Les douleurs sévères à intenses - Le Moniteur des Pharmacies n° 2601 du 29/10/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2601 du 29/10/2005
 

Cahier formation

l'essentiel Les douleurs sévères à intenses, correspondant au palier III de l'OMS, sont fréquentes chez les patients cancéreux, dans certaines maladies rhumatismales, en traumatologie et en suite d'intervention chirurgicale. Les douleurs nociceptives, majoritaires, sont dues à un excès de stimuli, alors que les douleurs neurogènes découlent d'une atteinte des voies nerveuses. Plusieurs échelles verbales ou visuelles permettent d'évaluer l'intensité de la douleur. Le traitement des douleurs nociceptives de palier III repose sur l'utilisation de morphiniques par voie orale, transdermique ou injectable (souvent à l'aide d'une pompe programmable). La forme transmuqueuse est réservée au traitement des accès douloureux. Les morphiniques ont en commun leurs effets indésirables : constipation, qui doit être systématiquement traitée, somnolence et dépression respiratoire.

ORDONNANCE : Une patiente sous morphiniques pour une douleur cancéreuse

Anne D., 55 ans, souffre d'une tumeur au cerveau, décelée depuis 2 mois. La douleur, devenue insoutenable, a nécessité la prescription de morphiniques en attendant l'intervention chirurgicale. Le soulagement insuffisant de la douleur amène le médecin à augmenter les doses.

LES PRESCRIPTIONS

Docteur Alain Barré

Algologue

Centre de la douleur

Hôpital A - 92700 Colombes

Tél. : 01 41 29 75 78

92 3 99999 8

Le 26 octobre 2005

Mme Anne D. 55 ans, 56 kg, 1,65 m

Arrêt de Skenan et d'Actiskenan

-#gt; Commencer Oxycontin LP vingt milligrammes toutes les douze heures dès ce soir

-#gt; En cas de crise prendre Oxynorm cinq milligrammes : une gélule par prise et pas plus de six par jour (quatre heures entre deux prises)

-#gt; Duphalac : 4 cuillères à soupe par jour

qsp sept jours

Docteur Alain Barré

Algologue

Centre de la douleur

Hôpital A - 92700 Colombes

Tél. : 01 41 29 75 78

92 3 99999 8

Le 28 octobre 2005

Mme Anne D. 55 ans, 56 kg, 1,65 m

En complément de l'ordonnance du 26.10.2005 : Augmenter les doses de manière à prendre :

-#gt; Oxycontin LP trente milligrammes toutes les douze heures

-#gt; Oxynorm cinq milligrammes : deux gélules par prise en cas de crise sans dépasser six prises par 24 h (4 h minimum entre 2 prises)

-#gt; Continuer Duphalac, 4 cuillères à soupe par jour

qsp cinq jours.

LE CAS

Ce que vous savez de la patiente

- Mme D., 55 ans, 56 kg pour 1,65 m, est une de vos patientes habituelles. La tumeur dont elle souffre a été diagnostiquée par neuroradiographie. Elle a été révélée par des céphalées devenues chroniques, des vertiges et des « absences » de quelques secondes lors des conversations. Un neurochirurgien fera l'exérèse de la lésion dès la fin de tous les examens.

- Parallèlement, la douleur est prise en charge par un médecin du centre de la douleur. Celui-ci a prescrit Oxycontin LP 20 mg et Oxynorm 5 mg il y a deux jours. Aujourd'hui, il est amené à augmenter les doses d'oxycodone devant l'efficacité insuffisante du traitement.

- Le bilan biologique effectué récemment est normal, notamment la clairance de la créatinine.

Ce dont la patiente se plaint

- Mme D. se plaint de la douleur devenue de plus en plus intense. Elle appréhende l'opération, mais elle espère que la chirurgie entraînera un soulagement de la douleur.

Ce que le médecin du centre de la douleur lui a dit

- Cette augmentation de doses devrait la soulager mieux en attendant l'opération. En l'absence d'amélioration, le recontacter rapidement.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

- Oxycontin LP/Oxynorm

L'association des formes LP et immédiate de l'oxycodone est classique mais elle majore le risque d'apparition des effets indésirables (somnolence, confusion, dépression respiratoire, constipation, nausées, vomissements).

ANALYSE DES POSOLOGIES

- Oxycontin LP et Oxynorm

Il n'y a pas de limite supérieure de posologie pour les morphiniques tant que les effets secondaires sont contrôlés. L'intensité de la douleur guide le médecin dans le choix de la dose. Toutefois, l'augmentation de posologies doit respecter des paliers de 25 à 50 %, ce qui n'est pas le cas ici.

- La posologie d'Oxycontin LP a été augmentée de 50 %. Elle est donc correcte.

- Celle d'Oxynorm est passée de 60 mg/j à 120 mg/j, ce qui est supérieur aux préconisations de l'AMM. La dose quotidienne ne devrait pas dépasser 90 mg d'oxycodone par jour. Le médecin contacté par téléphone précise qu'il a conseillé à sa patiente de ne pas dépasser 8 gélules d'Oxynorm 5 mg par jour pendant les premières 48 heures, et de ne passer à 10 ou 12 gélules/jour que si la douleur n'était pas calmée après 48 heures.

- Duphalac

La posologie de 4 cuillères à soupe (4 x 15 ml) est supérieure à celle préconisée dans l'AMM, mais la constipation induite par les morphiniques doit être prévenue et traitée par des doses suffisantes de laxatif.

AVIS PHARMACEUTIQUE

Le traitement a pour objectif majeur de contrôler la douleur de Mme D. en attendant l'intervention chirurgicale.

- Choix de l'oxycodone

L'introduction de l'oxycodone s'est faite en relais de la morphine (Skenan/Actiskenan).

Dérivé synthétique de la morphine, l'oxycodone en diffère notamment par la présence d'un groupe méthyl qui la protégerait de la métabolisation hépatique par glucuronoconjugaison, réduisant ainsi l'effet de premier passage hépatique après administration orale. Ceci expliquerait sa meilleure biodisponibilité par rapport à celle de la morphine (deux fois supérieure).

- Cumul des formes galéniques

La prescription d'oxycodone à libération immédiate (Oxynorm) a pour but le traitement des accès douloureux au cours du traitement de fond par oxycodone LP (Oxycontin LP).

Oxycontin LP a une durée d'action de 12 heures et un délai d'action de 45 à 65 minutes. Oxynorm a une durée d'action de 4 à 6 heures et un délai d'action de 30 et 60 minutes. La forme à libération immédiate s'ajoute au traitement à libération prolongée jusqu'à une fois toutes les 4 heures.

- Validité de la prescription

Cette prescription correspond à un chevauchement d'ordonnances pour la prise en charge d'une douleur intense et rebelle par oxycodone, non contrôlée par la précédente posologie prescrite.

La prescription des analgésiques majeurs morphiniques implique un respect des contraintes réglementaires du Code de la santé publique.

-#gt; Ordonnance sécurisée : filigranée, double carré bleu pour inscription du nombre de lignes.

-#gt; Mentions obligatoires d'identification du prescripteur et de la patiente.

-#gt; Rédaction en toutes lettres : dénomination du stupéfiant, présentation, dosage, séquence des prises, durée du traitement.

-#gt; Chevauchement d'ordonnances mentionné par le médecin explicitement : « en complément de l'ordonnance du... ».

-#gt; Prescription pour une durée inférieure ou égale à 28 jours.

- Dispensation

Les obligations du pharmacien sont multiples : vérification de l'identité du patient, copie de l'ordonnance à conserver pendant trois ans, classement de l'ordonnance alphabétiquement par nom de prescripteur et chronologiquement, inscription des quantités délivrées au registre des stupéfiants. Si une tierce personne vient chercher l'ordonnance, ne pas oublier d'enregistrer son nom (avec justification de l'identité), à reporter sur l'ordonnancier.

- Calcul des quantités à délivrer

Comme tous les stupéfiants, Oxycontin et Oxynorm doivent être déconditionnés pour être délivrés au comprimé près.

-#gt; Oxycontin LP : le 26 octobre, il a été délivré à Mme D. 14 comprimés d'Oxycontin LP 20. Deux jours plus tard, il lui reste 10 comprimés. Pour chaque prise de 30 mg, Mme D. prendra un comprimé d'Oxycontin LP 20 (qu'elle a déjà) et un comprimé d'Oxycontin LP 10 mg. Il faut donc compléter l'ordonnance par 10 comprimés d'Oxycontin LP 10 mg, pour les 5 jours restants.

-#gt; Oxynorm : 42 gélules ont été délivrées lors de la première dispensation (six par jour). Après 48 heures, il doit en rester au minimum 30. Pour une prise augmentée à 8 gélules/jour pendant 48 heures puis 12 gélules/jour pendant 3 jours, 52 gélules (16 + 36) sont nécessaires. Il suffit donc de délivrer 22 (52 - 30) gélules supplémentaires d'Oxynorm 5 mg.

Contacter le médecin

Contacter le médecin pour vérifier la posologie d'Oxynorm. L'augmentation de dose doit se faire par paliers de 25 à 50 %.

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

-#gt; Oxycontin LP 10 mg et LP 20 mg (oxycodone)

- Stupéfiant, analgésique opioïde, agoniste pur à libération prolongée.

- Indiqué dans le traitement des douleurs chroniques d'origine cancéreuse, intenses ou rebelles aux antalgiques de niveau plus faible, chez l'adulte à partir de 18 ans.

- La posologie quotidienne totale doit être répartie en 2 prises équivalentes, à 12 heures d'intervalle.

- La dose la plus faible est recommandée pour le patient recevant des morphiniques pour la première fois. Pour celui qui a été traité antérieurement par des morphiniques, la dose est à déterminer en fonction de la dose quotidienne de morphine prise antérieurement.

- Si la douleur n'est pas contrôlée, la dose peut être augmentée par paliers de 25 à 50 % en conservant 12 heures entre chaque prise.

-#gt; Oxynorm 5 mg (oxycodone)

- Forme d'oxycodone à libération immédiate.

- Mêmes indications que l'Oxycontin LP. Cette forme peut être utilisée comme dose supplémentaire en cas d'accès douloureux non contrôlé par un traitement de fond par Oxycontin LP.

- Si la douleur n'est pas contrôlée, la dose peut être augmentée par paliers de 25 à 50 % en réduisant l'intervalle entre les prises ou en augmentant la dose à chaque prise.

-#gt; Duphalac solution buvable (lactulose)

- Laxatif osmotique.

- Indiqué dans le traitement symptomatique de la constipation.

- Posologie : 1 à 3 gobelets de 15 ml par jour en traitement d'attaque.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ -#gt; Oxycontin LP 10 mg et LP 20 mg : prendre les comprimés avec un verre d'eau, les avaler entiers sans les croquer afin de préserver le système de libération prolongée. -#gt; Oxynorm 5 mg : prendre les gélules avec un verre d'eau et noter l'heure de la prise afin de respecter l'intervalle horaire requis (au maximum six prises par jour, quatre pendant les premières quarante-huit heures). -#gt; Duphalac : prendre pur ou dilué dans un peu d'eau. Une cuillère à soupe correspond au gobelet doseur fourni.

INITIATION DU TRAITEMENT

La cause de la douleur de Mme D étant identifiée (tumeur cérébrale), son évaluation est indispensable pour la contrôler. Cette évaluation peut se faire grâce à différentes échelles (lire page 8) et par l'étude de la consommation en antalgiques.

Les valeurs biologiques caractérisant les fonctions hépatique et rénale sont normales. Aucune adaptation posologique n'est nécessaire.

SUIVI DU TRAITEMENT

Le traitement par antalgiques majeurs sera poursuivi jusqu'à l'intervention neurochirurgicale.

On surveillera en particulier :

-#gt; l'efficacité du traitement prescrit, en augmentant progressivement les doses si nécessaire,

-#gt; la tolérance au traitement : détection des effets indésirables.

L'oxycodone a des effets indésirables semblables à ceux de la morphine. Les effets indésirables des antalgiques majeurs sont souvent inconstants et transitoires, sauf pour la constipation qui est systématique. La patiente en a été informée et prend déjà un laxatif (Duphalac). Si le traitement doit être prolongé, l'arrêt de l'oxycodone devra par la suite être progressif afin d'éviter un syndrome de sevrage.

CONSEILS À LA PATIENTE

Gérer la prise des stupéfiants

-#gt; Insister sur l'observance des prises régulières d'Oxycontin LP toutes les 12 heures.

-#gt; Ne pas dépasser 8 gélules d'Oxynorm 5 mg par jour pendant les premières 48 heures.

-#gt; Présenter toute ordonnance de morphiniques dans les 24 heures suivant la date de l'établissement, car elle ne peut être exécutée que pour la durée restant à couvrir.

-#gt; Rapporter à la pharmacie tous les comprimés et gélules de Skenan et Actiskenan non utilisés.

Surveiller les effets indésirables

-#gt; Eviter toute automédication, notamment la prise des médicaments qui majorent l'effet sédatif ou accentuent la constipation : hydroxyde d'aluminium, autres dérivés morphiniques (dextropropoxyphène), antitussifs (codéine)...

-#gt; Prendre régulièrement le laxatif prescrit et signaler toute constipation éventuelle ou absence de gaz (signes d'une occlusion intestinale).

-#gt; Signaler la prise du traitement lors de toute autre consultation.

-#gt; Nausées et vomissements disparaissent généralement avec la poursuite du traitement.

Souligner l'importance des mesures hygiénodiététiques

-#gt; Proscrire les boissons alcoolisées, qui majorent la sédation.

-#gt; Boire 1,5 à 2 litre d'eau par jour, surtout en dehors des repas.

-#gt; Avoir une alimentation privilégiant les légumes verts, les céréales complètes (pain complet, au son), les fruits secs (figues, pruneaux).

Par Lilia BakirKhodja-Chorfa, Brigitte Sang, Françoise Champon et le Pr Jean Calop , service de pharmacie clinique, CEEPPPO, CHU de Grenoble

PATHOLOGIE : Que sont les douleurs sévères à intenses ?

La douleur est une plainte extrêmement fréquente, sans parallélisme avec l'intensité des lésions originelles. Les douleurs nociceptives, les plus fréquentes, sont dues à un excès de stimuli nociceptifs. Les douleurs neurogènes, liées à une atteinte des voies nerveuses, sont beaucoup plus difficiles à soulager.

L'Association internationale de l'étude de la douleur donne une définition qui illustre bien le caractère pluridimensionnel de la douleur : C'est une « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite en termes d'une telle lésion ».

L'objectif du premier Plan de lutte contre la douleur, priorité de santé publique, a été d'instaurer une véritable « culture de combat ». Une prise de conscience s'est développée chez les professionnels de santé comme chez les usagers, mais des progrès restent encore à faire.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Une enquête relative à la prise en charge de la douleur, menée auprès d'établissements de santé publics et privés, a montré qu'un quart des patients se plaint de douleurs fortes.

Côté prescription, l'augmentation de la prescription d'antalgiques de palier III est très nette depuis 1998. Elle a été de 20 % entre 1999 et 2000, contre 0,2 % pour l'ensemble des médicaments vendus en pharmacie. 80 % des médecins prescrivent des antalgiques de palier III, les généralistes davantage que les spécialistes.

PHYSIO-PATHOLOGIE

Les nocicepteurs

Le message douloureux ou nociceptif provient de la stimulation douloureuse au niveau des terminaisons nerveuses des tissus cutanés, musculaires, articulaires et viscéraux. Ce message est transmis par les nocicepteurs qui sont des fibres spécifiques des nerfs (fibres C et A delta).

L'activation des terminaisons périphériques se fait par l'intermédiaire de médiateurs libérés à proximité des récepteurs. Ainsi :

- les lésions tissulaires peuvent entraîner la libération d'ions H+ et K+ qui activent directement les nocicepteurs,

- l'inflammation sensibilise les nocicepteurs aux ions H+ et K+ par libération de prostaglandines, leucotriènes et bradykinine.

Les nocicepteurs peuvent également libérer la substance P qui les autoactive. Ils peuvent enfin provoquer la dégranulation des mastocytes, libérant histamine et sérotonine qui sont eux-mêmes des facteurs d'activation des nocicepteurs.

Les voies médullaires

La très grande majorité des fibres afférentes, après leur trajet dans les nerfs périphériques, rejoignent le système nerveux central au niveau de la corne postérieure du rachis ou leurs équivalents au niveau des nerfs crâniens.

Différents neuromédiateurs ou neuromodulateurs interviennent : les enképhalines agissent sur les récepteurs opioïdes mu au niveau présynaptique des fibres A delta et C en bloquant la libération de substance P, ce qui inhibe la transmission du message nociceptif. D'autres médiateurs peuvent intervenir au niveau médullaire : somatostatine, L-glutamate...

Les systèmes de contrôle

Au niveau périphérique, après transmission des messages nociceptifs aux centres de l'encéphale, différents contrôles vont moduler le message.

- La nociception au niveau médullaire est inhibée par les fibres afférentes A alpha et bêta, à l'origine des sensations tactiles légères. C'est ce qui justifie l'utilisation de la neurostimulation de faible intensité dans le traitement de la douleur.

- Les voies descendantes inhibitrices d'origine supraspinales sérotoninergiques et noradrénergiques permettent la libération d'endorphines.

ÉTIOLOGIES

- Les pathologies sont à l'origine de la douleur dans un tiers des cas.

-#gt; Les cancers : la douleur est le plus souvent liée au développement de la tumeur cancéreuse elle-même et des métastases, par envahissement, compression et infiltration (osseuse, nerveuse, infiltration des organes creux abdominaux, infiltration et inflammation des muqueuses et des séreuses, envahissement et nécrose des organes pleins...). Elle est parfois également la conséquence de traitements anticancéreux (20 % des cas).

-#gt; Les maladies rhumatismales : pathologies musculaires, ligamentaires, tendineuses...

- La douleur provoquée vient en deuxième position et représente 29 % des cas : 15 % sont des suites d'interventions chirurgicales, 14 % sont des douleurs induites par les soignants au cours d'actes diagnostiques et thérapeutiques (pansements...).

- La traumatologie est responsable de la douleur dans 20 % des cas (fractures...).

DIAGNOSTIC

La douleur a pour mérite, en pratique clinique, d'informer le patient d'un dysfonctionnement et d'aider le praticien à en trouver la cause. Lorsqu'une douleur se chronicise (au-delà de 3 à 6 mois), elle devient une maladie en elle-même, avec des mécanismes divers. Cette douleur est dévastatrice et nocive.

L'interrogatoire, avec une écoute attentive de la description de la douleur, ainsi que l'examen clinique minutieux sont deux étapes indispensables, non seulement pour établir le diagnostic correct d'une pathologie révélée par la douleur, mais aussi pour fournir un traitement adapté.

Pour certaines douleurs (algies faciales, céphalées...), l'interrogatoire et l'examen clinique suffisent à établir un diagnostic. Pour d'autres, des examens complémentaires (biologie, imagerie, endoscopie...) sont nécessaires.

L'interrogatoire

Il précise les caractères particuliers de la douleur.

-#gt; La topographie (siège, irradiations, douleur projetée).

-#gt; Le type de douleur (élancements, brûlure, décharge électrique, coup de poignard, en étau, tiraillements, fourmillements, lourdeur, douleur obsédante, angoissante, épuisante, déprimante).

-#gt; L'intensité.

-#gt; Le profil évolutif : le mode de début, ses circonstances, le mode d'évolution, l'horaire, l'ancienneté. Une douleur d'installation récente (moins de trois mois), aiguë et brutale, est avant tout un symptôme, un signal d'alarme. Une douleur chronique datant de plus de trois à six mois peut devenir, en raison d'un ensemble de répercussions, un syndrome et doit inciter à faire une évaluation très détaillée.

-#gt; Les facteurs d'amélioration, de soulagement et d'aggravation, comme le mouvement, la position antalgique, la respiration, la toux, l'horaire, le repas, la vie émotionnelle, le contact, le frottement, le chaud, le froid, les traitements antérieurs (avec les doses, la durée et l'observance).

-#gt; Les manifestations associées (raideur articulaire, « dérouillage » matinal, larmoiement).

-#gt; Les conséquences sur la qualité de vie (sommeil, activités physiques et professionnelles...). Les conséquences psychologiques sur l'humeur, le comportement du malade (anxiété, dépression, perte de contrôle). En effet, la douleur s'accompagne de nombreuses réactions affectives sur le malade permettant d'évaluer son importance.

Evaluation de l'intensité de la douleur

L'évaluation de l'intensité de la douleur n'a que peu d'influence pour établir le diagnostic et donc la gravité des lésions. Elle permet surtout d'identifier les sujets nécessitant un traitement symptomatique.

Différentes méthodes simples existent pour évaluer la douleur. Il s'agit soit d'une autoévaluation par description verbale, soit d'une hétéroévaluation par observation du comportement.

- Echelles d'autoévaluation

Trois sont disponibles.

-#gt; Echelle verbale simple (EVS) : il s'agit de demander verbalement au patient d'évaluer sa douleur selon 4 à 5 catégories.

-#gt; Echelle numérique (EN) : elle permet au patient de noter sa douleur de 0 à 10.

-#gt; Echelle visuelle analogique (EVA) : elle se présente sous la forme d'une ligne horizontale de 100 millimètres, orientée de gauche (douleur absente) à droite (douleur maximale imaginable). Le patient trace une croix sur la ligne comme réponse.

Une douleur est classée sévère pour une EN ou EVA supérieure ou égale à 6 sur 10.

Ces échelles sont rapides et simples à utiliser, permettant des mesures répétées afin d'étudier la réponse à un traitement antalgique. Elles permettent également, en les couplant avec l'interrogatoire, d'évaluer la douleur dans les diverses activités de la vie courante (marche, repos, position...) et lors des manoeuvres, au cours de l'examen clinique visant à reproduire la douleur.

- Echelle d'observation comportementale

Chez certains malades, la communication orale n'est pas possible (problème de langue, jeune enfant, personne âgée, troubles de la conscience). D'autres échelles validées existent alors, comme l'échelle d'observation comportementale (EOC). Ce sont des critères d'observation au cours de l'examen qui doivent aider le jugement : mimiques, front plissé, visage crispé, gémissements, impossibilité de marcher, position antalgique, mouvements précautionneux... Une douleur est classée sévère pour une EOC supérieure ou égale à 8 sur 10.

Le « bonhomme douleur » à colorier ou l'échelle FPS (facial pain scale), qui propose six visages exprimant la douleur, sont également utilisés chez l'enfant.

Examen clinique

Le malade est examiné allongé et debout, mais aussi à la marche si les douleurs ne sont pas trop intenses.

L'examen clinique note, entre autre :

-#gt; les impotences fonctionnelles,

-#gt; les mouvements précautionneux qui signalent la douleur,

-#gt; les attitudes antalgiques.

Diverses manoeuvres, spécifiques de chaque organe, existent afin de rechercher une douleur provoquée et mieux identifier le mécanisme à l'origine de la douleur ou l'organe touché.

Un examen de la sensibilité cutanée, dans la région douloureuse et par comparaison avec une autre région, peut mettre en évidence des signes d'hyperesthésie et/ou des signes de déficit (hypoesthésie, anesthésie).

ÉVOLUTION

La prise en charge de la douleur doit être globale, somatique et psychologique. Elle a pour objectif d'améliorer la qualité de vie du patient. Si nécessaire, elle doit se faire par toute une équipe soignante et s'étendre aux proches du malade.

Une attitude d'écoute, de compréhension, d'explication et de soutien permet de diminuer l'anxiété provoquée par les douleurs et potentialise les effets antalgiques des traitements proposés.

Toute douleur, surtout si elle est intense, doit être traitée rapidement par un traitement antalgique symptomatique. Une douleur intense ou très intense peut relever d'emblée de la prescription d'un morphinique. En effet, une douleur qui persiste et dure peut avoir des conséquences physiques et psychologiques sur le malade, poser des difficultés pour entreprendre des investigations cliniques et/ou paracliniques, et perturber l'initiation du traitement étiologique.

Une évaluation clinique régulière de l'efficacité et de la tolérance de l'antalgique est fondamentale afin d'optimiser le traitement entrepris, ceci plus particulièrement dans les condivs posttraumatiques ou postopératoires, où des complications pathologiques peuvent survenir et exiger un traitement étiologique. Cette évaluation permet surtout d'éviter une inutile escalade posologique ou des recours thérapeutiques inappropriés.

Par le Dr Béatrice Paillat, généraliste, en collaboration avec le Dr Jacques Meynadier, anesthésiste-réanimateur

THÉRAPEUTIQUE : Comment traiter les douleurs sév ères à intenses ?

La morphine est la molécule de référence pour le traitement des douleurs intenses par excès de nociception. Le fentanyl, l'hydromorphone et l'oxycodone sont réservés à la prise en charge des douleurs intenses chroniques d'origine cancéreuse. L'utilisation de la buprénorphine et de la nalbuphine est plus limitée.

Un traitement analgésique par opioïdes forts se justifie soit d'emblée, lorsque les douleurs aiguës ou chroniques sont intenses, soit lorsqu'un traitement bien conduit par les antalgiques de palier I et II s'est révélé insuffisant.

OPIOÏDES AGONISTES PURS

Leur efficacité antalgique et leurs effets indésirables sont communs car ils agissent tous en activant, au niveau du système nerveux central, des récepteurs opioïdes mu de façon totale et sans effet plafond.

Morphine

- Formes galéniques

La voie orale (sulfate de morphine) est à privilégier pour sa facilité d'utilisation et son confort. Le recours à une forme à libération prolongée avec une à deux administrations par jour constitue un traitement de fond tandis que la forme à libération immédiate, avec une administration toutes les 4 h, permet de traiter les douleurs aiguës intenses ou les pics douloureux (voir tableau page 13).

La voie intraveineuse (chlorhydrate de morphine) permet de soulager rapidement une douleur aiguë. L'administration sous-cutanée est intéressante dans un condiv de soins de fin de vie.

- Posologie

La dose usuelle pour initier un traitement per os est de 60 mg/j mais une posologie inférieure peut suffire chez la personne âgée. Chez l'insuffisant rénal, la posologie doit être réduite en raison de l'élimination de la morphine sous la forme d'un métabolite actif. Les doses sont ensuite ajustées en fonction de l'évolution de la douleur.

Quelle que soit la voie d'administration, il n'y a pas de limite supérieure de dose tant que la tolérance est bonne.

QUELLES SONT LES INTERACTIONS AVEC LES OPIOÏDES ?

Fentanyl

Le fentanyl, très liposoluble, est 75 à 100 fois plus puissant que la morphine.

- Fentanyl transdermique : Durogesic

C'est une alternative à la voie orale lors du traitement de douleurs chroniques stables d'origine cancéreuse intenses ou rebelles. Le dispositif transdermique permet une délivrance systémique de fentanyl continue pendant 72 h qui ne débute que progressivement lors de la première application et se stabilise 12 à 24 h plus tard. Une couverture antalgique par de la morphine à libération immédiate peut être nécessaire durant cette période. L'adaptation des doses se fait par palier de 25 à 50 % jusqu'à l'obtention d'une analgésie satisfaisante. Après retrait du patch, la concentration plasmatique diminue de 50 % environ sur une période de 13 à 22 heures. Sous cette forme, le fentanyl semble entraîner une constipation moindre par rapport à la morphine.

Il est recommandé d'utiliser un nouveau site d'application à chaque pose. Les dispositifs usagés, pliés en deux et placés dans les systèmes de récupération fournis dans l'emballage, doivent être retournés à la pharmacie.

- Fentanyl transmuqueux : Actiq

Cette forme est indiquée pour le traitement des accès douloureux aigus chez des patients recevant déjà un traitement de fond morphinique. Le dispositif buccal, appliqué entre la joue et la gencive, doit être déplacé activement jusqu'à dissolution complète. L'antalgie apparaît en 15 à 60 minutes. Le traitement est initié avec une dose de 200 µg puis adapté en fonction de l'évolution des accès douloureux. Si le patient n'utilise pas la totalité de la dose, le reste doit être dissous sous l'eau chaude du robinet. Le dispositif doit être placé dans le conteneur fourni avec la boîte, et retourné à la pharmacie.

Hydromorphone

L'hydromorphone (Sophidone LP) possède les mêmes propriétés pharmacologiques que la morphine avec une activité 7,5 fois plus importante. C'est un traitement de deuxième intention indiqué dans la douleur cancéreuse en cas d'intolérance ou de résistance à la morphine. L'hydromorphone est disponible uniquement sous forme de gélules à libération prolongée (12 h). Son efficacité clinique et sa tolérance sont comparables à celles de la morphine.

Oxycodone

L'oxycodone est disponible sous forme à libération prolongée (Oxycontin LP) et à libération immédiate (Oxynorm). Son utilisation est réservée aux douleurs intenses d'origine cancéreuse. Son action antalgique est qualitativement similaire à celle de la morphine. La posologie dépend de l'intensité de la douleur et de la quantité de morphine prise antérieurement. Une posologie réduite est recommandée chez l'insuffisant rénal et l'utilisation de la forme LP est contre-indiquée en cas d'insuffisance hépatique ou rénale sévère.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Péthidine

L'action analgésique de la péthidine est cinq à dix fois plus faible que celle de la morphine. Elle s'administre par voie IV ou IM, la voie sous-cutanée étant à proscrire en raison d'un risque de nécrose. Son utilisation en cas de syndrome subocclusif est intéressante car la constipation est moindre.

Effets indésirables communs

- Troubles gastro-intestinaux

-#gt; La constipation persiste tout au long du traitement et nécessite le recours systématique à des mesures hygiénodiététiques et à des laxatifs.

-#gt; Les nausées et vomissements sont fréquents mais disparaissent généralement au bout de cinq à dix jours. L'utilisation d'antiémétiques est possible durant quelques jours.

- Somnolence

Elle survient généralement en début de traitement et disparaît en quelques jours. Eviter la conduite automobile. La persistance ou la réapparition d'une somnolence ou d'une confusion doit faire rechercher un surdosage.

- Confusions, hallucinations

Plus rares, elles peuvent être le signe d'une accumulation de morphiniques et nécessiter une diminution des doses ou un changement de traitement.

- Prurit

C'est un effet rare, limité à la face et au torse, dû à l'effet histaminolibérateur des morphiniques.

- Effets respiratoires

La morphine exerce un effet dépresseur respiratoire, épaissit les sécrétions bronchopulmonaires et diminue le réflexe de toux. La surveillance de la fréquence respiratoire doit être renforcée chez l'insuffisant respiratoire et l'asthmatique.

AUTRES ANTALGIQUES OPIOÏDES

Au niveau du système nerveux central, ils activent de façon partielle certains récepteurs opioïdes et en inactivent d'autres, ce qui est à l'origine d'une efficacité antalgique limitée avec un effet plafond. Ils ne doivent jamais être prescrits simultanément entre eux ou avec des agonistes opioïdes purs en raison du risque de survenue d'un syndrome de sevrage.

Buprénorphine

La buprénorphine (Temgésic) est un agoniste partiel des récepteurs opioïdes mu. Indiquée dans les douleurs intenses postopératoires ou néoplasiques, elle s'administre par voie sublinguale, ce qui permet d'éviter un important effet de premier passage hépatique. Le délai d'action est de 15 à 60 minutes et la durée d'action d'environ 8 h. L'effet antalgique augmente proportionnellement à la dose mais un effet plafond est atteint à partir de 1,2 mg. La buprénorphine est inscrite sur liste I mais est soumise à une prescription sur ordonnance sécurisée.

Nalbuphine

Antalgique d'efficacité intermédiaire (activation partielle des récepteurs opioïdes kappa), la nalbuphine est utilisée uniquement par voie parentérale et dans la prise en charge des douleurs postopératoires de l'enfant de plus de 18 mois. Sa durée d'action est de 2 à 4 h.

CONDUITE DU TRAITEMENT

Rotation des opioïdes

Le principe de la rotation des opioïdes dans le cadre d'un traitement chronique repose sur le remplacement d'un opioïde agoniste pur par un autre quand l'effet antalgique s'épuise ou que surviennent des effets indésirables rebelles. Les opioïdes ont en théorie le même profil d'effets indésirables mais il existe une grande variabilité inter- et intra-individuelle dans la tolérance de chaque malade. La rotation doit tenir compte des doses équianalgésiques : 4 mg d'hydromorphone sont équivalents à 30 mg de morphine per os, 10 mg d'oxycodone à 20 mg de morphine per os, et 25 mg de fentanyl à 60 mg.

Surdosage

Dans le cadre d'un traitement chronique bien suivi et régulièrement évalué, les risques de surdosage en opioïdes forts sont faibles. Un surdosage se manifeste essentiellement par une somnolence croissante accompagnée d'une diminution de la fréquence respiratoire pouvant évoluer vers une insuffisance respiratoire.

Antalgie contrôlée par le patient

La technique repose sur l'auto-administration par le patient de doses prédéterminées de morphine à l'aide d'une pompe programmable par voie intraveineuse ou sous-cutanée.

Initialement utilisée pour la prise en charge des douleurs postopératoires puis pour le traitement des douleurs chroniques, l'antalgie contrôlée par le patient (PCA) permet de maintenir une couverture antalgique efficace. En traitement chronique, elle associe une perfusion continue de morphine et l'administration de bolus à la demande du patient. Les modalités d'administration (dose, fréquence) sont prédéterminées par le médecin grâce à un système informatisé inclus dans la pompe. La mise en place de la PCA à domicile nécessite l'éducation et la coopération du malade et de son entourage et une coordination étroite entre médecin, infirmière et pharmacien.

DÉLIVRANCE DES STUPÉFIANTS

- Règles de prescription

Une prescription de stupéfiants doit être rédigée sur une ordonnance sécurisée. Le nombre d'unités par prise, le nombre de prises et le dosage doivent être indiqués en toutes lettres par le médecin. Le nombre de présentations prescrites est inscrit dans le carré en bas à droite de l'ordonnance. L'ordonnance ne doit pas avoir été modifiée par ratures ou surcharges.

- Durée de validité

L'ordonnance doit être présentée dans les 24 h. Au-delà, elle ne pourra être exécutée que pour la durée de traitement restant à courir.

- Déconditionnement

Le déconditionnement des spécialités est obligatoire de façon à délivrer le nombre d'unités prescrites.

- Registres comptables

L'enregistrement de la délivrance à l'ordonnancier des stupéfiants et la tenue du registre comptable sont obligatoires.

La durée d'archivage de ces documents est de 10 ans. Une copie de l'ordonnance est conservée durant 3 ans.

- Chevauchement

Le chevauchement d'ordonnances n'est pas possible sauf mention expresse du prescripteur.

PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES

La variété de présentations et de dosages des molécules disponibles permet aujourd'hui une prise en charge adaptée de la douleur. L'évolution des formes galéniques et l'avènement des associations (ex. : morphine + paracétamol) devraient également permettre une meilleure prise en charge de la douleur.

Par Chrystelle Rey, pharmacienne, CHU de Grenoble

CONSEILS AUX PATIENTS

Evaluer la douleur

-#gt; La perception et l'évaluation par le patient de l'intensité initiale de la douleur et de son évolution en cours de traitement sont fondamentales. Elles permettent au médecin d'identifier les mécanismes et de définir une stratégie thérapeutique. En cas d'inefficacité du traitement, ne pas attendre plus de 48 h pour consulter un médecin.

-#gt; Le patient atteint de la maladie d'Alzheimer ou très handicapé, le petit enfant et le nourrisson sont incapables de communiquer leur ressenti. Agitation, désintérêt, repli sur soi, crispation du visage, pleurs et gémissements sont des signes révélateurs de douleur. L'entourage doit se montrer attentif et signaler aux soignants d'éventuels changements de comportement.

Dédramatiser et rassurer

-#gt; Informer le patient que les morphiniques ont une efficacité antalgique importante et que, bien utilisés, ils ne conduisent pas à des phénomènes de dépendance dans les condivs douloureux.

-#gt; Rappeler les principaux effets indésirables et leurs moyens de prévention pour améliorer l'acceptation et l'observance du traitement. Préciser que la survenue de ces effets n'est pas toujours synonyme de surdosage mais liée à l'action pharmacologique des opioïdes.

- Constipation : c'est un effet indésirable systématique qui doit être prévenu dès le premier jour du traitement par opioïdes, sans attendre l'apparition de douleurs abdominales. Conseiller au patient de maintenir son activité physique, de boire régulièrement de petites quantités de liquide (1,5 à 2 l par jour), de consommer des légumes et fruits cuits ou crus, des fruits secs et en conserve et de limiter les aliments ralentissant le transit (riz, chocolat). Préciser que le traitement par laxatifs ne doit pas être interrompu. En cas d'inefficacité (moins d'une selle par semaine), une consultation médicale s'impose.

- Nausées et vomissements : ils peuvent se produire en début de traitement et nécessiter un antiémétique la première semaine.

- Somnolence : elle ne doit pas persister plus de 3 ou 4 jours (« dette » de sommeil). Au-delà, elle doit être signalée au médecin pour réévaluer la posologie. La conduite d'un véhicule peut présenter des risques et n'est pas conseillée.

- Bouche sèche : cette sensation est fréquente et peut être combattue en consommant fréquemment de petites quantités de boissons, glaces, fruits ou laitages, et en humidifiant la bouche à l'aide d'un brumisateur d'eau.

Bien gérer les prises

-#gt; Les antalgiques doivent être utilisés en respectant les doses et les horaires de prise définis, même si la douleur semble moins intense. -#gt; Les patchs de fentanyl doivent être changés tous les 3 jours. La date de pose peut être notée sur le patch au stylo bille.

-#gt; Les interdoses sont les doses de morphine à libération immédiate associées à un traitement de fond par morphinique. Elles permettent l'ajustement des posologies, quand l'antalgie est insuffisante, et le contrôle ponctuel des accès douloureux liés par exemple à la mobilisation du patient pour un examen, une toilette ou la réalisation d'un pansement. Elles correspondent en règle générale à 10 % de la dose de morphine de 24 h : ainsi, un patient recevant 400 mg de morphine par 24 h aura des interdoses de 40 mg.

-#gt; Dans le cas d'un traitement prolongé, une diminution progressive des doses par paliers de 30 à 50 % en une semaine environ est recommandée. La réapparition de la douleur ou la survenue d'un syndrome de sevrage sont à surveiller.

Utilisation chez la femme enceinte

La morphine peut être utilisée au cours du premier trimestre de la grossesse pour traiter une douleur durant quelques jours ou semaines sans qu'un risque tératogène soit à craindre. En fin de grossesse, si la durée du traitement est supérieure à une semaine, la posologie de la morphine sera progressivement diminuée pour éviter la survenue d'un syndrome de sevrage chez le nouveau-né.

Par Chrystelle Rey

L'AVIS DU SPÉCIALISTE : « Les centres de la douleur accueillent les patients en échec thérapeutique »

Le Dr Jean-Pierre Alibeu (centre de la douleur de l'adulte et de l'enfant, CHU de Grenoble) est président du Comité de lutte contre la douleur (Clud).

Comment fonctionne un centre de la douleur ?

Un centre de la douleur est une structure pluridisciplinaire au sein d'un établissement de santé qui accueille les patients adressés par leur médecin traitant, généraliste ou spécialiste. Ces patients sont souvent en échec thérapeutique parce qu'ils souffrent de pathologies complexes qui nécessitent une prise en charge multiple (anesthésiste, neurologue, psychologue, hypnose...). Des thérapeutiques particulières comme la neurostimulation électrique ou certaines thérapies médicamenteuses sont initiés par le centre.

Environ 30 % des patients accueillis souffrent de douleurs neuropathiques, et 15 % de migraines. Seuls 10 % sont atteints de cancers (ces patients étant plutôt pris en charge par les équipes d'oncologie). Il existe en effet des recommandations de bonnes pratiques, les SOR (standards, options, recommandations), qui harmonisent la prise en charge du patient cancéreux, aussi bien pour le traitement que pour l'évaluation et la prise en charge de la douleur, qu'elle soit spontanée ou provoquée par les soins.

Les pharmaciens sont-ils associés à la lutte contre la douleur ?

Le rôle du pharmacien hospitalier est très important. A Grenoble, il fait partie du Clud qui a en charge l'harmonisation de la prise en charge de la douleur à l'hôpital. En ville, il peut être associé à des réseaux de prise en charge, qui sont des relais entre établissement et patient.

Dr Jean-Pierre Alibeu, interrogé par Florence Bontemps

POUR EN SAVOIR PLUS

NTERNET

Société française d'études et de traitement de la douleur

http://www.setd-douleur.org

« Les antalgiques prescrits hors AMM », « Que pensent les malades de la morphine ? », « L'hypnose et la douleur » sont quelques exemples d'articles disponibles sur le site de la Société française d'études et de traitement de la douleur. L'accès à la partie professionnelle nécessite une inscription en ligne. Les articles, tous signés et datés, sont classés en différentes rubriques : mises au point, recommandations, cas cliniques, actualités scientifiques... Les divs du « Livre blanc de la douleur » sont accessibles en version PDF, avec notamment une étude de la Sofres auprès du grand public sur la perception de la prise en charge de la douleur en France. La rubrique « Pratique » permet d'accéder à la liste des centres antidouleur et des comités de lutte contre la douleur par département. Un site vraiment très complet.

LIVRES

Douleurs aiguës, douleurs chroniques, soins palliatifs

Coordination F. Boureau, éditions Med-Line

Cet ouvrage est aussi riche en données théoriques qu'en conseils sur la prise en charge pratique des douleurs. Elles sont ainsi traitées par profil : douleurs cancéreuses, neuropathiques, céphalées et algies de la face, lombalgies, douleur de l'enfant. Une large place est consacrée aux stratégies d'évaluation et de traitement des malades en fin de vie.

Destiné aux médecins et étudiants en médecine, le livre est écrit dans un langage accessible à tous.

Les différents paliers de la douleur de l'OMS

L'OMS a établi une échelle qui encadre la prescription des antalgiques. Elle classe la douleur selon 3 paliers :

- Palier I, douleur légère à modérée. Traitement : antalgiques périphériques associés ou non à des traitements adjuvants.

- Palier II, douleur modérée à sévère, ou ayant résisté aux antalgiques de palier I.

Traitement : opiacés faibles associés ou non à des antalgiques périphériques.

- Palier III, douleur sévères à intenses.

Traitement : analgésiques centraux morphiniques associés ou non à des antalgiques non opiacés et/ou adjuvants.

Le passage d'un palier au suivant est effectué lorsque le traitement du palier précédent, utilisé à dose optimale, est insuffisant ou inefficace.

Complications d'une douleur aiguë

-#gt; Les complications physiques

Une douleur intense et persistante entraîne des réponses réflexes sympathiques motrices risquant d'aggraver le patient ou de perturber ses facultés d'adaptation.

Ainsi :

- chez certains traumatisés des membres, ces réponses réflexes facilitent la persistance de contractures musculaires, de points douloureux et peut-être de syndromes algodystrophiques ultérieurs ;

- dans les opérations thoraciques ou abdominales, elles facilitent l'encombrement et l'infection pulmonaire ;

- dans l'infarctus du myocarde, elles favorisent une augmentation du travail cardiaque, avec risque de majorer l'infarctus ;

- dans l'ischémie aiguë d'un membre, elles risquent d'augmenter l'ischémie périphérique par vasoconstriction ;

- au cours de l'accouchement, la douleur peut perturber le déroulement du travail en provoquant, par épuisement de la mère, surtout en phase d'expulsion, des effets néfastes pour le foetus.

-#gt; Les complications psychologiques et comportementales

Troubles du sommeil, anxiété, repli sur soi, irritabilité, incapacité fonctionnelle, professionnelle, dépression, suicide...

Autres traitements de la douleur sévère

- Des techniques complémentaires des traitements médicamenteux existent pour soulager la douleur : traitements physiques (massage, kinésithérapie, physiothérapie, balnéothérapie...) ou méthodes comportementales (relaxation, hypnose...) qui visent à diminuer l'anxiété et le stress et à minorer la perception de la douleur.

- Certains antidépresseurs et antiépileptiques sont utilisés comme antalgiques dans le traitement des douleurs neuropathiques liées à un dysfonctionnement du système nerveux central ou périphérique. Ces médicaments agissent spécifiquement sur la conduction des fibres nerveuses lésées. Les posologies initiales sont faibles puis augmentées progressivement en fonction de la tolérance. En raison de leur mécanisme d'action, les morphiniques sont peu efficaces sur ce type de douleur.

- En cas de douleurs cancéreuses, la radiothérapie permet de diminuer le volume de la tumeur et de limiter l'inflammation. L'effet antalgique n'est pas toujours immédiat, il peut apparaître en quelques semaines. La chimiothérapie réduit le volume de la tumeur mais elle peut aussi être responsable de douleurs selon la toxicité des molécules utilisées.

Contre-indications absolues

-#gt; Applicables à la morphine et à l'ensemble des morphiniques

- Insuffisance respiratoire décompensée (en l'absence de ventilation artificielle).

- Insuffisance hépatocellulaire sévère.

- Epilepsie non contrôlée.

- Association avec l'alcool.

- Allaitement maternel.

- Traumatisme crânien et hypertension intracrânienne (lors d'une administration aiguë).

-#gt; Spécifiques

- Fentanyl : douleurs postopératoires, administration concomitante ou interrompue depuis moins de 2 semaines d'inhibiteurs de la monoamine-oxydase (IMAO).

- Hydromorphone : enfant #lt; 7 ans, douleur aiguë.

- Oxycodone : enfant #lt; 18 ans.

- Péthidine : nourrisson #lt; 6 mois.

- Buprénorphine : enfant #lt; 7 ans.

- Nalbuphine : nourrisson de moins de 18 mois, douleur abdominale non diagnostiquée.

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