Le pharmacien est responsable - Le Moniteur des Pharmacies n° 2627 du 06/05/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2627 du 06/05/2006
 

PRÉPARATIONS MAGISTRALES

Actualité

L'événement

Le titulaire impliqué dans l'affaire des gélules à base d'extraits thyroïdiens a été mis en examen. Dans ce contexte, il faut avoir en tête que chaque officinal est totalement responsable des préparations qu'il délivre. Même en cas de prescription erronée ou s'il sous-traite.

Selon le dernier bilan fourni par le ministère de la Santé, le 2 mai, ce sont désormais 161 personnes qui sont susceptibles d'avoir été exposées à la préparation magistrale à base d'extraits thyroïdiens effectuée par la Pharmacie Demours, à Paris, qui a provoqué le décès d'une cliente. Treize personnes étaient encore hospitalisées, dont une dans un état grave.

On peut craindre que le nombre de personnes potentiellement concernées soit plus important. Selon le témoignage d'une des victimes rapporté par le ministre de la Santé lors de la séance des questions à l'Assemblée nationale, mardi, « il y avait dans cette pharmacie des files d'attente importantes ». L'officine a été provisoirement fermée et son titulaire mis en examen. Une information judiciaire a été ouverte à son encontre, pour « homicide involontaire », « blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois ». L'information judiciaire porte également sur « la mise en danger de la vie d'autrui par tromperie sur la composition d'un produit qui en rend l'utilisation dangereuse pour l'homme ». L'enquête s'oriente vers un surdosage.

Selon l'Afssaps, une première analyse des gélules incriminées a montré la présence « non seulement d'extraits de glande thyroïde de porc, mais également d'une substance d'origine thyroïdienne en quantité importante, étrangère à la préparation prescrite ». Le médecin prescripteur a été suspendu et Xavier Bertrand a également demandé à la Haute Autorité de santé (HAS) d'élaborer des recommandations pour les professionnels de santé sur les régimes amaigrissants.

Le pharmacien responsable, même non coupable.

Ce fait-divers tragique amène à s'interroger sur la responsabilité officinale vis-à-vis des préparations magistrales. Pas de doute : le titulaire est totalement responsable de la préparation que son officine délivre et cela même s'il y a une erreur dans la prescription, qu'un de ses préposés a commis une erreur ou qu'il sous-traite sa fabrication. « La responsabilité est pleine et entière », confirme l'avocat Alain Fallourd. L'officinal sera probablement condamné à la fois aux plans disciplinaire, civil et pénal. « En la matière, nous avons une série de dossiers pénaux en cours. Premier constat : le juge s'y affranchit de plus en plus du lien de causalité [il suffit d'un faisceau de présomptions de preuves, NdlR]. Second : l'officinal peut être mis en cause pour "défaut de curiosité". » Autrement dit, en cas de doute sur la prescription, il aurait dû interroger le médecin. Car s'il ne lui appartient pas de discuter l'efficacité d'une préparation, il peut juger de son danger manifeste, s'abstenir de la réaliser et mentionner son refus sur l'ordonnance. Au pénal, tous les protagonistes peuvent être coresponsables.

Et si c'est le préparateur qui a commis l'erreur tragique ? « Les deux peuvent avoir des peines de prison, assène Alain Fallourd. C'est le cas d'un autre dossier en cours en Ile-de-France où tout le monde est impliqué au pénal. » Et le fournisseur de matières premières ? « Nous avons l'exemple d'une affaire en cours, à Nice, où un pharmacien avait réalisé des pilules "amaigrissantes" à base de plantes. Malgré la fourniture des matières premières, avec certificat de conformité, par un établissement français réputé, le pharmacien a été condamné au pénal, indique Pierre Leroux, directeur de la Mutuelle d'assurance des pharmaciens. Le juge lui a signifié qu'il avait le devoir de vérifier les produits. Avec une cliente décédée et trois ou quatre sous dialyse, le pharmacien a pris trois mois avec sursis et nous avons déjà provisionné 300 000 Euro(s) d'indemnisation au civil. Aujourd'hui, l'officine est fermée. » Car le juge peut estimer que la peine doit être assortie d'une interdiction d'exercer. Quant aux indemnisations consécutives à une plainte au civil, « il ne faut pas perdre de vue qu'un assureur lambda peut très bien estimer qu'il n'a pas à payer si la loi a été contournée sciemment ».

Obligation de sécurité, obligation de contrôle.

En cas de sous-traitance, il est clair que les deux pharmaciens seront responsables. L'un, car il a une obligation de résultat et de sécurité concernant la préparation réalisée. L'autre car il a une obligation de contrôle dont il ne peut s'affranchir. « En cas de problème c'est du 50/50, confirme Dominique Martin-Privat, titulaire à Montpellier et présidente de la Société des officinaux sous-traitants des préparations (une trentaine des plus grosses officines sous-traitantes). Dans tous les contrats que nous passons avec les officinaux, nous spécifions que le donneur d'ordres est responsable de la préparation que le patient lui commande et qu'il va délivrer. D'ailleurs, en cas d'erreur sur l'ordonnance, une sur quatre en moyenne, nous n'appelons pas le prescripteur mais le pharmacien qui nous l'a envoyée. »

Dans ce condiv de responsabilité pleine et entière du pharmacien, et surtout des multiples accidents qui ont été rencontrés ces dernières années sur de pseudo-régimes amaigrissants, notamment à base de plantes, on peut se demander comment des pharmaciens peuvent continuer à jouer les apprentis sorciers sur de telles préparations. La pression sociale du ventre plat et la demande des clientes n'expliquent pas tout. Selon Le Figaro, les patientes de la Pharmacie Demours déboursaient 130 euros par mois pour se procurer leurs pots de gélules amaigrissantes...

A noter

- réglementation

Sur la demande du gouvernement, l'Inspection générale des affaires sociales travaille depuis plusieurs mois à la rédaction d'un rapport et de propositions de réglementation sur les préparations magistrales et leur sous-traitance. Il devrait être publié avant la fin de l'année.

La préparation magistrale est-elle une affaire de spécialistes ?

En marge de cette affaire, on peut se demander si tous les officinaux sont capables d'assurer la qualité des préparations, des matières premières jusqu'au produit fini, comme le recommandent les « Bonnes pratiques de préparation officinale » (BPPO), qui ne sont d'ailleurs pas opposables car sans caractère réglementaire. « Dans bien des cas, il n'y a pas de contrôle des préparations ou alors ils restent trop succincts, remarque un formateur dans un CFA de la région parisienne. Certaines préparations, une vaseline salicylée par exemple, peuvent se fabriquer dans n'importe quelle officine, mais la plupart, beaucoup plus lourdes, nécessitent un matériel de contrôle important que peu possèdent. La préparation magistrale reste le traitement de l'exception, on en a besoin, elle doit rester dans le monopole, mais être réalisée dans des conditions optimales. » Ces dernières années, de plus en plus de pharmaciens ont fait appel à la sous-traitance. « Chaque pharmacien doit juger en son âme et conscience, en fonction de ses compétences, s'il doit faire ou non des préparations, plaide Dominique Martin-Privat (Société des officinaux sous-traitants des préparations). Les préparations, notamment pédiatriques, sont de plus en plus lourdes. On ne peut plus faire de l'à-peu-près. Les sous-traitants sont spécialisés, soumis aux contrôles réguliers de l'Inspection. Nous fabriquons près de 60 % de l'ensemble des préparations vendues en officine, et respectons des normes de qualité très strictes, souvent au-delà des BPPO. Et les volumes permettent de pratiquer des prix raisonnables. » - N.F.

Le manque à gagner lié à la perte des produits de contraste vous inquiète-t-il ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !