Enquête APR : Portrait de la pharmacie rurale - Le Moniteur des Pharmacies n° 2609 du 07/01/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2609 du 07/01/2006
 

PROFESSION

Entreprise

Recrutements en baisse, investissements en hausse, désertification médicale, HAD/MAD prometteur, méfiance vis-à-vis des regroupements... Tels sont les principaux enseignements de l'enquête 2005 de l'Association de pharmacie rurale.

La désertification rurale, qui suscite tant d'inquiétudes, se retrouve peu dans les chiffres de l'enquête 2005 de l'APR*. Dans 76 % des cas, les pharmaciens ruraux interrogés ont observé une poussée du nombre d'habitants alors qu'un recul démographique n'est effectif que dans 15 % des cas. « Les augmentations de populations se rencontrent dans les bourgs importants de 2 500 à 15 000 habitants de zone suburbaine, précise Christian Ciccione, membre du bureau de l'APR et responsable de l'enquête. Mais le plus dur est certainement à venir, compte tenu de la faiblesse de la démographie médicale (2,8 médecins par officine) qui s'aggravera exponentiellement dans les années à venir. »

En effet, la diminution du nombre des médecins exerçant à proximité de l'officine recueille 39 % des suffrages et risque de s'accroître à moyen terme selon 61 % des pharmaciens interrogés. « L'inquiétude grandit à juste titre, signale Christian Ciccione. Une fois par an, un pharmacien rural en pleurs me contacte parce que le seul médecin du village s'en va et qu'il va devoir fermer son officine créée plusieurs années auparavant par dérogation sous la pression du maire de la commune, malgré l'avis contraire de la profession. »

Malgré ce regain de population, la pharmacie rurale reste bien en dessous des quotas prévus par la loi de répartition : en moyenne, à peine plus de deux officines se partagent une zone géographique de 4 019 habitants, soit seulement 1 990 habitants par officine.

Ce handicap paraît avoir peu d'impact sur la taille des officines dont le CA TTC moyen ressort à 1,41 MEuro(s), ce qui est supérieur à la moyenne nationale. Leurs « mensurations » sont également importantes : 145,3 m2 de surface totale dont 58,7 m2 pour l'espace de vente qui accueille en moyenne 145 clients par jour. Des pharmacies très accessibles puisque, neuf fois sur dix, elles disposent d'un parking.

La surreprésentation en campagne des personnes âgées explique ce décalage entre la taille relativement importante et le faible nombre d'habitants par pharmacie. « L'éloignement des hôpitaux fait que le MAD/HAD est plus développé qu'en ville et passe par l'officine, cette activité contribue au développement du CA, de même que la dispensation du médicament vétérinaire et des produits sortis de la réserve hospitalière », précise Christian Ciccione, ajoutant que l'implication plus forte du pharmacien dans son environnement est liée à une meilleure maîtrise qu'en ville de la clientèle.

Reprise des investissements.

Côté équipements, les pharmaciens ruraux cèdent à la modernité. Plus de 73 % d'entre eux sont en gestion de stock informatisée et 68,7 % utilisent Internet au quotidien (51 % pour passer des commandes, 88,5 % pour obtenir des informations, 69,2 % pour communiquer par e-mail). Les automates et robots font en revanche une timide percée (3,15 %).

Pour ce qui est des investissements, l'attitude des ruraux a été moins tempérée en 2005 : près d'un quart déclare avoir réalisé des travaux l'an passé contre 16 % en 2004, pour un montant moyen de 160 500 Euro(s). Ce sont, en priorité, les investissements indispensables qui ont été effectués, à savoir des rénovations et des achats de matériels (tous deux dans 76 % des cas), loin devant les agrandissements (51 %) et les transferts (35 %). Ce dernier pourcentage est en augmentation par rapport à 2004, ce qui ravit Christian Ciccione : « Même lorsqu'on est le seul pharmacien du village, un transfert peut être stratégiquement important car il permettra d'avoir une plus grande surface pour exposer du matériel médical, drainer les populations des alentours et augmenter le chiffre d'affaires. »

Sous-effectif chronique.

Les collaborateurs sont peut-être difficiles à trouver en milieu rural mais ils sont de qualité. Leur travail donne satisfaction à leurs titulaires neuf fois sur dix. On ne peut pas en dire autant des apprentis qui laissent à désirer pour 55 % d'entre eux.

Les officines étant maintenant réorganisées sous la contrainte des 35 heures, la création d'emplois se tasse. 20 % des pharmaciens déclarent rechercher un adjoint, 10 % un préparateur et seulement 13 % des employés font des heures supplémentaires. Au dire de Christian Ciccione, la pénurie de main-d'oeuvre ne semble pas s'aggraver : « Une pharmacie sur cinq est en sous-effectif de personnel diplômé depuis trois ans de suite. » Face aux difficultés de recrutement, les pharmaciens ruraux mettent en oeuvre des politiques d'intéressement pour garder le personnel en place, tout en réalisant une opération de défiscalisation intéressante qui reste, néanmoins, la motivation essentielle. 17 % d'entre eux ont ouvert un PEE et 22 % de leurs salariés ont un intéressement.

Terre de prédilection du HAD/MAD.

En 2004, le CA des pharmacies rurales a progressé de 5,71 %. Interrogés sur les principaux moteurs de cette croissance, les pharmaciens ont le sentiment que les progressions les plus en vue concernent, dans un ordre décroissant : le médicament remboursable (88 %), l'orthopédie (68 %), le MAD/HAD (64%) et le médicament conseil (55 %). En revanche, une minorité pense que des secteurs comme l'homéopathie (44 %), la para (33 %) et le vétérinaire (24 %) progressent. Concernant plus particulièrement le médicament vétérinaire, les pharmaciens ruraux se sont spécialisés neuf fois sur dix dans l'animal de... compagnie. La présence des vétérinaires dans la zone de chalandise (64 %) et la concurrence des groupements d'éleveurs (47 %) expliquent qu'ils aient moins d'ardeur à développer un rayon spécialisé pour animaux de rente (26 %). Mais le médicament vétérinaire reste majoritairement un segment porteur de croissance (13 % ont suivi une formation spécifique).

Les ruraux sont plus nombreux (91 %) à croire à l'essor du HAD/MAD, projetant même de suivre une formation particulière (77 %). A ce jour, ce secteur en devenir représente en moyenne 3,85 % de leur CA, réalisé systématiquement avec l'aide de sous-traitants pour 56 % des répondants. « Le pharmacien gère le dossier de son client mais il lui est matériellement difficile d'aller livrer un lit médical à domicile », indique Christian Ciccione.

Autre particularité, l'implication dans la fourniture des maisons de retraite, qui n'est pas négligeable (53 % des officines) et qui se traduit dans 64 % des cas par une facturation par carte Vitale et donc une délivrance au patient et un paiement par la Sécurité sociale, ce qui signifie que les pharmaciens ne sont pas liés par des conventions qui viseraient à brader les prix et les marges sur les fournitures délivrées. 89 % des ruraux s'acquittent honorablement de leur service de garde et 93 % les assurent personnellement, en dépit des contraintes posées par certains secteurs particulièrement pauvres en officine, mais aussi de l'éloignement et de la rareté des maisons médicales de garde dont le service d'ouverture est rarement coordonné avec celui des pharmacies.

Les ruraux n'ont pas baissé le pied sur le générique et déclarent substituer à hdiv de 64,5 % en moyenne, dans une fourchette large variant de 30 % à 95 % selon les groupes génériques du Répertoire.

Les médicaments sortis de la réserve hospitalière sont dispensés par 63 % des pharmaciens au moins trois fois par mois et par 26 % deux fois par mois. Ils ne semblent pas éprouver de difficulté particulière.

Scepticisme sur les regroupements.

La foi dans l'avenir n'est pas inébranlable. L'analyse des questionnaires et des commentaires traduit un certain pessimiste ambiant (53,3 %) qui prend le pas sur un optimisme raisonné (46,7 %). Un grand nombre s'inquiètent du tassement annoncé de la croissance en 2006 et de la dégradation prévisible des résultats. Face à cette situation et aux problèmes possibles de revente de l'officine dans quelques années, le regroupement n'est-il pas une voie d'avenir ? Le scepticisme transparaît là encore dans les réponses des pharmaciens qui, à 85 %, pensent que ce projet est séduisant mais difficile à réaliser. L'éloignement géographique des officines rurales, l'individualisme de la profession et les problèmes d'entente posés par l'association sont les principaux freins.

* L'enquête de l'APR repose sur l'analyse de 317 questionnaires retournés par les pharmaciens ruraux.

A retenir

- Trois ruraux sur quatre exploitent en nom propre.

- L'entreprise individuelle est favorisée (76% contre 24% pour l'exercice en société).

- La SEL a été choisie par 28 % des pharmaciens, sans pour autant détrôner la SNC (58 %).

- Les autres modes d'exploitation retiennent peu leur attention (6 % pour les SARL et les EURL).

- 49,3 C'est l'âge moyen du pharmacien rural. Il s'agit davantage d'un homme (58,5 %) que d'une femme (41,5 %).

- 42 % travaillent avec leur conjoint.

- 78,5 % exercent dans la pharmacie de leur première installation. 21,5 % ont changé d'officine au cours de leur carrière.

- 13 % des officines sont issues d'une création, 73,4 % d'un achat classique et 13,6 % de la reprise de la pharmacie familiale. Une tradition qui se perpétue. 19 % ont des enfants pharmaciens et 67 % envisagent de leur céder l'officine.

- 45,7 % exercent une activité extraprofes-sionnelle et 38,5 % des responsabilités profes-sionnelles.

- 49 C'est le nombre heures moyen travaillées par semaine. Cependant, le pharmacien rural restreint ses vacances (3,7 semaines par an) en raison des difficultés de remplacement.

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