulières) survient de façon constante et précoce au cours de l'évolution de l'anorexie, mais elle peut précéder le comportement de restriction alimentaire.

-#gt; Chez une jeune fille non encore réglée, l'anorexie entraîne une non-apparition des règles.

-#gt; Cette aménorrhée constitue une conséquence de la restriction alimentaire sur l'axe corticohypothalamohypophysaire plus qu'une conséquence de la perte pondérale.

-#gt; C'est le symptôme clinique de l'anorexie le plus lent à disparaître lorsque la pathologie régresse.

LA BOULIMIE

Epidémiologie

-#gt; Les conduites boulimiques demeurant le plus souvent secrètes, il est difficile d'estimer de façon précise leur incidence.

-#gt; La boulimie concerne environ 1 % de la population générale féminine des pays occidentalisés. La prévalence est particulièrement élevée chez les étudiantes, puisque comprise entre 4 et 8 %.

-#gt; La prédominance féminine est moindre que pour l'anorexie.

-#gt; L'âge de début en est plus tardif (vers 18-21 ans).

-#gt; Près de 50 % des femmes anorexiques ont des épisodes boulimiques, alors que 20 à 40 % des femmes présentant des crises de boulimie ont des antécédents d'anorexie.

Signes cliniques

Le comportement boulimique traduit une désorganisation globale des habitudes alimentaires. Il est constitué par la réitération d'accès boulimiques se déroulant souvent selon un scénario stéréotypé.

-#gt; Le déclenchement en est extrêmement soudain, impérieux : il s'agit d'une « crise » caractérisée par l'ingurgitation massive et frénétique d'une grande quantité de nourriture, sans aucune discontinuité, indépendamment des repas, souvent de façon clandestine.

-#gt; Souvent précédée de sensations pénibles de malaise, d'excitation, d'irritabilité, d'un vécu angoissant de vide ou de dévalorisation, la crise survient généralement en fin de journée ou la nuit, lorsque le sujet est seul.

Elle peut être préparée par l'achat ou le vol de nourriture.

Les aliments sont choisis en raison de leur richesse calorique : pain, beurre, pâtes, chocolat, pâtisseries, charcuterie, avec recherche de la quantité et non de la qualité.

-#gt; Deux groupes de boulimiques sont parfois distingués : les « sucrés » et les « salés », par rapport au type d'aliments ingérés.

-#gt; L'accès est suivi de vomissements provoqués au début de la maladie mais qui, avec la répétition des crises, peuvent devenir automatiques et signent la gravité de l'évolution de la maladie.

La crise reprend après les vomissements, tant que de la nourriture demeure disponible.

La fin de la crise est souvent associée à une sensation de malaise psychique (honte, remords, culpabilité intense, désespoir d'avoir perdu tout contrôle) mais également physique (céphalées, nausées, douleurs abdominales).

Evolution

-#gt; Les accès surviennent de façon variable. De un à deux par semaine à plusieurs par jour, souvent pendant des périodes de plusieurs jours à plusieurs mois, que séparent des intervalles libres d'une durée variable, avec alors une conduite anorexique ou d'autres troubles des conduites alimentaires (régimes extravagants).

-#gt; La crainte de prendre du poids explique le recours aux vomissements mais explique aussi l'usage fréquent et abusif de médicaments ou de préparations non pharmaceutiques destinés à limiter l'incidence pondérale des crises : diurétiques, laxatifs, anorexigènes. La pratique assidue (voire excessive) d'activités sportives s'inscrit dans cette perspective. Des conduites boulimiques sont décrites chez des sujets obèses ou présentant une surcharge pondérale modérée, mais la maladie concerne généralement des sujets ayant un poids normal.

-#gt; Les conséquences somatiques de la boulimie sont variables. Les formes avec surpoids exposent à tous les risques de la surcharge pondérale. Les formes avec usage de laxatifs, diurétiques ou vomissements exposent à des troubles métaboliques graves. A la longue, le patient boulimique est sujet à de l'asthénie, à des crampes, à des troubles de l'humeur. Il souffre de lésions irritatives et de troubles fonctionnels digestifs.

-#gt; Surtout, les conséquences psychiques de la maladie sont graves. Elle perturbe les relations sociales (un isolement affectif et relationnel s'installe, accompagné d'un sentiment de dévalorisation ou d'une dépression nerveuse chez 60 à 80 % des sujets boulimiques contribuant au maintien de la conduite) et le comportement de consommation en général (boulimie d'achats, boulimie sexuelle, abus d'alcool, kleptomanie sont parfois associés).

ASPECTS PSYCHO-PATHOLOGIQUES

-#gt; Anorexie et boulimie ont en commun un trouble de la perception de l'image du corps. Cette conviction, qui a trait à la représentation de soi au-delà de l'image du corps proprement dite, traduit les blocages du travail psychique de l'adolescence et signe l'origine des troubles.

-#gt; L'adolescence est caractérisée par de fréquentes perturbations du comportement alimentaire qui, sans être pathologiques, précèdent souvent une anorexie ou une boulimie : crises de fringale, hyperphagie retentissant sur le poids, dégoût électif ou régime particulier avec exclusion de certains aliments... Parmi les facteurs devant faire craindre une évolution péjorative de ces troubles, il faut souligner : le sexe féminin, la répétition de ces crises, des préoccupations excessives quant au poids (pesées fréquentes voire obsessionnelles), des manoeuvres de contrôle du poids.

-#gt; Les facteurs concourant à l'évolution de ces troubles mineurs des conduites alimentaires sont multiples et d'origine variable.

Facteurs physiologiques

La puberté provoque une modification de la satiété : un besoin physiologique peut aboutir à une dysrégulation de la sensation de faim avec le sentiment de ne plus pouvoir contrôler la prise d'aliments.

L'anorexie constitue dans ce condiv l'affirmation d'une capacité à contrôler l'alimentation.

Facteurs psychologiques

Le travail psychique de la puberté passe par une phase de sexualisation des conduites : dans ce condiv, faim, gourmandise, oralité prennent une tonalité excitante mais également inquiétante. Tout plaisir pris par et dans le corps, sexualisé, peut susciter un sentiment de culpabilité et renforce le sentiment d'aliénation à l'égard du besoin physiologique.

L'adolescent est avide d'identifications, d'intériorisations, d'expériences. Cette avidité peut être ressentie comme une menace, bien que ces pratiques le tentent car il les perçoit aussi comme potentiellement aliénantes.

Face à ce conflit, il réagit par deux mécanismes :

-#gt; La régression

Elle consiste à s'enfermer dans les pensées, les stratégies, les plaisirs, les satisfactions, les buts pulsionnels de l'enfance. Les plaisirs que la régression a apportés représentent un registre pulsionnel familier à l'adolescent auquel il retourne volontiers.

-#gt; A l'opposé, la maîtrise

Elle a pour objectif de rassurer par un sentiment d'activité et de contrôle dont les expressions sont multiples : recherche acharnée de la minceur, attitudes aberrantes vis-à-vis de l'alimentation (calculs de calories, vérifications, anticipation anxieuse des repas, préparation et durée interminables des repas), vérifications du poids ou des formes corporelles (pesées ou prises de mensurations pluriquotidiennes), hyperactivité parfois impressionnante (marche forcenée, exercices physiques violents, la fatigue ou le danger n'étant pas perçus).

Les fréquentes alternances entre crises de boulimie et phases de restriction alimentaire illustrent ces oscillations entre régression et volonté de maîtrise.

Facteurs culturels

La symbolique du repas familial reste forte ; l'adolescent cherche à y échapper. Il y arrive en retard ou le quitte précipitamment, préférant manger seul ou grignoter à toute heure. De plus, le plaisir que les adultes prennent généralement à manger est vécu comme insupportable par beaucoup d'adolescents, surtout des filles, qui le voient comme chargé de connotations sexuelles.

Facteurs sociaux

-#gt; La culture occidentale vante la réalisation de soi et la satisfaction des désirs.

La publicité et la technologie offrent des produits attrayants à consommation immédiate, cohabitant avec des modèles d'esthétique et de beauté où la minceur se confond avec la maigreur. Ils constituent des défis au corps et à ses besoins physiologiques.

-#gt; Sensibles à ces modèles sociaux, les adolescents en sont les premières victimes. Ainsi, s'il est banal qu'une adolescente préoccupée par sa silhouette décide de suivre un régime, ce comportement, qui s'apparente à une adaptation culturelle plus qu'il ne traduit une pathologie, peut parfois déboucher sur une conduite de restriction alimentaire majeure.

COMPLICATIONS

-#gt; Les troubles des conduites alimentaires d'origine psychique ont un pronostic réservé.

-#gt; L'évolution sous traitement est lente, rarement inférieure à 4 ans, et les rechutes quasiment de règle.

-#gt; Des guérisons complètes restent néanmoins possibles jusqu'à 15 ans après le début d'un traitement, voire plus.

-#gt; Seulement un tiers des anorexiques peuvent finir par être considérés comme guéris.

Un tiers évoluent la vie durant entre des phases de restriction alimentaire et des phases d'alimentation normale, subnormale ou boulimique.

Chez un tiers enfin, la pathologie se chronicise. Et dans 7 à 10 % des cas, le patient anorexique décède, par cachexie (ce qui équivaut à un suicide passif) et aussi souvent par suicide actif (25 % des cas).

Par Denis Richard, pharmacien hospitalier, et

le Pr Jean-Louis Senon, service de psychiatrie adulte et de psychologie médicale, CHU de Poitiers

THÉRAPEUTIQUE : Comment traiter les troubles du comportement alimentaire ?

Le recours aux médicaments, notamment par voie orale, reste ambigu lorsque l'on s'adresse à un patient qui a pris l'habitude de soulager ses tensions internes par l'ingestion compulsive de nourriture, ou qui, au contraire, réagit par l'anorexie.

L'analogie psychopathologique entre les troubles du comportement alimentaire et les conduites de dépendance du sujet jeune (toxicomanies, alcoolisation, etc.) conduit les thérapeutes à envisager des modalités de prise en charge en partie similaires.

Le critère cible de réussite du traitement reste la stabilisation du poids : un index de masse corporelle supérieur à 20 est considéré comme satisfaisant.

RÉÉDUCATION NUTRITIONNELLE

L'approche nutritionnelle est importante chez l'anorexique comme chez le boulimique. Il s'agit de structurer l'alimentation et de travailler sur les « manières de table » pour donner un sens relationnel à la prise alimentaire.

Le carnet alimentaire est un support privilégié : destiné à faire prendre conscience concrètement de la distorsion des pratiques alimentaires, son suivi peut être individuel ou réalisé en groupes de parole.

À L'HÔPITAL

Comme pour les toxicomanes, un contrat négocié avec le patient, dans un condiv d'« alliance thérapeutique », définit des exigences en matière de variation pondérale. Les soins se conçoivent en général en ambulatoire, ce qui n'exclut pas le recours à des soins institutionnels ou à une hospitalisation.

-#gt; Si les termes du contrat ne sont pas satisfaits, ce recours peut s'envisager chez l'anorexique comme une possibilité supplémentaire d'aide dans la lutte contre la restriction alimentaire lorsqu'il n'est pas rendu obligatoire par l'état de dénutrition du sujet. Il permet aussi d'ouvrir le patient à de nouvelles modalités relationnelles.

-#gt; Chez le patient boulimique, l'hospitalisation est plus rare. Elle permet de mettre en place une cure de sevrage du jeûne ou des vomissements provoqués.

-#gt; Un état dépressif sévère ou une problématique familiale aiguë constituent également un motif d'hospitalisation.

L'ANOREXIE

Aucun médicament n'a actuellement démontré d'efficacité dans l'anorexie au terme d'un essai contrôlé en double aveugle hors condiv institutionnel.

Psychothérapies

Les approches psychothérapeutiques sont systématiques dans le traitement de l'anorexie : thérapie analytique, thérapie cognitivo-comportementale, thérapie familiale. Bien que leur place soit prépondérante dans ce condiv, les psychothérapies concernent peu le pharmacien.

Réalimentation

La réadaptation alimentaire doit être autant que possible réalisée par une alimentation naturelle lors de repas partagés en commun (famille, institution). L'assistance nutritive entérale ou parentérale ne doit s'envisager que dans les situations d'une gravité extrême, en service de réanimation ou de gastroentérologie.

Un traitement correcteur des déficits nutritionnels peut être prescrit, à base de vitamines, d'oligoéléments en injectable (type Hydrosol Polyvitaminé Bon, Cernévit, Phocytan...) ou hormonaux (prescription controversée d'hormonothérapie substitutive).

Médicament orexigène

La cyproheptadine (Périactine), un antihistaminique H1 et antagoniste sérotoninergique, est prescrit hors AMM comme stimulant de l'appétit, avec des résultats controversés.

Antidépresseurs

Des antidépresseurs sont prescrits lorsque la composante dépressive est sévère, souvent par voie parentérale.

-#gt; Si les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sont privilégiés, des tricycliques sont également administrés (amitriptyline), malgré leur toxicité cardiaque.

-#gt; Cette prescription ne doit pas empêcher l'évolution psychique du patient qui doit continuer à exprimer ses émotions et ses doutes.

-#gt; L'activité de ces antidépresseurs est très réduite sur la prise de poids ou sur le vécu subjectif de l'image corporelle. Ils semblent en revanche réduire l'incidence et la gravité des rechutes, probablement en raison d'un effet anti-obsessionnel.

Thymorégulateurs

Dans un essai conduit il y a plus de 20 ans en institution, les sels de lithium ont montré une activité significativement supérieure à un placebo. Leur administration peut poser plus de problèmes qu'elle n'en résout chez des sujets très dénutris et souvent déshydratés.

Antipsychotiques atypiques

-#gt; L'olanzapine (Zyprexa), agissant par antagonisme sérotoninergique postsynaptique, s'avère active quel que soit le pool présynaptique de sérotonine (contrairement aux antidépresseurs IRS), donc chez des patients dénutris dont les taux présynaptiques de sérotonine sont faibles. Par un effet orexigène, l'olanzapine favorise la prise de poids.

-#gt; Son administration (de 0,625 à 5 mg/j) a donné des résultats intéressants sur de petites cohortes de patients anorexiques, mais il n'existe pas d'étude contrôlée validant ce type de prescription.

-#gt; D'autres antipsychotiques atypiques ont fait l'objet de prescriptions dans ce condiv, avec des résultats inégaux.

Anxiolytiques

Leur administration permet de contrôler les manifestations aiguës d'anxiété, notamment en cas d'hospitalisation.

Antagonistes opiacés

-#gt; Les troubles des conduites alimentaires impliquent au plan neurobiologique la médiation opiacée endogène et dopaminergique. C'est dans cette logique que certains spécialistes prescrivent hors AMM un antagoniste opiacé actif par voie orale, la naltrexone (Revia), aux patients anorexiques pour faciliter le retour à une prise alimentaire normale.

-#gt; La posologie varie de 100 à 200 mg par jour ; elle est étroitement adaptée à chaque situation.

-#gt; Les effets indésirables du traitement sont réduits : céphalées et nausées, parfois observées, cèdent à la poursuite du traitement.

-#gt; Les résultats obtenus demeurent controversés et statistiquement limités. Il n'existe pas d'étude conduite à long terme.

LA BOULIMIE

Le traitement hospitalier, plus rare que pour l'anorexie, s'impose face à un syndrome dépressif accompagné d'idées suicidaires, en cas d'état de mal boulimique (crises récurrentes), de conduites addictives multiples (alcoolisme, toxicomanies) ou d'automutilations.

L'approche thérapeutique, avant tout éducative, permet un (ré)apprentissage du sens de prises alimentaires contrôlées, réduites à trois ou quatre par jour, à des heures régulières et identiques.

Elle inclut une réflexion sur la valeur qualitative des aliments ingérés (notamment sur l'intérêt de recourir à des féculents en quantité suffisante).

Psychothérapies

Les psychothérapies permettant de travailler le cycle autoentretenu compulsion alimentaire-vomissements-dévalorisation passent au premier plan du traitement de la boulimie.

-#gt; La thérapie cognitivocomportementale, en groupe, vise à décrire le comportement et les habitudes alimentaires à l'aide d'un carnet alimentaire, à rappeler la physiologie digestive, à mettre en évidence l'existence de pensées automatiques en prenant conscience de leur caractère contrôlable, à apprendre des techniques d'affirmation de soi, de découverte et d'utilisation de stratégies d'aide au changement comme de travail sur la rechute.

Il s'agit de mettre un terme à une pensée unique centrée sur l'alimentation.

Ces séances entraînent généralement une diminution du nombre de crises boulimiques et une amélioration de l'estime de soi.

-#gt; La psychothérapie d'inspiration analytique s'oriente plutôt sur la problématique du manque et sur la « notion de lien ».

Antidépresseurs

Le choix se porte sur des antidépresseurs qui permettent de traiter les troubles de l'humeur, volontiers associés à la prise compulsive de nourriture.

Des essais contrôlés ont été réalisés avec l'imipramine (Tofranil) et la désipramine (non disponible en France) ainsi qu'avec deux IRS : la fluvoxamine (Floxyfral) et la fluoxétine (Prozac). Cette dernière bénéficie d'une AMM dans la boulimie (diminution de la fréquence des crises, des vomissements ou de la prise de laxatifs) en France ; elle est alors prescrite à la dose de 60 mg/j (et souvent jusqu'à 80 mg/j, hors AMM), mais son efficacité à plus de 3 mois n'a pas été évaluée. Certains thérapeutes y associent un antagoniste opiacé, la naltrexone (hors AMM).

Sétrons

Un antagoniste sérotoninergique, l'ondansétron (Zophren), indiqué dans la prévention et le traitement des nausées et vomissements en cancérologie, s'est révélé efficace pour réduire l'intensité des crises boulimiques, mais il doit être utilisé en deuxième intention (hors AMM).

Anticonvulsivants normothymiques

La piste des anticonvulsivants de 2e génération est explorée, avec des résultats intéressants pour le topiramate (Epitomax, hors AMM) notamment chez des sujets boulimiques obèses.

Antagonistes opiacés

La naltrexone à raison de 200 mg/j (hors AMM) a pu, lors d'essais très limités, se révéler efficace chez des patients à la fois boulimiques et alcoolodépendants ou s'adonnant à des pratiques d'automutilation.

Par Denis Richard, pharmacien hospitalier, et le Pr Jean-Louis Senon, service de psychiatrie adulte et de psychologie médicale, CHU de Poitiers

CONSEILS AUX PATIENTS

Agir rapidement

Plus on réagit tôt, plus on évite la chronicisation des troubles.

-#gt; Essayer de repérer les attitudes suspectes à l'officine (voir encadré ci-dessous) et encourager les familles à consulter un médecin rapidement dès les premiers signes.

-#gt; Le premier signe est le déni du sujet atteint face à sa maigreur, qui permet de différencier une cause organique.

-#gt; Dans tous les cas, toute perte de poids, tout isolement social, toute apparition de troubles obsessionnels chez un enfant ou un adolescent, toute aménorrhée chez la jeune fille justifient une visite médicale pour écarter une pathologie somatique (tumeur, maladie digestive...) ou psychique (schizophrénie, dépression...).

Déculpabiliser les familles

Les troubles du comportement alimentaire ont une origine « biopsychosociale ». Toutes les familles de toutes catégories sociales peuvent être touchées.

Combattre les idées reçues

-#gt; Les personnes qui souffrent d'anorexie mentale n'ont pas perdu l'appétit : elles sont en fait volontairement engagées dans une terrible lutte contre la faim qui les taraude.

-#gt; Les troubles du comportement alimentaire génèrent un état de souffrance important pour la personne atteinte, qui est « déconnectée » de son propre corps avec d'énormes difficultés pour ressentir ses émotions. Angoisse, culpabilité... Sa tête « contrôle » tout. Certaines évoquant une voix qui leur dit qu'elle est « nulle », « ne vaut rien »...

-#gt; Un trouble du comportement alimentaire est un symptôme permettant d'exprimer que quelque chose de plus profond fait souffrir. Ce n'est ni une simple question de volonté, ni la mise en oeuvre d'un chantage affectif.

-#gt; La coercition, tout comme les approches purement médicamenteuses, sont inefficaces. La personne souffrant de troubles du comportement alimentaire désirant guérir est avant tout son propre thérapeute.

Respecter son autonomie dans l'acceptation du soin, le choix des objectifs et des moyens à mettre en oeuvre est primordial.

-#gt; Bannir tout jugement de valeur : la personne atteinte a développé tout un système de croyances, de valeurs et de comportements qui ont une signification personnelle profonde.

Rétablir la communication

-#gt; Il est indispensable de parler à la personne souffrant de troubles du comportement alimentaire, bien souvent dans le déni. Durant cette phase, conseiller à l'entourage de prendre patience tout en parlant avec elle de ses inquiétudes, de ses observations, surtout sans juger, ni critiquer ou la rejeter, et tout en veillant au suivi régulier par un médecin. La communication passe souvent par diverses phases d'acceptation de la maladie et peut être soulagée à un moment opportun de pouvoir enfin en parler. Demander de l'aide est souvent difficile pour la personne.

-#gt; Lorsque la personne a dépassé la phase de déni, un premier pas pour l'amener à se soigner peut consister à donner des informations sur les risques et les dangers que font courir l'amaigrissement (fatigue durant les activités physiques...), les vomissements éventuels (carences vitaminiques, lésions de l'oesophage...) et l'abus des laxatifs (troubles cardiaques...).

Collaborer avec le corps médical

-#gt; Consulter des professionnels de santé sensibilisés à la problématique des troubles du comportement alimentaire afin de mettre en place l'aide nécessaire pour affronter la maladie.

Pour les adolescents vivant sous le toit familial, la thérapie familiale est à recommander.

-#gt; Encourager les proches à collaborer avec les personnes en charge du patient (médecin généraliste, endocrinologue, psychiatre, psychologue, diététicien...) afin qu'il perçoive l'existence d'une attitude cohérente.

Se décentrer de l'assiette

Lorsqu'un trouble du comportement alimentaire entre dans une famille, tous ses membres sont touchés et éprouvent de la culpabilité, un sentiment d'échec, d'incompétence, de colère, d'anxiété, de tristesse et d'impuissance. Souvent désemparés, les proches ne savent plus quelle attitude adopter. Il en résulte de violentes tensions, en particulier au moment des repas.

-#gt; Eviter de se focaliser sur l'assiette de la personne malade en essayant de privilégier des moments d'échange et de partage, en parlant d'autre chose.

Toutefois, les parents choisissent ce qui sera servi et la jeune personne décidera des quantités qu'elle mangera.

-#gt; Ne pas rester seul face à la maladie d'un proche. L'entourage a aussi besoin d'un soutien et d'un accompagnement, soit via une thérapie familiale, soit grâce à des groupes de parole en privilégiant les adresses fournies par des associations sérieuses (voir encadré ci-dessous).

-#gt; Se préserver : la maladie a tendance à accaparer l'attention et l'énergie de tous.

Même si cela paraît difficile, il est essentiel pour les parents et l'entourage d'avoir des activités plaisantes, de continuer à voir des amis... et de prendre soin des autres enfants de la famille.

Etre vigilant dès l'enfance

Si, dans la majorité des cas, les troubles du comportement alimentaire apparaissent entre l'âge de 12 et de 18 ans et majoritairement chez les filles, il n'est pas rare de voir se développer des formes prépubertaires (vers 9-11 ans).

Surveiller les achats répétés de « fortifiants », de vitamines ou de produits pour « ouvrir l'appétit », en suggérant aux parents de consulter un médecin sous couvert d'une vérification d'une croissance harmonieuse.

Par Christine Julien, pharmacienne

L'AVIS DU SPÉCIALISTE : « Ne pas encourager les tentatives à maigrir »

Séverine Davy, psychologue, référente de l'association Enfine

Existe-t-il, à l'officine, des comportements pouvant alerter sur une éventuelle existence de troubles du comportement alimentaire ? Et comment réagir ?

Toute jeune femme - cela peut débuter vers 10-13 ans - venant acheter des substituts de repas, des gélules pour maigrir, des crèmes amincissantes, et qui manifestement n'a pas de surpoids, tout achat répété de laxatifs doivent mettre la puce à l'oreille.

Il faut donc la ramener à une réalité, sans porter de jugement et en adoptant un comportement de soignant.

Il est possible de lui dire : « Objectivement, vous n'avez pas de problème de poids. Que se passe-t-il ? Pourquoi vous trouvez-vous grosse ? » Soit la personne est prête à l'entendre, soit elle peut nier et s'enfuir de la pharmacie. L'important est de ne pas encourager leur tentative à maigrir. Montrer qu'on n'est pas dupe tout en adoptant une attitude d'empathie.

Il convient d'être aussi attentif aux filles adolescentes « sans problème » dont les mères parlent en disant qu'elles fille leur racontent tout, même dans le cadre de relations « parfaites » mère-fille. Une remarque type « Ma fille veut se remettre au régime » est l'occasion de demander à la mère : « Comment se nourrit votre fille ? » Si la mère confie qu'elle ne le sait pas, que sa fille ne mange jamais à table avec le reste de la famille, qu'elle n'a jamais faim et se plaint de maux de ventre fréquents, qu'elle mange trois bouchées à peine ou qu'elle mange « comme quatre » tout en étant menue, il est judicieux d'aborder l'éventualité d'un problème de santé en conseillant d'aller voir un médecin pour vérifier que la croissance se passe normalement ou qu'il n'y a pas de problème somatiques sous-jacents. Sans inquiéter. Si la jeune fille répond « Tout va bien », suggérer à la maman de dire « Je vois bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Je ne sais pas quoi, mais si tu veux en parler, je suis là. »

Séverine Davy, psychologue interrogée par Christine Julien

POUR EN SAVOIR PLUS

LIVRES

Les troubles du comportement alimentaire

Kathleen M. Berg, Dermot J. Hurley, James A. McSherry, Nancy E. Strange, éditions De Boeck #amp; Larcier, 2005

Voici un livre à plusieurs voix (psychothérapeute, généraliste, diététicienne, spécialiste de la thérapie familiale) qui n'oublie pas celles des patients eux-mêmes. Destiné aux soignants et aux aidants, il expose la pratique clinique de la méthode centrée sur le patient atteint de troubles du comportement alimentaire. Sont abordés le point de vue des malades, la compréhension de la personne dans sa globalité, la relation médecin-malade et l'approche thérapeutique.

Parce que « la personne désirant guérir est avant tout son propre thérapeute ».

Vaincre l'anorexie mentale

Johan Vanderlinden, éditions De Boeck #amp; Larcier, 2006

Ecrit par un spécialiste belge de l'anorexie, ce recueil aborde les caractéristiques et les conséquences de l'anorexie avant de présenter, de façon très concrète, les étapes du traitement. Cet ouvrage est richement illustré d'exemples. Destiné avant tout aux patientes, il est une aide très intéressante pour l'entourage et les professionnels de santé.

INTERNET

BouliAna

http://www.bouliana.com/site/

Site d'information et de soutien, BouliAna vise à prévenir l'apparition des troubles du comportement alimentaire (et des troubles dépressifs) et à aider les patients qui en souffrent. Outre les classiques définitions des pathologies, leurs causes et leurs conséquences, le site n'hésite pas à mettre en garde contre les sites « pro-anorexiques », à pointer du doigt l'apologie de la maigreur dans la publicité, dans le milieu de la mode. BouliAna met également à la disposition du visiteur des conseils pour guérir ainsi que des informations générales sur la nutrition.

Repères alimentaires

http://www.sante.gouv.fr/htm/pointsur/nutrition/actions64.htm

Sur cette fiche synthétique extraite du guide alimentaire « La santé vient en mangeant. Le guide alimentaire pour tous », vous trouverez les bases d'une alimentation équilibrée. Ces conseils de nutrition sont valables pour tous, y compris les patients souffrant de troubles du comportement alimentaire en cours de guérison.

ASSOCIATION

La note bleue

162, bd du Montparnasse, 75014 Paris - tél : 01 40 47 73 73

Baptisée auparavant SOS Psychologues, cette association propose une écoute téléphonique particulièrement destinée aux adolescents en souffrance psychologique et à leurs parents. L'écoute est ouverte en permanence, nuit et jour.

Des formes atypiques d'anorexie

- L'anorexie mentale du garçon est rare. Elle s'accompagne d'une perte de toute libido et de la disparition des érections, mais, par ailleurs, le tableau clinique est identique à celui observé chez la fille.

- L'anorexie prépubère concerne plus souvent les garçons que l'anorexie de l'adolescent. Elle fait souvent suite à des troubles alimentaires observés dès la première enfance, chez le nourrisson. L'anorexie prépubère s'accompagne d'un retard de croissance et s'associe à un état dépressif. Son pronostic est généralement grave.

- Inversement, des anorexies tardives peuvent s'observer, notamment chez la femme après le mariage ou après la naissance d'un premier enfant. Leur symptomatologie clinique est typique, mais elles s'accompagnent très fréquemment d'une dépression nerveuse. La tendance à la chronicisation est importante.

Diagnostic le plus précoce possible

Le diagnostic de l'anorexie ne devrait pas être posé tardivement.

De nombreux mois sont souvent perdus en examens complémentaires, en prescriptions variées (vitamines, hormones visant à restaurer les règles), alors qu'un tableau d'amaigrissement ou de cachexie d'origine organique, rare chez le sujet jeune, ne s'accompagne jamais du condiv psychologique et relationnel caractérisant un trouble des conduites alimentaires.

Tout retard à la consultation psychiatrique, dans un condiv où la prise en charge psychique du patient et ses parents devrait intervenir précocement, risque de transformer une pathologie encore bénigne en une maladie redoutable par son potentiel de chronicisation.

Les autres hyperphagies

La boulimie ne doit pas être confondue avec les hyperphagies citées ci-dessous.

- La sitiomanie correspond à l'absorption impulsive de quantités très importantes de nourriture.

- La phagomanie est l'habitude de grignoter entre les repas bien que le sujet n'ait pas faim.

- La voracité et la gloutonnerie correspondent à un désir incontrôlable de manger sans prendre le temps d'apprécier ce que l'on mange.

- Il existe aussi tenir compte des hyperphagies habituelles et familiales.

Ces hyperphagies peuvent être réactionnelles et compensatrices, ou bien simplement liées à des habitudes alimentaires ou des facteurs héréditaires.

Des associations à conseiller

Pour éviter les gourous en tout genre et les promesses miraculeuses de certains, plus proches de la secte que du soignant, certaines associations reconnues pour leur sérieux peuvent être recommandées. Elles sont une aide précieuse pour fournir les coordonnées de praticiens spécialisés dans les troubles du comportement alimentaire et de groupes de parole fort utiles pour les proches.

- Le Groupe européen pour les anorexiques, les boulimiques et les familles (GEFAB, 54, boulevard Raspail, 75270 Paris Cedex 06 ; permanence téléphonique : 01 45 43 44 75 ; asso.gefab.free.fr) est une association cherchant à mieux comprendre la pathologie du comportement alimentaire afin d'améliorer les traitements spécifiques. Le GEFAB propose notamment des réunions ouvertes à tous, des groupes d'entraide. Il redistribue l'information qu'il recueille auprès des patients, de leur entourage, des thérapeutes... Il émet aussi six lettres d'information par an.

- Enfine est une association bénévole d'information et d'entraide autour des troubles du comportement alimentaire (312, rue des Pyrénées, 75020 Paris, ligne d'écoute : 01 40 72 64 44 ; http://www.enfine.com). Elle se structure autour de groupes de parole pour les patients et d'autres pour l'entourage, de brochures informatives et d'activités de loisirs (expression artistique, randonnées...). Dans son annuaire, le site recense de nombreuses coordonnées de services spécialisés (en ville et à l'hôpital), de sites, d'associations...

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