La dépression de la personne âgée - Le Moniteur des Pharmacies n° 2603 du 12/11/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2603 du 12/11/2005
 

Cahier formation

l'essentiel Chez une personne âgée, la dépression est souvent associée à un repli sur soi, des troubles anxieux, somatiques ou cognitifs. Ces signes annonciateurs ne sont pas évidents à repérer, d'autant que l'humeur dépressive est encore trop souvent mise sur le simple compte du vieillissement. Pourtant, le passage de la vie active à la retraite, le veuvage, le départ des enfants du foyer sont autant de facteurs favorisants. Le traitement de la dépression fait appel aux différentes familles d'antidépresseurs : tricycliques, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, antidépresseurs d'action duale, IMAO ou autres. Dans tous les cas, il est nécessaire de prendre en compte les effets indésirables potentiels et leur répercussion sur la personne âgée. Il est utile de rappeler au patient ou à sa famille la nécessité d'une bonne observance et qu'un délai d'environ huit semaines est nécessaire avant l'apparition des premiers effets bénéfiques.

ORDONNANCE : Une patiente âgée, handicapée et dépressive

Madame E., 84 ans, 58 kg, garde des séquelles d'un accident vasculaire cérébral. Cela retentit sur son humeur. Tous les mois, elle se présente à l'officine accompagnée par son mari avec la même prescription : un antidépresseur (Deroxat), un anxiolytique (Xanax), un hypnotique (Théralène) et un antihypertenseur (Ténormine).

LA PRESCRIPTION

Docteur Laurent Tevam

Médecin généraliste

2, place du Ruisseau

60260 Lamorlaye

Tél. : 03 44 57 25 38

60 3 99999 8

Le 2 novembre 2005

Mme E.

84 ans, 58 kilos

-#gt; Deroxat : 1 comprimé le matin

-#gt; Xanax 0,25 mg : 1/2 comprimé matin et soir

-#gt; Théralène solution buvable 4 % : 10 gouttes le soir

-#gt; Ténormine 100 mg : 1 comprimé le matin

Traitement pour 3 mois

LE CAS

Ce que vous savez de la patiente

- Madame E. est une personne âgée très entourée par son mari et ses enfants.

Elle était plutôt d'une nature joviale et optimiste, jusqu'à son accident vasculaire cérébral survenu il y a trois ans.

A la suite de ce problème de santé, elle avait alors réagi courageusement en se battant avec l'aide des kinésithérapeutes pour retrouver l'usage de son côté droit et son autonomie.

Malheureusement, au fil des ans, elle est devenue taciturne, renfermée et apathique.

Ce dont la patiente se plaint

- Madame E. n'a plus goût à rien. Elle se sent toujours fatiguée, a perdu son appétit et dort mal. Le mari de madame E. se demande si le traitement mis en place est d'un réel un intérêt puisqu'il n'apporte pas d'amélioration. Il éprouve même le sentiment que sa femme a des trous de mémoire de plus en plus fréquents.

Ce que le médecin lui a dit

- Ses dernières analyses biologiques et biochimiques sont normales.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

Bien que cette ordonnance ne comporte pas d'interaction sur le plan pharmacologique, le risque d'iatrogenèse médicamenteuse est important pour madame E.

ANALYSE DES POSOLOGIES

-#gt; La posologie de Ténormine est standard et permet donc de déduire que madame E. ne présente pas d'insuffisance rénale notable. En effet, cette posologie doit être réduite de moitié quand la clairance de la créatinine est inférieure à 35 ml/min.

-#gt; Les reins de madame E. fonctionnant bien, on peut affirmer que la posologie de l'antidépresseur n'est pas adaptée à son état clinique. Ce sera l'un des points abordés lors de l'entretien téléphonique avec le médecin. La posologie prescrite, 20 mg par jour, correspond à une dose de début de traitement. Cette dose est manifestement insuffisante puisque les signes de dépression sont toujours présents. Le mari de Madame E. ne constate aucune amélioration de son état, et les premiers symptômes qui se corrigent avant d'observer une régularisation de l'humeur sont le plus souvent les troubles du sommeil et de l'appétit. Ces deux signes ne se sont pas améliorés chez madame E.

Cette « frilosité » envers les doses d'antidépresseurs prescrites aux personnes âgées est fréquente. Par peur des effets indésirables, notamment du syndrome sérotoninergique, une mauvaise prise en charge de la pathologie dépressive en découle. Dans le cas de Deroxat, la posologie maximale de 40 mg/jour aurait pu être atteinte en augmentant les doses par palier de 10 mg, par intervalles d'au moins une semaine.

-#gt; La posologie de Théralène n'apporte pas de remarques particulières.

-#gt; Pour Xanax, la dose prescrite se situe dans la fourchette basse recommandée pour un sujet âgé, ce qui minimise les effets indésirables.

AVIS PHARMACEUTIQUE

Cette ordonnance doit attirer l'attention sur la vulnérabilité des sujets âgés vis-à-vis du risque iatrogène, pourtant souvent évitable. Ce risque doit être systématiquement recherché lors de la délivrance d'une ordonnance pour personne âgée.

Le renouvellement de cette prescription de façon quasi automatique tous les trois mois, par habitude, manque de réévaluation. La préférence est donnée aux traitements symptomatiques (Théralène comme hypnotique et Xanax comme anxiolytique) plutôt qu'à une prise en charge efficace de l'étiologie de la dépression.

Risque iatrogène

- Dépression

La prévalence de la dépression augmente au cours d'affections neurologiques comme les accidents vasculaires cérébraux. Certains médicaments non psychotropes sont une cause possible de dépression iatrogène. Cette relation n'est pas formellement démontrée. Parmi les médicaments suspects prescrits ici à madame E., figurent les bêtabloquants non cardiosélectifs (Ténormine).

- Risques de chutes

Chez madame E., les séquelles laissées par l'AVC font augmenter le risque de chute. Tous les médicaments prescrits contribuent à accroître ce danger potentiel.

-#gt; Deroxat, comme tout antidépresseur chez les personnes âgées, peut provoquer des troubles de l'équilibre et des sensations vertigineuses.

-#gt; Xanax a des propriétés sédatives et myorelaxantes.

-#gt; Théralène favorise le risque de somnolence diurne.

-#gt; Ténormine peut provoquer une baisse tensionnelle avec perte de connaissance et chute.

- Troubles de la mémoire

La dépression se double très souvent de troubles cognitifs qui peuvent expliquer les pertes de mémoire mentionnées par le mari de madame E. Une origine iatrogène doit être également envisagée.

-#gt; Deroxat peut aussi induire une confusion mentale.

-#gt; Xanax provoque une confusion mentale et une amnésie antérograde, notamment dans les heures qui suivent la prise.

-#gt; Théralène a des propriétés anticholinergiques qui interfèrent sur le fonctionnement mnésique.

- Troubles du sommeil

Les troubles du sommeil accompagnent souvent la dépression.

Accident vasculaire et antihypertenseur

La prescription d'un antihypertenseur chez une patiente ayant fait un AVC est logique pour éviter une récidive. Le maintien des chiffres tensionnels dans la normalité est un objectif thérapeutique prioritaire pour madame E, d'autant que Deroxat peut modifier la tension artérielle. En revanche, en post-AVC, il est inhabituel de ne pas voir prescrite de l'aspirine à faible dose, comme antiagrégant plaquettaire.

Le choix d'un bêtabloquant hydrophile, donc à demi-vie plus longue, est judicieux car il permet une seule administration quotidienne. C'est là un bon point pour améliorer la compliance du patient. En revanche, ce bêtabloquant n'est pas doué de propriétés sympathomimétiques intrinsèques. La bradycardie de repos peut donc être excessive (moins de 50 à 55 battements par minute), d'où une très grande fatigabilité.

La prescription en question

-#gt; Les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ont fait la preuve de leur efficacité et de leur maniabilité dans le traitement de la dépression de la personne âgée.

-#gt; Chez la personne âgée, il faut privilégier les antidépresseurs qui, comme Deroxat, ont une demi-vie courte (10 à 26 heures) et ne donnent de métabolites actifs. Mais comme sa posologie est ici trop faible, il en découle une réaction en cascade : le traitement antidépresseur n'étant pas efficace, les traitements anxiolytiques et hypnotiques sont maintenus, ce qui n'est pas conforme aux recommandations de l'AMM pour Xanax (traitement le plus bref possible) et aux indications officielles de Théralène (insomnies transitoires et occasionnelles). Il n'est pourtant pas recommandé d'associer systématiquement aux antidépresseurs des benzodiazépines ou apparentés.

Si la dépression est mieux traitée, Théralène devient lui aussi inutile par normalisation des troubles du sommeil.

-#gt; Même si cela ne paraissait pas forcément évident au départ de prendre la décision de ce contact téléphonique, le contact avec le prescripteur est fructueux. Il entend la requête et choisit d'augmenter la posologie de Deroxat à 30 mg par jour, avec réévaluation au bout de trois semaines. Il décide également de mettre en place un sevrage progressif de Xanax. Il n'y a pas de consensus précis. La posologie est réduite à un demi-comprimé le soir pendant une semaine avant d'arrêter. Théralène est quant à lui arrêté sans autres formalités.

Contacter le médecin

La prescription de Deroxat, Xanax et Théralène doit être réévaluée.

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

-#gt; Deroxat (paroxétine)

- Antidépresseur inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine.

- Indiqué dans les épisodes dépressifs majeurs.

- La posologie initiale recommandée est de 20 mg par jour. En fonction de la réponse thérapeutique, évaluée au bout de 3 semaines, cette posologie peut être augmentée par paliers de 10 mg jusqu'à un maximum de 40 mg chez la personne âgée.

-#gt; Xanax 0,25 mg (alprazolam)

- Anxiolytique de la classe des benzodiazépines.

- Indiqué dans le traitement symptomatique des manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes.

- La posologie moyenne se situe entre 1 et 2 mg par jour. Chez le sujet âgé, l'insuffisant rénal ou hépatique, il est recommandé de diminuer la posologie, de moitié par exemple.

La durée globale du traitement ne devrait pas excéder 8 à 12 semaines pour la majorité des patients.

-#gt; Théralène (alimémazine)

- Antihistaminique H1 phénothiazinique.

- Indiqué dans les insomnies occasionnelles et transitoires.

- La posologie est de 5 à 20 mg, soit 1 à 4 comprimés ou 5 à 20 gouttes.

-#gt; Ténormine 100 mg (aténolol)

- Bêtabloquant cardiosélectif.

- Indiqué dans l'hypertension artérielle.

- La posologie quotidienne est de un comprimé à 100 mg.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ -#gt; Deroxat : prendre le comprimé et demi au cours du petit déjeuner. Il doit être avalé plutôt que croqué (goût amer). -#gt; Xanax 0,25 : avaler le demi-comprimé juste avant de se coucher. -#gt; Ténormine 100 : à prendre le matin, en faisant en sorte que l'horaire soit identique chaque jour.

SUIVI DU TRAITEMENT

Chez la personne âgée sous antidépresseur, il est recommandé de surveiller l'ionogramme (risque d'hyponatrémie). Des cas sévères ont été décrits sous Deroxat. Cette hyponatrémie, réversible à l'arrêt, peut être révélée par un syndrome confusionnel ou des convulsions.

La pression artérielle de madame E. devra être régulièrement contrôlée en raison de son antécédent d'AVC et du traitement antihypertenseur. La prescription d'un antidépresseur doit inciter à renforcer cette surveillance.

CONSEILS À LA PATIENTE

- Vis-à-vis de la maladie

Le mari de madame E. ne doit pas baisser les bras. Le traitement antidépresseur n'est simplement pas optimisé, d'où l'absence d'amélioration du syndrome dépressif et des signes cliniques invalidants (troubles du sommeil, asthénie, trouble de la mémoire...). L'exacerbation de certains troubles est peut-être d'origine médicamenteuse. La modification instaurée à la suite de l'échange avec le médecin devrait contribuer à l'amélioration. La nécessité d'aller consulter un psychiatre peut se discuter avec le médecin à l'occasion d'une prochaine consultation.

La maladie et ses traitements exposent Madame E. au risque élevé de chute. Les conseils de prévention (chaussures, tapis, meubles...) s'imposent.

- Vis-à-vis du traitement

Le traitement prescrit ne doit pas être arrêté brutalement.

Le mari doit aussi surveiller la bonne prise des médicaments par son épouse. Chez le dépressif, l'observance est souvent de mauvaise qualité, ce qui nuit à l'efficacité du traitement.

Par Marie Claude Guelfi, pharmacienne hospitalière, responsable du DU de gérontologie et pharmacie clinique à Paris-V, et le Dr Florence Muller, gériatre

PATHOLOGIE : Qu'est-ce que la dépression du sujet âgé ?

La dépression n'est pas l'apanage du vieillissement normal. Cette pathologie trompeuse reste insuffisamment diagnostiquée chez la personne âgée.

ÉPIDÉMIOLOGIE

La dépression arrive en première place des pathologies mentales du sujet de plus de 65 ans. La prévalence se situe aux alentours de 15 %, tous troubles dépressifs confondus. Pour la dépression caractérisée, elle varie entre 1 et 2 %. Des taux compris entre 30 et 40 % ont été rapportés en institution.

Le principal risque évolutif est le suicide. En France, sur les 10 000 suicides enregistrés chaque année, 3 000 concernent les plus de 65 ans. Le taux croît avec l'âge. Chez l'homme, il s'élève à 40/100 000 entre 65 et 74 ans, et atteint 122/100 000 entre 84 et 95 ans (pour une moyenne de 25/100 000, tous âges confondus). Chez la femme, les chiffres sont respectivement de 15/100 000 entre 65 et 74 ans, et 21/100 000 entre 84 et 95 ans (moyenne : 9,5/100 000).

PHYSIO-PATHOLOGIE

La physiopathologie de la dépression fait encore l'objet de travaux de recherche. Sur le plan neurobiologique, il existe à la fois un déficit de la sécrétion centrale en neurotransmetteurs (noradrénaline, sérotonine, dopamine) et une altération du fonctionnement de leurs récepteurs présynaptiques au niveau de l'hippocampe. Les molécules antidépressives agissent en inhibant la recapture de ces neurotransmetteurs. Récemment, plusieurs études ont mis en évidence le rôle prépondérant du BDNF (brain derived neurotrophic factor). Il intervient dans la croissance et la survie de neurones hippocampiques ainsi que dans la régulation des réseaux interneuronaux.

Le stress, en inhibant l'expression du gène du BDNF, réduit la plasticité neuronale et synaptique. Cette inhibition est réversible sous antidépresseurs. La viabilité cellulaire hippocampique serait menacée par le stress, par une élévation des glucocorticoïdes liée à une perturbation de l'axe corticotrope, par l'ischémie, l'hypoglycémie, les infections virales et les traumatismes psychiques antérieurs, particulièrement ceux survenus dans l'enfance. Chaque nouvel événement stressant vient agresser des cellules déjà vulnérabilisées et fait le lit de la dépression.

Les théories psychologiques complètent cette approche biologique.

Dans l'approche psychanalytique, la dépression résulte d'une « perte d'objet » (rupture avec une personne comme un deuil, perte financière), qui renvoie l'inconscient à la perte de l'objet « primitif » qui correspond aux premières relations maternelles de l'enfant.

Selon la théorie cognitive, la dépression est consécutive à une distorsion de la pensée : à la suite d'expériences passées, le sujet évalue les événements de façon erronée et sur un mode péjoratif.

L'approche événementielle voit la dépression comme un trouble de l'adaptation du patient face aux événements négatifs.

ÉTIOLOGIES

Certaines maladies somatiques peuvent entraîner une dépression. Le syndrome dépressif n'en constitue qu'une des manifestations et la dépression est dite « secondaire ». Elle évolue souvent « pour son propre compte » et nécessite un traitement spécifique, même après traitement de la maladie causale.

Les accidents vasculaires cérébraux sont particulièrement pourvoyeurs de dépression (40 à 50 % des cas). La maladie de Parkinson, les tumeurs cérébrales, l'hématome sous-dural chronique peuvent aussi induire une dépression, sans oublier la fréquence de l'association démence-dépression.

Il en est de même pour les dysthyroïdies, l'hyperparathyroïdie, le syndrome de Cushing, les cancers et certaines carences vitaminiques (B1, B6, B12, PP).

L'alcoolisme et la dénutrition sont des causes souvent ignorées.

Certains médicaments ont eux aussi un effet dépressogène : neuroleptiques, benzodiazépines, antihypertenseurs centraux, bêtabloquants non cardiosélectifs, antagonistes calciques, corticoïdes, cimétidine...

FACTEURS DE RISQUE

Certains facteurs de risque sont prépondérants chez la personne âgée. Le passage de la vie active à la retraite, le deuil (y compris celui d'un animal familier), le départ des enfants du foyer, les difficultés financières génèrent une solitude et un isolement social.

A cela s'ajoute la réduction d'autonomie liée aux handicaps physiques, aux maladies somatiques, à la douleur chronique. Les déménagements, notamment l'entrée en maison de retraite, fragilisent particulièrement. Le faible niveau éducatif a aussi un rôle délétère. Le sexe féminin est un facteur de risque classique (deux femmes pour un homme sont touchées par la dépression).

SIGNES CLINIQUES

Avec des signes cliniques souvent trompeurs, la dépression de la personne âgée reste sous-diagnostiquée. Les formes cliniques sont nombreuses, les symptômes classiques sont fréquemment masqués, soit par d'autres signes psychiatriques, soit par la présence d'une affection somatique. De plus, le vieillissement et la tristesse sont encore trop souvent assimilés l'un à l'autre. Enfin, l'héritage culturel peut rendre réticent à exprimer sa souffrance psychique.

On tend à distinguer dépression précoce et dépression tardive.

La dépression précoce débute avant 65 ans (adolescence ou âge adulte) ; elle peut comporter des épisodes de récidive ou devenir chronique. Après 65 ans, les symptômes peuvent se modifier, les récidives se présentant alors sous les différentes formes cliniques décrites ci-après.

La dépression à début tardif survient pour la première fois après l'âge de 65 ans. On observe alors plus souvent une évolution vers un syndrome démentiel ou l'association à un terrain vasculaire (dépression vasculaire).

Dépression caractérisée

Selon la classification du DSM-IV, un épisode dépressif est dit « majeur » ou « caractérisé » si, parmi les neuf éléments de la liste suivante, cinq sont présents depuis au moins deux semaines consécutives et si au moins l'un d'entre eux est soit l'humeur dépressive, soit la perte d'intérêt ou de plaisir.

1 - Humeur dépressive signalée par le sujet ou par l'entourage.

2 - Diminution marquée ou perte de l'intérêt ou du plaisir pour les activités habituelles (anhédonie).

3 - Modification significative du poids (perte ou gain) en l'absence de régime.

4 - Troubles du sommeil (insomnie ou hypersomnie).

5 - Agitation ou ralentissement psychomoteur.

6 - Asthénie ou perte d'énergie.

7 - Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessif ou inapproprié.

8 - Troubles de la concentration ou de la capacité à penser.

9 - Idées de mort avec ou sans plan précis.

Cette symptomatologie typique doit toujours être recherchée, même dans les formes masquées.

Si l'épisode dépressif est moins sévère mais dure depuis au moins deux ans, il s'agit d'une dysthymie.

Le subsyndrome dépressif correspond aux situations ne répondant ni aux critères de l'épisode dépressif majeur, ni à ceux de la dysthymie.

Principales formes cliniques

- Forme somatique

Deux sujets âgés dépressifs sur trois en sont atteints. Les plaintes concernent la sphère digestive (douleurs abdominales, constipation), ostéoarticulaire (lombalgies, douleurs musculaires ou articulaires) et cardiorespiratoire (douleur thoracique, palpitations, essoufflement...).

- Forme délirante

Le patient exprime un vécu de persécutions, accompagné d'idées de préjudice et parfois de jalousie.

- Forme hostile

Elle se manifeste par un comportement caractériel et agressif, avec accès de colère inhabituels.

- Forme anxieuse

L'état anxieux permanent se manifeste même pour des faits bénins. Des crises d'agitation sont possibles. L'anxiété peut aussi générer une inhibition et un immobilisme, avec refus du monde extérieur.

- Forme cognitive

Encore appelée dépression pseudo-démentielle, elle est difficile à différencier d'un début de démence. La désorientation spatiotemporelle, les troubles mnésiques, la maladresse dans les gestes usuels (évoquant l'apraxie de la démence), la non-reconnaissance de certains objets ou de membres de l'entourage (proche de l'agnosie du syndrome démentiel) dominent.

ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS

Le taux de récidives et le passage à la chronicité semblent plus importants que chez l'adulte jeune.

L'évolution vers la démence serait le fait des dépressions tardives et des formes pseudo-démentielles.

La persistance d'une dépression peut aussi gêner la prise en charge d'une maladie somatique concomitante.

Le suicide est le principal risque évolutif. Comparaison faite avec les sujets plus jeunes, les suicides réalisés sont plus nombreux chez les personnes âgées pour moins de tentatives. Les hommes sont les plus touchés, les veufs surtout. En maison de retraite, le taux de suicide est globalement plus élevé qu'à domicile dans les deux sexes.

Par le Dr Pascale Naudin-Rousselle, en collaboration avec le Pr Jean-Pierre Clément, pôle de psychiatrie du sujet âgé, centre hospitalier Esquirol, Limoges

L'AVIS DU SPÉCIALISTE

Dr Patrick Frémont, chef de service en psychiatrie, hôpital de Lagny (77)

« Prévenir le suicide du déprimé âgé »

La dépression est-elle une pathologie spécifique chez le sujet âgé ?

Non, la différence chez la personne âgée ne porte pas sur les signes de dépression mais sur la plainte exprimée. Il faut un interrogatoire attentif pour aller au-delà des signes somatiques (fatigue, douleurs multiples...). La dépression, plus fréquente que chez le sujet jeune, est aussi un facteur très important de dépendance qui pourra entraîner une entrée en institution. Il faut donc la dépister au plus tôt.

Quels sont les liens entre dépression et démence ?

Démence et dépression sont très souvent associées. Il faut traiter la dépression et surveiller le basculement vers la démence. L'arrivée de médicaments de la maladie d'Alzheimer impose désormais un traitement précoce qui ne doit cependant pas faire oublier celui de la dépression si elle est présente.

Chez les personnes âgées, il faut différencier les patients qui ont été déprimés toute leur vie et ceux qui présentent une dépression tardive, après 60 ans, sans antécédents psychiatriques. Dans ce cas l'évolution vers la démence est plus fréquente.

Quel peut être le rôle du pharmacien ?

Il est primordial de dépister la dépression pour prévenir le suicide. Tout changement de comportement type repli sur soi doit éveiller l'attention et inciter à contacter le médecin traitant. Poser quelques questions simples sur l'avenir, sur l'apparition de tristesse permet souvent à la personne âgée d'exprimer sa plainte. Souvent elle réagit aux événements de la vie (deuil, séparation...) à distance, quand la famille pense que le plus dur est passé.

Le risque de suicide est encore trop méconnu, pourtant il augmente très nettement chez la population âgée. Dans 90 % des cas il existait une dépression, passée souvent inaperçue. Tous les professionnels de santé ont un rôle important de prévention.

Dr Patrick Frémont, chef de service en psychiatrie, interrogé par Juliette Schenckéry

THÉRAPEUTIQUE : Comment traiter la dépression du sujet âgé ?

Les antidépresseurs constituent le traitement essentiel des épisodes dépressifs du sujet âgé, associés si besoin à d'autres types de médicaments comme les antipsychotiques, anxiolytiques, hypnotiques, thymorégulateurs.

LES DIFFÉRENTS ANTIDÉPRESSEURS

Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine

Les IRS inhibent sélectivement la recapture de la sérotonine. Ils restent d'un maniement plus facile que les tricycliques, même si leur efficacité est plus modeste. Ils doivent constituer le traitement de première intention de la dépression du sujet âgé. Leurs effets indésirables sont réduits. Toutefois, ils peuvent parfois être graves.

- Troubles digestifs

Nausées et vomissements, déclenchés par une stimulation de l'area post-rema hypothalamique, cèdent à la poursuite du traitement. Le patient peut aussi se plaindre de céphalées, de migraines, probablement induites par une action 5-HT2 centrale.

- Syndrome sérotoninergique

Ce syndrome expose à un risque majeur chez le sujet âgé. On l'observe dans plusieurs situations :

- Lors de l'association à un IRS de médicaments suivant la même voie métabolique hépatique (Flécaïne, carbamazépine, tricycliques...).

- Après association à un IRS de prosérotoninergiques (triptans, tramadol...) ou d'autres antidépresseurs prosérotoninergiques (IMAO, autres IRS ou parfois tricycliques au mode d'action dual).

- Après un wash-out insuffisant entre deux prescriptions de produits sérotoninergiques. Cette précaution doit être particulièrement suivie avec les molécules à demi-vie prolongée et/ou livrant des métabolites actifs comme la fluoxétine. Se méfier des associations IRS ou IMAO + lithium, antipsychotiques sérotoninergiques (clozapine, rispéridone, olanzapine) ou triptans.

- En cas d'intoxication aiguë.

Le syndrome sérotoninergique peut nécessiter une hospitalisation. Le traitement est curatif (suppression du traitement sérotoninergique, éventuelle prescription de propranolol et/ou d'une benzodiazépine) mais surtout préventif : limiter les associations de psychotropes prosérotoninergiques, adapter la posologie, prévoir un délai de deux semaines lors d'un relais IMAO par IRS, veiller à la totale élimination d'un IRS et de ses métabolites actifs éventuels avant tout relais par un IMAO (délai de 5 semaines lors d'un relais fluoxétine/IMAO).

- Signes neurologiques

L'activité sérotoninergique peut induire une inhibition de la libération de dopamine à l'origine de syndromes neurologiques (akathisie, dystonies, signes extrapyramidaux), notamment chez les parkinsoniens. Le traitement alors préconisé est celui des akathisies induites par les antipsychotiques (propranolol ou clonazépam).

- Troubles hydroélectrolytiques

L'hyponatrémie est potentiellement aggravée par l'âge car la fonction rénale est physiologiquement altérée. Elle est potentialisée par la prise de diurétiques. Faire un dosage mensuel de la natrémie au départ puis tous les trimestres en l'absence de problèmes. Elle est souvent à l'origine de signes psychiques avec confusion mentale.

Les antidépresseurs d'action duale (IRSNA)

Les inhibiteurs mixtes inhibent de façon spécifique la recapture de deux neuromédiateurs : noradrénaline et sérotonine.

Ils bénéficient, d'une bonne tolérance. Le risque d'augmentation du poids lié à l'effet anti-H1 résiduel est équilibré par l'activité noradrénergique.

L'incidence des nausées est plus faible qu'avec les IRS, tout comme celle des insomnies ou de l'anxiété. Les dysuries incitent à une prescription prudente chez le patient porteur d'un adénome prostatique.

-#gt; La mirtazapine peut être à l'origine d'atteintes hématologiques exceptionnelles et réversibles (leucopénie, agranulocytose, neutropénie) et d'une augmentation des enzymes hépatiques. Antagoniste des récepteurs 5-HT2 et 5-HT3, elle empêche la sérotonine de se fixer et limite l'hypersérotoninergie.

-#gt; Avec la venlafaxine, renforcer la surveillance chez les hypertendus.

Les antidépresseurs tricycliques

Ils inhibent la recapture des neuromédiateurs (sérotonine, noradrénaline, parfois dopamine) et exercent une action sur les récepteurs postsynaptiques (adrénergiques, muscariniques, histaminergiques). Ce mécanisme d'action explique la multiplicité de leurs effets indésirables, à tel point que ces antidépresseurs peuvent engendrer des effets indésirables mimant des symptômes de l'épisode dépressif (hypersomnie, asthénie, ralentissement psychomoteur, difficultés de concentration, prise de poids) et relevant de la consultation spécialisée.

- Action anticholinergique

Elle est à l'origine de signes cognitifs (troubles mnésiques, confusion mentale qui rendent leur usage illogique chez les patients déments) et somatiques.

Une constipation implique des mesures hygiénodiététiques ou la prescription de laxatifs doux.

Les troubles de l'accommodation cèdent à la poursuite du traitement ou à une adaptation posologique : le patient ne doit pas modifier ses verres correcteurs.

La xérostomie est traitée afin d'éviter les complications qui en découlent : candidose, caries, glossite, stomatite. Une prise unique, si possible vespérale, en limite l'incidence ainsi que l'absorption régulière de boissons non sucrées ou un traitement stimulant la salivation (Sulfarlem S25).

- Action antihistaminergique

Elle est à l'origine d'une sédation cédant à la poursuite du traitement mais susceptible d'engendrer un risque de chute ou d'accident. La prise de poids ne cède pas à la poursuite du traitement.

- Action adrénolytique

L'activité adrénolytique induit un risque d'hypotension orthostatique ne cédant pas à la poursuite du traitement. Elle explique une fatigue intense et des vertiges fréquents augmentant le risque de chute chez la personne âgée. Cela fait recommander de boire des eaux minéralisées, de porter des bas de contention et d'éviter les changements brutaux de position. La prescription d'un traitement correcteur reste souvent d'une efficacité relative (dihydroergotamine, heptaminol).

- Activité neurovégétative

La fréquente survenue de tremblements digitaux (à faible posologie) est parfois handicapante. Ils sont aggravés par le café. On les réduit en fractionnant la prise ou en administrant de faibles posologies de bêtabloquants ou de benzodiazépines.

Sueurs et bouffées de chaleur régressent après quelques semaines de traitement.

Les IMAO sélectifs

Les inhibiteurs des monoamines-oxydases (IMAO) actuels inhibent de façon spécifique et réversible les enzymes dégradant les neuromédiateurs dans l'espace synaptique.

La moclobémide (Moclamine), mieux tolérée que les IMAO de première génération (iproniazide) et dépourvue de composante anticholinergique, occasionne des effets hépatiques et cardiovasculaires.

Sa prescription désormais marginale est limitée aux formes ralenties, en raison de son profil psychostimulant.

Les autres antidépresseurs

- La miansérine

La miansérine (Athymil) expose à un risque d'atteinte hématologique (agranulocytose, aplasie médullaire), rare mais grave. Son action sédative et son effet orexigène sont souvent bénéfiques.

- La tianeptine

La tianeptine (Stablon) bénéficie d'une bonne tolérance cognitive et est fréquemment prescrite dans les dépressions accompagnées de troubles somatoformes.

LA STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

En amont de la mise en oeuvre du traitement antidépresseur, il faut veiller à équilibrer l'état nutritionnel du patient, à compenser une éventuelle hypothyroïdie, un handicap physique lié à l'âge et à supprimer ou limiter les interventions thérapeutiques à l'origine de dépressions iatrogènes. Ces mesures peuvent réduire les signes cliniques de la dépression, voire la traiter.

Conditions du traitement

Le traitement antidépresseur doit reposer sur une monothérapie. Il est généralement conduit en ambulatoire si l'épisode est de sévérité légère à moyenne, si le condiv environnemental est chaleureux et réconfortant, si le risque suicidaire est maîtrisé et si le patient a confiance en son thérapeute. Les consultations sont nombreuses en début de traitement. Le patient ne doit pas disposer de quantités importantes de psychotropes pour éviter toute intoxication volontaire.

L'hospitalisation s'impose dans trois situations :

-#gt; une composante suicidaire importante ;

-#gt; un échec du traitement ambulatoire ;

-#gt; le besoin d'isoler le patient de son milieu familial (dépressions réactionnelles notamment).

Etapes du traitement

Le traitement s'articule autour de trois étapes.

-#gt; Le traitement de l'épisode aigu ou traitement d'attaque (2 à 4 mois) vise à obtenir une rémission partielle puis complète et à raccourcir la durée de l'épisode. Si la rémission partielle n'évolue pas en rémission complète, il y a lieu de réviser la stratégie thérapeutique.

-#gt; Le traitement de consolidation (6 à 8 mois) prévient les rechutes ultérieures.

-#gt; Le traitement de maintenance (ou de prévention) prévient les récidives. Instauré chez les sujets à antécédents dépressifs, il est poursuivi entre un et cinq ans.

La rechute intervient alors que le patient est en rémission partielle ; la récidive survient alors qu'il est en rémission complète ou « guéri ». Entre 50 % et 80 % des sujets ayant eu un épisode dépressif dans leur vie font un nouvel accès, dont 50 % dans les deux années suivant le premier épisode.

Choix de l'antidépresseur

Il doit être réalisé avec discernement, selon le profil de la dépression et du patient et selon le rapport bénéfice/risque d'un traitement antérieurement prescrit.

-#gt; Un ralentissement psychomoteur fait privilégier une molécule stimulante (fluoxétine, sertraline, imipramine...), alors qu'une anxiété ou des insomnies font choisir une molécule sédative (miansérine, mirtazapine, paroxétine, amitriptyline, doxépine). Dans les autres cas, on administre une molécule intermédiaire (clomipramine, milnacipran, venlafaxine).

-#gt; Une comorbidité psychiatrique associée oriente vers des tricycliques dans le trouble panique, des IRS dans les troubles des conduites alimentaires et l'alcoolisme ou le trouble phobique.

-#gt; Les formes injectables sont utiles pour que le patient ait l'impression d'être « mieux » pris en charge.

-#gt; L'observance est améliorée par le choix d'une molécule administrée en une prise quotidienne, sans ajustement complexe de dose, mais aussi par l'information et la réassurance du patient qui doit devenir « acteur » de son traitement.

-#gt; La vulnérabilité des sujets âgés (glaucome, adénome, troubles cardiaques) et le respect des contre-indications doivent être pris en compte : la tolérance doit être bonne, sinon elle justifie un changement de molécule.

-#gt; Le traitement doit limiter le risque d'interactions chez le sujet âgé, souvent polymédiqué : les molécules faiblement liées aux protéines plasmatiques, peu métabolisées au niveau hépatique, sont privilégiées (comme la mirtazapine).

QUELLES SONT LES PRINCIPALES INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES ?

Instauration du traitement

La demi-vie d'élimination augmente avec l'âge. Les antidépresseurs bien tolérés (IRS, action duale, tianeptine) sont souvent prescrits d'emblée à la posologie usuelle, alors que les tricycliques doivent être prescrits à demi-dose pour atteindre progressivement une posologie comprise entre la moitié et la totalité de la dose usuelle. Le traitement est institué sous surveillance étroite. La régression des signes est plus longue que chez le jeune (de l'ordre de 3 à 8 semaines contre 2 à 3). Le respect de ce délai est nécessaire avant de conclure à l'inefficacité.

Efficacité

Les études conduites chez les sujets de plus de 80 ans sont rares et les recommandations cliniques sont extrapolées à partir de l'expérience acquise auprès de sujets jeunes ou d'âge moyen. Les pathologies somatiques associées n'affectent pas la réponse. Il n'en faut pas moins prendre en compte les conséquences des produits :

-#gt; survenue ou aggravation d'une insomnie traduisant une inversion de l'humeur (annonçant un épisode maniaque ou hypomaniaque) et permettant de diagnostiquer un trouble bipolaire (prophylaxie par thymorégulateur une fois la période de crise passée) ;

-#gt; levée brutale de l'inhibition motrice chez un patient suicidaire.

Arrêt du traitement

La posologie est réduite progressivement au terme de six à huit mois du traitement de consolidation sous surveillance clinique, permettant la détection précoce d'une récidive. Il importe de veiller à la survenue d'un syndrome de sevrage décrit notamment avec les molécules psychostimulantes ou très anticholinergiques. S'il y a des antécédents de dépression, la durée totale du traitement peut atteindre 2 ans ou plus.

Tolérance

Le sujet âgé est plus vulnérable à certains effets indésirables : la plus grande prudence s'impose lors de la prescription. Par ailleurs, les plans de prise doivent rester simples, d'autant que la personne âgée peut connaître des altérations cognitives et mnésiques parfois importantes.

PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES

La duloxétine (Cymbalta) devrait être commercialisée fin 2006. Il s'agit d'un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Son apport principal est sa bonne tolérance cognitive chez le sujet âgé.

Par Denis Richard, pharmacien hospitalier et Philippe Azarias

CONSEILS AUX PATIENTS

Consulter le plus tôt possible

Parce que les signes annonciateurs ne sont pas toujours évidents à repérer et parce que l'humeur dépressive est facilement mise sur le compte du vieillissement ou des maux qui l'accompagnent (handicap, maladie...), l'entourage ne pense pas toujours à orienter la personne âgée vers une consultation médicale. Il est indispensable d'abandonner ces préjugés et ces attitudes fatalistes. Lorsqu'une personne âgée change de comportement (même lorsque les symptômes n'évoquent a priori pas une dépression), la consultation est impérative.

Repérer les signes d'alerte

Le diagnostic des états dépressifs chez les personnes âgées peut être franc. A contrario, il peut être difficile car ces patients présentent des tableaux atypiques, souvent associés à un repli sur soi (solitude, régression...), des troubles anxieux, somatiques (asthénie, céphalées, palpitations, dyspnée, constipation, troubles urinaires, manque d'appétit, douleurs articulaires, digestives, ORL, vertiges...) ou cognitifs (troubles de la concentration, indécision...).

Un des éléments qui peut mettre sur la voie d'une dépression est l'insistance de la personne âgée à démontrer ses « incapacités », à s'autodéprécier alors que, justement, elle ne se dit ni triste, ni déprimée.

Certains facteurs de risque peuvent également conduire à penser à une dépression :

-#gt; le sexe féminin (chez les moins de 85 ans) ;

-#gt; les antécédents psychiatriques ;

-#gt; la sévérité de maladies somatiques ;

-#gt; l'importance fonctionnelle du handicap ;

-#gt; le veuvage, un déménagement ;

-#gt; la prise parallèle de médicaments au potentiel dépressogène : bêtabloquants, antihypertenseurs, certaines molécules neuroleptiques.

Dépression ou maladie d'Alzheimer ?

Le syndrome dépressif peut masquer une démence ou être le début d'un syndrome démentiel ou d'une maladie d'Alzheimer. Très souvent, l'apathie, le manque d'entrain, l'absence d'initiatives, qui font partie des signes de démence, sont assimilés à des troubles dépressifs. Il est important d'avoir à l'esprit les quatre activités régulièrement perturbées dans la maladie d'Alzheimer :

-#gt; difficulté à trouver, composer un numéro de téléphone ;

-#gt; refus de conduire seul, de prendre les transports en commun ;

-#gt; oubli de la prise des médicaments (doses, horaires) ;

-#gt; factures non réglées, chèques non remplis, besoin d'aide pour gérer le budget.

Créer une relation de confiance

Etre déprimé apparaît souvent comme un manque de volonté. Chez les personnes âgées, la dépression est de surcroît trop souvent vécue comme une maladie honteuse.

Tous les patients âgés doivent pourtant pouvoir trouver au sein de la pharmacie une écoute attentive, un soutien qui permettent de dédramatiser ces troubles et de mettre en place une prise en charge à la fois médicamenteuse, psychologique et sociale.

Il est important de rappeler aux patients et à leur environnement familial que la dépression s'améliore rarement sans traitement et qu'il est plus facile d'enrayer les causes de la dépression que les symptômes qu'elle engendre. D'où l'importance de la prévention et de l'entourage.

Cette relation permet aussi de mieux impliquer le patient dans son traitement.

Un traitement à suivre rigoureusement

Insister sur l'importance de la régularité des prises, tous les jours, à heures fixes et pas uniquement lorsque le sujet ne se sent pas bien. Il peut être utile de conseiller un pilulier pour faciliter l'observance.

Respecter la durée de prescription. L'arrêt du médicament se fait sur décision du médecin, en quelques jours voire quelques semaines.

Ne pas augmenter ou diminuer les doses soi-même.

Rappeler que les troubles s'améliorent en général au bout de quatre ou cinq semaines, parfois huit. On ne peut pas conclure à l'inefficacité d'un traitement avant.

Signaler les effets secondaires les plus fréquents (notamment avec les antidépresseurs tricycliques) : somnolence, constipation, sécheresse de la bouche, troubles visuels.

Risque de dénutrition et de chute : vigilance

-#gt; Les antidépresseurs tricycliques peuvent provoquer une hypotension orthostatique (diminution de la pression artérielle lors du passage à la station debout), augmentant ainsi le risque de chute. Or ces chutes représentent une cause de mortalité importante chez les plus de 65 ans.

Parer au danger éventuel avec :

- des chaussures confortables, des vêtements ni trop longs, ni trop amples ;

- une augmentation de la puissance des éclairages ;

- un téléphone accessible (attention aux fils !), des tapis antidérapants (baignoire, douche), une canne;

- l'éloignement de tous les objets au sol qui peuvent faire trébucher.

-#gt; La perte d'appétit peut résulter de la prise d'antidépresseurs.

La dénutrition peut être lourde de conséquences. Il s'agit de :

- remotiver le patient : éviter la solitude, particulièrement difficile à supporter au moment du repas ;

- renforcer le goût des plats, varier l'alimentation, faire quatre repas par jour (privilégier le petit déjeuner et le déjeuner) ;

- surveiller son poids et prendre les médicaments de préférence en fin de repas.

Au quotidien

-#gt; Maintenir le contact : ne pas hésiter à évoquer ses préoccupations et demander de l'aide auprès de sa famille, de ses amis.

-#gt; Garder une activité physique : marche, gymnastique adaptée, assouplissements.

-#gt; Respecter une bonne hygiène de vie : éviter le surmenage, les carences de sommeil, les excitants, l'alcool. Ne pas sauter de repas (horaire régulier).

-#gt; Se fixer des objectifs quotidiens et organiser ses journées.

Quand hospitaliser ?

Lorsque le pronostic vital est engagé (tendances suicidaires), si l'entourage est absent ou si le risque suicidaire est au premier plan.

Par Nathalie Hervé, pharmacienne

POUR EN SAVOIR PLUS

ASSOCIATIONS

France-Dépression

4, rue Vigée-Lebrun, 75015 Paris -

Tél. : 01 40 61 05 66

http://www.serpsy.org/associations/france_depression. html

E-mail : france.depression@libertysurf.fr

France-Dépression est une association loi 1901, créée en 1992. Elle cherche à assurer une complémentarité de l'approche médicale, notamment en ce qui concerne le soutien, la compréhension et l'information sur la dépression. Le but est d'éviter l'exclusion, l'isolement et la solitude des patients, mais aussi d'encourager les proches à mieux appréhender la pathologie. Outre des antennes régionales, des groupes de paroles mensuels, l'organisation de conférences publiques, l'association dispose d'une permanence téléphonique et d'un accueil sur rendez-vous de 14 heures à 17 heures.

SOS Dépression

http://sos.depression.free.fr/home.html -

Tél. : 01 40 47 95 95

Une écoute anonyme jour et nuit, sept jours sur sept, sans jugement. Voilà ce que propose cette association née en 1986, dont le numéro est à conserver à l'officine pour le communiquer si besoin à vos patients. Au bout du fil, des psychologues et des étudiants en psychologie adoptent une écoute active. Ils disposent d'un recueil d'adresses de structures et d'organismes spécialisés. En cas de crise, un psychologue peut même se déplacer au domicile de la personne souffrante.

Une aide au diagnostic : la mini-GDS

Aucun examen complémentaire n'est nécessaire pour le diagnostic de dépression, sauf si l'on évoque une dépression vasculaire (imagerie cérébrale) ou une dépression secondaire (bilan en fonction des signes somatiques associés). L'utilisation d'échelles de dépistage de la dépression permet cependant d'améliorer la performance diagnostique. Parmi elles, la plus connue est la GDS (geriatric depression scale) à 30 items, mais la plus pratique est la mini-GDS à 4 items, version courte de la précédente.

- Avez-vous le sentiment que votre vie est vide ? : (Oui = 1 point ; Non = 0).

- Etes-vous heureux(se) (bien) la plupart du temps ? : (Non = 1 point ; Oui = 0).

- Vous sentez-vous souvent découragé(e) et triste ? : (Oui = 1 point ; Non = 0).

- Avez-vous l'impression que votre vie est désespérée ? (Oui = 1 point ; Non = 0).

Score = 0 : très forte probabilité d'absence de dépression

Score entre 1 et 4 : très forte probabilité de dépression ; faire alors le GDS complet.

Diagnostic différentiel

En matière de diagnostic, la question qui se pose est la suivante : dépression ou démence ?

Le recours au traitement antidépresseur a longtemps servi de test thérapeutique pour distinguer chez le sujet âgé la pseudo-démence dépressive de la démence authentique. Cette attitude est désormais à nuancer. En effet, cette forme clinique de dépression peut résister au traitement sans pour autant que ce test thérapeutique négatif signe la démence. Inversement, certains patients pseudo-déments répondant bien à l'antidépresseur évoluent à terme vers une démence avérée, ce qui implique de mettre en place une surveillance régulière même lorsque le test est positif. Ainsi il est de plus en plus indiqué d'avoir recours à une consultation mémoire pour ce diagnostic différentiel où un bilan neuropsychologique très souvent discriminant sera pratiqué.

Si l'on sort du champ du diagnostic différentiel, plusieurs travaux ont objectivé la grande fréquence de l'association démence-dépression chez un même patient. L'intrication de ces deux pathologies nécessite donc d'évaluer régulièrement les performances cognitives du sujet, en particulier par le test psychométrique MMSE (minimental state examination).

Dépression vasculaire

La dépression vasculaire fait partie des syndromes dépressifs concomitants de maladies somatiques. Généralement elle survient tardivement (après 65 ans) chez un patient sans antécédent psychiatrique porteur d'une maladie ou d'un facteur de risque vasculaire (AVC, fibrillation auriculaire, coronaropathie...). Des anomalies de la substance blanche ayant été mises en évidence par l'IRM cérébrale au niveau des structures frontales, le ralentissement psychomoteur prédomine, avec une apathie marquée qui distingue ces patients des sujets dépressifs non vasculaires. S'il s'agit d'un sujet dépressif connu, on observe une modification de la symptomatologie dépressive habituelle. Il existe souvent une résistance au traitement antidépresseur. Cette forme particulière de dépression mérite d'être individualisée car elle pourrait être prévenue par la prise en compte des facteurs de risque vasculaire.

Principales contre-indications absolues

En dehors des interactions médicamenteuses, ces contre-indications absolues ne se rencontrent qu'avec les antidépresseurs tricycliques. Ils ne doivent pas être prescrits dans les situations suivantes :

- risque connu de glaucome par fermeture de l'angle ;

- risque de rétention urinaire lié à des troubles urétroprostatiques ;

- infarctus du myocarde récent.

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