Loi en faveur des PME : 10 questions pour comprendre les apports en industrie - Le Moniteur des Pharmacies n° 2603 du 12/11/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2603 du 12/11/2005
 

FINANCES

Entreprise

Favoriser l'accession progressive à la propriété pour les adjoints disposant d'un capital limité. Tel est l'objectif - ambitieux - des apports en industrie, dispositif récemment introduit par la loi en faveur des PME. Précisions sur un système complexe.

1 Qu'est-ce qu'un apport en industrie ?

L'apport en industrie est celui par lequel un associé ou futur associé met à la disposition de la société son activité, son travail et ses connaissances professionnelles. Contrairement aux apports en numéraire et aux apports en nature, il ne constitue pas en l'apport d'un bien. « Par un apport en industrie, l'adjoint apportera à une pharmacie ses connaissances techniques, son travail, ses services et surtout son savoir-faire », précise Michel Watrelos, expert-comptable (cabinet Conseils et Auditeurs Associés), professeur associé à la faculté de pharmacie de Lille.

L'apporteur en industrie s'engage donc envers la société à réaliser le travail promis pour une durée donnée et dans les conditions fixées au moment de l'apport.

2 Concourt-il à la formation du capital social ?

Comme il ne correspond à aucun bien matériel susceptible d'être saisi par les éventuels créanciers de la société, l'apport en industrie ne participe pas à la formation du capital social et ne constitue donc pas un titre de propriété sur la société. « De ce fait, les parts en industrie ne sont pas valorisables », précise Jean-Jacques Daigre, avocat à la cour de Paris, professeur à l'université de Paris-I, div d'un rapport en 2003 énonçant un certain nombre de propositions relatives à l'association des pharmaciens et à la transmission de l'officine.

« L'intérêt de créer des parts en industrie est de permettre à celui qui commence à acheter une petite part de capital de valoriser également son apport de travail et de percevoir la rémunération correspondante, ce qui lui permettra à la fois d'en vivre et de financer partiellement l'acquisition progressive de parts de capital », explique-t-il.

« De ce fait, il ouvre droit au partage des bénéfices et de l'actif net, traduit en clair Michel Watrelos. Cependant, à charge pour l'associé de contribuer aux pertes s'il venait à en exister. L'apport en industrie permet également à l'apporteur de participer aux décisions collectives et de voter dans les assemblées. » Le nombre de voix qui lui est accordé est en principe proportionnel au nombre de parts qu'il détient. Mais il est tout à fait possible de lui accorder des titres assortis d'un droit de vote double, en particulier si le rôle qu'il joue dans la société est primordial.

3 Qui peut prétendre aux apports en industrie ?

Un pharmacien adjoint, s'il acquiert la qualité d'associé avec le minimum de 5 % du capital social et des droits de vote qui y sont attachés, pourra se voir attribuer en outre des parts en industrie. L'adjoint salarié change ainsi de statut puisqu'il devient cotitulaire à part entière, associé en capital (à hdiv de 5 % au minimum) et « en industrie ». « L'associé en industrie est un véritable associé, même s'il ne l'est pas en capital », insiste Jean-Jacques Daigre.

4 Quels types de sociétés le permettent ?

Les apports en industrie sont autorisés dans les SNC, les SARL et les SELARL, ainsi que dans les sociétés de participations. Les conditions dans lesquelles les parts sociales en industrie peuvent être souscrites sont déterminées par les statuts.

Ils ne sont pas autorisés dans les sociétés anonymes, les sociétés par actions simplifiées et les sociétés en commandite simple. Dans la société en commandite par actions, ils sont admis de la part des associés commandités. Par contre, ils sont expressément interdits aux actionnaires commanditaires. « Au total, 38 % des pharmacies exploitées en société sont potentiellement concernées par les apports en industrie, soit 8 587 sociétés de pharmaciens », comptabilise Michel Watrelos.

5 Quels sont les droits de l'apporteur ?

Comme tout associé, l'apporteur en industrie a droit à une quote-part des bénéfices. Cette part est librement fixée par les statuts. Il est donc possible d'accorder à l'associé n'ayant réalisé qu'un apport en industrie une part substantielle des bénéfices.

Dans le silence des statuts, la part de bénéfices réservée à l'apporteur en industrie est égale à celle de l'associé ayant le moins apporté. Il pourra, grâce à cette quote-part (à condition, bien sûr, qu'elle soit supérieure à son salaire précédent d'adjoint, ce qui est le but de l'opération), acquérir une part croissante en capital. « La concrétisation des parts en industrie débouchera sur une opération classique d'acquisition de parts sociales », précise Michel Watrelos.

6 Comment sont traités fiscalement les bénéfices ?

Deux solution existent. Soit il est associé en industrie d'une société non soumise à l'impôt sur les sociétés : sa rémunération entre alors dans la catégorie des BIC et son régime social est celui des travailleurs non salariés. Soit il est associé en industrie d'une société soumise à l'IS : sa rémunération est un dividende, soumis au régime fiscal des revenus mobiliers. Si l'associé en industrie est également gérant, il peut percevoir à ce titre une rémunération lui permettant de bénéficier d'un régime social et de prévoyance. « Dans une SELARL, la solution pratique est alors de confier la qualité de gérant à tous les associés, en capital et/ou en industrie », recommande Jean-Jacques Daigre.

7 Quel délai pour convertir son apport en parts ?

Pour la pharmacie, la loi prévoit que ce mécanisme pourra durer cinq ans, éventuellement prolongés de trois ans, soit huit ans au total. Cela suppose aussi que la société génère des bénéfices, donc qu'elle soit prospère. Au terme de la période convenue, grâce au capital progressivement acquis et, si besoin, complété par un emprunt bancaire, l'apporteur en industrie pourra racheter tout ou partie du capital de l'officine. Afin de constituer rapidement un bon pécule, Jean-Jacques Daigre recommande aux candidats d'acquérir au départ 25 % des parts sociales et d'apporter autant en industrie (25 %).

8 Comment sont rémunérées les parts en industrie ?

L'apporteur en industrie négocie avec les autres associés la valeur de ses parts qui doit rester en rapport avec la valeur du travail apporté. Elles ouvrent droit, dans une proportion à définir dans les statuts, à un partage des rémunérations entre les parties, en fonction des participations dans le capital et des apports de chaque associé en industrie.

« Les associés décident librement de la répartition des bénéfices, par exemple, ils peuvent décider que 60 % des bénéfices de la société vont rémunérer les parts en capital et les 40 % autres les parts en industrie, illustre Jean-Jacques Daigre. Si deux associés se trouvent à égalité en parts en industrie, ils percevront chacun la moitié des 40 %, soit 20 %. Mais la répartition peut être différente, notamment si l'un des deux associés travaille plus que l'autre, par exemple deux tiers des 40 % pour l'un et un tiers des 40 % pour l'autre. »

9 Les parts en industrie sont-elles cessibles ?

« Comme l'apport en industrie est étroitement lié à l'activité de l'apporteur, les parts rémunérant un apport en industrie ne peuvent être cédées à un tiers », répond Michel Watrelos. Pour la même raison, il prend fin avec le décès de l'apporteur, sans transmission possible aux héritiers ou aux ayants droit. Les parts en industrie seront liquidées dans les conditions fixées par les statuts.

10 Quitter la société sans avoir finalisé l'opération

Lorsque l'associé en industrie ne respecte pas ses engagements et cesse son activité, il doit demander l'annulation de ses parts. « Il devait à l'origine apporter son activité durant tout le temps que devaient normalement durer les parts en industrie, or la rupture du contrat avant son terme, dans des conditions brutales et préjudiciables à la société, peut entraîner le paiement de dommages et intérêts aux autres associés », met en garde Jean-Jacques Daigre.

« L'apporteur en industrie doit s'engager en connaissance de cause, en sachant que c'est pour aller jusqu'au bout des cinq ou huit ans », conclut Michel Watrelos.

Une alternative aux parts en industrie

Philippe Becker, expert-comptable, directeur du département pharmacie de Fiducial Expertise, n'a pas attendu les apports en industrie pour faciliter l'installation des jeunes par une voie assez voisine : « Depuis longtemps, nous utilisons un autre stratagème juridique qui consiste à ventiler les résultats d'une société d'officine entre la "part travail", qui représente l'investissement en tant qu'exploitant, et la part en capital qui représente la juste rémunération de l'investissement en capitaux. Ceci dans le respect des statuts et des décisions de l'assemblée, les associés pouvant moduler l'un par rapport à l'autre et ainsi permettre à un jeune associé minoritaire d'avoir une rémunération globale (travail et capital) supérieure à ce qu'il aurait pu espérer du fait de sa position capitalistique. L'objectif étant de lui donner les moyens financiers d'acquérir des parts ou des actions dans un délai assez court. »

A retenir

- Les apports en industrie ne concourent pas à la formation du capital social.

- Ils confèrent à leur div la qualité d'associé.

- Ils donnent lieu à l'attribution de parts et donc à une quote-part des bénéfices, librement fixée par les statuts.

- Ce sont ces bénéfices qui permettront d'acquérir des parts sociales.

- Le statut d'apporteur en industrie n'est pas incompatible avec celui d'apporteur en capital.

- Les parts rémunérant un apport en industrie ne peuvent être cédées.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !