Sexagénaire cherche second souffle - Le Moniteur des Pharmacies n° 2597 du 01/10/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2597 du 01/10/2005
 

Actualité

Enquête

La Sécurité sociale a soixante ans. Mais après trente années de remise en cause, vingt de médiatisation du « trou » et dix de plan Juppé, l'édifice tremble sur ses fondations. Dangereusement. Fêterons-nous les soixante-dix ans ? Eléments de réponse.

Nous nous apprêtons à commémorer le soixantième anniversaire de notre système de protection sociale, créé le 4 octobre 1945. Mais existe-t-il toujours ? Sur le fond, certainement : plus de 90 % de notre population est désormais couverte. Mais, sur la forme, ses principes sont battus en brèche. Par opposition à l'assistance sociale, on souhaitait il y a 60 ans un système basé sur l'assurance sociale, où chaque « travailleur » acquière lui-même, par ses cotisations, le droit d'être couvert contre un certain nombre de risques sociaux. Or on voit, au tournant des années 1990 et 2000, que le système se réoriente en partie vers l'assurance privée d'un côté, et l'assistance sociale de l'autre. La branche maladie est de plus en plus financée par la CSG, donc par l'impôt qui supplante la cotisation. Elle est de surcroît de plus en plus « gouvernée » par l'Etat, même si nos dirigeants font mine de déléguer aux partenaires sociaux. La branche famille a, elle, depuis longtemps rebasculé vers l'Etat.

Statu quo.

De fait, le système n'a fonctionné comme on le prévoyait que lors des Trente Glorieuses. Outre le fait qu'il a permis à l'Etat et aux entreprises d'acheter une certaine paix sociale, il a même été durant cette période un véritable instrument de politique économique (relances via la demande intérieure). Il a procuré des centaines de milliers d'emplois dans le secteur sanitaire et social et les administrations. Mais dès l'apparition du chômage chronique, au milieu des années 70, et donc de l'« effet ciseaux » dépenses/recettes, le système s'est grippé. Si les années 80 ont été celles du statu quo (replâtrages par croissance des cotisations), l'échec des politiques de relance par Jacques Chirac, en 1974-75, et par Pierre Mauroy, en 1981-82, sonnait déjà le glas des politiques keynésiennes en France. Depuis, notre protection sociale est souvent vue, au plan économique, comme une charge (coût du travail, endettement). Le maintien du pouvoir d'achat, auquel participe la Sécurité sociale, assure moins qu'avant la relance, de plus en plus de produits consommés étant importés.

Cocktail explosif.

Parallèlement, la priorité est donnée depuis 20 ans à la lutte contre l'inflation, incompatible avec des déficits. Voilà pourquoi le ton a singulièrement changé. Voilà pourquoi les années 90 furent celles du début des restructurations et de la maîtrise des dépenses. Ajoutez à cela le poids croissant de la dette (la Sécu vit à crédit depuis 13 ans) et l'encadrement des déficits publics voulu par l'Europe, et vous obtenez un cocktail explosif pour les années à venir. Et les réformes de l'assurance maladie (2004) et des retraites (2003) ? Elles semblent notoirement insuffisantes (voir page 26), d'autant que même la croissance économique ne suffira plus à compenser les dépenses. De surcroît, selon la Cour des comptes, la maîtrise n'a guère d'effet car « les engagements pris par les professions [de santé] n'ont quasiment jamais été tenus ».

De fait, nombre de principes de 1945 semblent appartenir à l'histoire. Sur le plan de l'organisation, la caisse et le guichet unique (pour tous les travailleurs, salariés, indépendants, agriculteurs... et pour toutes les prestations, santé, retraite, famille...) n'ont jamais existé ; il a fallu des dizaines d'années pour arriver à une couverture universelle... mais avec le complément du privé et de l'Etat ; l'Etat a toujours dû (voulu ?) s'ingérer dans le système ; les cotisations, donc les salariés, n'ont pour ainsi dire jamais suffi au financement (en raison de charges « indues » clamaient les syndicats). L'idée de « salaire différé » apparentée à toutes les prestations sociales est de ce point de vue faussée ; l'uniformité des prestations est de moins en moins vraie...

Pourtant il n'y a jamais eu de grand chamboulement en raison de la fragmentation du système, de la place des syndicats et du corporatisme qu'il génère. Cette fragmentation impliquerait une multiplication des négociations qui s'est jusqu'ici avérée pour ainsi dire insurmontable. Enfin, le fondateur, Pierre Laroque, affirmait dans ses mémoires qu'il fallait éviter de voir « s'édifier une administration énorme au personnel bureaucratique et paperassier ». On sait ce qu'il en est...

Malgré toutes ces lézardes, il reste que la Sécurité sociale a largement limité une récession sociale qui explose aujourd'hui à la figure de certains pays. Cela valait bien un « bon anniversaire » !

Les objectifs de 1945

Le Conseil national de la résistance (1944) prévoyait un « plan de sécurité sociale » assurant la subsistance à tout citoyen dans l'incapacité de se l'assurer par le travail. Un système financé par les intéressés (cotisations) et géré par eux (partenaires sociaux). Pierre Laroque (photo ci-contre), membre du Conseil d'Etat et ministre du Travail en 1945, fut chargé de l'élaborer, avec quatre objectifs majeurs :

« I. [...] Fournir à tous les hommes et toutes les femmes en état de travailler [...] une activité rémunératrice. Elle commande l'élimination du chômage. Elle suppose ainsi d'abord une organisation économique adaptée assurant le plein emploi [...].

II. Que l'activité fournie à chaque travailleur lui procure les ressources suffisantes [...] pour tous les siens.

III. Il ne suffit pas de fournir aux travailleurs une activité rémunératrice, il faut lui en garantir la conservation.

IV. [...] Parer aux conséquences de la perte possible par le travailleur de son activité rémunératrice [...] par l'attribution d'un revenu de remplacement [...]. »

Historiquement, la Sécu fut un mélange des conceptions énoncées dans les années 40 par l'Anglais Beveridge, père du National Health Service, et du système bismarckien, première protection sociale assurancielle.

La Sécurité sociale a soixante ans

- Début du XIXe siècle

Développement des sociétés de secours mutuel en France ; création en réaction des oeuvres sociales patronales, notamment par l'Union des industries et métiers de la métallurgie.

- 1860 Premières assurances collectives privées « accidents du travail ».

- 1893 Loi sur l'assistance médicale gratuite.

- 1898 Loi sur les accidents du travail.

- 1904 Loi sur les enfants assistés.

- 1905 Loi sur les vieillards, les infirmes et les incurables.

- 1910 Création d'un régime d'assurance obligatoire pour les salariés du commerce et de l'industrie. Loi sur les retraites ouvrières et paysannes.

- 1913 Lois sur les femmes en couche et sur les familles nombreuses et nécessiteuses.

- 1928-1930 Lois sur les assurances sociales obligatoires pour les risques maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès.

- 1932 Loi sur les allocations familiales.

- 1945 Première ordonnance portant organisation de la sécurité sociale.

- 1946 Principales lois et décrets d'application. Les non-salariés refusent d'entrer dans le système.

- 1948-61 Création échelonnée de régimes d'assurance vieillesse et d'assurance maladie d'une part pour les non-salariés, les professions libérales...

- 1958 Création d'une assurance chômage.

- 1967 Réforme institutionnalisant la différenciation administrative et financière entre les quatre branches de sécurité sociale (création des CNAMTS, CNAVTS, CNAF, ACOSS).

- 1975 Généralisation à l'ensemble de la population active de l'assurance vieillesse obligatoire.

- 1979 Création de la commission des comptes de la Sécurité sociale.

- 1983 Première élections à la tête de la Sécurité sociale depuis 1962. Le « trou de la Sécu » devient pour la première fois un thème central des hommes politiques.

- 1986 Des centaines de milliers de personnes dans la rue pour la défense de la Sécurité sociale.

- 1988 Création du RMI.

- 1990 Création de la CSG.

- 1992 Transformation des déficits en dette.

- 1993 Forte aggravation des comptes, les déficits passant de 1,5 % à 5 % des dépenses.

Création du fonds de solidarité vieillesse (reprise de l'ensemble de la dette par l'Etat) mais l'endettement continue.

- 1992 et 2000 Réforme des allocations chômage.

- 1993 et 2003 Réforme des retraites.

- 1995 Plan Juppé : réforme des dépenses de santé, création des lois annuelles de financement de la Sécurité sociale. Deux millions de personnes descendent dans la rue manifester.

- 1996 Création de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) pour rembourser la dette.

- 1999 Création de la couverture maladie universelle (CMU).

- 2004 Réforme de l'assurance maladie (retraites complémentaires par capitalisation).

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