Anticoagulants Première partie Les héparines - Le Moniteur des Pharmacies n° 2624 du 15/04/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2624 du 15/04/2006
 

Cahier formation

12 cas pratiques vous permettront d'identifier les effets iatrogènes dûs aux héparines, potentiellement graves, avec au premier plan les accidents hémorragiques. Aidez-vous des rappels de pharmacologie et de la grille d'aide à la délivrance des HBPM pour sécuriser votre délivrance. Par Vivien Veyrat, professeur associé (Paris XI), Nicolas et Sophie Mimoun, pharmaciens, avec la collaboration de Jean-Paul Andreux, professeur d'hématologie à Paris-XI.

CAS PRATIQUES

1 Erreurs de posologie : Une seule injection de Lovenox par jour pour une « phlébite »

Le mari de madame R., 37 ans, 61 kg, se présente à l'officine en début d'après-midi avec une ordonnance émanant d'un médecin d'un centre de santé : Lovenox 0,6 ml, 1 injection par jour pendant 1 semaine. Monsieur R. explique que sa femme a consulté ce généraliste car elle souffrait d'une « crampe persistante au mollet ». L'examen clinique a décelé des symptômes évocateurs d'une thrombose veineuse profonde (TVP), ce que le patient appelle « phlébite », et l'écho-Doppler réalisé en urgence a confirmé la présence d'un caillot de petite taille dans une veine. Le médecin a injecté à madame R. une dose de Lovenox au cabinet et a rédigé une ordonnance en demandant à la revoir dans une semaine. Elle doit se reposer pendant 24 heures. Cette ordonnance, au regard des propos de monsieur R., interpelle le pharmacien.

Analyse de l'ordonnance

- Rythme anormal des injections

L'héparine est prescrite ici à visée curative (madame R. souffre d'une thrombose veineuse profonde) et le nombre d'injections quotidiennes est anormal : le schéma à une injection par jour avec l'énoxaparine correspond à une indication préventive des thromboses veineuses et non curative. La dose par injection est correcte (100 UI/kg/injection soit 6 000 UI /0,6 ml par injection), mais pas le rythme d'administration qui aurait dû être de 2 injections par jour à 12 heures d'intervalle.

Il faut donc appeler le médecin pour lui faire confirmer le rythme d'injection, en profiter pour lui demander si un relais oral par un traitement par antivitamine K (AVK) est bien prévu et lui proposer la prescription de bas de contention.

- Conséquences cliniques potentielles

Un sous-dosage en héparine de bas poids moléculaire (HBPM) lors du traitement curatif d'une thrombose veineuse profonde conduit à une hypocoagulabilité insuffisante. Cela peut entraîner une inefficacité de l'héparinothérapie et permettre une extension du caillot sanguin dans la veine, voire le détachement d'une partie du thrombus (embole), et être à l'origine d'une embolie pulmonaire potentiellement mortelle.

Conduite à tenir

Le médecin est contacté. N'étant pas habitué à prescrire d'héparine, il admet sans réserve avoir confondu le schéma posologique de Lovenox avec Innohep et Fraxodi qui s'administrent en une injection par jour en traitement curatif, car deux fois plus dosés.

Après avoir remercié le pharmacien pour sa vigilance, le médecin confirme la nécessité de pratiquer une deuxième injection de Lovenox 0,6 ml le soir même et procède immédiatement à l'envoi d'une nouvelle prescription en bonne et due forme.

Il précise que la future consultation permettra de mettre en place un traitement par AVK pendant au moins 3 mois, et confirme l'intérêt du port de bas de contention de classe II, dont il va également envoyer l'ordonnance.

Grille d'aide à la délivrance des HBPM

La délivrance d'une héparine ou d'une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) en toute sécurité nécessite de suivre un protocole précis.

Une grille d'aide à la délivrance vous est proposée en page III et IV de la partie Pharmacologie (pages centrales). En la remplissant systématiquement à chaque délivrance, vous vous assurez de respecter les indications, la posologie et les contre-indications.

Cette grille comprend 5 parties.

Au recto :

- renseignements concernant le patient,

- renseignement concernant le traitement,

- renseignements complémentaires.

Au verso :

- posologies des HBPM suivant l'indication

- formule de Cockcroft (but : recherche d'insuffisance rénale).

Vous trouverez une version pdf de cette grille que vous pourrez imprimer ou remplir en ligne directement, accompagnée d'explications sur son utilisation sur http://www.moniteurpharmacies.com, onglet « Documentation » #gt; documents de référence.

(accès réservé aux abonnés)

A savoir

Les posologies des HBPM varient en fonction de leur indication. Il est indispensable de questionner le patient pour connaître le condiv de prescription qui est soit curatif (thrombose veineuse profonde, souvent appelée « phlébite » par le patient), soit préventif (chirurgie des membres inférieurs, du petit bassin...).

2 Erreurs de posologie : Une prescription de Fraxiparine à dose curative injustifiée

Laurent A., 26 ans, 61 kg, sort avec une botte plâtrée du service des urgences de l'hôpital après s'être fait une entorse grave de la cheville au cours d'un match de football. Un rendez-vous est prévu chez le traumatologue dans 15 jours. En attendant, l'interne des urgences a instauré un traitement anticoagulant préventif :

Fraxiparine 0,6 ml, 1 injection tous les jours à heure fixe (faire pratiquer une numération plaquettaire 2 fois par semaine, à faxer au 01 49 99 99 99).

Analyse de l'ordonnance

- Dosage de Fraxiparine trop élevé

La délivrance de Fraxiparine 0,6 ml n'est pas très habituelle et met en alerte le pharmacien. Après consultation rapide des banques de données informatisées au comptoir, il s'avère que la dose de Fraxiparine est anormalement élevée : pour un poids de 60 kg on préconise une dose de 0,3 à 0,4 ml au maximum de Fraxiparine en traitement préventif. Si le traitement avait été curatif, les 0,6 ml auraient été justifiés, mais deux fois par jour.

Ici, le traitement est bien préventif : il s'agit d'éviter le risque de thrombose veineuse que l'immobilisation par botte plâtrée pourrait favoriser.

- Conséquences cliniques potentielles

Bien que l'on soit toujours dans la marge thérapeutique de Fraxiparine, la dose proposée ne correspond pas à l'indication.

Pourquoi prendre un risque supplémentaire d'hémorragie sans bénéfice supplémentaire ? D'autant que la prescription d'une anticoagulothérapie pour une botte plâtrée chez un sujet jeune n'est pas systématique, mais peut être décidée au cas par cas.

Conduite à tenir

Le contact téléphonique avec l'interne de l'hôpital se révélant infructueux, le pharmacien réussit à parler à un médecin du service des urgences.

Pour lui aussi la dose prescrite est erronée, et, après vérification dans le dossier du patient, il prend la responsabilité de diminuer la dose de Fraxiparine à 0,3 ml une fois par jour.

Les anticoagulants souvent impliqués dans l'iatrogénie

- En 2004, l'« Etude nationale sur les événements graves liés aux soins » (ENEIS) (1) a notamment mis en évidence que 3 à 5 % de l'ensemble des admissions en médecine et en chirurgie étaient causés par des événements indésirables graves liés aux soins, les 2/3 faisant suite à une prise en charge en médecine de ville.

- 39 % des effets indésirables graves ayant motivé une hospitalisation étaient associés à des médicaments et la moitié d'entre eux étaient évitables.

- Les anticoagulants (héparines et antivitamines K) ont été les médicaments les plus impliqués : un tiers des effets indésirables graves des soins médicamenteux les concerne.

(1) ENEIS a porté sur 71 établissements de santé, 8 754 patients et 35 234 journées d'hospitalisation.

Attention !

En traitement curatif d'une thrombose veineuse profonde, la posologie est beaucoup plus importante que lors d'un traitement prescrit dans un cadre préventif. Le risque hémorragique étant proportionnel à la dose d'HBPM, il ne doit être pris que lorsque le bénéfice le justifie.

3 Erreurs de posologie : Erreur de dose d'Innohep

M. P., 56 ans, 85 kg, sous Sintrom pour une TVP récente, doit subir une coloscopie le 4 Mars. Son gastro-entérologue décide de repasser provisoirement à l'héparine et établit la prescription suivante :

- Innohep 0,85 ml : 1 injection par jour à commencer le 1er mars au matin, à arrêter au plus tôt le 7 mars au matin si l'INR est satisfaisant.

- Arrêter le Sintrom le 1er mars, reprendre à la même posologie le 5 mars au matin, à adapter selon INR.

- Colopeg : 2 sachets la veille et 2 sachets tôt le matin de l'examen.

- Régime sans résidus, contrôle INR la veille du rendez-vous.

Analyse de l'ordonnance

- Mauvais calcul de la posologie

Dans son stock, le pharmacien ne dispose pas de cette référence d'Innohep. En revanche, il a conservé une réglette fournie par le laboratoire et qui permet de vérifier la dose d'Innohep en fonction du poids dans les indications curatives. Un simple coup d'oeil sur la réglette permet de s'apercevoir que la dose recommandée pour un traitement curatif chez un patient de 85 kg est de 15 000 UI, soit 0,75 ml d'Innohep par injection, à raison d'une injection quotidienne (voir grille de délivrance page IV). Cette information est vérifiée également dans le Vidal. Le médecin n'aurait-il pas confondu la posologie de l'Innohep avec celle d'autres HBPM qui s'injectent à raison de 0,1 ml/10 kg (Lovenox par exemple) mais deux fois par jour ?

Avant d'appeler le médecin, une analyse complète de l'ordonnance est réalisée pour s'assurer qu'il n'existe pas d'autres anomalies et que le suivi biologique plaquettaire est bien prévu. L'INR la veille du rendez-vous est important car il permet de s'assurer de la disparition de l'effet anticoagulant de l'AVK.

- Conséquences cliniques potentielles

Cette confusion de posologie conduit à un surdosage de près de 15 %, dû à l'existence de plusieurs méthodes de calcul des doses pour les HBPM (en unités internationales par kg de poids corporel ou en volume de solution par kg). Dans ces conditions, une augmentation du risque hémorragique de l'anticoagulant n'est pas exclue, favorisée par la réalisation d'un examen invasif (coloscopie +/- biopsie) qui peut être lui aussi à l'origine de complications hémorragiques.

Conduite à tenir

Il n'y a pas d'urgence puisque l'examen est programmé pour la semaine suivante.

Le prescripteur, joint par téléphone le lendemain, explique avoir suivi les recommandations du cardiologue référent, à savoir basculer de l'AVK vers un traitement provisoire curatif d'Innohep (un traitement à dose préventive lui semblait trop léger compte tenu des risques). La dose n'ayant pas été précisée par son confrère spécialiste, il avoue ne pas l'avoir vérifiée, ne pas disposer de réglette de calcul, et l'avoir prescrite « de tête » à raison de 0,1 ml/10 kg, comme il en avait l'habitude avec Lovenox.

Attention !

Il faut vérifier systématiquement les posologie d'HBPM prescrites. Le calcul des doses varie selon la spécialité, ce qui est source d'erreur. Tout surdosage majore le risque hémorragique.

1 Effets indésirables : Décès dû à une thrombopénie induite par l'héparine

Madame P., 75 ans, a été opérée pour une prothèse totale de hanche il y a 2 mois. Parmi ses antécédents, on note une insuffisance rénale chronique avec une clairance de la créatinine à 25 ml/min. Au cours d'un épisode grippal sévère l'obligeant à rester au lit, son médecin, craignant la survenue d'une thrombose veineuse profonde due à l'immobilisation, décide de mettre en route un traitement par héparine non fractionnée et prescrit :

- Calciparine : 5 000 UI toutes les 12 heures pendant 10 jours par IDE à domicile.

- Bas ATE (antithrombose) : à porter jour et nuit.

Dans l'agitation, l'ordonnance de suivi plaquettaire est égarée au domicile, et ni l'entourage ni la patiente ne s'en aperçoivent. Au bout de 6 jours, l'infirmière pratiquant les injections appelle le médecin car elle a remarqué des symptômes d' ischémie (les orteils sortants des bas ATE sont blancs et froids).

Analyse de l'ordonnance

- Objectif de l'ordonnance

L'objectif thérapeutique de la prescription est la prévention d'une thrombose veineuse profonde à l'aide de deux mesures :

- l'une médicamenteuse : traitement par héparine,

- l'autre mécanique : la contention veineuse des membres inférieurs. Cela est justifié car l'alitement chez un sujet âgé porteur d'une prothèse de hanche et souffrant d'un épisode infectieux aigu est une situation à risque de formation d'un thrombus.

La patiente souffrant d'une insuffisance rénale chronique, l'utilisation des HBPM, à élimination principalement rénale, est contre-indiquée (risque de surdosage de l'anticoagulant). La Calciparine, héparine non fractionnée, est la solution alternative car son élimination n'utilise pas uniquement cette voie rénale.

- La surveillance plaquettaire a-t-elle été réalisée ?

Toute prescription d'héparine (HBPM ou héparine non fractionnée) doit s'accompagner d'un suivi du taux de plaquettes à la recherche d'une thrombopénie (chute des plaquettes) induite par l'héparine. Ce contrôle doit s'effectuer une fois avant l'héparinothérapie, puis deux fois par semaine pendant 21 jours (période la plus propice aux thrombopénies induites par l'héparine, avec un pic vers le 5ème jour), et une fois par semaine ensuite en cas de traitement prolongé par héparine.

- Conséquences cliniques potentielles

Joint au téléphone, le médecin comprend être en face d'une situation gravissime et décide de faire venir une ambulance pour un transfert immédiat dans un service spécialisé.

Ses craintes se révèlent exactes : la numération plaquettaire réalisée en urgence montre une thrombopénie à 35 000 plaquettes/ml (valeurs normales entre 150 000 et 400 000 /ml). Le diagnostic de thrombopénie induite par l'héparine est confirmé par d'autres examens biologiques (test d'agrégation plaquettaire, recherche d'anticorps spécifiques par méthode ELISA...). La patiente, fragile, décédera d'une embolie pulmonaire provoquée par la formation de multiples thromboses.

Conduite à tenir

La thrombopénie induite par l'héparine survient dans environ 1 % des traitements par héparine non fractionnée. Il semble que ce chiffre soit moindre pour les traitements par HBPM.

Elle est définie par une baisse du taux des plaquettes en dessous de 100 000/ml ou une diminution relative de 30 à 50 % entre deux numérations plaquettaires successives. Le mécanisme principal est immunologique : formation d'IgG se complexant au facteur plaquettaire 4, à l'origine d'une activation et d'une agrégation plaquettaire (libération massive de particules procoagulantes). Des complications thromboemboliques veineuses ou artérielles peuvent survenir et mener à l'amputation d'un membre, à un infarctus du myocarde ou à un accident vasculaire cérébral. Quand elle est symptomatique, la thrombopénie induite par l'héparine est mortelle dans 20 à 30 % des cas.

Dans le cas présent, une déclaration d'effet indésirable grave a été notifiée au centre régional de pharmacovigilance.

A savoir

La thrombopénie induite par l'héparine est un effet indésirable des traitements par héparine rare mais de pronostic sévère. C'est cet effet indésirable qui justifie le protocole de surveillance biologique commun à toutes les héparines : le suivi plaquettaire. A l'officine, vérifier systématiquement que ce suivi est bien prévu au moment de délivrer l'héparine.

Suivi biologique des héparines

Outre le suivi plaquettaire, indispensable pour éliminer une thrombopénie induite par l'héparine, certains examens peuvent être utilisés pour suivre l'efficacité d'un traitement par héparine.

- Pour l'héparine non fractionnable

On peut mesurer l'activité anticoagulante par le TCA (temps de céphaline activé) ou l'activité anti-Xa (héparinémie) qui reflète plus spécifiquement l'activation de l'antithrombine par l'héparine. Ce dosage n'est pratiqué que dans un condiv de traitement curatif.

Le TCA est facile à exécuter, il est automatisable et permet d'adapter sans délai la posologie dans la mesure où les résultats sont transmis rapidement. Il existe deux restrictions à l'utilisation du TCA pour la surveillance biologique de l'héparine : la première concerne, pour une concentration donnée d'héparine, les variations de l'allongement du TCA en fonction du réactif. La seconde concerne la non-spécificité de l'allongement du TCA.

Le TCA doit être maintenu entre 2 et 3 fois le temps du témoin, ce qui correspond généralement à une héparinémie entre 0,3 et 0,6 UI/ml.

La mesure de l'activité anti-Xa est également susceptible de prédire l'efficacité de l'héparinothérapie et peut constituer une solution aux deux problèmes précités.

- Pour les HBPM

En pratique courante de laboratoire, on détermine l'activité anti-Xa, utile pour dépister un surdosage en cas de cachexie (poids #lt; 40 kilos), d'hémorragie ou d'insuffisance rénale modérée (clairance entre 30 et 60 ml/min) dans le cadre d'un traitement curatif de thrombose veineuse profonde. L'activité anti-Xa est ainsi le marqueur servant à vérifier qu'il n'y a pas d'accumulation d'héparine au niveau sanguin.

Le dosage est alors réalisé à la 4e heure suivant l'injection, le 2e jour du traitement.

- Quelle que soit l'héparine

Dans tous les cas il faut pratiquer la numération des plaquettes avant le traitement puis 2 fois par semaine jusqu'au 21e jour de traitement pour déceler une éventuelle thrombopénie induite par l'héparine. Si le traitement est prolongé au-delà, la numération des plaquettes est poursuivie une fois par semaine (risque maximal du 5e au 21e jour).

2 Effets indésirables : Une nécrose cutanée au point d'injection

Madame I. revient ce matin très ennuyée à la pharmacie demander conseil. Elle a peur d'avoir mal fait les injections d'héparine de son mari et raconte toute son histoire. Monsieur I., 68 ans, 59 kg, asthmatique, récupère lentement d'une récente crise d'asthme l'ayant conduit à l'hôpital. De retour à son domicile, son médecin traitant s'est rendu à son chevet et a décidé de le traiter par une HBPM préventivement du fait d'un antécédent de phlébite l'année dernière dans les mêmes conditions. Monsieur I. ne quitte son lit qu'une à deux fois par jour. C'est sa femme qui lui injecte le Lovenox depuis trois jours. L'ordonnance était la suivante :

- Lovenox 0,4 : 1 injection le matin jusqu'à déambulation complète (1 boîte de 6).

- Faire pratiquer une numération plaquettaire 2 fois par semaine à domicile.

- Continuer de porter les bas à varices.

Hier soir, madame I. a repéré une tache rouge foncé sur le ventre en faisant la toilette de son mari. Elle se situe à l'endroit même où elle a pratiqué les trois précédentes injections.

Analyse du cas

Rien d'anormal dans cette prescription à visée préventive, justifiée par des antécédents de thrombose veineuse chez ce patient alité.

- La lésion cutanée

Après 3 jours d'héparinothérapie apparaît au point d'injection une plaque érythémateuse douloureuse, d'extension centrifuge.

- Conséquences cliniques

Cette lésion cutanée, de survenue rare, peut évoluer en quelques heures vers un purpura violacé, un décollement hémorragique et/ou une nécrose centrale. La nécrose cutanée peut constituer dès lors un signal d'alarme précédent l'apparition de complications thrombotiques viscérales parfois mortelles. En l'absence de thrombopénie, le mécanisme impliqué reste obscur : réaction immunitaire, traumatisme local au point d'injection ou vascularisation réduite du tissu adipeux freinant la résorption de l'héparine.

Conduite à tenir

Le médecin est contacté aussitôt. Devant la lésion qui a évolué vers un point de nécrose centrale, il penche en faveur d'une nécrose due à l'injection répétée de l'héparine au même endroit et décide de suspendre l'héparinothérapie immédiatemment. L'avis du dermatologue est demandé.

Prise en charge

En cas d'apparition de signes cutanés au décours d'une héparinothérapie, plusieurs examens doivent être mis en route : numération plaquettaire avec dosage des plaquettes en urgence, recherche d'une éventuelle anomalie de la coagulation sanguine, d'une thrombopénie induite par l'héparine, etc. Le traitement par héparine sera immédiatement suspendu et remplacé si nécessaire par une AVK, voire par des héparinoïdes ou des dérivés de l'hirudine à l'hôpital.

Attention ! Les hématomes au point d'injection peuvent s'accompagner de nodules fermes inflammatoires qui disparaissent en quelques jours et ne doivent pas conduire à l'arrêt du traitement.

Attention !

Insister sur les conseils en cas d'autoadministration d'HBPM et encourager la consultation rapide d'un médecin en cas de manifestation dermatologique, quelle que soit sa nature.

Autoadministration de l'HBPM

En cas d'autoadministration de l'HBPM, penser lors de la première dispensation à indiquer au patient les Bonnes Pratiques d'injection :

- Préparer chaque jour à la même heure le matériel nécessaire à l'injection : compresses stériles, alcool modifié, seringue préremplie d'HBPM, bouteille en plastique vide pour le recueil des seringues.

- Se laver les mains au savon avant de procéder à l'injection.

- Préférer la position assise sur un lit, jambes tendues, ce qui permet d'avoir plus de visibilité pour l'injection en cas d'autoadministration et de ne pas chuter s'il survenait un malaise vagal.

- Désinfecter le lieu d'injection avec l'alcool modifié. Les zones préférentielles sont le tissu cellulaire sous-cutané de la ceinture abdominale, alternativement à droite et à gauche.

- L'injection consiste à introduire l'aiguille perpendiculairement sur toute sa longueur, dans l'épaisseur d'un pli cutané réalisé entre le pouce et l'index. Ce pli cutané doit être maintenu pendant toute la durée de l'injection. Ne pas purger l'air de la seringue : de l'héparine pourrait sourdre et favoriser un hématome à l'injection. De plus, la dose risquerait d'être diminuée.

- Entourer à l'aide d'un stylo l'endroit de l'injection afin de ne pas repiquer au même endroit.

- Ne pas masser la zone après l'injection pour éviter la formation d'un hématome.

3 Effets indésirables : Attention au saignement de nez !

Il y a deux jours, madame R., 42 ans, 78 kg, ayant eu une fracture péronéotibial lors d'un accident de voiture, s'est présentée à l'officine après être sortie de l'hôpital où elle a subi une intervention chirurgicale (pose d'un clou centromédullaire). L'ordonnance était la suivante :

- Fraxiparine 0,6 ml : 1 injection par jour pendant 15 jours.

- Bromazépam : 1/4 cp par jour, si besoin.

- Acheter une paire de cannes anglaises. Décharge du pied : 90 jours.

Lors de la dispensation, un membre de l'équipe officinale commet une erreur en délivrant Fraxodi 0,8 ml au lieu de Fraxiparine 0,6 ml, rangé par mégarde au mauvais endroit. La cliente repart en assurant qu'elle sait faire les injections (elle a appris à l'hôpital).

Deux jours plus tard, le médecin revient au domicile de la patiente qui se plaint de saignements des gencives et du nez importants et difficiles à juguler. Le médecin, voyant la boîte de Fraxodi 0,8 ml sur la table, se rend compte de l'erreur de délivrance et appelle la pharmacie.

Analyse de l'ordonnance

Le rythme d'injection de la Fraxiparine (1 fois par jour) est tout à fait adapté à un schéma posologique de prévention d'une thrombose. La dose de 0,6 ml, correspondant à 5 700 UI anti-Xa, est elle aussi conforme au poids de la patiente dans une indication préventive.

- Conséquences potentielles de l'erreur de délivrance

L'injection de Fraxodi 0,8 ml au lieu de Fraxiparine 0,6 ml entraîne un passage du nombre d'unités injectées de 5 700 à 15 200 UI (ce qui correspond à un traitement curatif pour un patient de 90 kg). Cette erreur a entraîné une hypocoagulabilité sanguine importante.

Conduite à tenir

Le médecin fait conduire sa patiente aux urgences pour réaliser un bilan complet afin d'écarter le risque d'hémorragie occulte. Après le bilan d'hémostase, il est décidé de réaliser une intraveineuse lente de protamine, antidote de l'héparine. Madame R. restera trois jours à l'hôpital pour éviter tout risque de choc, de bradycardie ou d'hypotension dues à la protamine et afin de s'assurer que les paramètres sanguins sont revenus à la normale.

A l'officine, les membres de l'équipe réfléchissent aux procédures à mettre en oeuvre pour éviter que cette erreur ne se reproduise.

Attention !

Saignements de nez et de gencives peuvent être les premiers signes cliniques d'un surdosage en héparine. Prévenir le patient.

1 Interactions médicamenteuses : Héparine et automédication

Madame K., 56 ans, 65 kg, se présente à l'officine avec une ordonnance de son chirurgien esthétique après une intervention « pour perdre du ventre » :

- Innohep 3 500 UI : 1 injection par jour par IDE à domicile pendant 10 jours.

- Gaine médicale Z postopératoire, réf. S010.

- Suivi plaquettaire bihebdomadaire.

A la pharmacie, madame K. se plaint de ses maux de tête et demande du Céphyl, qu'elle prend de temps en temps car, dit-elle, cela la soulage rapidement et « au moins c'est naturel ! ».

Analyse de l'ordonnance

- Prévention des thromboses

L'ordonnance ne pose pas de problème. L'HBPM est prescrite à dose préventive, accompagnée d'une surveillance plaquettaire.

- Interaction HBPM/Céphyl

Le pharmacien est cependant beaucoup moins enthousiaste à délivrer le Céphyl...

Il explique à sa patiente que même si Céphyl comporte cinq souches homéopathiques, il contient également de la caféine et surtout 330 mg d'aspirine par comprimé.

- Conséquences cliniques potentielles

L'aspirine, AINS, a aussi un effet antiagrégant plaquettaire et peut avoir une action synergique avec l'HBPM prescrite et entraîner des manifestations hémorragiques, d'autant plus que la posologie maximale est de 9 comprimés/jour soit presque 3 g d'aspirine !

Conduite à tenir

Madame K. comprend bien l'explication du pharmacien et se voit délivrer en plus de son traitement une boîte de paracétamol. Elle pensait que Céphyl, commercialisé par un laboratoire d'homéopathie ne comportait que des souches homéopathiques.

Son pharmacien en profite pour lui rappeler que le risque existe aussi avec tous les AINS comme l'ibuprofène.

Attention !

Tout demande d'automédication, en particulier d'aspirine ou d'ibuprofène, doit entraîner deux questions systématiques de la part du pharmacien : « Ce médicament vous est-il destiné ? » et « Que prenez-vous d'autre comme traitement ? »

2 Interactions médicamenteuses : Lovenox et Apranax

Madame L., 69 ans, 65 kg, revient d'un séjour à l'hôpital pour la mise en place d'une prothèse totale de hanche. Une phlébite survenue peu après l'opération a été traitée sur place. De retour chez elle, elle se présente à l'officine avec l'ordonnance de son chirurgien orthopédique :

- Lovenox 0,65 ml : 1 injection matin et soir jusqu'à obtention de l'INR cible.

- Préviscan : 1 le soir.

- Apranax 550 mg : 1 cp par jour pendant 3 semaines (aux repas).

- Oméprazole 20 mg : 1 cp par jour pendant 3 semaines.

- Di-Antalvic : 2 cp 3 fois par jour au maximum, en cas de douleur.

- Poursuivre la contention veineuse. Contrôle des plaquettes 2 fois/semaine.

Peut-on délivrer l'AINS malgré le traitement anticoagulant par HBPM ?

Analyse de l'ordonnance

- HBPM/AVK

Les explications de madame L. sont un peu confuses, mais, de toute évidence, il s'agit d'un traitement curatif d'une thrombose veineuse postopératoire. Le dosage et le rythme d'administration de l'HBPM correspondent bien à une dose curative chez une patiente de 65 kg.

Le pharmacien s'assure que la patiente a bien compris l'intérêt du relais HBPM/AVK et insiste sur la nécessité d'une bonne observance du traitement. Il insiste sur le port de la contention veineuse et sur la planification des prises de sang (plaquettes/INR).

- Coprescription de naproxène

La présence sur l'ordonnance d'un AINS, le naproxène, comporte par ailleurs un risque (risque hémorragique au niveau digestif).

- Conséquences cliniques potentielles

Malgré la présence d'un inhibiteur de la pompe à protons (l'oméprazole), l'action simultanée d'un AINS à effet antiagrégant plaquettaire et agressif pour la muqueuse gastroduodénale et d'une HBPM à activité anticoagulante risque de provoquer des hémorragies par un effet hypocoagulant synergique. Cette association est déconseillée mais elle reste tout de même possible, notamment en chirurgie orthopédique lors d'interventions lourdes pour limiter le risque de thrombose et calmer l'inflammation et la douleur.

Conduite à tenir

Il n'est pas utile d'appeler le médecin, mais il faut inciter madame L. à signaler toute douleur à l'estomac et tout signe de saignement qui surviendrait pendant le traitement.

La contention élastique des membres inférieurs

La prescription d'une contention élastique accompagne fréquemment celle d'HBPM.

Pourquoi ?

- Pour diminuer la fréquence d'apparition des thromboses veineuses profondes.

- Pour prévenir les complications du syndrome postphlébitique.

Quand ?

- En prévention primaire d'un accident thromboembolique veineux (chirurgie, voyage en avion, grossesse, etc.).

- En prévention secondaire d'un accident thromboembolique (prévention d'une récidive de phlébite ou d'embolie pulmonaire).

- Dans la prise en charge d'une thrombose veineuse profonde constituée.

Comment ?

- Bandes de contention ou bas-jarret (chaussette), bas-cuisse, collant.

- Force de contention légère, moyenne, forte (classe II voire III ou IV).

A savoir

Le coprescription d'AINS et d'anticoagulants est possible, en particulier après une chirurgie orthopédique. Le patient doit être sensibilisé au risque d'hémorragie notamment digestive.

1 Contre-indications : HBPM et insuffisance rénale

Monsieur F., 79 ans, 55 kg, porteur de valves mécaniques cardiaques, est traité dans le cadre d'une hospitalisation à domicile pour un cancer du pancréas. Autrefois client habituel de l'officine, sa famille continue à venir régulièrement à la pharmacie pour acheter les médicaments et faire part de l'évolution de la maladie à l'équipe officinale.

Aujourd'hui, la femme de M. F. vient à la pharmacie pour demander si Fraxodi est disponible. Le médecin traitant a rédigé une nouvelle ordonnance suite à l'appel du laboratoire d'analyses. La dernière prise de sang de son mari montrait une baisse trop importante de l'INR. L'ordonnance est la suivante :

- Fraxodi 0,6 : 1 injection par jour pendant 6 jours en attente du retour de l'INR dans la zone cible (contrôle plaquettaire lundi et jeudi).

- Coumadine 2 mg : passer de 2 cp à 2 cp et demi tous les soirs (contrôle de l'INR tous les jours).

Le pharmacien, s'apprêtant à délivrer Fraxodi, remarque parmi les ordonnances destinées au laboratoire et à l'infirmière les résultats des analyses de sang de monsieur F. Outre une valeur de l'INR à 1,4 (signe de sous-dosage de Coumadine), son attention est attirée par la valeur de la clairance à la créatinine anormalement basse : 24 ml/min. Cette valeur (inférieure à 30 ml/min) équivaut à une insuffisance rénale sévère.

Peut-on néanmoins délivrer l'HBPM ?

Analyse de l'ordonnance

- HBPM et insuffisance rénale sévère

La baisse d'efficacité de Coumadine conduit le médecin à envisager une héparinothérapie à dose élevée afin d'éviter la survenue d'un accident thromboembolique, le temps que l'INR retrouve sa valeur cible (entre 3 et 4,5 pour M. F. ).

Cependant, l'utilisation des HBPM à visée curative chez un sujet à fonction rénale altérée (clairance à la créatinine #lt; 30 ml/min) est une contre-indication formelle. En effet, le rein étant la principale voie d'élimination des HBPM, l'altération de la fonction rénale peut être à l'origine de surdosages et donc de complications hémorragiques.

- Conséquences cliniques potentielles

L'insuffisance rénale sévère est une situation qui expose à un risque de surdosage et donc d'hémorragie. Lors des traitements à forte dose (indications curatives), il est recommandé d'évaluer systématiquement la fonction rénale chez la personne âgée par le calcul approché de la clairance de la créatinine (formule de Cockcroft), et de prescrire une durée de traitement ne dépassant pas 10 jours (le relais par une AVK devant être entrepris le plus tôt possible).

Conduite à tenir

La meilleure attitude à adopter est d'appeler le médecin afin qu'il réévalue sa prescription.

Après avis auprès d'un confrère hospitalier, le généraliste change sa prescription. Fraxodi est remplacé par Calciparine, une héparine non fractionnée à élimination non exclusivement rénale.

Des examens biologiques de surveillance du traitement sont prévus : temps de céphaline activé et activité anti-Xa pour mesurer l'action de l'héparine non fractionnée, créatininémie pour la fonction rénale, sans oublier l'INR pour la Coumadine.

La clairance de la créatinine

La créatinine est une substance azotée qui provient de la dégradation de la créatine, un des constituants du tissu musculaire.

Normalement, la créatinine doit être éliminée par les reins dans les urines. Lorsque son taux augmente anormalement dans le sang, cela signifie que la fonction rénale présente une insuffisance.

La clairance de la créatinine traduit la capacité que possède le rein à filtrer une certaine quantité de sang, et à la débarrasser de la créatinine qui s'y trouve. Elle varie en fonction de plusieurs facteurs dont l'âge, la quantité d'eau bue, l'état de santé, mais elle dépend surtout de la capacité d'épuration des néphrons.

Elle est évaluée par la formule de Cockcroft :

Clairance (ml/min) = Poids x (140 - âge) x 1,04 ( ) ou 1,25 ( )

Créatininémie (en µmol/l) où le poids est exprimé en kilos et l'âge en années.

En cas d'insuffisance rénale modérée (30 #lt; clairance #lt; 60 ml/min) lors d'un traitement par HBPM, il y a un risque d'accumulation des HBPM. On dépistera alors un surdosage par la mesure de l'activité anti-Xa.

L'insuffisance rénale sévère (clairance #lt; 30 ml/min) constitue une contre-indication aux HBPM utilisés à doses curatives.

Attention !

Les HBPM étant principalement éliminées par le rein, toute altération sévère de la fonction rénale provoque un risque d'accumulation et donc augmente le risque hémorragique. En cas d'insuffisance rénale sévère, les HBPM sont contre-indiquées à posologie élevée, en traitement curatif. Une héparine non fractionnée peut être prescrite.

2 Contre-indication : Une jeune femme sous traitement hormonal

Mademoiselle A., 19 ans, 51 kg, se présente à l'officine avec une ordonnance de l'hôpital. Quelques nuits auparavant, elle a appelé le 15 car elle ressentait une forte douleur dans le mollet gauche avec une anxiété et une agitation importante. Elle a alors été conduite à l'hôpital où l'interne de garde a diagnostiqué une thrombose veineuse profonde par un examen clinique approfondi, un dosage des D-dimères positif et un Doppler veineux caractéristique. Tout risque d'embolie pulmonaire a été écarté et elle est sortie de l'hôpital avec l'ordonnance suivante :

- Fragmine 5 000 UI : 2 injections par jour jusqu'à INR entre 2 et 3.

- Coumadine 2 mg : 1/2 cp et 1 cp en alternance un jour sur deux.

- Porter des bas de contention de classe II.

Traitement pour 3 mois.

Mademoiselle A. en profite pour demander un dépannage de pilule contraceptive Jasmine car elle n'a pas eu le temps de prendre rendez-vous chez sa gynécologue et doit recommencer sa pilule le soir même.

Analyse de l'ordonnance

- Relais héparine/AVK

L'ordonnance vise à instaurer un relais héparine-AVK. La dose de Fragmine (5 000 UI) est en adéquation avec le poids de la patiente et le rythme de 2 injections par jour (toutes les 12 heures) correspond bien à une dose curative. Le pharmacien insiste sur l'importance du port des bas de contention et se fait confirmer qu'un dosage de plaquettes bihebdomadaire est réalisé. Des numéros de téléphone d'infirmières sont remis à la patiente.

- Dépannage de pilule

Jasmine, comme toute contraception oestroprogestative, est contre-indiquée en cas de thrombose veineuse profonde et antécédent de TVP et ne doit pas être reprise par la patiente, même après résolution. Le traitement hormonal peut être thrombogène et a pu provoquer la thrombose veineuse.

Conduite à tenir

Devant le refus du pharmacien de la dépanner en pilule, mademoiselle A. affirme que l'interne de garde ne l'a pas prévenue et dit qu'elle doit absolument reprendre sa contraception ce soir. Le pharmacien contacte alors la gynécologue. Celle-ci demande à la patiente d'interrompre immédiatement sa pilule et de venir en consultation. En attendant, le pharmacien propose à mademoiselle A. une contraception locale (préservatifs). Une opinion pharmaceutique est rédigée et adressée au service des urgences de l'hôpital et à la gynécologue. Dans la fiche du patient, l'équipe inscrit "TVP" pour permettre la gestion d'éventuelles contre-indications futures.

A savoir

En cas de prescription d'héparine au cours d'une thrombose veineuse profonde, vérifier que la femme n'est pas sous traitement contraceptif oestroprogestatif ou THS et contacter le médecin le cas échéant.

3 Contre-indication : Lésion susceptible de saigner

Monsieur O., 56 ans, 80 kg, fumeur (1 paquet 1/2 par jour), commercial très actif, se présente à l'officine en marchant avec des béquilles, muni d'une ordonnance établie suite à une fracture du tibia en skiant il y a quelques jours :

- Lovenox 0,4 ml : 1 injection par jour par une IDE pendant 15 jours.

Il demande également au pharmacien 2 boîtes de Stomédine et une grande boîte de Rennie sans sucre.

Analyse du cas

- L'ordonnance

L'ordonnance comportant l'héparine de bas poids moléculaire ne pose pas de problème particulier : la dose est bien préventive (0,4 ml), le rythme d'administration est correct, une surveillance plaquettaire va bien avoir lieu, et c'est une infirmière qui va réaliser l'injection.

- Stomédine et Rennie

Cette double demande du patient alerte le pharmacien.

- Conséquences cliniques potentielles

Monsieur O. explique que, très stressé, il a des brûlures importantes à l'estomac, que seuls les aliments ou ces médicaments peuvent calmer temporairement. Il n'a pas eu le temps d'en parler à son médecin. Le pharmacien informe son client qu'il a peut-être un ulcère à l'estomac provoqué ou aggravé par le stress et le tabac et que la consommation de ces médicaments n'est pas une solution à long terme. De plus, l'utilisation d'une HBPM chez un patient ayant une lésion susceptible de saigner pose problème car le Lovenox pourrait aggraver les risques, avec des conséquences cliniques hémorragiques importantes.

Conduite à tenir

Avec l'accord du patient, le pharmacien téléphone au médecin traitant qui propose à son patient de venir en consultation sans délai pour une exploration d'un éventuel ulcère gastrique.

Dans l'attente des résultats, le traitement préventif par HBPM est conservé. -

Fondaparinux : un nouvel antithrombotique

Indiqué en prévention des embolies pulmonaires et des thromboses veineuses lors des interventions chirurgicales pour fracture du col du fémur, ou pose de prothèse de hanche ou de genou, le fondaparinux (Arixtra) est un anticoagulant proche de l'héparine (même séquence pentasaccharidique que l'héparine) qui s'injecte par voie sous-cutanée.

Le risque hémorragique semble moins important sous fondaparinux que sous énoxaparine.

La même surveillance renforcée est justifiée chez les patients âgés, les insuffisants rénaux (contre-indication en cas d'insuffisance rénale sévère) et les patients de faible poids.

Le mélagatran (Mélagatran) et le ximélagatran (Exanta), autres antithrombotiques récemment mis sur le marché, ont été retirés suite à un cas d'hépatotoxicité grave lors d'un essai clinique.

A savoir

Le principal risque des HBPM est l'hémorragie. Sous héparinothérapie, toute lésion préexistante est susceptible de saigner, entraînant un risque d'hémorragie.

1 Profil particulier : HBPM et grossesse

Madame W., 28 ans, enceinte de 6 mois, se présente à l'officine après une consultation spécialisée à l'hôpital. Suite à des examens biologiques, elle a appris en début de grossesse qu'elle était atteinte de thrombophilie et donc qu'elle présente un risque accru de développer des thromboses veineuses. Voici le traitement proposé par le gynécologue :

- Fragmine 5 000 UI : 1 injection par jour pendant 1 mois. A renouveler.

- Collants Sigvaris maternité contention II : 2 paires.

Analyse de l'ordonnance

Le pharmacien s'interroge sur une contre-indication éventuelle des héparines pendant la grossesse.

- Conséquences cliniques potentielles

Jusqu'à très récemment, aucune HBPM n'avait d'AMM au cours de la grossesse. Cependant l'absence de passage transplacentaire ou d'effet tératogène chez l'animal suggérait un emploi possible chez la femme enceinte, avec une bonne tolérance tant pour la mère que pour le foetus. D'après la conférence de consensus "Thrombophilie et grossesse" d'Avril 2003, les antivitamines K sont peu recommandées en fin de grossesse (risque d'hémorragie intracranienne post-traumatique). Il est conseillé en cas de risque élevé de maladie thrombo-embolique veineuse maternelle, d'instaurer un traitement préventif à fortes doses par HBPM (enoxaparine ou daltéparine) au 3ème trimestre de la grossesse, prolongé 6 à 8 semaines en post-partum.

Conduite à tenir

Un traitement antithrombotique préventif est indispensable chez cette patiente. Il est possible de délivrer le traitement de Fragmine en vérifiant que le suivi plaquettaire a bien été mis en place.

A savoir

En l'absence de complications foetomaternelles tératogènes imputables aux HBPM et compte tenu du rapport bénéfice/risque, il est justifié de prescrire une HBPM au 2e et 3e trimestre de la grossesse si l'indication le nécessite.

PHARMACOLOGIE : LES HÉPARINES

L'action anticoagulante des héparines

Cascade de coagulation et site d'action des héparines Cascade de coagulation : La coagulation, c'est-à-dire la formation d'un caillot sanguin, correspond à la transformation du fibrinogène soluble contenu dans le plasma en fibrine insoluble, emprisonnant dans ses filaments les cellules circulantes 5.. Cette transformation résulte d'une cascade de réactions enzymatiques. Chacune nécessite la présence d'un « facteur de coagulation », numéroté de I à XIII. Ces facteurs de coagulation peuvent être sous forme de précurseur inactif ou sous forme activée, indiquée par la lettre a. L'activation d'un facteur catalyse la réaction d'activation du facteur suivant, aussi bien dans la voie intrinsèque 1. qu'au niveau du facteur tissulaire 2.. Mécanisme d'action des héparines : L'héparine inhibe le facteur Xa 3. et le facteur IIa, appelé thrombine 4.. Injectée dans la circulation sanguine, elle se lie à l'antithrombine III, une protéine naturellement présente dans le plasma. Ce complexe antithrombine-héparine se fixe sur les facteurs IIa et Xa et les inactivent. Les HBPM, héparines à chaînes courtes, inhibent essentiellement le facteur Xa et peu le facteur IIa.

Indications des héparines

Elles sont utilisées en traitement curatif des thromboses veineuses profondes (TVP ou « phlébites ») et en traitement préventif de la maladie thromboembolique veineuse lors de chirurgie ou d'immobilisation prolongée. Une thrombose veineuse profonde correspond à la présence d'un caillot dans une veine collectrice profonde d'un membre, pouvant migrer au niveau de l'artère pulmonaire et provoquer une embolie pulmonaire.

- Traitement curatif

Le traitement par héparine doit être relayé rapidement par un anticoagulant oral (antivitamine K) et ne doit en principe pas excéder 10 jours.

- Traitement préventif

Dans cette indication, les héparines sont utilisées à des posologies moindres, qui varient selon le risque thrombogène de la chirurgie considérée. Les chirurgies de la hanche et du genou sont considérées comme à risque élevé. La durée du traitement varie de une à plusieurs semaines selon l'indication. Le traitement doit être accompagné d'une contention élastique de classe II.

Structure chimique des héparines

L'héparine non fractionnée (HNF) a été supplantée par l'arrivée des héparines de bas poids moléculaire (HBPM) plus maniables, mais elle garde une indication en cas de contre-indication aux HBPM.

- Héparine non fractionnée

L'héparine non fractionnée (Calciparine) est un polysaccharide sulfaté naturel extrait industriellement de l'intestin de porc. L'héparine se lie essentiellement à l'antithrombine III et catalyse l'inactivation de plusieurs enzymes générées au cours de la coagulation, la thrombine et le facteur Xa en particulier. Il en résulte un allongement du temps de coagulation du plasma mesuré par le temps de céphaline activé.

- HBPM

Les chaînes polysaccharidiques de l'héparine naturelle peuvent être fractionnées par divers procédés. Les héparines de bas poids moléculaire qui en résultent possèdent des propriétés originales qui les distinguent de l'héparine non fractionnée : demi-vie plus longue, effet anticoagulant plus faible, plus grande facilité d'administration par voie sous-cutanée et meilleure tolérance.

Les différentes HBPM sont préparées selon des procédés différents qui génèrent des produits dont les propriétés ne sont pas identiques. La distribution des poids moléculaires des chaînes polysaccharidiques varie d'une HBPM à l'autre. Le poids moléculaire moyen des HBPM est d'environ 5 000 daltons (Da), avec une distribution qui va de 2 000 Da à 10 000 Da. Les chaînes d'héparine dont le poids moléculaire est supérieur à 5 400 Da inhibent aussi bien le facteur IIa (thrombine) que le facteur Xa, tandis que celles dont le poids moléculaire est inférieur à 5 400 Da inhibent exclusivement le facteur Xa. Or la proportion de chaînes dont le poids moléculaire est supérieur à 5 400 Da varie selon le type d'HBPM : elle est par exemple plus élevée pour Innohep que pour Lovenox.

Pharmacocinétique

- Héparine standard

-#gt; Demi-vie : la demi-vie de l'héparine standard est d'environ 1 heure, ce qui lui confère une durée d'action relativement courte et nécessite 2 à 3 injections par jour.

-#gt; Métabolisme : l'héparine non fractionnée a une voie de métabolisation particulière. Après injection et passage dans la circulation, une partie des molécules d'héparine administrée est neutralisée par de nombreux facteurs et éliminée par captation cellulaire (métabolisation endothéliale). Le rein n'intervient pas dans son élimination, ce qui explique l'utilisation possible de l'héparine standard chez les insuffisants rénaux.

- HBPM

-#gt; Demi-vie : elle atteint 5 à 6 heures, ce qui permet d'espacer les injections (1 à 2 par jour).

-#gt; Métabolisme : toutes les HBPM sont éliminées par voie rénale et exposent donc à un risque d'accumulation et d'hémorragie en cas de diminution de la fonction d'élimination du rein. Les sujets insuffisants rénaux ou âgés doivent faire l'objet d'un suivi de la fonction rénale par le calcul de la clairance à la créatinine.

Les propriétés pharmacocinétiques différentes des HBPM expliquent également pourquoi une même dose exprimée en unité anti-Xa/kg de deux HBPM distinctes peut générer des héparinémies significativement différentes chez un même sujet.

Effets indésirables

- Hémorragie

Le risque hémorragique existe quelle que soit l'héparine mais est plus élevé avec l'héparine standard. En pratique, le contrôle de l'activité anticoagulante par dosage de l'activité anti-Xa n'est pas souvent nécessaire avec les HBPM, sauf lorsqu'une insuffisance rénale modérée expose à un risque de surdosage.

- Thrombopénie induite par l'héparine (TIH)

Une thrombopénie induite par l'héparine, effet indésirable rare mais gravissime, peut survenir sous héparine standard quels que soient la posologie et le mode d'administration mais aussi lors d'un traitement par HBPM.

Toute prescription d'héparine standard ou d'HBPM doit être accompagnée d'une numération plaquettaire réalisée avant l'instauration du traitement, puis au minimum deux fois par semaine jusqu'au 21e jour si le traitement est prolongé, et enfin une fois par semaine si poursuite du traitement. Les thrombopénies survenant après ce délai sont exceptionnelles.

Contre-indications

En dehors d'une thrombopénie grave de type II, induite par l'héparine ou d'un antécédent de thrombopénie induite par l'héparine, l'une des principales contre-indications de l'héparinothérapie concerne les HBPM : du fait de leur élimination rénale, elles sont contre-indiquées à doses élevées (curatives) en cas d'insuffisance rénale sévère car leur accumulation peut vite entraîner un surdosage.

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